UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT - PARIS 7 FACULTÉ DE MÉDECINE Année 2016 n° ________ THÈSE POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE PAR NOM : SMADJA Prénom : Laura Date et Lieu de naissance : 06/07/1986 à Paris Présentée et soutenue publiquement le : 15 Mars 2016 Exploration des représentations des bénéfices et risques du traitement chez les patients sous anticoagulants oraux. Création d’un outil Internet et/ou Smartphone d’aide au suivi et à la surveillance des patients sous anticoagulants. Président de thèse : Professeur MAHE Isabelle Directeur de thèse : Professeur AUBIN AUGER Isabelle MEDECINE GENERALE 1 REMERCIEMENTS A Madame le Professeur Isabelle MAHE, présidente du jury Je vous remercie d’avoir initié ce projet et de m’avoir permis de travailler sur ce sujet. Vous me faites l’honneur de présider cette thèse. Je vous exprime toute ma gratitude et mon profond respect. A Madame le Professeur Isabelle AUBIN AUGER, directrice de thèse Je vous remercie d’avoir dirigé cette thèse. Merci de vous être rendue disponible pour nous guider et nous conseiller durant ce travail. Merci pour votre aide précieuse du début jusqu’à la fin de ce projet, de vos encouragements à chacune de nos rencontres ou de mails échangés qui ont permis de faire aboutir ce travail. Soyez assurées de ma sincère reconnaissance pour votre disponibilité, votre soutien, votre gentillesse, vos corrections et vos conseils avisés, qui m'ont permis d'accomplir ce travail. A Madame le Docteur Caroline ZANKER, membre du jury mais également chef de service des urgences de l’Institut Hospitalier Franco-Britannique. Merci de ton encadrement quotidien, de ta gentillesse, de la confiance que tu nous accordes au quotidien. Merci pour ton soutien dans la réalisation de notre travail et de faire partie de notre jury. A Monsieur le Professeur JUVIN, membre du jury Je vous remercie de faire partie de notre jury. Vous me faites l’honneur d’assister à cette soutenance de thèse et de juger ce travail. A tous mes « maitres de stage » qui m’ont appris et fait aimer la médecine, accompagné et fait progresser depuis tant d’années. A Pascal en particulier... 2 RCIEMENTS PERSONNELS Maman, merci pour ta douceur, pour ta patience et ta motivation au quotidien à chacune des étapes…jusqu’à la correction de mon travail. Papa, merci pour tes encouragements, pour réussir à m’expliquer la médecine en comparant les « tuyaux » du corps humain aux tuyaux de plomberie. Sans vous je ne serai pas là. Vous m’avez permis d’arriver là où j’en suis (et en me supportant en plus !!), vous m’avez ouvert toutes les portes et fait en sorte que tout ce parcours devienne possible. C’est moi qui suis fière de vous. Greg, mon mari. A notre construction. A notre amour. A notre vie. Merci d’être près de moi à chaque instant et de me pousser pour obtenir toujours le meilleur. Yoyo, Rebek. Vous êtes mes essentiels. Même à des milliers kilomètres, notre folie m’est indispensable pour avancer. A mes grands-parents, qui me poussent et me soutiennent tout le temps. A ma taty qui est ma 3ème grand-mère, à qui je dois en plus ma première consultation. A vos transmissions culturellement fantasques. A la mémoire de mon grand-père. Je sais comme tu aurais été fier aujourd’hui… A Cindy. Ma belle-sœur, ma grande sœur… A mes 2 petits princes, Gabriel et Idan. A la folie de l’amour de l’univers. A Nathan. A tout ce que tu nous apportes (de l’exotisme panaméen à tes créations), au bonheur que tu offres à ma sœur. Rien ne m’est plus important. A beau pap’ et belle mam’. Une autre occasion de vous remercier de votre accueil si chaleureux dans votre famille. Merci de tout ce que vous m’apportez, de votre gentillesse et de votre joie. A Liora et Jérémie, à Nanor, à Alex et Gali. Merci de la place que vous m’avez faite au sein de votre famille. A nos soirées, nos discussions, nos rigolades. Et que la famille continue de s’agrandir très vite ;) A Dadou et Nao. Mes petites merveilles. Continuez à être pleins de vie, à nous faire rire, à nous offrir tant de tendresse. A Karen, Liora, Daniel, Franck, Julien. Ma deuxième famille. A nos souvenirs passés et nos futurs souvenirs. A notre amitié pour la vie. A Morgane. Du premier jour de l’internat à aujourd’hui. Merci aussi de m’avoir faite rentrer dans ce travail. A Helen. La rencontre de nos 2 folies a été tellement compatible. A ton amitié, ton anxiolytisme, à nos délirs. A ma Caro. A mes amis A l’équipe de ouf de l’IHFB !! 3 SOMMAIRE REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................ 2 INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 7 1 - L’Arythmie Cardiaque par Fibrillation Auriculaire : ......................................................................................... 7 2 - La Maladie Thrombo Embolique Veineuse : ..................................................................................................... 8 3 - Indications aux traitements anticoagulants : ...................................................................................................... 9 3.1 - Epidémiologie : ……………………………………………………………………………………………….………………………………………. 9 3.2 - Indication pour l'ACFA : ………………………….………………….…………………………………….............………….…………… 10 3.3 - Indication pour la MTEV : ……………..……………………………………………………………………………..…………….………… 12 3.3 - Iatrogénie du traitement anticoagulant : ……………………………………………………….…………………………..…………..…12 4 - Les anticoagulants : ......................................................................................................................................... 13 4.1 - Historique : ……………………………………………………………………………………………………………………………………………. 13 4.2 - Les différents anticoagulants : …………………………………………………………………………………………………………..…… 14 4.3 - Rôle du médecin : ……………..………………………………………………………………………………………..……….………………… 18 4.4 - Mésusage du traitement anticoagulant chez les patients à risque : ……….…………………………….………………..…. 19 4.5 - Les obstacles des patients au traitement anticoagulant : ………………………..…………………………………..…………… 20 5 - Les outils électroniques : ................................................................................................................................. 21 6 - Objectifs : ........................................................................................................................................................ 23 MATERIEL ET METHODE : ……………………………………………………………………………………………………………………. 24 1 - Critères d’inclusion et d’exclusion : ................................................................................................................ 24 2 - Nombre de sujets nécessaires : ........................................................................................................................ 25 3 - Les guides d’entretiens : .................................................................................................................................. 25 4 - Recueil des données : ....................................................................................................................................... 26 5 - Analyse des données : ...................................................................................................................................... 26 6 - Construction de l’outil : .................................................................................................................................. 27 7 – Recherches bibliographiques : ........................................................................................................................ 27 RESULTATS : ……………………………………..………………………………………………………………………………………………………. 29 1 - Résultats de l'étude : …………………………………………………………………………………………………………………………………..29 2 - Comparaison entre les entretiens des médecins et les entretiens des patients : ………………………………..….……… 48 4 CREATION D’UN OUTIL D’AIDE AU SUIVI DES PATIENTS SOUS ANTICOAGULANTS ORAUX 52 1 – Justification de la création de l’outil : ............................................................................................................. 52 2 – Les destinataires de l’outil : ............................................................................................................................ 53 3 – Le format de l’outil : ....................................................................................................................................... 54 4 – Création de l’outil : ......................................................................................................................................... 55 DISCUSSION ...................................................................................................................................................... 68 1 – Principaux résultats : ...................................................................................................................................... 68 2 - Discussion des résultats en fonction des données de la littérature : ................................................................. 74 2.1 - La prescription des anticoagulants oraux : ………………………………………..……………………………………………………. 74 2.2 - Les contrôles biologiques : ………………………………………………………………………………………………………..……….…. 76 2.3 - La qualité de vie sous traitement anticoagulant : ......................................................................................... 76 2.4 - La connaissance du traitement anticoagulant par les patients : ……………………..………………………………………… 77 2.5 - Outils d'aide au suivi et intervenants extérieurs : ……..…………………………………………………………………………….. 78 2.6 - Education thérapeutique : ………………………………………………………………………………………………………………………. 80 2.7 - Relation médecin / patient : ……………………………………………………………………………………………………………………. 81 2.8 - Utilisation des outils informatiques : ……………………..………………………………………………………………………………. 82 3 - Les forces et faiblesses de cette étude :............................................................................................................ 83 3.1 - Les forces : …………………………………………………………………………………………………………………………………………….. 83 3.2 - Les faiblesses : ............................................................................................................................................. 84 4 – Outils existants d’aide au suivi : ..................................................................................................................... 85 4.1 - Les cliniques d'anticoagulants : ………………………………………………………………………………………………………………. 86 4.2 - Les carnets de suivi : …………………………………………………………………………………………………………………………..…. 86 4.3 - Les aidants extérieurs : …………………………………………….………………………………………………………………………….…. 87 4.4 - Les outils électroniques : ……………………………………………………………………………………………………………………….. 88 5 - Discussion sur notre outil : .............................................................................................................................. 92 6 – Les perspectives d’avenir : .............................................................................................................................. 94 CONCLUSION.................................................................................................................................................... 95 BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………………………………………………………………………. 96 5 LISTE DES ABREVIATIONS : LISTE DES ABBREVIATIONS : AAP : Antiagrégant plaquettaire ACFA : Arythmie Complète par Fibrillation Auriculaire AFSSAPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé AINS : Anti Inflammatoires Non Stéroidiens AMM : Autorisation de Mise sur le Marché ANSM : Agence Nationale de la Sécurité du Médicament AOD : anticoagulants oraux directs ATCD : Antécédent AVC : Accident Vasculaire Cérébral AVK : Antivitamines K CAC : Cliniques d’Anticoagulants CHU : Centre Hospitalo-Universitaire CNAMTS : Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés CREATIF : Centre de Référence et d’Evaluation des Antithrombotiques d’Ile de France HAS : Haute Autorité de Santé HNF : Héparine Non Fractionnée HTA : Hypertension Artérielle IDE : Infirmière Diplômée d’Etat INR : International Normalized Ratio MTEV : Maladie Thrombo Embolique Veineuse SAPL : Syndrome des antiphospholipides SLA : Sclérose Latérale Amyotrophique TVP : thrombose veineuse profonde 6 INTRODUCTION 1 - L’Arythmie Cardiaque par Fibrillation Auriculaire : L’arythmie complète par fibrillation auriculaire (ACFA) est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent. Il touche 1 à 2% de la population générale soit 800 000 personnes en France. Les hommes sont plus touchés que les femmes. La prévalence de l’ACFA augmente avec l’âge : moins de 0,5% entre 40 et 50 ans, de 5 à 15% après 80 ans. Elle est majorée en cas de cardiopathie et avec l’évolution de celle-ci. La prévalence aurait doublé suite au vieillissement de la population 1. L’ACFA est définie par une activité électrique anarchique et rapide du myocarde atrial. Cette arythmie résulte de foyers ectopiques doués d’automatisme anormal au sein des oreillettes et/ou des veines pulmonaires et des microcircuits de réentrée. L’ACFA est habituellement secondaire à la coexistence de substrat tissulaire (zones d’inflammation et/ou de fibrose) et d’un facteur déclenchant. L’activité auriculaire désorganisée entraine alors une activité ventriculaire irrégulière et rapide. Le volume d’éjection ventriculaire est diminué d’autant plus que la réponse ventriculaire est rapide. Cela peut générer des troubles de l’hémodynamique. L’ACFA entraine également une stase du flux sanguin dans l’oreillette, en particulier dans l’auricule gauche où peut s’y former un thrombus. Le risque thrombo embolique est minime avant la 48e heure. Puis, plus l’arythmie se prolonge, plus le risque de thrombose intra atriale augmente. Ce risque est maximal entre le 3e et 10e jour. Le retour en rythme sinusal, spontané ou provoqué, s’accompagne d’une reprise des contractions atriales qui favorisent également dans les 30 jours suivant la migration un thrombus intra atrial. L’ACFA peut donc se révéler par une embolie périphérique, en particulier cérébrale 2. Le risque d’accident vasculaire cérébral 7 (AVC) embolique est multiplié par 5. Parmi les 130 000 AVC/an en France, 1 sur 5 serait secondaire à l’ACFA 3. 2 - La Maladie Thrombo Embolique Veineuse : La maladie thromboembolique (MTEV) regroupe la thrombose veineuse profonde et sa complication immédiate, l’embolie pulmonaire. Cette pathologie est fréquente et expose à une morbi-mortalité importante. Elle est la 3e pathologie cardiovasculaire4. La thrombose veineuse résulte d’une activation localisée de la coagulation avec constitution d’un thrombus (formé de fibrine, GB et plaquettes). Le thrombus peut provoquer une occlusion partielle ou totale de la lumière veineuse obstruant ainsi la circulation du sang. Elle peut affecter n’importe quelle partie du système veineux mais les manifestations les plus fréquentes concernent les sites de bas débit. Une fois formé, le thrombus peut se détacher et migrer le long du réseau veineux jusqu’aux artères pulmonaires. L’incidence de la MTEV augmente avec l’âge avec une moyenne de 1,8 cas pour 1000 personnes par an soit plus de 100 000 cas par an en France. Ce chiffre pouvant atteindre 1% des personnes de plus de 75 ans. Et en considérant le vieillissement de la population, on peut estimer que la prévalence ne va faire qu’augmenter. Le taux de mortalité est estimé à 6% des patients ayant une MTEV mais ce chiffre n’est pas certains puisque des diagnostics de MTEV peuvent être faits en post mortem 5, 6. 8 3 - Indications aux traitements anticoagulants : 3.1 - Epidémiologie Ces deux pathologies sont donc des problèmes majeurs de santé publique. Le traitement de référence de ces pathologies repose sur le traitement anticoagulant. L’efficacité du traitement anticoagulant a été démontrée sur la morbi-mortalité. Le traitement anticoagulant est à visée curative dans la MTEV et à visée préventive dans l’ACFA. Les anticoagulants sont utilisés depuis plus de 60 ans. Leur utilisation a doublé entre 2000 et 2012 7. En 2013, le rapport de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) estime qu’au moins 3,12 millions de patients français recevaient au moins un anticoagulant. 1 200 000 patients étaient sous antivitamines K (AVK) et 160 000 sous anticoagulant oral diract (AOD) entre juillet 2012 et mai 2013. Les sujets de 75 ans et plus sont les plus exposés. Près de 12% de cette tranche d’âge était traitée par AVK en 2011. Les patients traités par AOD sont en moyenne plus jeunes que ceux traités par AVK (en moyenne 73,7 ans pour les AVK et 71,3 ans pour les AOD) 7. Le taux de prescription des traitements anticoagulants ne fait qu’augmenter devant l’augmentation de la prévalence des deux pathologies. 9 A l’introduction d’un traitement anticoagulant, il faut optimiser le rapport bénéfice/risque. La balance entre l’efficacité du traitement et une complication hémorragique est délicate. Des scores et des algorithmes de durée de traitements anticoagulants ont été mis en place afin d’aider à la décision et à la prescription des traitements anticoagulants. 