Institut de Formation de Professions de Santé Formation Infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex « ON SE MALTRAITE AVANT DE MALTRAITER LE PATIENT » DES EMOTIONS A L’EPUISEMENT PROFESSIONNEL UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques UE 6.2 S6 : Anglais rédaction de l’abstract du travail de fin d’études Présenté par : AMOR Julien, BOUTON Arnaud, CHOLLEY Sophie, VUARNIER Méryll Promotion 2013/2016 Formateur de guidance : FOURNIER-LIEGON Françoise Institut de Formation de Professions de Santé Formation Infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex « ON SE MALTRAITE AVANT DE MALTRAITER LE PATIENT » DES EMOTIONS A L’EPUISEMENT PROFESSIONNEL UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques UE 6.2 S6 : Anglais rédaction de l’abstract du travail de fin d’études Présenté par : AMOR Julien, BOUTON Arnaud, CHOLLEY Sophie, VUARNIER Méryll Promotion 2013/2016 Formateur de guidance : FOURNIER-LIEGON Françoise REMERCIEMENTS Nous remercions notre formatrice de guidance, Madame Françoise Fournier-Liégon, pour son entrain et ses conseils tout au long de notre travail. Nous remercions les professionnels de santé de nous avoir accordé leur temps, et d’avoir partagé avec nous des moments précieux, qui nous ont permis de construire une partie de notre travail. Nous remercions nos familles et nos amis pour leur soutien durant ce travail et durant notre formation. SOMMAIRE INTRODUCTION ................................................................................................................... 6 METHODOLOGIE.................................................................................................................. 8 Situation d’appel ............................................................................................................... 11 Questionnement : ............................................................................................................. 12 Question de départ ........................................................................................................... 13 DEVELOPPEMENT ............................................................................................................. 14 Emotions.............................................................................................................................. 15 Epuisement professionnel .................................................................................................... 17 Définition des trois dimensions de l'épuisement professionnel selon Malash et Jackson .. 18 Les causes de l’épuisement professionnel ....................................................................... 19 Causes psychologiques ............................................................................................ 19 Causes environnementales et organisationnelles ...................................................... 20 Conséquences de l’épuisement professionnel .................................................................. 21 Qualité, sécurité et prise en soins ........................................................................................ 22 Qualité des soins .............................................................................................................. 22 Définition sécurité des soins : ........................................................................................... 23 Prise en soins................................................................................................................... 24 Cadre législatif droit éthique ........................................................................................... 26 Droits et devoirs du patient : ............................................................................................. 26 Droits et devoirs de l’IDE : ................................................................................................ 26 CONCLUSION ..................................................................................................................... 28 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 30 ANNEXES ........................................................................................................................... 33 INTRODUCTION 7 Suite à nos expériences pratiques sur nos différents lieux de stage, nous émettons le constat que nombreux professionnels de terrain sont en épuisement. Après observation et discussion, nous avons souhaité comprendre ce qu’est l’épuisement professionnel et pourquoi les infirmiers sont touchés par ce problème. Depuis peu, c’est un sujet qui est de plus en plus médiatisé et auquel les auteurs s’intéressent. En effet, il est interpellant de s’imaginer que les personnes qui soignent, nos futurs collègues, soient en souffrance. C’est un écueil pouvant affecter tous soignants, quel que soit le service où ils exercent. L’Institut National de Recherche et de Sécurité l’inclut dans son dernier plan de santé au travail 2016-2020 qui vise à prévenir l’usure professionnelle. Les autorités françaises commencent à se soucier de cette souffrance qui n’est pas reconnu comme une maladie professionnelle. Afin d’étayer notre constat, nous avons procéder à des