Protection sociale

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Introduction
Plan de l’introduction
§1 : L’intérêt actuel de l’économie de la protection sociale
§2 : La problématique de cet ouvrage
§3 : Plan de l’ouvrage
§1. L’intérêt actuel de l’économie de la protection sociale
1. Au niveau des faits – Dans la période récente, les réformes se sont précipitées :
– loi Fillon sur les retraites en 2003, et accélération en 2008 ;
– réforme Douste-Blazy de l’assurance-maladie en 2004, franchises médicales,
réforme de l’hôpital en 2007-2009 ;
– RSA : revenu de solidarité active et réforme de l’indemnisation du chômage
visant à accélérer le retour à l’emploi dit raisonnable.
Les instances actuelles de l’Union européenne constituent le fer de lance de ces
réformes aiguillonnées par le modèle libéral prédominant, présenté comme seul
capable de répondre au contexte de mondialisation économique jusqu’à sa remise
en cause profonde en liaison avec l’éclatement de la crise financière comme manifestation de la crise systémique d’ensemble.
2. Au niveau de la théorie économique – Deux conceptions de la protection sociale
s’affrontent. La conception néoclassique dominante, considère la protection sociale
et son financement comme un handicap pour l’économie, en raison de charges
sociales présumées trop lourdes et grevant le coût du travail. Les cotisations sociales
nécessaires au financement de la protection sociale seraient ainsi responsables du
chômage et du manque de compétitivité des entreprises, ce qui risquerait d’accélérer
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le phénomène des délocalisations. Mais face à cette théorie, une conception hétérodoxe montre qu’au contraire, la protection sociale est facteur de croissance réelle
de l’économie, de l’emploi et de la productivité du travail.
3. Historiquement, deux conceptions de politique économique se sont opposées
dès la crise économique des années trente. La conception néoclassique avec Arthur
Cecil Pigou en Grande-Bretagne (Pigou, 1933) et Jacques Rueff en France (Rueff,
1932) conseillait de réduire les salaires et les charges sociales, puisqu’elle considérait que c’était un coût du travail trop élevé qui était cause du chômage. Elle
préconisait également de diminuer les dépenses publiques et sociales. Mais la
politique économique menée selon ces principes a aggravé la crise en limitant plus
encore la demande effective. L’autre conception de la politique économique, liée à
l’analyse keynésienne, a tendu alors à s’imposer (Keynes, 1936). Dès cette époque,
des politiques économiques ont essayé de relancer le pouvoir d’achat, le New Deal
de Roosevelt en 1933, le Front populaire en France en 1936. L’objectif de ranimer
la demande effective est au cœur de cette politique économique.
4. Dans les débats théoriques, le clivage subsiste entre la théorie néoclassique et
ce qu’on a appelé la révolution keynésienne. Selon les néoclassiques, il ne peut
y avoir de crise durable : un équilibre économique général doit s’instituer si les
conditions d’une flexibilité parfaite des prix et des salaires sont préservées. Pour
ces auteurs, si les salariés n’acceptent pas une baisse suffisante de leur salaire, des
rigidités entretenues par les syndicats et par l’État empêchent la flexibilité à la
baisse des salaires. Celle-ci permettrait, selon cette théorie, d’atteindre l’équilibre,
impliquant forcément l’équilibre sur le marché du travail, c’est-à-dire un équilibre
de plein emploi. Le chômage est donc considéré comme chômage volontaire lié
aux « rigidités » sur le marché du travail.