3.2 – Indications pour la fibrillation auriculaire 8, 9 : - le score CHADS2VASC2 permet d’évaluer le risque thromboembolique Critères CHADS2 VASC2 Score Dysfonction VG ou insuffisance cardiaque Hypertension artérielle 1 Age > 75 ans 2 Diabète 1 AVC ischémique /AIT 1 Pathologie vasculaire 1 Age 65-74 ans 1 Sexe femme (si âge > 65 ans) 1 1 Le score maximum de CHADS2VASC2 est de 9. En cas de score < 2, il y a indication à un traitement antiagrégant plaquettaire. En cas de score > ou = à 2, il y a indication à un traitement anticoagulant. 10 - Le risque d’AVC en fonction de ce score est calculé ainsi : Score 0 = 0% par an Score 1 = 1,3% par an Score 2 = 2,2% par an Score 3 = 3,2% par an Score 4 = 4% par an - Score 5 = 6,7% par an Score 6 = 9,8% par an Score 7 = 9,6% par an Score 8 = 6,7% par an Score 9 = 15,2% par an le score HAS BLED permet d’évaluer le risque de saignement, doit faire partie de toute stratégie thérapeutique : Critères HAS BLED Score Hypertension artérielle 1 Insuffisance hépatique 1 Insuffisance rénale 1 Drogue ou Alcool chronique 1 ou 2 AVC 1 Hémorragie < 1 mois 1 INR instable 1 Age > 65 ans 1 Le risque hémorragique est élevé si le score est > ou = à 3 et doit conduire à réévaluer le rapport bénéfice/risque du traitement antithrombotique. Il est à noter que plusieurs critères indiquant une augmentation du risque hémorragique sont également des critères indiquant une augmentation du risque embolique et que le choix est compliqué dans de nombreux cas. 11 3.3 – Indication pour la maladie thromboembolique : Dans la maladie thromboembolique, le traitement anticoagulant doit être débuté dès le diagnostic établi. Chez les patients à forte probabilité clinique, le traitement peut être débuté en attendant la confirmation du diagnostic en absence de risque hémorragique élevé 10, 11. La durée de l’anticoagulation dépend des facteurs de risque (cf. ci joint le tableau). Tableau – Consensus d’expert sur la durée du traitement anticoagulant dans la MTE 12 Facteurs MTEV avec facteur déclenchant transitoire MTEV avec facteur de risque persistant majeur MTEV idiopathique - - chirurgie immobilisation > 3j fracture MI dans les 3 mois cancer évolutif SAPL Absence de facteur déclenchant majeur Absence de facteur de risque persistant Risque annuel de récidive d’un traitement de 3 mois Faible (3%) Durée de traitement recommandé Grade de recommandation 3 mois Grade A Elevé (9%) 6 mois, Prolongation tant que facteur existe 6 mois Accord professionnel Elevé (9%) Grade B Toutes les indications à l'anticoagulation à long terme doivent être revues chaque année pour réévaluer la balance risques-bénéfices de ce traitement. 3.4 - Iatrogénie du traitement anticoagulant : Ces algorithmes sont mis en place afin de lutter contre la iatrogénie liée. La survenue des manifestations hémorragiques et thrombotiques est liée à la qualité de l’équilibre thérapeutique de l’anticoagulation. L’équilibre peut varier en fonction des circonstances cliniques du patient, des interactions médicamenteuses, des maladies intercurrentes et du mode d’action pharmacologique du traitement. Les AVK demeurent la 1ère cause d'accident iatrogène par 12 accidents hémorragiques, soit environ 17 000 hospitalisations de patients et responsables de 5 000 décès par an en France 13. Le coût estimé serait de 305 millions d’Euros 14. Il n’y a pas de données épidémiologiques exactes du nombre d’hospitalisation et de décès liés aux anticoagulants oraux directs. Deux enquêtes réalisées par l’AFSSAPS en 2000 et 2003 ont montré que pendant environ la moitié du temps, l’INR des patients n’était pas dans sa zone thérapeutique, ce qui peut être potentiellement une source d’hémorragies ou de complications thromboemboliques 13. 4 - Les anticoagulants : 4.1 - Historique : Dans l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle, on croyait que la coagulation sanguine était liée au froid ou à l’exposition du sang à l’air. Ce n’est que fin du XIXe siècle que les scientifiques découvrent les facteurs de la coagulation, contribuant à la découverte de traitements anticoagulants au XXe siècle. L’héparine a été découverte en 1916 par Mc Lean. Cette découverte a eu lieu par hasard et a révolutionné une part de la médecine. Les médicaments antivitamine K ont été découverts dans les années 1920 aux Etats-Unis, suite à la survenue d’hémorragies spontanées décimant des troupeaux de bétail ayant consommé du trèfle doux avarié. La molécule responsable de ces hémorragies a été baptisée dicoumarol et a été administrée pour la première fois chez l’humain en 1941. La warfarine, premier AVK de synthèse, voit le jour en 1948 lors de la mise au point d’un raticide provoquant des hémorragies 13 intestinales aiguës fatales chez ces animaux. La warfarine, d’une efficacité supérieure au dicoumarol a été administrée pour la première fois en 1955 15, 16. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sont arrivées sur le marché dans les années 1980. Les années 2000 voient l’apparition de nouveaux anticoagulants oraux dits anticoagulants oraux directs 17. Les AOD ont fait leur apparition sur le marché dans les années 2000. La première molécule commercialisée en juillet 2005 en France était le ximelagatran (EXANTA®), une antithrombine directe. Elle était indiquée dans la prévention de la MTEV après chirurgie orthopédique. Mais l’AMM a été retirée en 2006 du fait de sa trop grande toxicité hépatique. 4.2 – Les différents anticoagulants : Antivitamine K (AVK) 7 Les AVK commercialisés en France sont les coumariniques (SINTROM®, MINISINTROM® et COUMADINE®) et les dérivés de l’indanedione (PREVISCAN®). Leurs indications sont les suivantes : - Cardiopathies emboligènes liées à des troubles du rythme, valvulopathies, infarctus compliqué de thrombus/dyskinésie emboligène,… - Thromboses veineuses profondes et embolie pulmonaire Les contre-indications sont les suivantes : - Insuffisance hépatique sévère - Déconseillée en cas d’insuffisance rénale sévère 14 La surveillance biologique est la suivante : Il y a une posologie individuelle pour chaque patient. La posologie est adaptée à un test biologique, l’INR. L’INR doit être compris entre 2 et 3 (sauf pour valvulopathies et prothèses de valve). Les contrôles doivent être pratiqués 1 à 2 fois par semaine puis avec un espacement progressif jusqu’à un intervalle de 1 mois quand INR est stabilisé. Il est nécessaire de surveiller les fonctions rénales et hépatiques régulièrement et à chaque épisode aigu. Les interactions sont les suivantes : - Les interactions médicamenteuses sont nombreuses (cf. tableau) POTENTIALISANTES Par déplacement de l’AVK avec sa liaison albumine : AINS/ Aspirine, Fibrates, Statines, Phénytoine INHIBITRICES Hormones thyroidiennes Ritonavir Par diminution du métabolisme hépatique (CYPP450) : Allopurinol, Cimetidine, Imidazoles Mécanismes inconnus : Cordarone, Paracetamol, Econazole, certains anti retroviraux - Les interactions alimentaires sont liées à l’apport en vitamine K du régime alimentaire et peuvent perturber l’équilibre de l’INR. Les aliments les plus riches en vitamine K sont les choux, les épinards, les asperges. Mais à noter que chaque changement dans le régime alimentaire peut perturber l’INR. Anticoagulants oraux directs (AOD) 7 , 17, 18, 19 Ces dernières années les laboratoires pharmaceutiques ont recherché un anticoagulant idéal c’est-à-dire avec rapport d’un bénéfice risque élevé (grande efficacité sur la réduction 15 d’évènements thromboemboliques et taux faible d’hémorragie) mais dénué de contrainte. Il existe 2 classes d’AOD : o les inhibiteurs directs de la thrombine qui sont les anti IIa ( Dabigatran PRADAXA®) depuis fin 2008 o les inhibiteurs directs du facteur Xa ( Rivaroxaban XARELTO® et l’Apixaban ELIQUIS®) depuis respectivement 2009 et 2012. Leurs indications sont les suivantes : - Prévention des évènements thromboemboliques veineux en post chirurgical programmé de hanche ou genou - Prévention des AVC et autres embolies chez les patients adultes en ACFA non valvulaire et présentant un ou plusieurs facteurs de risque Le XARELTO a également pour indication : traitement curatif des MTEV ainsi que la Prévention de leurs récidives. Les contres indications sont les suivantes : - L’ACFA valvulaire - Insuffisance rénale modérée ou sévère : débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 30 ml/min pour le Dabigatran et inférieur à 15ml/min pour le Rivaroxaban et l’Apixaban - Insuffisance hépatique sévère (transaminases supérieures à deux fois la limite haute de la normale) pour le Dabigatran et le Rivaroxaban. 16 La surveillance biologique est la suivante : La fonction rénale et la fonction hépatique doivent être évaluée régulièrement. La surveillance doit- être faite tous les 3 mois. En routine, il n’y a pas d’indication à surveiller l’activité anticoagulante des AOD (conseillée en cas de situation d’urgence). Les interactions sont les suivantes : - Les interactions médicamenteuses : POTENTIALISANTES Ketoconazole, Ciclosporine, Itraconazole Vérapamil, Amiodarone, Quinidine (surveillance étroite) INHIBITRICES Inducteurs de la P-glycoprotéine Carbamazépine, Phénytoine : Rifampicine, Héparines o HNF : combinent une activité antiIIa et antiXa équivalentes. Elles s’administrent en intra veineux (IV) ou en sous cutanée o HBPM : ont une activité antiXa prédominante sur l’activité antiIIa (Enoxaparine sodique LOVENOX®, Tinzaparine sodique INNOHEP®, Daltéparine sodique FRAGMINE®, Nadroparine calcique FRAXIPARINE® ou FRAXODI®). Elles s’administrent en sous cutanée sauf pour en hémodialyse. Leurs indications sont les suivantes : - Traitement curatif en phase aigüe des TVP ou embolies pulmonaires - Cardiopathies : l’infarctus du myocarde, l’angor instable, embolies artérielles (extra cérébrales) 17 - Certaines coagulopathies - Traitement préventif d’accident thromboemboliques veineux et/ou artériels - Anticoagulation de circuits extracorporelles - Alitement en cas de chirurgie et/ou affection médicale aigue. o Fondaparinux (ARIXTRA®) est un antiXa sélectif. Elle s’administre en sous cutanée. Son indication dépend des dosages : - Prévention des évènements thrombo embolique veineux en chirurgie chez l’adulte - Alitement pour affection médicale aigue - Cardiopathie : angor instable ou de l’infarctus du myocarde non ST+ (pas d’indication à une coronarographie en urgence < 20min) - Traitement des thromboses veineuses superficielles ou profondes et embolies pulmonaires aigues à l’exclusion des patients nécessitant une thrombolyse et/ou thermodynamiquement instables. 4.3 - Rôle du médecin : Lors du diagnostic d’une ACFA et/ou de MTEV, le praticien a en tête que chaque patient a un risque qui lui est propre de survenue d’AVC ischémique, de risque de migration de la thrombose veineuse en embolie pulmonaire. Lors de la prescription d’anticoagulant, chaque patient a un risque qui lui est propre de saignement. Donc la décision thérapeutique concernant le patient doit être individualisée et centrée sur le patient. En prenant en compte qu’il s’agit d’un processus dynamique puisque le processus est évolutif au cours du temps et les facteurs emboliques et hémorragiques évoluent également. 18 Le médecin généraliste est situé au cœur du traitement anticoagulant. Il est responsable de la surveillance, de l’adaptation du traitement, ainsi que d’une réévaluation régulière du risque thromboembolique prenant en compte le rapport bénéfice-risque du traitement anticoagulant. L’étude internationale ISAM a montré que chez les patients en ACFA le traitement par anticoagulant oral est initié par un médecin spécialiste. En France 54% par un cardiologue et seulement dans 9% des cas par un médecin généraliste. Toutefois, en médecine de ville, les médecins généralistes assurent dans plus de 90% des cas le suivi, le renouvellement de l’ordonnance et l’éducation du patient 20. Afin d’améliorer les prescriptions, des études qualitatives ont été faites auprès de médecins qui introduisent ces traitements. 4.4 – Mésusage du traitement anticoagulant chez les patients à risque : Il existe une sous-prescription des AVK, surtout au sein de la population âgée. Leur taux de prescription varie de 30 à 70% (selon les études observationnelles) parmi les patients à haut risque thrombo-embolique 21. L’étude réalisée par FORNARI LS et al. en 2007 sur le Mésusage du traitement par anticoagulant chez les patients en ACFA au Brésil a montré que sur 3400 patients, seuls 46,5% ayant une ACFA avec CHADS > 2 étaient anticoagulés et 57,8% un an après pour les mêmes patients 22. En pratique, malgré l’efficacité démontrée, les enquêtes montrent une large sous-utilisation du traitement anticoagulant chez les patients les plus à risque d’AVC dans le cadre de fibrillation. Les arguments expliquant ce phénomène sont multiples : âge supérieur à 80 ans, syndrome gériatrique, risques de chute, mauvaise observance, troubles cognitifs, isolement social, difficulté de contrôle des INR, refus du malade, antécédent d’hémorragie 21. 19 Dans le même temps, une prescription inappropriée chez les patients à faible risque d’AVC ou une durée de traitement trop longue pour certains patients ayant une MTEV peuvent induire un risque hémorragique inutile. 4.5 - Les obstacles des patients au traitement anticoagulant : Les enquêtes et études ont montré quels facteurs jouaient sur le décalage entre recommandations et pratiques professionnelles. Une étude réalisée par HESS PL et al. de décembre 2012 sur les Obstacles à surmonter pour une utilisation optimale des anticoagulants oraux chez les patients en ACFA a identifié un certain nombre de barrières : lacunes de savoir du médecin prescripteur et des patients, manque de sensibilisation d’utilisation des AOD chez des patients qui ne peuvent plus utiliser les AVK, peur d’absence de surveillance des patients sous AOD, peur du risque de saignement, les couts,…23 Les deux enquêtes réalisées par l’AFSSAPS en 2000 et 2003 ont aussi pointé des raisons de la mauvaise observance du traitement anticoagulant, due à un défaut d’éducation thérapeutique13. Une étude réalisée par CLARKESMITH DE et al. en septembre 2013 intitulée L’intervention éducative améliore le contrôle de l’anticoagulation chez les patients en fibrillation auriculaire, a comparé une éducation classique des patients sous anticoagulants au cours de consultation « classiques » à 1, 2 et 6 mois versus une intervention axée sur la théorie utilisant des DVD et livrets pédagogiques, en participant à des entretiens pédagogiques collectifs avec d’autres patients et individuels pédagogique, apprentissage de l’auto surveillance. Les résultats ont montré qu’à 6 et 12 mois pour le groupe ayant eu la formation spécifique, les résultats des contrôles biologiques sous AVK se situaient plus dans l’intervalle thérapeutique de manière significative (76% vs 71%, p=0,034) 24. 20 Une amélioration de l’éducation permet donc de diminuer le risque d’effets secondaires. 5 - Les outils électroniques : L’ère du numérique apporte de nouvelles perspectives dans les disciplines médicales. Les patients accèdent aux données numériques et informations médicales, les médecins l’utilise pour leur formation médicale continue et d’aide à la prescription. Des sites internet ont été élaborés pour les patients. Certains donnent des informations sur des pathologies spécifiques, d’autres permettent des discussions entre patients afin d’échanger sur leur pathologie. L’un des objectifs est également de collecter des données pouvant servir à l’évaluation thérapeutique. Depuis quelques années, il existe également des applications pour téléphones portable type smartphone qui ont pour but d’améliorer l’observance dans les traitements de maladies chroniques. Ces applications consistent également à mettre en rapport à distance un patient (et/ou les données médicales nécessaires) et un ou plusieurs médecins et professionnels de santé, grâce aux technologies de l’information et de la communication. Pour le Conseil National de l’Ordre des médecins en 2009, la télémédecine apparaît très prometteuse grâce au développement des nouvelles technologies et de la diffusion à large échelle d’internet, des smartphones et de leurs applications intelligentes 25. Par exemple, une application pour les patients diabétiques type insulinoréquérents appelée DIABEO* disponible sur smartphone a été conçue pour aider les patients à gérer au quotidien leur diabète : 21 - une aide au calcul des doses d’insuline lente et rapide, en fonction de l’alimentation, de l’activité physique, selon la prescription du médecin - un renforcement du lien avec son médecin référent et/ou son équipe soignante grâce à la télétransmission automatique des résultats 26. Une autre application pour les patients diabétiques Application Guide Voyage Diabétique, donne des conseils diététiques et thérapeutiques en cas d’hyper/hypoglycémie, des rappels de traitement. Il s’agit d’un guide de voyage qui indique les noms d’insulines ou autres antidiabétiques oraux dans différents pays du monde, ce qu’il faut faire en cas de décalage horaire ou si le repas est retardé,... 