travaux de recherches. Dans un premier temps, nous décrivons la méthodologie utilisée pour réaliser ce travail d’initiation à la recherche en soins infirmiers ; où nous exposons notre situation d’appel ainsi que notre question de départ. Ensuite, nous développons sur les émotions, l’épuisement professionnel ainsi que sur la qualité des soins. En dernier lieu, nous présentons le cadre législatif en lien avec notre travail. Nous terminons notre travail avec une conclusion ouvrant sur notre problématique. METHODOLOGIE 9 Pour commencer ce travail de fin d’étude, chaque étudiant a rédigé une situation d’appel vécue pendant l’un de ses stages sur les trois années de formation. Après cette étape, les groupes ont été établis suivant les thèmes. Nous avons tous vu des professionnels en épuisement au cours de nos différents stages. Nous souhaitons tous traité le sujet de la gestion des émotions dans l’épuisement professionnel ; c’est pourquoi nous sommes trois à avoir rédigé une situation interpellante sur l’épuisement professionnel et un sur la gestion des émotions. Par la suite, nous avons travaillé sur la situation d’appel qui nous semblait la plus adapté par rapport au sujet que nous voulons traiter. 1. recherche théorique : Nous avons réalisé de nombreuses recherches au CRD et à notre domicile à partir d’ouvrages informatique et papier afin d’élargir nos champs de connaissances sur le sujet. Nombreux écrits sont paru en particulier dans les revues en soins infirmiers et un livre a récemment été écrit sur le sujet concernant le milieu hospitalier. Des chercheurs et philosophes ont eux aussi approfondi la question ce qui nous a permis de confronter les idées de chacun avec les notre. In fine, le sujet et vaste et traité sous de multiples facettes par des professionnels aguerris, ce qui nous apporté matière à travailler. 2. Recueil de données auprès de professionnel Nous avons fait le souhait d’effectuer des entretiens semi-directif auprès d’infirmiers. Au vue de la situation d’appel retenu nous souhaitons conduire des entretiens auprès de personnes qui exercent dans des services relativement opposé par leur activité. Nous avons élaboré notre trame d’entretien qu’on a ensuite fait valider à notre formatrice de guidance. Puis nous avons contacté par mail et téléphone les cadres de service qui nous ont donné rendez-vous avec des professionnels intéressés par notre sujet. Nos questions sont ouvertes afin de laisser libre recours à la personne pour nous amener des idées, étoffer nos recherches et attiser notre curiosité. Les entretiens ce sont déroulées au sein de leur service d’affectation dans une pièce où il y avait moins de risque d’être dérangé. En moyenne, les entretiens ont durés une heure et un seul des deux est dérangé pas l’irruption d’une collègue soignante au terme du premier mené. 3. Analyse des données Nous avons chacun étudié les entretiens puis nous nous sommes retrouvé pour trier en fonction de nos concepts et retenir les éléments pertinents afin de les introduire dans notre travail. Nous avons fait le choix d’assembler nos recherches et nos analyses d’entretien pour obtenir un travail plus fluide à la lecture. Pour la rédaction nous avons écrit la totalité de notre mémoire ensemble. Cela nous parait important pour avoir un travail harmonieux. 10 4. Réflexion autour de la question de départ Le choix de la question a découlé simplement de la situation d’appel et du questionnement construit autour. Comme un entonnoir, à force de répétition nous avons formulé notre question de recherche. 11 Situation d’appel Nous sommes le 13 octobre 2015, je suis de journée dans le service d’accueil des urgences d’un établissement de la région. Le matin, nous prenons en charge Madame B qui se présente aux urgences avec une ambulance privée, pour une altération de l’état général accompagné d’un maintien à domicile difficile. Madame B est envoyé au SAU1 à la demande de son médecin traitant. Madame B a 3 enfants qui habitent la région. La personne de confiance de la patiente est sa fille qui l’héberge. Les personnes à prévenir sont ses trois enfants. Madame B, qui doit porter une chemise d'hôpital, est installée dans une salle d’observation afin de pouvoir la préparer pour que le médecin puisse l’ausculter. La patiente présent une démence de type Alzheimer. Elle parle à voix haute dans la salle d’observation et demande constamment son mari qui est décédé il y a 5 ans. Avec l’aide-soignante, nous entrons dans la salle d’observation qui était ouverte. Je dialogue avec Madame B afin d’essayer de la rassurer pour pouvoir lui retirer ses vêtements et l’habiller en conséquence. L’AS2 m’explique : « on n’a pas le temps, si on fait ça à chaque patient on n’a pas fini », l’AS enlève de force les vêtements de Madame B sans lui expliquer la situation. La patiente se met à hurler. L’AS demande à la patiente de faire silence. Au final, l’AS sort de la chambre en m’expliquant qu’il faut la laisser se calmer. L’AS me cite également « j’en ai ras le bol des cris à longueur de journée ». L’après-midi même, je suis avec l’IDE3 en poste d’accueil et d’orientation, pour le reste de la journée. Un patient arrive au SAU par ses propres moyens, exprimant et ressentant