5. Selon Keynes, c’est l’insuffisance de la demande effective qui bloque l’incitation
à investir et qui est à l’origine d’un chômage involontaire (Mills, 2004). Keynes
critiquait trois des dogmes essentiels de la théorie néoclassique. En premier lieu,
la flexibilité des salaires à la baisse ne résorbait pas le chômage mais l’aggravait,
aussi proposait-il des politiques économiques alternatives capables d’augmenter
la demande effective. En second lieu, dans l’analyse keynésienne, le taux d’intérêt
monétaire reste du domaine de la sphère de la monnaie, tandis que l’épargne et
l’investissement sont déterminés dans la sphère réelle. Ce n’est pas l’épargne qui
détermine l’investissement, mais ce sont les décisions d’investissement qui, à travers
la demande effective, tendent à déterminer le niveau de l’épargne. Dans ces conditions, la réduction des dépenses publiques et sociales comme la réduction des prélèvements fiscaux et sociaux conduisent à déprimer la demande effective, y compris
l’investissement productif. En troisième lieu, les politiques tendant à relever les taux
d’intérêt mettent en cause l’incitation à investir des entreprises, puisque seuls sont
retenus les investissements dont l’efficacité marginale du capital est supérieure au
taux d’intérêt. Dans ce cas, une politique monétariste des banques centrales à partir
du relèvement des taux d’intérêt freine l’investissement, la demande effective et
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INTRODUCTION
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l’emploi. À partir de cette critique, Keynes préconise un autre type de régulation
du système économique qui considère la dépense sociale comme l’un des moteurs
de la relance de la demande effective, la demande anticipée par les entreprises qui
va fixer leur niveau de production, donc l’investissement et l’emploi. La théorie
keynésienne, contrairement à la théorie néoclassique, permet ainsi de considérer le
versement de revenus de remplacement et les salaires indirects comme un soutien de
la demande effective (Mills, 2004). C’est un disciple de Keynes, William Beveridge,
qui va élaborer le plan anglais de Sécurité sociale en 1942 et contribuer avec Keynes
à bâtir un concept de « plein emploi » influençant les politiques économiques et
sociales après 1945 (Beveridge, 1942, 1944).
6. En France, en 1945-1946, les forces progressistes seront à l’origine de la construction d’un système de Sécurité sociale qui a contribué, avec le développement des
services publics et la planification, à de nouveaux mécanismes de régulation qui
permettront le redémarrage de la croissance économique ainsi que l’essor de la
période 1945-1967, communément désignée sous le terme des Trente Glorieuses.
§2. La problématique de cet ouvrage
7. Crise des mécanismes de régulation – Les mécanismes de régulation inventés
pour sortir de la crise de l’entre-deux-guerres ont joué un rôle majeur dans la période
d’essor du système économique après la Seconde Guerre mondiale, de 1945 à
1967. La Sécurité sociale a largement contribué à cet essor. Mais une nouvelle crise
du système économique se développe dès la fin des années soixante et s’aggrave
au début des années soixante-dix. À la crise du système économique (chômage,
stagflation…) va s’articuler la crise du système de protection sociale, ce qui va
conduire à un grand nombre de plans de réformes qui se précipitent aujourd’hui.
En France, dans les pays de l’Union européenne, et plus généralement dans les
pays de l’OCDE, ces réformes sont marquées par le poids des idées libérales qui
tendent à l’éclatement des systèmes de protection sociale fondés sur la solidarité
ainsi qu’à la montée d’une conception assurantielle de la couverture des risques et
donc de sa privatisation.
8. Des débats cruciaux – L’objet de cet ouvrage est aussi de montrer comment les
réformes en cours des systèmes de protection sociale, et les débats qu’elles suscitent, restent fondamentalement liés aux grandes oppositions en matière de théorie
et de politique économiques, sur les objectifs, sur le financement de la protection
sociale et son articulation avec le coût du travail, la compétitivité des entreprises
et l’emploi. Les enjeux de la protection sociale font l’objet de débats cruciaux :
certains jugent qu’elle est un handicap pour l’économie, mais d’autres estiment
qu’elle en constitue un atout majeur et que des alternatives doivent être proposées
aux réformes en cours. Nous présenterons des propositions alternatives pour des
réformes de progrès et d’efficacité des systèmes de protection sociale qui nous
semblent à la fois possibles et nécessaires.
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§3. Plan de l’ouvrage
9. Après avoir abordé dans le premier chapitre la formation et le rôle du système
de Sécurité sociale dans l’économie, nous procéderons à une étude empirique de la
dépense sociale et de son financement en France au chapitre 2, puis dans les pays
de l’Union européenne au chapitre 3. Nous analyserons ensuite les réformes en
cours, celles concernant la politique familiale (chapitre 4), le système de retraites
(chapitre 5), le système de santé (chapitre 6), la lutte contre l’exclusion et l’indemnisation du chômage (chapitre.7). Enfin, nous étudierons au chapitre 8 la crise
du financement de la protection sociale et les propositions de réformes de son
financement.
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