27 L’outil numérique permet donc d’évaluer la qualité de vie, d’évaluer des symptômes et suivre l’observance. Il est facile d’utilisation, à la portée d’une grande partie de la population générale, permet une auto et hétéro surveillance, de suivre des conduites à tenir en fonction des résultats à des questions antérieures. Et dans une vision épidémiologique de collecter des statistiques de groupes. Mais à ce jour, à notre connaissance, il n’existe pas d’outil électronique explorant les données renseignées par les patients eux-mêmes. Afin d’adapter la prescription d’anticoagulants au profil du patient, pour une bonne observance et un meilleur équilibre de la balance bénéfice/risque du traitement, nous proposons une étude évaluant le vécu des patients anticoagulés « en vie réelle ». A ce jour, à notre connaissance, il n’existe pas dans la littérature une étude ou un article explorant l’avis des patients sur un outil électronique aidant à la prescription et au suivi des patients sous anticoagulants au long cours. 22 6 - Objectifs : L’objectif principal de notre étude était d’explorer les représentations par les patients des bénéfices et risques d’un traitement anticoagulant oral (AVK ou AOD) prescrit pour une ACFA ou une MTEV afin d’optimiser la décision médicale partagée et améliorer la qualité de vie. Après l’identification des freins et facilitateurs de cette prescription, l’objectif secondaire était de concevoir un outil électronique d’aide au suivi des patients. Cette étude était réalisée en parallèle d’une étude qui explorait les pratiques de prescriptions des médecins généralistes afin de créer un outil partagé. 23 MATERIEL ET METHODE Il s’agissait d’une étude qualitative réalisée entre juin 2015 et novembre 2015. Une étude en parallèle explorait les pratiques et les difficultés de prescription et de surveillance des anticoagulants de médecins généralistes. 1 - Critères d’inclusion et d’exclusion : Critères d’inclusion : Age supérieur à 18 ans Patient nécessitant un traitement anticoagulant oral au long cours Indication de traitement : ACFA non valvulaire - MTEV Patient ayant eu un traitement anticoagulant oral au long cours suspendu en raison d’effets indésirables. Les patients recrutés étaient ceux concernés par le sujet donc sous traitement anticoagulant oral au long cours pour une ACFA ou une maladie thromboembolique ou suspendu en raison d’effets indésirables. Critères d’exclusion : Valve mécanique Autres indications de traitement anticoagulant : thrombophlébite cérébrale, SAPL, … Patient ne parlant pas français Troubles cognitifs et/ou neuropsychiatriques Patients refusant de participer à l’étude 24 2 - Nombre de sujets nécessaires : S’agissant d’une étude qualitative basée sur des réponses à des entretiens, il n’y a pas eu de calcul précis du nombre de sujets nécessaires. Nous sommes partis sur une base d’une dizaine d’entretiens mais le nombre final devait être défini par la saturation des données. Une diversité a été recherchée en terme d’âge, de sexe et de pathologie concernée afin d’obtenir la plus grande diversité possible de représentations. 3 - Les guides d’entretiens : Les guides d’entretiens ont été élaborés par l’équipe de recherche à partir des données de la littérature portant sur les anticoagulants. La même équipe a rédigé des guides d’entretiens pour les médecins généralistes pour l’étude menée en parallèle. Les guides soignants/patients étaient les plus superposables possibles afin qu’une analyse des données en miroir puisse se faire. Une modification des guides d’entretiens a pu être faite à l’issue des premiers entretiens. Les guides d’entretiens comportaient 7 thèmes : - Données socio démographiques : âge, sexe, étiologie, date de prescription des anticoagulants, quel(s) anticoagulant(s) - Connaissances de la pathologie pour laquelle le traitement anticoagulant est prescrit - Connaissance du traitement anticoagulant - Suivi de la maladie et du traitement - Contraintes liées à la surveillance du traitement anticoagulant 25 - Limitations et impacts dans la vie quotidienne liés au traitement anticoagulant - Outil numérique d’aide à la surveillance des patients sous anticoagulants Chaque thème était lancé avec une question « large » et plusieurs relances étaient disponibles pour chaque thème afin d’obtenir l’entretien le plus complet possible. 4 - Recueil des données : La technique de recueil des données se voulait être initialement celle d’entretiens individuels ou collectifs afin de recueillir le maximum d’informations grâce à une dynamique de groupe. Les entretiens se faisaient lors de consultations en cabinet de ville ou aux urgences, auprès de patients hospitalisés ou par entretiens téléphoniques à la suite de consultations. Les lieux étaient variés, ce qui a permis d’avoir un échantillon de vie réelle. Les entretiens se faisaient après la consultation initiale. Les entretiens n’étaient débutés que si le patient avait donné son accord et s’il rentrait dans les critères d’inclusion. Il n’y a eu aucun refus de la part des patients. 5 - Analyse des données : Les entretiens ont été enregistrés par dictaphone et retranscrits. L’analyse des données a été faite au fur et à mesure du recueil des données et de façon continue afin de modifier éventuellement les guides d’entretien et de pouvoir déterminer la saturation des données. L’analyse a été faite sous forme de codage ouvert sans cadre préalable. Dans un second temps, les codes ont été regroupé. Le codage a été réalisé de façon indépendante par 2 chercheurs. Une 26 mise en commun des codes a été faite avec le chercheur réalisant les entretiens pour les médecins généralistes afin d’établir une triangulaire de l’analyse. Le but étant de construire un outil d’aide à la prescription et au suivi des patients, au cours des entretiens, il a été intégré l’utilisation des outils : la disponibilité et la capacité d’utilisation du matériel, la motivation des patients ainsi que le bénéfice perçu. Mais également la compréhension de l’outil dans le contexte des différentes situations du traitement anticoagulant. 6 - Construction de l’outil : A partir de la revue de littérature, des entretiens avec les patients, des outils pilotes, nous tenterons de construire un modèle d’outil conceptuel. Ce modèle sera testé lors d’une autre étude. 7 – Recherches bibliographiques : Ce travail a nécessité une recherche bibliographique en amont pour savoir quels ont été les travaux menés sur les explorations des patients concernant un traitement au long cours, quels sont les avis des patients, la littérature sur l’ACFA et la MTEV, ainsi que sur les traitements anticoagulants. Un travail de recherche a été réalisé également afin de trouver des données concernant la mise en place d’un outil électronique à des fins médicales. Pour cela, les recherches ont été effectués sur plusieurs serveurs : 27 PUBMED : Principal moteur de recherche de données bibliographiques de l’ensemble des domaines de spécialisation de la médecine. La bibliothèque COCHRANE : La Cochrane Collaboration a été créée en 1993. C’est une organisation internationale indépendante. Moteur de recherche Google Revues médicales : Prescrire, la Revue du Praticien, le Quotidien du médecin Site en ligne de l’HAS et ANMS Les recherches se sont effectuées en anglais et en français. Les mots clés étaient : anticoagulants oraux – qualité de vie sous traitement anticoagulant – outils de suivi des traitements anticoagulants – créations d’outils électroniques à des fins médicales – Education therapeutic for anticoagulation / Monitoring program for anticoagulation – utilisation Smartphone ou application médicale par patients – Evaluation qualité de vie sous traitement anticoagulant… Les années de recherche se sont étendues de 2003 à nos jours. 28 RESULTATS 1 - Résultats de l’étude L’étude a été menée de Mai à Décembre 2015. Au total, 16 entretiens ont été réalisés dont un qui ne répondait pas aux critères d’inclusion dans l’indication au traitement anticoagulant. Les entretiens ont été menés jusqu’à saturation des données. Ils se sont déroulés pour 7 patients lors de consultations aux urgences, pour 3 patients en cabinet de ville, 1 par entretien téléphonique et chez 4 patients hospitalisés. Dans le cadre de notre travail portant sur la représentation individuelle d’un traitement anticoagulant, nous avons préféré des entretiens individuels afin d’obtenir une plus grande intimité, donc d’optimiser les informations recueillies. Du point de vue organisationnel, la réalisation d’entretien individuel est apparue plus simple pour les patients et l’enquêteur. La durée moyenne de chaque entretien était de 42,2 minutes Durée des entretiens : Entretien n°1 : 37 minutes Entretien n°9 : 52 minutes Entretien n°2 : 24 minutes Entretien n°10 : 47 minutes Entretien n°3 : 49 minutes Entretien n°11 : 50 minutes Entretien n°4 : 65 minutes Entretien n°12 : 43 minutes Entretien n°5 : 42 minutes Entretien n°13 : 45 minutes Entretien n°6 : 23 minutes Entretien n°14 : 25 minutes Entretien n°7 : 35 minutes Entretien n°15 : 39 minutes Entretien n°8 : 58 minutes Les entretiens ont été réalisés auprès de 8 femmes et 7 de hommes (cf tableau). Les âges allaient de 30 ans à 94 ans, pour une moyenne de 63.8 ans. 29 Tableau récapitulatif des entretiens des patients Sexe Age Etiologie Traitement Date de prescription Numéro questionnaire Lieux des entretiens F 82 ans EP COUMADINE 10 ans 1 Hôpital (urgences) ACFA F 83 ans ACFA (2004 environ) COUMADINE 1994 2 Cabinet médical Thrombus intra cardiaque H 85 ans ACFA COUMADINE Fin 2014 3 Hôpital (service de médecine) H 57 ans ACFA XARELTO Janvier 2015 4 Hôpital (urgences) F 94 ans Phlébite COUMADINE Juillet 2014 5 Hôpital (service de médecine) F 30 ans Phlébite XARELTO Septembre 2015 6 Cabinet médical H 63 ans Phlébite XARELTO Aout 2015 7 Hôpital (urgences) H 84 ans ACFA COUMADINE 1991 8 Hôpital (urgences) H 47 ans Phlébite + EP XARELTO Septembre 2014 9 Hôpital (urgences) H 52 ans ACFA ELIQUIS Avril 2015 10 Hôpital (urgences) F 35 ans ACFA XARELTO Novembre 2014 11 Cabinet médical KARDEGIC F 48 ans ACFA PREVISCAN Juin 2014 12 Cabinet médical F 78 ans ACFA PREVISCAN 2008 13 Hôpital (service de médecine) XARELTO F 62 ans Maladie thromboembolique PREVISCAN 1995 14 Entretien téléphonique H 57 ans ACFA XARELTO Octobre 2014 15 Hôpital (urgences) COUMADINE 30 Parmi les 15 patients, 6 étaient anticoagulés pour une maladie thromboembolique et 9 pour de l’ACFA. Les patients dans le groupe maladie thromboembolique : 3 étaient anticoagulés par AVK (2 patients par COUMADINE® et 1 PREVISCAN®) et 3 par XARELTO®. Les patients dans le groupe ACFA : 5 étaient anticoagulés par AVK (3 par COUMADINE® et 2 par PREVISCAN®) et 4 par AOD (3 XARELTO® et 1 ELIQUIS®). Au total sur les 15 entretiens, il y a eu 51 codes ouverts. 4 domaines ont été organisés à partir des analyses des données : - Connaissance par le patient du traitement anticoagulant - Qualité de vie sous traitement anticoagulant - Relation entre les soignants et les patients sous anticoagulants - Outils d’aide à la surveillance pour les patients sous traitement anticoagulant 31 Pour le domaine : CONNAISSANCES PAR LE PATIENT DU TRAITEMENT ANTICOAGULANT Connaissance de l’étiologie par le patient Tous les patients connaissaient le motif de prescription du traitement anticoagulant : « C’est pour l’arythmie » (n°3, homme, ACFA, AVK) ; « J’ai eu une phlébite et une embolie pulmonaire » (n°5, femme, MTEV, AVK). La majorité des patients en ACFA connaissait les autres traitements liés à la pathologie « Je prends de la CORDARONE » (n°3, homme, ACFA, AVK). La majorité des patients savaient quelles pouvaient être les complications de la pathologie initiale : « Si un thrombus s’était formé avec l’arythmie et avait bouché une de mes artères, je n’aurais peut-être pas été là pour vous parler » (n°8, homme, ACFA, AVK) ; « la phlébite peut donner une embolie pulmonaire » (n°6, femme, MTEV, AOD). Tous les patients connaissaient leurs antécédents hors étiologie : « J’ai une maladie de Crohn » (n°2, femme, ACFA, AVK). Connaissance par le patient du traitement anticoagulant Tous les patients connaissaient leur traitement anticoagulant : « PREVISCAN » (n°12, femme, ACFA, AVK) ainsi que la posologie du traitement « Quand l’INR est entre 2 et 3 je prends 2cp soit 4mg de COUMADINE » (n°3, homme, ACFA, AVK). Les patients sous AVK avaient pour la majorité d’entre eux plus de 75 ans. 32 Tous les patients connaissaient l’indication de leur traitement anticoagulant « Ils avaient peur qu’un caillot se promène donc ils m’ont mis sous XARELTO » (n°4, H, ACFA, AOD). En grande majorité, ils savaient quels étaient les bénéfices du traitement anticoagulant « Casser le caillot et éviter la formation de l’embolie pulmonaire » (n°7, H, MTEV, AOD) et quels étaient les risques de ne pas prendre ou mal prendre le traitement « si le traitement est mal pris, que je refasse une embolie pulmonaire ou une phlébite » (n°14, F, MTEV, AVK). La première prescription de traitement anticoagulant était faite en majorité soit aux urgences, soit dans un service de cardiologie et pour une minorité de patients par le médecin généraliste : « je suis venue aux urgences puis ils m’ont transféré en cardiologie » (n°11, femme, AOD puis AAP). Quelques patients avaient des informations générales sur le traitement anticoagulant « Il est très utilisé dans les pays anglo saxons et toutes les études ont été faites à partir de ce traitement » (n°8, homme, ACFA, AVK). La moitié des patients ont eu d’autres traitements anticoagulants tels que des piqures d’anticoagulants « Comme je saignais ils m’ont arrêté le traitement anticoagulant et m’ont fait des piqures de CALCIPARINE » (n°3, H, AVK). Une minorité de patients ont eu un relai de traitement pour des raisons médicales ou par convenance du médecin prescripteur : un patient a eu un switch entre un AOD pour un AAP, un autre patient a eu des AVK puis des AOD et le dernier patient a eu des AOD puis des AVK. Une minorité de patients a eu un traitement anticoagulant interrompu « Le cardiologue m’a arrêté le traitement anticoagulant il y a quelques années parce que dès que j’avais un petit coup 33 ou que je me grattais je saignais […] mais ils ont dû le remettre parce que j’ai eu des thrombus dans la rate » (n°2, femme, AVK). En majorité les patients connaissaient la durée de traitement anticoagulant « A moins qu’il me l’arrête de nouveau, je dois le garder toujours » (n°3, homme, ACFA, AVK). Connaissance par le patient des effets secondaires potentiels et des complications du traitement anticoagulant : Tous les patients connaissaient les risques hémorragiques du traitement anticoagulant « Il y a des risques de saignement » (n°7, homme, MTEV, AOD). Tous les patients sous AVK savaient qu’en cas d’INR augmenté ils pouvaient saigner : « Mon INR était augmenté, j’ai eu peur de faire un AVC hémorragique » (n°8, homme, ACFA, AVK). Un seul patient a évoqué les signes d’alerte de surdosage en traitement anticoagulant « qu’il fallait que je fasse des INR si je saignais des gencives » (n°14, femme, MTEV, AVK). Connaissance par le patient de la conduite à tenir en cas d’effet secondaire : Moins de la moitié des patients a évoqué les gestes d’hémostase en cas de saignement « Si on saigne du nez, il faut appuyer sur les narines pendant 10 minutes. Si ça ne passe pas, il faut appeler le 15 » (n°3, homme, ACFA, AVK) 34 Connaissance de la surveillance par les patients : Il est ressorti que tous les patients sous AVK savaient quel était le bilan biologique pour le suivi : « Je dois faire des INR tous les mois et plus si besoin » (n°1, femme, MTEV, AVK). Pour les patients sous AOD, la majorité connaissait le suivi biologique « Je dois faire des prises de sang voir si je n’ai pas saigné et surveiller la fonction rénale » (n°9, homme, MTEV, XARELTO). Tous les patients connaissaient la fréquence de la surveillance biologique « J’ai 1 prise de sang tous les mois et plus si besoin » (n°12, femme, ACFA, AVK) ; « Je fais une prise de sang une fois par mois » (n°7, homme, phlébite, XARELTO). Tous les patients sous AVK savaient quelle était la conduite à tenir en cas d’élévation de l’INR « Les INR sont variables. Je suis restée 2 semaines entre 2 et 3 et d’un coup hier il était à 4.8 je ne sais pas pourquoi mais, dans ce cas, je sais qu’il faut sauter la prise mais je préviens mon médecin » (n°2, F, AVK). Mais une minorité de patient a évoqué la conduite à tenir en cas d’INR trop bas « Je devrais augmenter de1/4 si l’INR est trop bas » (n°5, F, AVK). Alors qu’aucun patient sous AOD n’a évoqué de conduite à tenir en cas d’anomalie biologique. Connaissance de anticoagulants : l’éducation thérapeutique des patients sous La majorité des patients savaient qu’il ne fallait pas se mettre en situation à risque de saignement, autant les patients sous AVK que sous AOD « je ne dois pas faire de sports violents, j’évite de prendre des coup » (n°4, homme, ACFA, AOD). 