de violentes douleurs. Il exprime une douleur quotée à 10 sur 10 selon l’échelle EVA. C’est une échelle visuelle analogique d’auto-évaluation de la douleur aiguë ou chronique. Je lui prends immédiatement ses constantes qui sont dans les normes hormis l’EVA. J’essaye de le rassurer au mieux. Je l’installe sur un brancard en position demi assise. Il me demande s’il peut éventuellement passer en priorité du fait de sa douleur intense. C’est à ce moment-là que l’IDE lui explique d’attendre car il y a du monde devant lui. L’échange est de plus en plus virulent. L’IDE s’affirme face au patient en lui faisant comprendre que c’est lui qui décide et que s’il continue, il va attendre longtemps. Le patient riposte en insultant les soignants. L’IDE s’éloigne du patient, s’isole et me déclare : « P... qu’est ce que j’en ai marre de ses nerveux, et marre des insultes ». 1 SAU : Service d’accueil des urgences AS : Aide-soignant(e) 3 IDE : Infirmier(e) diplômé(e) d’état 2 12 Questionnement : 1. État du patient − Est-ce qu’une patiente démente peut-être une source de stress dans sa prise en charge ? − Est-ce que les cris voire les hurlements sont des facteurs favorisants voire aggravants du stress ? − Quel est l’impact de la douleur exprimée sur un soignant ? Surtout quand cette plainte se manifeste par des propos qui peuvent être injurieux ? 2. Posture soignante − Quel est l’impact du stress sur la posture soignante ? − Un patient qui est dans la demande constante peut-il avoir un impact sur la maîtrise de Soi du soignant ? − Quelle est la place du « lâcher-prise » dans les représentations des équipes ? − Quel est l’impact d’une violence verbale au long cours sur sa propre maîtrise de Soi ? − Quel est l’impact sur la maitrise de Soi du soignant, et sur sa prise en charge envers le patient ? 3. Contexte et organisation − Travailler dans un service d’urgence est-il un terrain où le stress et la gestion des émotions sont plus présents que dans d’autres services ? − Quel était la charge de travail ce jour-là ? − Les soignants étaient-ils en nombre ce jour-là ? − Y-a-t-il n accompagnement psychologique des équipes soignantes dans les services ? − Quels sont les moyens mis en place pour leur permettre de décompresser ? − Est-ce que le poste d’IAO est plus exposé au stress et à la non maîtrise des émotions ? − Le service des urgences est-il un lieu professionnel où les soignants sont plus touchés par cet épuisement professionnel ? 4. Valeur et législation − L’AS a-t-il le droit de forcer la patiente pour son déshabillage ? Que dit la loi ? − Où se placent les valeurs soignantes dans le comportement de l’AS ? − La gestion du stress et la maîtrise de Soi impactent-ils sur les valeurs soignantes et le respect du patient ? − Peut-on considérer qu’il y a maltraitance dès lors que l’on force quelqu’un ? − Qu’est-ce qui amène à la maltraitance ? − A-t-on le droit en tant que soignant de ne plus supporter cette violence verbale ? 13 5. Formation des professionnels − Existe-il une formation pour la prise en charge des patients déments dans les services non spécialisés ? − Existe-il une formation sur la gestion des émotions ? 6. Épuisement professionnel − Est-ce que cette violence verbale fut déjà entendue dans la journée de l’IAO ? − Le « trop plein » d’émotions non gérées et/ou non prises en compte par le soignant mène-t-il à un syndrome d’épuisement professionnel ? − Y-a-t-il une différence de chiffres entre les hommes et les femmes touchés ? − L’expérience est-il un facteur protecteur de l’épuisement ? ou au contraire un facteur favorisant ? − Quel est l’impact sur la vie personnelle d’une mauvaise gestion des émotions et d’un épuisement professionnel ? − Les conditions de travail ont-elles un rôle dans le développement d’un épuisement professionnel ? − La mauvaise gestion des émotions et l’épuisement professionnel ont-ils un impact sur la prise en charge des patients, en positif comme en négatif ? − La sécurité du patient est-elle assurée quand un soignant est en souffrance psychique ? Question de départ Suite à notre questionnement, nous avons décidé de travailler sur l’épuisement professionnel des IDE et quel peut être son impact sur la prise en soins des patients. C’est pourquoi notre question de départ est : En quoi l’épuisement professionnel des IDE influe-t-il sur la prise en soin des patients hospitalisés ? DEVELOPPEMENT 15 Emotions Selon Klaus Scherer l’émotion est « un changement dans plusieurs composantes de l’organisme suite à un évènement évalué comme important par celui-ci ». Ce sont ces composantes qui créent le phénomène de l’émotion. En effet, pour qu’il y ait une émotion, un élément déclencheur doit être évalué comme important pour l’organisme, c’est l’évaluation cognitive. Celle-ci engendre des modifications physiologiques qui vont préparer l’organisme à réagir à l’évènement important ; ces modifications passent par la modification de l’expression faciale reconnaissable, c’est la fonction de communication de l’émotion. Cette expression est liée à un caractère inné par la génétique ainsi qu’acquis. Puis, les processus cognitifs se focalisent sur l’émotion ce qui mène au sentiment, qui est la perception consciente de cet ensemble de