35 Mais si les patients connaissaient les situations à risque, très peu ont évoqué devoir signaler aux autres professionnels de santé leur traitement anticoagulant « je dois prévenir les médecins ou les dentistes que je suis sous traitement anticoagulant » (n°14, femme, MTEV, AVK). La majorité des patients sous AVK savaient qu’il y a des risques d’interférences alimentaires avec le traitement « il m’a parlé du régime à suivre. C’est comme ça que j’ai pu perdre quelques kilos ! Vous savez quand on n’a pas le droit de manger ci ou ça, on maigrit » (n°12, femme, ACFA, AVK). Par contre une moitié de patients parlaient des interférences médicamenteuses qu’ils soient sous AVK ou AOD « je dois demander l’avis d’un médecin si je dois prendre un nouveau traitement si j’ai mal au ventre par exemple » (n°6, femme, MTEV, AOD). Une seule patiente évoquait les signes de surdosage « il fallait que je fasse des INR si je saignais des gencives » (n°14, femme, MTEV, AVK). 36 Pour le domaine QUALITE DE VIE SOUS ANTICOAGULANTS : Episodes d’effets secondaires : La moitié des patients ont eu des effets secondaires à type de saignement sous anticoagulants « j’ai des hématomes qui apparaissent pour un oui ou pour un non » (n° 2, femme, ACFA, AVK) dont 5 qui ont eu des hémorragies de moyenne à grande abondance ou considérée comme grave « J’ai eu une hémorragie digestive avec sang dans les selles et vomissements de sang » (n°8, homme, ACFA, AVK). 1 patient sous AOD a eu un antécédent d’hémorragie intra crânienne type hématome extra dural post traumatique « et me dit que je saigne dans la tête, que j’ai un hématome extra dural » (n°15, homme, ACFA, AOD puis AVK). Tous les patients qui ont eu des saignements non arrêtés spontanément, même de faible abondance ont consulté à l’hôpital. Parmi ces patients, aucun n’a fait appel à son médecin traitant « J’étais essoufflé, j’avais une hémoglobine à 7 et un INR augmenté, je suis allé directement à l’hôpital » (n°3, homme, ACFA, AVK). Durant les entretiens il ressortait que les patients iraient à l’hôpital en cas d’effet secondaire « je suis boucher donc si je me coupe ça saigne plus abondement et si ça ne s’arrête pas je vais à l’hôpital » (n°7, homme, MTEV, AOD). Inquiétude quant à la prise du traitement anticoagulant Le sentiment/ressenti d’inquiétude des patients de la prise du traitement anticoagulant s’est 37 retrouvé chez une moitié de patients : « Oui honnêtement ça m’inquiète de devoir prendre ce médicament » (n°1, femme, MTEV, AVK). Contraintes à la prise du traitement anticoagulant Malgré les inquiétudes que pourraient ressentir les patients sous anticoagulants, une minorité de patients disaient que la prise du traitement anticoagulant était une contrainte « C’est hyper contraignant, c’est vraiment lourd » (n°11, femme, ACFA, AOD puis AAP), « Au début oui il faut y penser après ça devient automatique » (n°10, homme, ACFA, AOD). Retentissement sur la qualité de vie de la surveillance biologique : La surveillance biologique n’était pas une contrainte supplémentaire pour les patients, et pour la majorité se sentaient « rassurés » par cette surveillance « C’est rassurant de faire la prise de sang, surtout que c’est un nouveau médicament » (n°4, homme, ACFA, XARELTO) Les patients faisaient leur contrôle biologique dans les endroits les plus faciles d’accès pour eux « Je vais au laboratoire en bas de chez moi » (n°14, femme, MTEV, AVK) tandis que les patients les moins autonomes faisaient faire leur contrôle par une infirmière à domicile « j’ai un infirmier qui vient chez moi pour me prendre le sang pour l’INR » (n°2, femme, ACFA, AVK). Les consultations de contrôle : La moyenne des consultations de contrôle des patients était d’une fois tous les mois ou tous les 2 mois avec les médecins qui s’occupent du suivi en début de pathologie « Au début j’allais le voir toutes les 2 semaines et maintenant 1 fois par mois » (n°7, homme, MTEV, XARELTO). 38 Pour les patients qui ont une pathologie chronique stabilisée sans anomalie biologique, les consultations de contrôles étaient plus espacées « Je l’appelle uniquement en cas de problème » (n°8, homme, ACFA, AVK). Modification des activités quotidiennes : Une minorité des patients disaient ressentir une modification pour les activités quotidiennes « Si je n’avais pas été sous traitement, je pense que j’aurais fait un autre métier qui m’aurait permis de plus voyager » (n°8, homme, ACFA, AVK) ; « Je suis inquiète de partir à l’étranger, je ne veux pas me retrouver à plus d’une journée de route d’un centre de soin, de faire de la plongée et j’ai dû arrêter les sports de combat » (n°11, femme, ACFA, AOD puis AAP). Mais une majorité disaient devoir faire plus attention notamment sur les lieux de travail « Il faut que je fasse attention, je fais un métier où je lève les containers de plusieurs tonnes, donc j’ai quand même levé le pied » (n°4, homme, ACFA, AOD). Impression des patients sur l’efficacité du traitement : 1 patient a critiqué l’efficacité du traitement « Ça fait 14 mois et la phlébite est toujours présente, j’en ai marre, j’ai l’impression que ça ne sert à rien » (n°9, homme, MTEV, XARELTO). Les conseils des patients sous anticoagulant : Quelques patients avaient des astuces/conseils pour la vie quotidienne en cas de saignement « J’ai toujours un pansement COALGAN avec moi » (n°3, homme, ACFA, AVK) ; « Carte de porteur d’anticoagulant » (n°8, homme, ACFA, AVK). 39 Pour le domaine RELATION ENTRE LES SOIGNANTS ET LES PATIENTS SOUS ANTICOAGULANTS Rôle du médecin traitant dans la prescription du traitement : Les médecins généralistes ont prescrit un traitement anticoagulant pour une minorité des patients « C’est mon médecin traitant qui après avoir vu l’échographie m’a mise sous XARELTO » (n°6, femme, MTEV, XARELTO). L’étiologie de prescription des anticoagulants par les médecins traitants était uniquement la maladie thrombo embolique « au retour de Bali j’ai eu mal à la jambe, j’ai consulté mon médecin traitant qui m’a fait faire une échographie qui a retrouvé une phlébite. Il m’a donc mis du XARELTO » (n°6, femme, MTEV, AOD). Place du médecin généraliste dans le suivi du traitement : La majorité des patients se faisaient suivre par leur médecin généraliste pour leur traitement anticoagulant même si il n’a pas été prescrit par lui « C’est mon médecin généraliste qui me suit » (n°1, femme, MTEV, AVK). Place du médecin généraliste dans le suivi biologique : La majorité des patients sous AVK étaient en relation avec leur médecin traitant pour les résultats biologique notamment en cas d’anomalie de l’INR« Quelques fois mon INR était à 3,4 ou 4, j’appelais mon médecin qui me disait quoi faire » (n°13, femme, AVK puis AOD). Il en était de même pour les patients sous AOD qui devaient pratiquer des prises de sang de contrôle « Je vois mon médecin pour lui montrer mes résultats » (n°7, homme, MTEV, AOD). 40 Intervenants extérieurs : Tous les patients en ACFA se sont fait prescrire leur traitement anticoagulant par un cardiologue « mon cardiologue m’a prescrit du PREVISCAN » (n°14, femme, ACFA, AVK puis AOD). Et certains d’entre eux se faisaient suivre par leur cardiologue uniquement « je prends rendez-vous avec mon cardiologue tous les 2 mois » (n°4, homme, ACFA, XARELTO). Le relai de traitement pour les 3 patients a été décidé par les cardiologues « mon nouveau cardiologue m’a changé le PREVISCAN et m’a prescrit du XARELTO » (n°14, femme, ACFA AVK puis AOD). Une minorité de patients avaient d’autres intervenants dans le suivi du traitement anticoagulant « La phlébologue me fait les échographies et me dit quelle posologie du médicament je dois prendre » (n°9, homme, MTEV, XARELTO). Parmi tous les patients,1 seul patient connaissait la clinique des anticoagulants « Je suis suivi en partie dans la CAC à Louis Mourier » (n°9, homme, MTEV, AOD). Lors des entretiens, il est ressorti que quelques patients avaient des conseils de la part des pharmaciens : « J’ai une excellente pharmacie donc si je dois acheter des médicaments ils me préviendront si il y a une interaction avec le XARELTO » (n°4, homme, ACFA, AOD). Hormis la relation médecin traitant / cardiologue, une seule patiente évoquait une prise en charge multidisciplinaire dans le cadre de sa MTEV avec une gynécologue « Ma gynécologue et mon médecin sont en relation pour savoir quelle pilule est adaptée puisque mon médecin m’a dit que ça n’était pas bien d’être sous pilule après une phlébite » (n°6, femme, MTEV, XARELTO). 41 Rôle du médecin dans l’éducation du traitement Durant les entretiens, tous les patients évoquaient les recommandations données par leur médecin pour éviter les saignements « Oui le cardiologue m’a dit que c’était un médicament auquel il fallait faire attention, que je ne devais pas me mettre dans des situations où je risque de recevoir des coups, d’éviter de faire des sports extrêmes » (n°15, homme, ACFA, AOD puis AVK). Les patients sous AVK qui connaissaient les interactions alimentaires et les patients sous AOD ou AVK qui connaissaient les interactions médicamenteuses ont eu les informations par le biais de leur médecin « Au début les médecins de l’hôpital m’ont tout expliqué : le système de l’INR, les prises de sang, une liste d’aliments que je devais éviter de manger […] puis mon médecin traitant que je connais depuis longtemps a continué à m’expliquer les INR, ce que j’avais le droit de manger » (n°14, femme, MTEV, AVK). Les patients évoquaient moins l’apprentissage des interactions médicamenteuses par leur médecin « au cours des premières consultations il m’a dit quel médicament pouvait interférer » (n°11, femme, ACFA, AOD puis AAP). Devant un épisode d’effet secondaire, une minorité de patients disaient avoir eu un apprentissage des gestes d’hémostase mais pas forcément par le médecin traitant « SOS médecin m’a appris à pencher la tête vers l’avant et appuyer sur les narines si on saigne du nez » (n°3, homme, ACFA, AVK). La majorité des patients sous AVK avaient eu une formation par le médecin traitant ou cardiologue sur la conduite à tenir en cas d’anomalie de l’INR « Mon médecin m’a tout appris sur comment gérer l’INR » (n°14, femme, MTEV, AVK). 42 Relation entre le médecin et le patient Les patients décrivaient de bonnes relations avec leur médecin, notamment avec leur médecin traitant jusqu’à avoir des relations amicales avec lui « Mon médecin est un bon ami, il m’a donné son portable, je peux l’appeler dès que j’en ai besoin » (n°8, homme, ACFA, AVK). Pendant certains entretiens, des patients avouaient s’être senti gênés par des informations données par les médecins ou des prises en charges « Le médecin m’a parlé de choc électrique pour l’ACFA à même pas 24h d’hospitalisation, j’ai trouvé ça violent » (n°11, femme, ACFA, AOD puis AAP) ; « mon cardiologue m’a changé le PREVISCAN pour du XARELTO mais j’étais bien sous PREVISCAN je ne comprends pas pourquoi » (n°14, femme, ACFA, AVK puis AOD). Une patiente voulait refuser le nouveau traitement anticoagulant mais n’avait pas réussi à donner son avis « Je n’ai pas trop osé refuser le nouveau traitement, il me disait que c’était mieux » (n°12, F, AVOK puis AOD). Education par le médecin en cas d’oubli Certains patients ont parlé de la conduite à tenir en cas d’oubli du traitement anticoagulant « J’ai dû l’oublier 2 fois en 25 ans, dans ce cas je prends la dose le lendemain et fait doser l’INR à 24-48h » (n°8, homme, ACFA, AVK). 43 Pour le domaine OUTILS D’AIDE POUR LES PATIENTS A LA SURVEILLANCE DU TRAITEMENT ANTICOAGULANT Connaissance ou possession d’un outil d’aide au suivi : Seule une patiente avait un outil d’aide au suivi : un carnet de surveillance « J’avais un carnet sur lequel je notais tous mes INR » (n°13, femme, ACFA, AVK). Et de plus la majorité des patients ne connaissaient pas l’existence d’outil d’aide au suivi « Mon médecin ne m’a jamais donné de carnet » (n°1, femme, MTEV, AVK). Utilisation des nouvelles technologies : Tous les patients de moins de 75 ans utilisaient des outils informatiques « Oui au quotidien » (n°9, homme, MTEV, AOD). Mais seul 2 patients de plus de 75 ans savaient utiliser les outils informatiques et à priori de manière limitée. Les résultats de prise de sang arrivaient par courrier pour la moitié des patients « Je reçois mes résultats d’INR par courrier » (n°2, femme, ACFA, AVK) et par mail pour les autres. Quelques patients s’informaient sur le traitement anticoagulant par internet « et puis moi après avec internet j’ai continué à lire sur les INR » (n°14, femme, MTEV, AVK). Souhait d’un outil d’aide au suivi : De manière générale, les patients de plus de 75 ans n’étaient pas favorables à l’utilisation d’un outil d’aide au suivi qu’il soit par écrit à type de carnet de surveillance ou électronique – tous étaient sous AVK « Je reçois les résultats par courrier que je classe c’est suffisant » (n°3, homme, ACFA, AVK). Une seule patiente de moins de 75 ans était sous AVK et trouvait un 44 bénéfice à l’outil. Une seule patiente de plus de 75 sous AVK a montré un intérêt face à un carnet de suivi « Oui pourquoi pas un carnet où je pourrais noter si je saigne et écrire les INR» (n°2, femme, ACFA, AVK). A contrario, tous les patients sous AOD étaient favorables à l’utilisation d’un outil d’aide « Oui ça pourrait être bien et rassurant » (n°6, femme, MTEV, AOD). Les attentes d’un outil d’aide au suivi : D’après les patients, les avantages d’avoir un outil d’aide au suivi étaient : d’obtenir des réponses à des questions quand le médecin n’est pas disponible, de pouvoir noter des questions ou des problèmes « Oui ça serait avantageux sachant que je n’ai personne à qui parler, ça me permettrait d’avoir des réponses à quelques questions » (n°9, H, AOD). L’outil a été qualifié de rassurant « Ça serait rassurant » (n°6, femme, MTEV, AOD). Un patient a dit également qu’un outil qui donnerait des renseignements permettrait d’avoir de vraies informations médicales « ça peut-être bien surtout que ça éviterait d’aller chercher sur des sites sur internet où des fois c’est faux » (n°10, homme, ACFA, AOD). Les interfaces proposées par les patients étaient de manière générale une application sur Smartphone pour qu’elle soit à la portée « Ça serait bien d’avoir une application sur Smartphone » (n°10, homme, ACFA, AVK). Une patiente a également évoquer la distribution de brochure d’explications générales de la pathologie et des traitements anticoagulants « Il serait bien de donner à tous les patients des brochures explicatives de la pathologie pour laquelle ils sont sous traitement anticoagulant » (n°11, femme, ACFA, AOD puis AAP) 45 Pour les patients, les attentes de cet outil étaient : Un système leur permettant d’être en relation directe avec leur médecin en cas d’effets secondaire « Oui ça me guiderait, si je pouvais être en relation avec un médecin qui me dirait quoi faire » (n°9, homme, MTEV, XARELTO) ; Un rappel des interactions médicamenteuses « une petite liste des médicaments qu’on ne peut pas utiliser si on est à la maison » (n°4, homme, ACFA, AOD) et alimentaires pour les patients sous AVK « sur le carnet, il y avait un rappel de ce que je ne devais pas manger donc au bout d’un moment je le connaissais par cœur. Mais ça me permettait de faire attention […] donc oui ca servirait sur l’outil » (n°13, femme, ACFA, AVK puis AOD). Système d’alerte en cas d’introduction d’un nouveau médicament si interférence « Peutêtre les listes des médicaments qu’on peut prendre ou pas prendre quand on est sous PREVISCAN » (n°14, femme, ACFA, AVK). Un rappel de la prise du traitement – que faire en cas d’oubli « de faire un rappel de comment faire si on oubli une dose » (n°6, femme, MTEV, AOD) Une explication de la pathologie pour laquelle le traitement est prescrit « Disons que ça aurait été bien d’avoir par écrit toutes les explications de la maladie » (n°12, femme, ACFA, AVK). Suivi des INR pour les patients sous AVK avec adaptation posologique « au début nous dire si l’INR est un peu trop bas si on doit prendre ¼ ou ½ cp en plus pour éviter d’appeler ou d’aller voir le médecin traitant » (n°14, femme, MTEV, AVK). Quels sont les signes d’alertes « si il y a avait écrit qu’en cas de mal de tête après un accident il faut se rendre aux urgences » (n°15, homme, ACFA, AOD puis AVK). 46 Où et quand consulter « Listing des endroits où se présenter en cas de récidive des symptômes ou saignements » (n°11, femme, ACFA, AOD puis AAP). Rappel de la surveillance biologique Proposition de trousse de pharmacie à domicile « quelle trousse à pharmacie on doit avoir à domicile » (n°15, homme, ACFA, AOD puis AVK). Les gestes d’hémostase les plus simples « Donner des conseils si on saigne à la maison. Par exemple si on se coupe ou si on saigne du nez » (n°15, homme, ACFA, AOD puis AVK). 47 2 - Comparaison entre les entretiens des médecins et entretiens des patients Avec le chercheur qui a mené les entretiens aux médecins généralistes nous avons croisé les réponses patients/médecins. Certaines réponses convergeaient, d’autres divergeaient. Les entretiens effectués auprès des patients et des médecins retrouvaient comme étiologie de prescriptions d’anticoagulants l’ACFA en majorité par rapport à la MTEV. Les traitements anticoagulants les plus prescrits par les médecins sont les AVK avec, pour problème majeur, d’après les médecins, l’équilibration des INR chez les personnes âgées. Les entretiens chez les patients ont été effectués pour la moitié chez des patients sous AVK et l’autre moitié chez des patients sous AOD. Les problèmes majeurs retrouvés par les patients étaient les risques de saignements. Pour les médecins l’éducation thérapeutique est essentielle et les patients étaient satisfaits des conseils reçus en prévention des saignements. Cependant, les médecins jugeaient que l’éducation thérapeutique était très difficile et que malgré les efforts souvent les patients connaissent mal leur pathologie et leur traitement. Les patients connaissaient bien leur surveillance biologique d’après eux. Les médecins traitants prescrivaient les INR pour les suivis des patients sous AVK mais ne connaissaient pas pour la majorité, le suivi biologique pour les patients sous AOD. Les médecins et les patients communiquaient principalement par téléphone les résultats biologiques et la fréquence des consultations se faisaient tous les mois environ mais les médecins trouvaient que les sollicitations étaient trop chronophages. Les patients n’ont cependant pas l’impression de solliciter leur médecin généraliste de manière exagérée. En ce qui concerne les aidants extérieurs, les patients ne les sollicitaient pas puisqu’ils ne semblaient pas informés de leur existence. Alors que les médecins traitants trouvaient indispensable la participation de tous les professionnels de santé notamment les infirmiers et 48 pharmaciens et l’utilisation d’outils de suivi. Mais eux même reconnaissaient ne pas assez utiliser ces ressources, soit par méconnaissance soit par faute de temps pour la mise en place. Ni les patients ni les médecins ne connaissaient d’outils électroniques d’aide au suivi des traitements anticoagulants. L’utilisation des outils informatiques était générationnelle tant chez les patients que les médecins. Si un outil est créé, les attentes des patients seraient pour un outil simple d’utilisation avec un accès facile sur smartphone, un système d’alerte, un moyen de communication directe avec les médecins qui suivent leur pathologie, des rappels des interférences. Les médecins étaient plutôt intéressés par un outil qui pourrait gérer les INR des patients sous AVK et un outil avec système d’alerte en cas d’anomalies biologiques ou cliniques, ce qui pourrait améliorer la prise en charge du patient par une communication directe et plus rapide et limiter le caractère chronophage de la surveillance de ce traitement pour le médecin.. La limite de cet outil qui a été retrouvée dans les 2 catégories était son utilisation par les sujets âgés. Par contre, les médecins traitants mettaient en avant la responsabilité médico légale qu’engendrerait un tel outil (problème de respect du secret médical, problème de responsabilité, problème de transfert de données non sécurisées). Les patients, quant à eux, n’y ont fait aucune allusion. 49 Croisement des résultats des patients sous anticoagulants et médecins généralistes PATIENTS ETIOLOGIE 9 ACFA 6 MTEV TRAITEMENT 50% AVK (majorité COUMADINE) 50% AOD - Pas de notion de problème d’équilibration de l’INR DIFFICULTES MAJEURES MEDECINS TRAITANTS Majorité ACFA Majorité AVK (++COUMADINE) - Equilibration de l’INR du sujet âgé - Risques de saignements EDUCATION THERAPEUTIQUE - Ressenti de bonne éducation sur hygiène de vie, surveillance biologique mais pas en cas d’épisode aigu - Education primordiale pour la bonne équilibration du traitement anticoagulant mais manque de temps pour l’optimiser SURVEILLANCE - Biologie : -) INR -) Fonction rénale, hémoglobine - Biologie : -) INR -) Inconnue pour les AOD - Surveillance biologique par médecin : -) communication téléphonique -) consultations - Surveillance biologique par médecin : -) communication téléphonique (se sont les patients qui appellent les médecins) -) mail pour population jeune -) consultation PRISE EN CHARGE DES EPISODES AIGUS Directement aux urgences Médecins généralistes non concernés DISPONIBILITE Sollicitation 1x/mois environ Trop de sollicitation -) chronophagie INTERVENANTS ET ELEMENTS AIDANTS EXTERIEURS Pas d’intervention des infirmières Aide à l’éducation thérapeutique et à la surveillance en partie par les IDE Instauration du traitement par le cardiologue en majorité pour les patients jeunes en ACFA Instauration du traitement et +/switch du traitement par cardiologue 1 patient évoque la CAC CAC jamais évoquée Prévention des interférences médicamenteuses par les pharmaciens (2 citations) Nécessité de former les pharmaciens aux anticoagulants 50 Volonté des médecins d’obtenir carnet de surveillance Carnet de surveillance sous utilisé UTILISATION DES OUTILS ELECTRONIQUES Oui pour patients jeunes CONNAISSANCE D’OUTIL INFORMATIQUE D’AIDE AU SUIVI FONCTIONNALITE DE L’OUTIL Non Non Préférence pour smartphone Préférence pour internet Système d’alerte pour la prise du traitement Interface simple d’utilisation Non pour les patients âgés Souhaiteraient un partage d’outil entre les médecins et les patients SURVEILLANCE VIA OUTIL INR pourrait être géré par outil mais difficultés pour personnes âgées Internet / Smartphone : -) oui pour les jeunes médecins traitants -) +/- pour les autres médecins Bon système d’alerte en cas d’anomalie Outil gèrerait l’INR mais sous contrôle du médecin Surveillance interactions médicamenteuses CONNAISSANCE D’OUTIL INFORMATIQUE D’AIDE AU SUIVI LIMITES DE L’OUTIL Conduite à tenir si événement indésirable (notamment lieux où se rendre) Recueil des effets secondaires Non Non Sujet âge Sujet âgé Problème médico-légal 51 CREATION D’UN OUTIL D’AIDE AU SUIVI DES PATIENTS SOUS ANTICOAGULANTS ORAUX 1 – Justification de la création de l’outil : Un outil d’aide à la décision médicale tel que défini par la Haute Autorité de Santé (HAS), est «une application informatique dont le but est de fournir aux cliniciens en temps et lieux utiles les informations décrivant la situation clinique d’un patient ainsi que les connaissances appropriées à cette situation, correctement filtrées et présentées, afin d’améliorer la qualité des soins et la santé des patients ». De tels outils ont fait preuve de leur intérêt, aussi bien en ce qui concerne la conformité des prescriptions finales aux recommandations ou la réduction du risque relatif d’erreurs de prescription et d’effets indésirables potentiels. A partir des données qualitatives recueillies dans cette étude, nous avons pu apprécier le fait que la création d’un outil internet et/ou Smartphone partagé par le médecin et son patient serait reçu de manière positive à la fois par les médecins et par les patients. A partir des données des entretiens réalisés avec les patients et les médecins généralistes, du recul sur la iatrogénie, des données actuelles de la science et de la littérature, nous proposons un nouvel outil d’aide à la prescription et au suivi par les médecins généralistes et un outil d’aide au suivi des patients sous anticoagulants. On a vu que l’objectif théorique du risque 0 de saignement et bénéfice 100% est impossible à atteindre en pratique. Mais ces “sorties de route” doivent être contrôlées et limitées au maximum. 52 Les objectifs de cet outil pour les patients seraient : - Améliorer l’observance et l’autonomie des patients sous traitement anticoagulant per os. - Prévenir les accidents du traitement anticoagulant : le saignement en cas de surdosage et les thromboses en cas de sous dosage. Les objectifs de cet outil pour les médecins seraient : - Une aide à la prescription en fonction des données socio démographiques des patients, mais également de leurs traitements, antécédents, pathologies associées, allergies. - Une aide au suivi et dans l’idéal, diminuer la chronophagie que peuvent engendrer les suivis des patients sous traitement anticoagulant. 2 – Les destinataires de l’outil : Cet outil serait destiné dans un premier temps aux patients et aux médecins généralistes. Il s’agirait d’un outil partagé. Cet outil serait un moyen de communication entre ces deux protagonistes dans le but d’une meilleure prise en charge du patient (sans intermédiaire) et un gain de temps pour le médecin (diminution des appels téléphoniques au milieu des consultations, des ajouts de patients entre deux consultations). Cet outil devra être cependant réservé uniquement au traitement anticoagulant. L’outil sera construit de tel sorte que le patient ne pourra communiquer que sur un événement en rapport avec son traitement anticoagulant. Les patients auraient une interface avec l’accès à de nombreuses fenêtres donnant des informations sur le traitement, permettant des rappels de prise du traitement et des bilans 53 biologiques, la conduite à tenir en cas de saignement ou de récidive de la pathologie, dans quel centre se rendre, une aide aux interactions médicamenteuses (entrer le nom d’un médicament et l’application lui affichera s’il est autorisé ou non). Chaque fenêtre s’ouvrirait sur une nouvelle fenêtre avec des réponses aux questions prédéfinies. Les médecins disposeraient d’un outil qui permettrait une adaptation posologique des INR chez les patients sous AVK, un recueil plus exhaustif des effets secondaires ou d’événements indésirables et les recommandations sur les suivis biologiques pour les patients sous anticoagulants. Dans l’idéal cette fonctionnalité serait associée à un système d’alerte afin que le médecin soit toujours informé des résultats. Ils ont été demandeurs d’un outil surtout pour les patients sous AVK car dans l’étude ils étaient peu prescripteurs d’AOD et connaissaient mal le suivi. Mais par extension on pourrait rajouter une alerte chez les patients sous AOD dont la fonction rénale se dégrade ou une hémoglobine qui aurait chuté. 3 – Le format de l’outil : Dans l’idéal, l’outil serait un outil numérique avec application sur smartphone et/ou site internet. Apres évaluation des données chez les patients et chez les médecins généralistes les points importants dans la construction de la forme de l’outil seraient : Les patients étaient plus demandeurs d’une application smartphone/tablette qu’ils ont à portée de main. Pour les patients plus âgés, il est possible d’imaginer étendre cet outil à un carnet de suivi. Mais il faudrait que ces carnets permettent la surveillance des patients sous AVK et sous AOD. 54 Les médecins, une interface simple d’utilisation, le moins de manipulations possibles, des informations claires, si possible une adaptation seule de posologie selon l’INR pour les AVK, et surtout un format permettant uniquement de recueillir des données concernant le traitement anticoagulant afin d’éviter les dérives et que cet outil devienne un moyen de communication entre le médecin et son patient sur d’autres sujets. Il faudra également penser à une solution alternative en cas d’absence du médecin. On peut imaginer que comme pour les mails, en cas d’absence du médecin, le patient recevra toujours via l’outil une réponse automatique lui demandant de contacter soit un médecin remplaçant de son médecin traitant avec qui celui-ci se sera organiser soit les urgences. Le médecin ne devra pas oublier de programmer l’outil en cas d’absence ou d’impossibilité de réponse. 4 – Création de l’outil : Cet outil peut être divisé en 10 sous catégories : INTERFACE PATIENT : 1/ Schéma simplifié d’explications de la maladie et information sur les anticoagulants 2/ Les informations à connaitre : - Maladie pour laquelle le patient prend son traitement anticoagulant - Zone thérapeutique INR si patient sous AVK - Nom du traitement - Durée du traitement 55 3/ Les priorités : - Prendre son traitement – alerte - Gérer les oublis - Rappel des contrôles biologiques - Où se rendre en cas de saignement et/ou récidive de la pathologie - Adaptation de la posologie en fonction de l’INR 4/ Les interdits : - Ne jamais arrêter ou modifier le traitement sans avis médical - Ne prendre aucun nouveau traitement sans avis médical - Eviter les sports ou activités où le risque de saigner ou de se blesser est important 5/ Prévenir son médecin si : - Anomalies biologiques (INR hors zone thérapeutique, diminution de l’hémoglobine insuffisance rénale et/ou hépatique ) - Saignements - Sensation de mal être - Prévenir toutes les autres professions médicales et paramédicales 6/ Les précautions : - Les aliments - Les femmes : contraceptifs si âge de grossesse et/ou prévenir le médecin si désir d’enfant 56 - Se préparer avant déplacement en voyage - Les interactions médicamenteuses : entrer les autres traitements ou un nouveau traitement, y compris ceux obtenus sans ordonnance, et acceptation d’association ou refus par l’outil 7/ Conduite à tenir en cas d’urgence INTERFACE MEDECINS 8/ Interaction médicamenteuse : entrer les autres traitements ou un nouveau traitement, y compris ceux obtenus sans ordonnance, et acceptation d’association ou refus par l’outil. 9/ Recommandations simplifiées pour la prescription des AVK et des AOD. 10/ Un espace dédié à la communication entre les patients et le médecin en cas d’effets indésirables ou de problème de posologie (modification INR, surveillance fonction rénale) ou de symptômes en lien uniquement avec le traitement anticoagulant. 57 PROPOSITION D’UN OUTIL D’AIDE AU SUIVI – INTERFACE PATIENT 1/ Schéma simplifié d’explication de la maladie et information sur les anticoagulants : C’est une anomalie du rythme cardiaque caractérisée par une irrégularité du rythme des oreillettes entrainant des contractions irrégulières des ventricules. Elle peut être permanente, mais peut également survenir par accès et disparaître spontanément. Le traitement est l’anticoagulation pour lutter contre la complication majeure : les thromboses en fluidifiant le sang. Le traitement anticoagulant est en association des traitements qui ralentissent le cœur. Physiopathologie des AVC au cours de l’ACFA La maladie thrombo embolique veineuse se caractérise par l’apparition d’un caillot sanguin dans une veine, ce qui altère la circulation sanguine. La phlébite touche de manière préférentielle les membres inférieurs et l’embolie pulmonaire les poumons Le traitement est l’anticoagulation afin de casser le caillot Physiopathologie de la maladie thrombo embolique 58 2/ Les informations à connaitre Etiologie Zone Thérapeutique INR Signes d’alerte si AVK AVK ou AOD Nom Durée du du traitement traitement Prise heure fixe 59 3/ Les priorités Les priorités AVK AOD PRISE DU TRAITEMENT ALERTE ALERTE GERER LES OUBLIS > 8 HEURES GERER LES OUBLIS < 8 HEURES OU SE RENDRE EN CAS DE SAIGNEMENT PRISE DU TRAITEMENT < 8 HEURES > 8 HEURES OU SE RENDRE EN CAS DE RECIDIVE SAIGNEMENT RAPPEL DES CONTROLES BIOLOGIQUES RAPPEL DES CONTROLES BIOLOGIQUES RECIDIVE INR FONCTION RENALE FONCTION HEPATIQUE FONCTION RENALE INR ADAPTATION DES POSOLOGIES EN FONCTION INR INR < 4 Pas saut de prise 4 < INR < 6 Saut d’une prise INR 6 à 10 Saut d’une prise 1 à 2 mg vitamine K INR > 10 Saut d’une prise 5 mg vitamine K 60 4/ Les interdits AOD et AVK NE JAMAIS ARRETER OU MODIFIER LE TRAITEMENT SANS AVIS MEDICAL NE PRENDRE AUCUN NOUVEAU TRAITEMENT SANS AVIS MEDICAL EVITER LES SPORTS OU ACTIVITES A RISQUE DE SAIGNEMENT OU BLESSURE 5/ Prévenir son médecin si : AVK et AOD ANOMALIE BIOLOGIQUE -) INR hors zone thérapeutique -) Diminution Hb -) Ins. Rénale ou hépatique SAIGNEMENT SENSATION DE MAL ETRE PREVENIR TOUS LES PROFESSIONNELS DE SANTE DU TRAITEMENT ANTICOAGULANT 61 6/ Les précautions Faire attention AVK Interactions alimentaires CHOUX, CRUDITES, BROCOLIS, AVOCAT, FOIE,… Femme/grossesse Préparation avant déplacement en voyage Interactions médicamenteuses AOD Femme / grossesse Préparation avant déplacement en voyage Interactions médicamenteuses PRADAXA : Quinine, Amiodarone, Macrolides XARELTO-ELIQUIS : Kétoconazole, Ritonavir ALERTE SI INTRODUCTION DU TRAITEMENT Métronidazole, Miconazole, Phénobarbital, Rifampicine,… ALERTE SI INTRODUCTION DU TRAITEMENT 62 7/ Les urgences URGENCES TROUSSE PHARMACIE : compresses, élastoplaste, coalgan AVK HEMORRAGIE GRAVE (digestive, hématurie, pulmonaire, intracrânienne) AOD HEMORRAGIE NON GRAVE (stomatologie, épistaxis, cutanée) + SURDOSAGE EN AVK GESTES D’HEMOSTASE (cf anomalies INR) + / - APPEL 15 si pas d’amélioration HEMMORRAGIE NON GRAVE (stomatologie, epistaxis, cutanée) APPEL 15 APPEL 15 Rester ½ assis Rester ½ assis Alerter entourage HEMORRAGIE GRAVE (digestive, hématurie, pulmonaire, intracranienne) GESTES D’HEMOSTASE +/- APPEL 15 si pas d’amélioration Alerter entourage GESTE D’HEMOSTASE SI POSSIBLE 63 PROPOSITION D’UN OUTIL D’AIDE AU SUIVI – INTERFACE MEDECIN 8 / Les interactions médicamenteuses QUEL EST VOTRE TRAITEMENT ANTICOAGULANT PREVISCAN QUEL MEDICAMENT VOULEZ VOUS PRENDRE ? ASPIRINE NON 64 9 / Les recommandations simplifiées troubles cognitifs Diabète HTA AVC ACFA Ins. cardiaque Age Traitement AOD oui ou non AVK Sexe : F PATHOLOGIE M MDRD TVP / EP AVK ou Age AOD Le but serait donc que le médecin entre de manière simplifiée les principales données du patient, l’outil calculerait de manière autonome l’indication ou non au traitement anticoagulant et l’anticoagulant adapté (AOD ou AVK). 65 10/ Espace dédié à la communication entre patients et médecins Exemple adaptation posologique INR INR cible 2-3 COUMADINE Traitement 1+ ½ /j Posologie 5 INR actuel Saignement ? NON Autre effet indésirable ? SAUT D’UNE PRISE CONTROLE INR DEMAIN ALERTE MEDECIN 66 Le but serait donc que l’outil pose des questions simples au patient afin de régler les problèmes sans forcément recourir à une intervention du médecin traitant mais en tenant celui-ci tout de même informé. On a donné ici l’exemple d’un problème concernant les AVK et l’INR mais on pourrait imaginer un mode de fonctionnement également pour les AOD comme par exemple introduire dans l’outil sa fonction rénale de contrôle et envoi d’une alerte au médecin en cas de nécessité. Le fonctionnement par le biais de tels outils semble être l’avenir. La création de sites internet et d’applications Smartphones étant en plein essor. Cependant, certaines limites sont encore rencontrées : la législation en vigueur, les problèmes d’utilisation chez les sujets âgés. 67 DISCUSSION 1 – Principaux résultats Cette étude a exploré les représentations des bénéfices et risques des patients sous anticoagulants. Cette étude a pour but d’améliorer le choix thérapeutique et le suivi des patients sous traitement anticoagulant. L’analyse des verbatim a donc permis de construire 4 domaines de représentations. Les entretiens se sont déroulés sur quasiment le même schéma pour tous les patients. Durant les premières minutes, les patients avaient du mal à exprimer leurs craintes, à évoquer les effets secondaires qu’ils ont pu avoir. Après plusieurs minutes, ils commençaient à être plus à l’aise, à évoquer ce qu’il ne leur plaisait pas ou évoquer leurs angoisses. Dans le domaine CONNAISSANCE ACTUELLE DU TRAITEMENT ANTICOAGULANT Connaissance de la pathologie : on peut mettre en évidence que les patients connaissaient leur pathologie, les examens ayant permis le diagnostic, l’indication de la prescription du traitement. Connaissance du traitement : les patients sous AVK connaissaient les posologies et leurs adaptations en fonction des INR – ceux sous AOD les connaissaient également ainsi que leur décroissance. Tous les patients connaissaient la fréquence de la surveillance biologique, ce qui est surveillé. Les patients avaient généralement conscience de la balance bénéfice/risque du traitement anticoagulant puisqu’ils ont évoqué le risque hémorragique tout en sachant que si le traitement est mal pris le risque de thrombose pour les patients en ACFA et de récidive de TVP était important. Il semblait pour les patients que le surdosage était plus grave que le sous dosage. 68 Prescription du traitement : le traitement anticoagulant pour les patients en ACFA était prescrit par un cardiologue ou sous avis cardiologique. Pour les patients ayant une MTEV, les médecins généralistes pouvaient être prescripteurs. Les prescriptions initiales n’ont pas été faites par les mêmes cardiologues ni médecins généralistes. Connaissance de l’éducation thérapeutique : les patients sous AVK connaissaient les interférences alimentaires mais ne leur semblaient pas contraignantes. Les interférences médicamenteuses n’étaient presque pas évoquées. Les patients sous AOD ont, de manière générale, moins évoqué l’éducation thérapeutique hormis les risques de saignement. Par contre quasiment aucun patient n’a parlé des signes cliniques annonciateurs de surdosage. Les connaissaient ils ? Dans le domaine QUALITE DE VIE SOUS ANTICOAGULANT Les contraintes : pour la majorité des patients, même les plus jeunes, le traitement au long cours, les surveillances biologiques, les interférences et les risques du traitement ne semblaient pas rendre contraignante la prise du traitement par rapport à son bénéfice. Les contraintes se sont faites ressentir chez une patiente qui a dû modifier son quotidien et pour 2 autres qui ont eu des effets secondaires majeurs sous traitement anticoagulant. L’apparition d’une pathologie cardiologique déclenchait chez certains patients un sevrage tabagique et parfois des activités sportives. L’inquiétude : une moitié de patients pouvaient être inquiets d’un traitement anticoagulant. L’inquiétude a été évoquée par ces patients, de manière relativement spontanée, sans rappel de questions au court de l’entretien. Mais cet « aveu » d’inquiétude est survenu à chaque fois en 69 milieu, voire fin d’entretien. Comme s’il fallait ce temps aux patients pour se sentir en confiance. Les questions que pouvaient se poser les patients notamment à son introduction du traitement anticoagulant ont globalement reçu des réponses. Suivi biologique : dans le but d’un meilleur suivi, les lieux des contrôles biologiques dépendaient de l’autonomie des patients (domicile ou laboratoire). Le terme « rassurance » concernant les suivis biologiques est revenu dans la plupart des entretiens. Modification des activités quotidiennes : une minorité de patients disaient avoir largement modifié leurs activités quotidiennes depuis la mise sous anticoagulant. Mais la plupart des patients décrivaient quand même une nécessité d’attention plus particulière à ne pas se blesser, surtout lors de la manipulation d’objets au travail. Conseils par patients : quelques patients, ayant déjà eu des épisodes de saignements avaient sur eux des pansements hémostatiques : hypothèse d’un nouvel accident hémorragique ou à visée anxiolytique ? Ces informations étaient données sous forme de conseil, comme pour en faire la transmission aux autres patients sous anticoagulants. Effets secondaires : 4 patients sur 15 ont eu des antécédents d’hémorragies de moyenne à grande abondance sous anticoagulant dont une hémorragie intra crânienne. Et un peu plus de la moitié des patients ont eu des épisodes de saignement plus abondants. Malgré ces effets secondaires sévères, les patients continuaient à prendre de manière rigoureuse leur traitement anticoagulant. Cela peut donc appuyer la compréhension de l’indication au traitement. Efficacité du traitement : un patient a évoqué la notion d’efficacité du traitement car après 14 mois de traitement la MTEV était toujours présente. Doit-on donner au patient un temps précis de durée de traitement pour les pathologies thrombotiques ? Provoquerait-il des problèmes d’observance notamment l’arrêt du traitement sans avis médical ? 70 Dans le domaine RELATION ENTRE SOIGNANTS ET PATIENTS Relation médecin/patient : comme dit précédemment de manière générale, les patients osaient téléphoner à leur médecin pour avoir un avis sur la conduite à tenir après les résultats d’une prise de sang. Dans certains cas, les médecins appelaient les patients pour leur communiquer les résultats. Une minorité des patients a évoqué un embarras face à la prescription ou au suivi du traitement. Mais n’ont pas osé donner leur avis au médecin. Suivi du traitement : Pour la majorité des patients, les médecins généralistes s’occupaient du suivi, les autres patients par les cardiologues. Aidants extérieurs : les patients n’avaient quasiment aucun lien avec les intervenants extérieurs : 1 seul patient connaissait la clinique des anticoagulants et quelques-uns avaient des conseils de leur pharmacien. Rôle du médecin dans l’éducation : d’après les patients, les médecins semblaient actifs dans l’éducation du traitement anticoagulant notamment dans la prévention des situations à risque d’hémorragie. Enfin une minorité a reçu une formation de gestes d’hémostase en cas de saignement, formation non délivrée par le médecin traitant pour l’un d’eux. Enfin dans le domaine OUTILS D’AIDE AU SUIVI DES PATIENTS SOUS TRAITEMENT ANTICOAGULANT les réponses étaient les plus inhomogènes en fonction des groupes d’anticoagulants. Ces différences peuvent être corrélées aux données sociodémographiques. En effet, les patients sous AVK avaient dans l’ensemble plus de 70 ans. Ces patients étaient habitués à recevoir leurs résultats par papier puis à joindre le médecin traitant par téléphone ou 71 aller en consultation si l’INR n’était pas dans la fourchette thérapeutique. Ces patients, pour la majorité, n’utilisaient aucun outil électronique et ne souhaitaient pas apprendre à s’en servir. Quant à l’utilisation des carnets papiers pour ces mêmes patients sous AVK, une minorité semblait y être intéressé mais n’ont pas été demandeurs en fin d’entretien. Il serait intéressant de savoir s’ils ont par la suite sollicité leur médecin traitant. Le fonctionnement conventionnel semblait donc approuvé par cette génération. De manière opposée, les patients sous anticoagulants oraux directs étaient plus jeunes. Ils avaient tous accès aux outils électroniques et semblaient tous motivés par la création d’un outil d’aide au suivi quelque soit la pathologie initiale. Certains patients disaient utiliser les outils électroniques pour avoir plus d’informations sur leur traitement anticoagulant. Par contre, aucun patient n’avait d’outil d’aide au suivi électronique. Mais de manière générale, peu importe l’âge ou le traitement, à la présentation de l’outil d’aide au suivi, je sentais un blocage des patients. Alors que je leur laissais le temps de réfléchir à la question de leurs attentes, que je faisais des relances, les patients avaient du mal à apporter des réponses. Mon hypothèse est que les patients âgés qui n’utilisaient pas d’outil électronique ne devaient pas comprendre quel était le projet. Ça devait leur sembler inaccessible. Quant aux proposition des carnets de suivi, même si quelques-uns ont montré un intérêt minime, il me semble peu probable qu’ils l’utiliseront par la suite . Leurs réponses étaient très courtes. « Oui » ou « non », comme pour ne pas avoir à tromper le circuit médical dans lequel ils sont installés depuis plusieurs années. Ils sont habitués à un mode de vie, à une relation médecin / patient et un suivi qui leur convient. Pour les patients plus jeunes, qui savaient utiliser les outils électroniques une gêne se faisait quand même faite ressentir. De manière générale, ils semblaient motivés à la création et l’utilisation d’un outil. Mais malgré les explications générales de l’outil et de nombreuses 72 relances, les patients ont eu du mal à exprimer les attentes d’une telle application. En majorité les patients souhaitaient une application sur téléphone comme interface. Les attentes les plus évoquées étaient des informations à propos des interférences médicamenteuses/alimentaires, un rappel de la prise du traitement, des explications de la pathologie pour laquelle le patient est sous anticoagulant. Est-ce que les patients ne sont tout simplement pas habitués à ce qu’on leur demande leur avis dans le milieu médical ? Est-ce que pour les patients les plus jeunes qui n’ont pas eu d’effets secondaires sous traitement anticoagulant peuvent comprendre l’utilité de cet outil ? Au fur et à mesure des entretiens, j’ai essayé de modifier l’approche de cet outil et de consacrer plus de temps de l’entretien à la partie outil d’aide au suivi. Mais les réponses étaient relativement semblables. 73 2 - Discussion des résultats en fonction des données de la littérature : 2.1 - La prescription des anticoagulants oraux : Le nombre de patients recruté en ACFA était équivalent au nombre de patient avec une MTEV. Les molécules d’anticoagulants étaient quasiment équivalentes dans les 2 groupes. Pour l’HAS, les AVK restent la référence du traitement de l’ACFA non valvulaire et les AOD représentent une alternative thérapeutique. Cette décision est justifiée par le manque de surveillance biologique, la courte durée d'action, et l'absence d'antidote 19. Les prescriptions d’anticoagulants chez les patients en ACFA interrogés étaient majoritairement faites par les cardiologues. Ce qui est en cohérence avec l’étude ISAM20 . En 2014, la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) et l’Agence Nationale de la Sécurité du Médicament (ANSM) ont mené une étude comparant les risques d’hémorragiques observés dans les deux classes d’anticoagulants. L’étude a été réalisée en vie réelle chez les nouveaux utilisateurs d’AOD et d’AVK et naïfs de tout anticoagulant oral pour ACFA non valvulaire ou thrombose veineuse profonde. Parmi les 71 589 patients, il n’y a pas eu d’excès de risques hémorragiques ou thrombotiques chez les patients débutant un traitement par AOD versus AVK dans les 90 premiers jours de traitement. Les résultats indiquaient également une prescription différente en termes de dosages selon les caractéristiques des patients. Les patients débutant un traitement par faibles dosages d’AOD sont plus âgés (> 80 ans) et globalement plus à risques (hémorragique ou thrombotique artériel)28. L’ANSM a mené une étude en parallèle comparant chez les personnes nécessitant un traitement anticoagulant pour une ACFA non valvulaire ou une thrombose veineuse profonde, le risque 74 d’hémorragie majeure entre les patients qui changent de traitement anticoagulant (passant d’un AVK à un AOD) et ceux qui restent sous AVK. 24 820 patients ont été suivis pendant quatre mois. Les résultats ne montraient pas d’augmentation du risque d’événement hémorragique majeur chez les personnes qui passaient d’un traitement AVK vers un AOD par rapport aux personnes qui restent sous AVK, quel que soit l’AOD 29. Les résultats étaient cohérents avec les publications internationales mais ne permettaient pas de conclure puisque ces études ont porté sur 3 à 4 mois de suivi. A noter qu’une méta-analyse publiée dans le Lancet en mars 2014 contredit ces résultats en montrant une supériorité des AOD dans la prévention des AVC ou des embolies systémiques, avec une diminution de la mortalité et de l'incidence des hémorragies intracrâniennes par rapport aux AVK 30. Dans notre étude, les patients sous AOD étaient des patients jeunes pour la majorité (< 75 ans sauf pour une patiente). Aucune étude ne met en avance un anticoagulant en fonction de l’âge. A ce jour, aucun essai randomisé et contrôlé n’a comparé Warfarine à un AOD chez les patients de plus de 80 ans ou patients âgés fragiles. En pratique, chez le patient âgé fragile, il n’y a pas de consensus quant au choix des anticoagulants à prescrire en cas d’ACFA ou MTEV. Quant au choix de l’AOD à privilégier chez le sujet âgé, il n’y a pas d’études de comparaison directe disponibles à ce jour 31. Par contre les critères du poids corporel, de l’insuffisance rénale, des interactions médicamenteuses et des troubles mnésiques orientent vers le choix de l’anticoagulation 32, 33, 34. Les études réalisées sur les AOD en 2013 selon l’HAS montrent que 15% des patients prennent également de l’Amiodarone alors qu’il y a une contre-indication théorique à l’association des deux médicaments, que 10% des patients sous AOD ont plus de 80 ans et que la fonction rénale n’avait pas été contrôlée au préalable 35. 75 A noter que l’AOD qui a l’AMM dans la maladie thrombo embolique est le Rivaroxaban et les patients inclus dans l’enquête sous AOD étaient tous sous XARELTO36. 2.2 - Les contrôles biologiques : Les patients interrogés sous AVK connaissaient la fréquence de contrôle des INR. Ils étaient tous dans les recommandations puisque le dosage chez les patients avec un INR stable était de une fois par mois et plus dans les situations à risque. La fréquence recommandée de surveillance de l’INR doit être tous les 2 à 4 jours jusqu’à stabilisation de l’INR, puis un espacement progressif jusqu’à un intervalle maximal d’un mois 37. Les recommandations sur la surveillance biologique des patients sous AOD préconisent un contrôle de la fonction rénale tous les 3-4 mois notamment chez les patients de plus de 75 ans 17. Dans notre étude, la moitié des patients sous AOD bénéficiaient des surveillances biologiques. 2.3 - La qualité de vie sous traitement anticoagulant : La majorité des patients de notre étude ne semblaient pas contraints par la prise du traitement anticoagulant. Il existe peu de littérature à propos de la qualité de vie et de la contrainte de la prise du traitement au long cours. Une thèse en parallèle fait une étude quantitative pour évaluer le vécu des patients anticoagulés pour une ACFA. L’évaluation se fait à l’aide de 3 paramètres : qualité de vie (via le questionnaire EuroQol EQ5D3L), la satisfaction du traitement anticoagulant (via le questionnaire PACT Q2) et l’observance (via le questionnaire Morisky MMAS8). Les résultats initiaux montrent que chez les patients traités par anticoagulants oraux pour une ACFA et suivis 76 en ambulatoire, la qualité de vie était bonne et comparable sous AOD et AVK. La satisfaction du traitement anticoagulant était élevée globalement mais meilleure chez les patients sous AOD que ceux sous AVK. L’observance était pour plus de deux tiers des patients élevée et similaire entre les trois groupes. L’étude RELY a mesuré la qualité de vie à l’aide du questionnaire EQ5D-VAS, à 0, 3 et 12 mois chez des patients anglais des patients sous AOD Dabigatran versus AVK. Les scores EQ5D et VAS n’ont pas mis en évidence de différence statistiquement significative entre les 2 groupes Dabigatran versus AVK. La qualité de vie était stable sur les 12 mois de suivi dans la population38. 2.4 – La connaissance du traitement anticoagulant par les patients : Les patients interviewés connaissaient en majorité leur traitement, les indications de leur traitement, les posologies, les adaptations posologiques. Ils avaient tous notion du risque hémorragique. Pour les patients aux antécédents hémorragiques, ils savaient corrélés ces effets secondaires au traitement. La majorité des patients connaissaient les règles hygiéno diététiques. Par contre trop peu de patients ont évoqué l’importance de demander l’avis aux médecins et/ou pharmaciens en cas de nouveau traitement. Et les ils semblaient démunis face aux situations d’urgence. Mais les patients interrogés n’avaient pas de troubles mnésiques, étaient autonomes, pour les patients sous AVK ils géraient leurs INR depuis de nombreuses années. Il semble difficile d’étendre ces conclusions à tous les patients sous anticoagulants. Une étude réalisée au CHU de Montpellier par Dr VENDENBERGHE ont fait une enquête chez 122 patients admis en cardiologie tous sous anticoagulant oral (87% sous AVK et 13% sous AOD) 39. 77 La quasi-totalité des patients (96,7%) savaient qu'ils avaient un traitement anticoagulant mais leurs connaissances liées à ce traitement n'étaient pas toujours suffisantes. Les chercheurs ont constaté un manque de connaissances sur les interactions médicamenteuses chez 36,9% des patients, et un manque de connaissances sur les interactions avec des aliments pour 87,7%. Ils étaient aussi 25,4% à ne pas connaître les possibles conséquences d'une sur ou sousanticoagulation. Pour 32,7%, la raison de ce traitement n'était pas connue des patients. Un quart d'entre eux manquaient de connaissances sur la surveillance biologique. Il y avait peu de différences entre les patients sous AVK ou sous AOD, mais ceux sous AOD avaient une meilleure connaissance de leur traitement. La connaissance de leur traitement anticoagulant par les patients semblait donc "mauvaise" d’après les chercheurs. L’étude de l’AFSSAPS sur la connaissance des traitements anticoagulants (AVK) par les patients, menée en 2000 sur 753 patients et en 2003 sur 673 patients a montré que : 80% des patients se déclaraient informés des risques du traitement, plus de la moitié ne connaissent toujours pas les signes annonciateurs d'un surdosage (INR supérieur à 5, saignement mineur ou signes indirects d'hémorragie interne). Plus de 40% des patients ignoraient devoir signaler leur traitement anticoagulant au pharmacien et plus de 58% au biologiste (61% en 2000). Enfin, plus de la moitié des patients ne savaient pas que l'association du traitement AVK avec les anti inflammatoires non stéroïdiens est déconseillée (en 2000 et 2003) 40. 2.5 - Outils d’aide au suivi et intervenants extérieurs : Carnet de suivi : Parmi les patients sous AVK, une seule patiente avait un carnet de suivi et une autre en avait entendu parler. Il n’y a pas dans la littérature de chiffre estimant le nombre de patient utilisant 78 cet outil de suivi. Par contre, de nombreuses études auprès des médecins généralistes rapportent qu’ils pensent que le carnet est essentiel pour le suivi. Une étude réalisée dans le cadre d’une thèse en 2006 Connaissance par les patients de leur traitement antivitamine K rapporte que parmi les 54 patients inclus, seuls 32,5% avaient des carnets de suivi 41. Une étude réalisée par l’AFSSAPS entre 2000 et 2003 ne montraient pas d’augmentation du nombre de carnets distribués 40 . Alors que les études d’impact réalisées en 2007 montraient qu’environ un patient sur deux possède déjà ce carnet, ce qui représente environ 250 000 carnets en circulation39. Clinique des anticoagulants (CAC) : Un seul patient connaissait la clinique des anticoagulants. Cet unique patient était sous AOD. Ce chiffre est faible alors que les patients interrogés vivaient dans des régions/départements où l’accès aux CAC est simple. Mais connaissaient-ils l’existence de ces CAC ? Les médecins prescripteurs ou s’occupant du suivi ont-ils informé les patients de l’existence de ces lieux de suivi ? De nombreuses études ont été menées pour évaluer l’apport de ces CAC comparativement à la prise en charge traditionnelle. Les études montrent que les CAC améliorent le rapport coût-efficacité en diminuant le nombre de consultations et d’hospitalisation. En France, une étude menée sur 5 ans, au sein d’un centre de suivi et de conseil des traitements anticoagulants a montré que le temps passé dans l’intervalle thérapeutique atteignait 72% comparé à 50-60% avant les CAC (étude hollandaise) et que moins de 1% des patients présentaient un déséquilibre avec un INR dépassant 5 42. Le suivi par une CAC diminue d'un facteur 3 à 4 la morbi-mortalité liées à l'utilisation des AVK. 79 Aidants extérieurs : Une minorité de patients ont évoqué leur pharmacien comme aidant. Ils ont cité leur pharmacien dans l’aide qu’il peut leur apporter pour éviter les interférences médicamenteuses. Alors que les pharmaciens ont mis en place des entretiens spécialisés pour aider les patients dans le suivi de leur traitement anticoagulant. 2.6 – L’éducation thérapeutique : Dans l’ensemble, les patients semblaient avoir reçu l’éducation thérapeutique adaptée à la vie quotidienne. Les patients connaissaient l’indication au traitement, savaient adapter la posologie de médicament, savaient quels sports ils ne devaient pas pratiquer, quelles situations à risque étaient à éviter. Par contre ils semblaient avoir un peu moins de connaissance sur la pathologie en elle-même. Lors de la mise en place d’un traitement par anticoagulant oral, tout patient doit recevoir des éléments d’éducation thérapeutique, y compris si la durée de traitement envisagée est de quelques semaines 43. L’éducation thérapeutique doit être personnalisée 43, 44. Il faut expliquer le but du traitement, ses risques, les principes de l’INR si le patient est sous AVK et de l’adaptation de posologie, les adaptations éventuelles de son mode de vie (activités professionnelles et sportives), de son alimentation (stabilité du régime alimentaire, notamment vis-à-vis des aliments riches en vitamine K), les principales interactions avec les médicaments, ainsi que la conduite à tenir en urgence, en cas d’accident 45. Cette éducation est faite par le professionnel de santé ou par la structure qui pose l’indication d’un traitement anticoagulant 46. 80 Le patient joue un rôle déterminant dans le bon usage des anticoagulants et doit avoir une bonne connaissance de l’indication pour laquelle ce traitement lui a été prescrit, de son INR cible si il est sous AVK , de la nécessité de signaler systématiquement à tout professionnel de santé son traitement par anticoagulant. Cette éducation doit être apportée au fil des consultations par les médecins, les infirmiers, les pharmaciens 47, 48. L’éducation thérapeutique est un droit pour le patient et une obligation pour le monde soignant. Les médecins généralistes restaient au cœur du suivi du traitement : ils sont les premiers interlocuteurs du patient pour l'adaptation des posologies, ils suivent les patients dans la durée, et organisent des consultations régulières pouvant renforcer les connaissances du patient sur le long terme. Mais il y a nécessité à renforcer l’éducation thérapeutique réalisée par le médecin. L'éducation thérapeutique, comme les autres techniques de soin, demande un apprentissage. Une perte d'information peut donc se produire. Et le temps consacré à l'éducation thérapeutique peut être insuffisant. L’éducation thérapeutique doit donc être renforcée par tout le personnel médical et paramédical et s’appuyer sur les outils d’aides au suivi qui sont proposés aux patients. L’éducation thérapeutique du patient permet une nouvelle attitude du soignant vis-à-vis du patient, développant la relation médecin/malade et les interactions 49. 2.7 – Relation médecin / patient : Il est globalement ressorti des entretiens une bonne relation médecins / patients. Une minorité de patients n’ont pas osé donner leur avis aux médecins prescripteurs. 81 L’HAS a publié un rapport sur la décision médicale partagée en 2013. Une étude unique, rétrospective, montre qu’une plus grande implication des patients aux décisions qui les concernent est associée à une réduction des événements indésirables évitables déclarés. Des barrières sont toutefois décrites par les patients : manque de temps des médecins, personne devant laquelle on n’ose pas contester 50. Les patients ne veulent pas être responsables de la décision à prendre mais ils jugent important de pouvoir poser des questions et de comprendre comment les décisions sont prises. Une étude qualitative, coordonnée par la Commission européenne ainsi que la Direction générale de la Santé et des Consommateurs, a été réalisée dans plusieurs pays d’Europe en 2012 afin de faire un état des lieux de la participation des patients. Les principaux résultats étaient que les patients souhaitaient être impliqués dans la prise de décision, être informés des raisons d’une décision51. 2.8 – Utilisation des outils informatiques : La totalité des patients jeunes et 2 patients de plus de 75 ans utilisaient des outils informatiques sans décrire leurs utilisations exactes. Certains disaient que Les patients les plus jeunes n'hésitaient pas à rechercher des informations concernant leur pathologie ou leur traitement. Aujourd’hui en un minimum de temps, on peut avoir accès à une masse de documents sans que ce soit un gage d'efficacité de l'information. Pour un lecteur non averti, il est difficile d'évaluer l'origine, l'ancienneté et la pertinence des informations trouvées. En tapant « anticoagulants oraux » sur un navigateur, on pourra obtenir quelques fiches d'information pour grand public sans que toutes les informations ne soient pertinentes. Une étude de 1999 rappelle que le matériel d’éducation sur le web était d’une lecture trop difficile pour la majorité des patients 52. 82 3 - Les forces et faiblesses de cette étude : 3.1 - Les forces : A notre connaissance, il s’agit du premier travail sur les thèmes de l’exploration des représentations des patients sous traitement anticoagulant et la mise en place d’un outil internet et/ou Smartphone d’aide à la prescription et à la surveillance des anticoagulants oraux à la fois chez les médecins généralistes et chez les patients. - Méthode qualitative La méthode qualitative est une méthode rigoureuse qui répond à des critères de qualité répartis en 3 domaines : équipe de recherche et réflexion, conception de l’étude, analyse et résultat. Dans notre étude nous avons cherché à répondre à ces critères 53, 54. - Echantillonnage Nous avons cherché un échantillon diversifié de patients, dans de multiples structures (hospitalières, urgences et cabinet de médecin généraliste). Nous avons obtenu une saturation des données qui permet d’assurer une validité de notre échantillonnage. A partir du 12ème entretien, il n’y a pas eu de nouveau thème. Donc les trois autres entretiens ont permis de confirmer cette saturation. - Recueil des données Il s’agissait d’entretiens individuels. Les entretiens ont été enregistrés puis retranscrit le jourmême, afin de ne perdre aucune information. Cet enregistrement ne gênait pas les patients. L’anonymat a été préservé, permettant une grande liberté de parole. 83 - Méthode d’analyse : Un double codage a été réalisé séparément par un autre chercheur, ce qui a permis une triangulation des résultats et un gain en objectivité. La mise en commun des 2 codages a mis en évidence une concordance des codes et a permis de renforcer la validité des résultats 54. 3.2 - Les faiblesses : - Echantillonnage : Malgré le pourcentage de la population sous traitement anticoagulant pour maladie thromboembolique ou ACFA, nous avons eu du mal à recruter, notamment des patients jeunes, capables de répondre à des entretiens. Notre étude qualitative ne permet pas de faire de statistiques sur les résultats ni de les extrapoler à la population générale, compte tenu du nombre limité d’interviewés et du type de questionnaire. La méthode adoptée pour choisir les participants à l’étude entraine un biais de sélection 51. Cette limite ne concerne pas l’objectif principal de cette étude. - Recueil des données : Des entretiens individuels ont été réalisés à la place des focus groups en raison des difficultés à réunir en un même lieu plusieurs patients concernés. Cette technique aurait permis l’émulation d’idées telles que : améliorer l’exploration des besoins, des attentes, des satisfactions ou des motivations grâce à une dynamique de groupe. L’âge des patients était une limite à l’étude puisqu’ils n’utilisaient pas d’outil électronique dans la majorité alors que c’est l’outil vers lequel nous voudrions tendre. 84 Il s’agissait de ma première étude qualitative. Etant novice, je n’avais pas l’habilité de l’enquêteur à mener ces entretiens. Lors des entretiens, des questions dites de « relances » ont été rajoutées afin de maximiser les données recueillies. Tel que le disent A. Moreau et al. « l’objectif du modérateur est de faire émerger les différents points de vue en laissant au départ le sujet s’exprimer de manière non directive puis en recentrant en fin de séance » 55. Il est donc probable que, par les nombreuses relances nous ayons pu limiter l’émergence de certaines idées ou concepts ou même que les réponses aient été orienté par notre intervention. La réalisation de ce travail par un modérateur plus expérimenté pourrait permettre de corriger ce biais. On peut également évoquer le biais de mémoire. Pendant l’entretien les patients devaient se remémorer des faits survenus. Il ne leur était pas demandé de réfléchir avant notre rencontre au thème de l’étude. Cette approche permettait l’évocation des situations les plus marquantes. Cependant, les patients ont pu oublier avec le temps des évènements marquants 56. 4 – Outils existants d’aide au suivi : La médecine évolue au cours du temps et les patients évoluent en parallèle. Devant la difficulté existante de la prescription et de la surveillance des anticoagulants, des outils ont déjà été mis en place afin d’aider les médecins à la prescription et les patients à la surveillance et à la gestion du traitement. Depuis la mise sur le marché des traitements anticoagulants, la surveillance a beaucoup évolué. De nombreux modes de suivis et structures ont été mises en place pour informer, prévenir, afin d’éviter les accidents sous anticoagulants. 85 Les médecins généralistes, les cardiologues sont au premier rang. Ils introduisent le traitement, informent les patients, font de la surveillance. Mais devant la demande qui ne fait qu’augmenter, des structures spécialisées se sont mises en place. 4.1 - Les cliniques d’anticoagulants : Ces cliniques spécialisées dans la surveillance des traitements anticoagulants ont été créées. Leur objectif est d’améliorer le suivi des patients en les informant, en les responsabilisant et en les suivant 42. Le CREATIF (Centre de Référence et d’Education des Anti Thrombotiques et Professionnels d’Ile de France) coordonne et organise la prise en charge entre hôpital et professionnels de santé libéraux d’Ile de France. Il délivre des conseils aux professionnels de santé, des conseils thérapeutiques aux patients sous AVK, et organise des séances d’éducation thérapeutique et des actions de formations aux professionnels de santé. L’évaluation de l’HAS de 2008 a bien redéfini leur mode de fonctionnement : la gestion des traitements anticoagulants avec adaptation de la posologie et l’éducation du patient. En France, après que les patients aient effectué le contrôle INR en laboratoire, les résultats sont transmis au médecin traitant qui adapte alors la posologie. La fonction des cliniques des anticoagulants est complémentaire puisqu’elle reçoit en temps réel les résultats du laboratoire et les communique au médecin avec l’adaptation de posologie recommandée 57. Un patient n’est pris en charge par la CAC qu’après acceptation de son médecin traitant. 4.2 - Les carnets de suivi : Le carnet de suivi des patients sous AVK contribue à l'éducation thérapeutique du patient. Il est conçu pour rassembler les données indispensables au suivi du traitement du patient, 86 notamment les résultats des examens de laboratoire (INR). Le patient le rempli seul. Il pourra noter les résultats d’INR, les posologies, la date du prochain INR à effectuer. Ces renseignements informent les professionnels de santé (médecins, pharmacien, biologiste, infirmière…) quant aux prises des traitements des patients, leurs résultats d’INR pour adapter les posologies,… Le carnet fait un rappel des recommandations pour la sureté des patients : des conseils, des préventions, quelle conduite à tenir en cas d’urgence, les interactions, ce que le patient doit faire ou ne pas faire. Le carnet comporte également une carte détachable à conserver dans un portefeuille prévenant que le patient est sous anticoagulant 58. 4.3 - Les aidants extérieurs : Les pharmaciens Dans les officines, le dossier pharmaceutique, créé en 2007 permet de lutter contre la iatrogénie. Il permet de visualiser informatiquement via la Carte Vitale du patient tous les médicaments qui lui sont délivrés durant les 4 derniers mois. Ainsi, il permet au pharmacien de surveiller les interactions médicamenteuses. Des modalités pratiques de l’accompagnement par le pharmacien des patients sous anticoagulants oraux ont été publiées en 2013. Ils ont à leur disposition via le Cespharm, un carnet de suivi des patients traités par AVK et un dossier d’information professionnelle. Le pharmacien joue donc un rôle dans l’éducation thérapeutique et l’accompagnement des patients sous anticoagulants 59. 87 L’accompagnement s’effectue dans le cadre d’entretiens pharmaceutiques destinés notamment à évaluer la connaissance de son traitement par le patient, à l’informer et le conseiller sur le bon usage des médicaments prescrits, à promouvoir son adhésion thérapeutique, à contrôler la réalisation de l’INR, à lui indiquer la conduite à tenir en cas d’oubli, quels sont les médicaments à risque d’interférence médicamenteuse, apprendre à noter les INR dans le carnet de suivi. Il est prévu que le pharmacien remette au patient, si besoin, le carnet d’information et de suivi du traitement par AVK rédigé par l’ANSM. Ce carnet est disponible sur simple commande auprès du Cespharm. Il comporte une carte détachable à conserver dans le portefeuille signalant la prise d'un traitement par AVK. D’après une étude menée par la CNAM, les patients apprécient ces entretiens. Les 289 patients interrogés ont donné une note moyenne élevée à ce dispositif, de 8,7/10. L'évaluation de l'Assurance maladie indique que, grâce à ces entretiens, la majorité des patients dit avoir pris conscience de l'importance du suivi et de la surveillance des INR. Pour 74 % d'entre eux, le traitement AVK est mieux compris60. Les Infirmiers Diplômés d’Etat : Le rôle que pourrait avoir les infirmiers diplômés d’état (IDE) dans la surveillance des patients sous anticoagulant a été proposé par des médecins généralistes. Les IDE interviendraient pour donner des informations complémentaires aux patients : - nom du médicament, la posologie, certains effets secondaires indésirables - ce qui devrait être signalé au médecin lors d’un traitement longue durée - l’interdiction de modifier le traitement ou les horaires de prise Les IDE peuvent donc faire partie intégrante de l’éducation thérapeutique du patient et ce rôle est trop peu mis en avant actuellement selon les médecins généralistes. 88 4.4 - Outils électroniques : Comme vu précédemment, on constate une informatisation des soins. L’ère du numérique apporte de nouvelles perspectives dans les disciplines médicales. Les patients accèdent aux données et informations médicales, les médecins l’utilise pour leur formation médicale continue et aider à la prescription. Une revue de la littérature par l’HAS Le patient internaute, réalisée en 2007 a montré qu’aux Etats Unis l’utilisation d’internet à la recherche de l’information en santé varie de 33 à 53% en fonction des enquêtes. En Europe, ce pourcentage était plus difficile à estimer mais il est supposé supérieur à 20%61 . Des sites internet ont été élaborés pour les patients. Certains donnent des informations sur des pathologies spécifiques, d’autres permettent des discussions entre patients. L’un des objectifs est également de collecter des données pouvant servir à l’évaluation thérapeutique. Un des premiers réseaux sociaux, PatientLikeMe a été créé en 2005 initialement pour des besoins de communication sur la Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA)62, s’est développé secondairement et abrite aujourd’hui de nombreuses communautés autour de maladies graves. Pour les anticoagulants, des outils ont été mis en place pour aider à la prescription des médecins et les patients dans la gestion de ce traitement. Outils d’aide à la prescription : Le site internet Thromboclic63 est un outil à usage des professionnels de santé d’aide à la décision et à la prescription des anticoagulants, la conduite à tenir en cas d’urgence ou de gestes invasifs. 89 Le site Warfarindosing.org64 est un site d’aide à l’initiation d’un traitement par Warfarine. Ce site a été fondé par une équipe pluridisciplinaire du Washington University Medical Center de Saint-Louis (États-Unis). Il permet de calculer en ligne, après l’entrée des données et via un algorithme validé, la dose de Warfarine à l’instauration du traitement et jusqu’à équilibration. Il propose un suivi personnalisé, avec possibilité d’ajuster la posologie en fonction des INR. Ce site a également un but épidémiologique, en comparant les doses estimées par un autre algorithme à partir de données de plus de quatre mille patients à travers le monde. Un autre site internet Vous n'AVK65 est un logiciel d’aide à la prescription de l’antivitamine K PREVISCAN. Le site demande des éléments administratifs et le médecin renseigne la situation clinique motivant la prescription ainsi que l’indication. La zone thérapeutique à atteindre se remplit alors automatiquement. Une fois l’INR saisi à une date, le logiciel propose une adaptation posologique, les objectifs à atteindre, et selon, les événements intercurrents. Il peut signaler le moment où l’on peut arrêter l’héparine en cas de relai. Il est possible également de saisir : les traitements susceptibles d’interférer, l’adresse du laboratoire réalisant les dosages de l’INR, les autres traitements, des éventuelles anomalies biologiques. D’autres outils intéressants sont proposés : une représentation graphique des dosages de l’INR, la possibilité d’éditer un calendrier des prises à envoyer au patient, une aide décisionnelle à une chirurgie programmée, exporter les données saisies et anonymes, dans le cadre d’une étude épidémiologique. 90 Outils d’aide au suivi : Le site internet AVK control’ 66 a été construit en 2012. Il est dédié à ce jour à 900000 personnes, soit 1% de la population française sous traitement anticoagulant. Ce site apporte des réponses pratiques dans la vie quotidienne des patients sous anticoagulants. Il permet également de saisir des données du traitement et de les visualiser sous forme d’historique. Ce site part du principe que la qualité d’un traitement par AVK est dépendante de la prise en charge du patient lui-même. Ce site existe désormais en application smartphone et tablettes. Des publications d’informations du traitement et sur les différents modes de suivi sont régulièrement mises à jour. Un assistant électronique d’aide à l’ajustement posologique des AVK a été conçu. Il permet d’ajuster la dose du médicament en fonction des INR. Une étude réalisée par P. Imbert et al. avait pour objectif de démontrer que l’utilisation d’INRPlus, un assistant électronique doté d’un algorithme en fonction de l’INR pour gérer les doses quotidiennes d’AVK, pouvait améliorer le temps dans l’intervalle thérapeutique par rapport à la gestion des médecins. L’essai a montré qu’il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes puisque 72,7% des patients du groupe INRplus ont passé le temps dans l’objectif thérapeutique versus 71,2% dans le groupe des patients gérés par le médecin traitant (p = 0,445)67,68. Applications médicales smartphone et tablettes : L’étude américaine Mobile Analytics Report69 souligne une nette croissance de l’utilisation des Smartphones et des tablettes à des fins médicales : les applications de santé génèrent à elles seules, la moitié du trafic des données de santé mobile sur les réseaux sans fil. Selon le rapport 91 récent de Research2guidance 70, 97 119 applications médicales ont été comptabilisées sur les 62 stores recensés. Parmi celles-ci, les applications de santé représentent 49%, soit près de 50 000 applications mobiles de santé (dont 42% d’applications payantes). Depuis quelques années, des applications se mettent en place pour téléphones type Smartphone ou tablettes qui ont pour but d’améliorer l’observance dans les traitements de maladies chroniques. Par exemple, les applications pour les patients diabétiques (cf. introduction). 5 - Discussion sur notre outil : Cet outil électronique se confrontera à des limites auxquelles nous avons pensé pour qu’elles puissent être prises en considération. Cadre légal : Le décret du 19 octobre 2010, relatif à la télémédecine 71 , définit cinq types d’actes de télémédecine. Il précise leurs conditions de mises en œuvre dans le but de respecter les droits du malade, tels qu’ils sont définis par la loi du 4 mars 2002. On retrouve : la téléconsultation, la télé-expertise, la téléassistance, la téléchirurgie et enfin ce qui nous intéresse la télésurveillance. La Télésurveillance s’adresse à un patient déjà connu par un médecin ou par une équipe soignante. Elle permet la surveillance d’un ou plusieurs paramètres physiologiques, recueillis par le patient lui-même ou un autre professionnel de santé, afin d’éviter au maximum l’hospitalisation. De nombreuses applications existent déjà comme la télésurveillance cardiaque chez les patients porteurs d’un pace-maker ou d’un défibrillateur automatique, ou bien la télésurveillance des dialyses péritonéales réalisées à domicile. 92 La confidentialité pour les patients 72: Les échanges d'informations concernent le plus souvent des données nominatives. Pour que ces échanges puissent se faire en respectant les droits des patients, il est nécessaire de connaître les principaux concepts propres à la sécurité de l’information. Intégrité, disponibilité et confidentialité sont les trois aspects fondamentaux de la sécurité des informations. La loi de janvier 1978 précise : - Les droits du patient imposent des contraintes d’information médicales nominatives à tous les stades du traitement tel qu'il est défini par l'article 2b de la Directive européenne de 1995 et par l'article 5 de la loi de janvier 1978. - L’article 6 de la directive exige que les données soient collectées loyalement et librement pour des objectifs déterminés, explicites et légitimes et que ces données soient adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités déclarées. - L’article 26 : le droit pour le patient de s'opposer, pour des raisons légitimes, à ce que des informations nominatives le concernant et même sans avoir à se justifier Les logiciels utilisés pour l'informatisation des données médicales et leur communication doivent intégrer les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des informations, comme par exemple, des détecteurs de virus ou des sauvegardes automatiques. Extension de l’outil : Les entretiens ont été réalisés pour les médecins traitants et les patients. Mais d’autres acteurs de santé interviennent dans le suivi des traitements anticoagulants : les infirmières, les pharmaciens, les cardiologues, les autres spécialités médicales et paramédicales. Il faudrait alors dans un second temps étendre les entretiens afin d’explorer les représentations des autres 93 professionnels de santé afin d’améliorer cet outil, en avoir une nouvelle approche, être confronté à de nouvelles situations en vie réelle. Absence de médecins : Le risque de cet outil est que les patients ne prennent plus le temps de consulter leur médecin traitant ou leur cardiologue. Or cet outil n’enlève en rien le suivi médical lors de consultations. Il faudrait alors intégrer un rappel pour consultation, ou limiter les durées de prescription de traitement à 4 ou 6 mois afin que les médecins puissent toujours être en contact direct avec les patients. 7 – Les perspectives d’avenir : Nous avons tenté de recueillir les perceptions des patients à propos de leur traitement anticoagulant au long cours. Une étude en parallèle a évalué les pratiques professionnels de prescription d’anticoagulants des médecins traitants. Des résultats de ces études nous avons élaboré un outil électronique d’aide au suivi. Mais, comme nous l’avons évoqué, le suivi des patients sous anticoagulants est pluridisciplinaire. Il serait donc intéressant d’élargir les entretiens aux cardiologues, aux pharmaciens, aux IDE. Chacun de ces professionnels de santé sont les acteurs de la vie des patients sous anticoagulants. Leurs représentations seraient nécessaires afin de mieux développer l’outil d’aide au suivi. Et pourquoi pas, dans l’avenir, pouvoir l’uniformiser et le rendre accessible aux professionnels médicaux et paramédicaux toujours dans l’objectif d’améliorer la prise en charge, l’observance et lutter contre la iatrogénie afin de diminuer la morbi mortalité. 94 CONCLUSION Par cette étude qualitative, nous avons d’interrogé 15 patients sous traitement anticoagulant pour MTEV ou ACFA. Cette étude a permis de mettre en évidence que les patients connaissaient leur traitement anticoagulant, les posologies, les risques du traitement. Ils avaient des bonnes notions de prévention grâce à une éducation thérapeutique faite par le médecin prescripteur et le médecin du suivi. Malgré le bon savoir, les patients étaient tout de même en attente d’un renforcement des conseils afin d’éviter les accidents hémorragiques et les oublis. Pour cela, nous avons imaginé un outil d’aide au suivi, électronique qui pourrait être une application Smartphone. Cet outil rappellerait le traitement et les posologies, les préventions, les priorités, les interdits, les rappels de suivi biologiques et adaptations de traitement, les signes de surdosage, quelle conduite à tenir en cas d’urgence. Cet outil serait essentiel pour continuer à diminuer la morbi-mortalité liée aux traitements anticoagulants. La prévalence des 2 pathologies est en constante augmentation générant une majoration du taux de prescription du traitement anticoagulant. Des études complémentaires seront nécessaires pour évaluer un tel outil en particulier en termes d’acceptabilité et de coûtefficacité. L’un des freins de cette étude était l’âge des patients. Les patients les plus âgés étaient réfractaires à cet outil. Mais les personnes âgées de demain sont les patients adultes de cette génération qui savent tous, ou presque, utiliser les outils informatiques. BIBLIOGRAPHIE 95 1. Go AS, Hylek EM, Phillips KA, et al. 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Confidentialité des patients. 100 RESUME Introduction : Les anticoagulants oraux sont indiqués dans le traitement et la prévention d’accidents thromboemboliques. Ils sont indispensables et sauvent de nombreuses vies, les pathologies qu’ils préviennent mettant souvent en jeu le pronostic vital. En 2013, environ 3 millions de personnes ont reçu au moins un médicament anticoagulant. Leur utilisation, qui concerne une population de plus en plus large, est associée à un risque d’accidents hémorragiques dont la prévention et la prise en charge constituent un enjeu majeur de santé publique. L’éducation thérapeutique faite par les médecins et le personnel paramédical est essentielle pour lutter contre la iatrogénie. L’objectif principal de la thèse était d’évaluer les perceptions des patients du traitement anticoagulant pouvant influencer l’utilisation du traitement. L’objectif secondaire était de concevoir un outil électronique d’aide au suivi à partir des données recueillies chez les patients. Matériel et méthode : Nous avons mené une étude qualitative sur 6 mois. Les patients ont répondu à des entretiens individuels comportant 5 questions réponses ouvertes. Un échantillonnage a été réalisé afin de recueillir des perceptions différentes des patients sous anticoagulants en termes d’âge, de sexe, de traitement prescris, de suivi médical. Analyse des données en codage ouvert avec triangulation de l’analyse. Résultats : Quinze entretiens individuels ont été réalisés. Tous les patients interrogés connaissaient leur traitement anticoagulant et l’indication de leur prescription. Ils avaient eu pour la plupart des séances d’éducation thérapeutique : préventions dans la vie quotidienne, les interférences, les adaptations posologiques en fonction des résultats biologiques. Les patients les plus jeunes étaient motivés par la création d’un outil d’aide au suivi avec pour principales attentes : un rappel de la prise du traitement, une communication directe avec le médecin, un rappel des interférences. Des propositions sont faites pour tenter de définir le contenu de cet outil. Conclusion : Les patients interrogés dans cette étude avaient des connaissances générales assez bonnes sur leur traitement anticoagulant. De nombreuses améliorations pourraient être apportées dans leur suivi grâce à la conception et l’utilisation d’un outil électronique permettant de gérer les situations difficiles. Mots clés : anticoagulants oraux – patients – médecins généralistes – prescription – suivi – risqué hémorragique – éducation thérapeutique -outil électronique. 101