modifications. Les réactions physiologiques à l’émotion sont dues à l’activation du système nerveux autonome. De plus, ces réactions varient d’une émotion à l’autre. En général, pour les émotions jugées fortes, une augmentation du rythme cardiaque et respiratoire ainsi que de la sudation peut être notifié ainsi que d’une augmentation du tonus musculaire. Pour les émotions douces, ce sont les modifications inverses qui sont remarquées. Les émotions se classifient en deux grandes catégories : les émotions de base ainsi que les émotions complexes. La colère, la peur, le dégout, la surprise, la joie et la tristesse sont les émotions de base. Elles présentent chacune leurs propres expressions comportementales physiologiques et faciales qui sont universelles à l’Homme. Les émotions complexes se mettent en place plus tardivement lors du développement et sont dépendantes des codes culturels. Ces émotions nécessitent la compréhension des codes culturels plus ou moins complexes. Nous retrouvons en autre la honte, l’embarras, le mépris, l’amour. Ici, les réponses physiologiques spécifiques et l’expression faciale sont apprises, elles ne sont pas définies génétiquement. [1] Qu’en est-il de la gestion de ces émotions ? Les émotions sont certes inconscientes, mais la vie sociale dans laquelle nous évoluons nous oblige à nous adapter. En effet dans certaines situations, il est nécessaire ou au contraire inadapté de ressentir certaines émotions. Cette capacité est la régulation émotionnelle qui nous permet d’utiliser des stratégies cognitives pour forcer l’apparition d’une émotion, voire de l’intensifier ou de la réduire. Cette régulation émotionnelle [2] passe par une réévaluation cognitive de l’importance de l’évènement vécu, d’un redéploiement attentionnel qui permet de 16 détourner son attention de l’évènement ou d’une suppression émotionnelle qui vise à s’empêcher de ressentir de manière visible de l’émotion. Nos entretiens nous ont permis de rencontrer deux différents profils d’IDE face à leur émotions et à leur propre gestion des émotions. Ces deux IDE, venant de deux services différents, l’un au pôle oncologie, et l’autre au pôle urgences-réanimation. Les deux professionnels vivent de nombreuses émotions au cours de leurs activités professionnelles, l’IDE A nous souligne lors de l’entretien qu’elle « a un service qui a plein d'émotions », qui « est chargé de pleins d'émotions ». Les émotions ont ici toutes leur place dans la prise en soin de ses patients ; au contraire de l’IDE B, qui doit apprendre à mettre de côté ses émotions afin d’être efficace dans sa prise en charge. En effet, il nous dit que les émotions sont présentent, mais qu’il doit privilégier le Faire. De plus, l’analyse met en avant que les débriefings, souvent réalisés, favorisent la rationalisation des émotions. Ceux-ci, permettent une cohésion d’équipe, mais présentent des divergences suivant les lieux d’exercice. L’un est basé sur le vécu soignant à travers ses propres émotions, l’autre sur la gestion de la situation et les points à améliorer : « qu’est-ce qu’on aurait pu faire, est-ce qu’il y a des choses à améliorer ». L’IDE A appuie également sur l’utilité des relèves dans son service. Pour elle ce sont des « soupapes » de décompression où l’équipe s’exprime sans filtre. D’après leur vécu, la gestion des émotions passent également par des activités extérieures ou dans l’investissement sélectif. Ainsi l’IDE A fait référence à son trajet travail-domicile, et ses activités extérieures, qui lui permettent de faire la coupure : « pour rentrer chez moi j'ai 20 minutes de trajet, […] j'arrive chez moi je fais la coupure ». De plus, sa vie de famille apparaît comme importante dans sa gestion des émotions. Dans son discours, l’IDE B favorise un investissement dans le cadre professionnel sans pour autant se disperser : « Il vaut mieux s’investir dans […] une seule chose menée correctement au bout […] de la chose justement. Et ensuite passer à autre chose. » Pour réguler leurs émotions, chaque IDE présente ce qui s’apparente à des mécanismes de défenses, tels que « je suis sortie d'ici je pense plus et souvent je ne me rappelle même pas les noms des patients » pour l’IDE A. Pour l’IDE B, cela se manifeste par le fait que « on sait […] qu’on va pas forcément s’attacher aux gens ». Les mécanismes de défenses sont « des des processus mentaux automatiques, qui s’activent en dehors du contrôle de la volonté et dont l’action demeure inconsciente, le sujet pouvant au mieux percevoir le résultat de leurs interventions et s’en étonner éventuellement » [3]. C’est aussi « selon Laplanche et Pontalis, les mécanismes de défense constituent l'ensemble des opérations dont la finalité est de réduire ; de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l'intégrité et la constance de l'individu biopsychologique. Elle prend souvent une allure compulsive et opère au moins partiellement de façon inconsciente. » [4] 17 Par ailleurs, les deux IDE semblent mettre en place des stratégies de coping. De l’anglais « to cope » qui signifie s’ajuster, s’adapter, «les stratégies de coping sont des efforts cognitifs et comportementaux, constamment changeants, ployés pour maitriser, réduire, tolérer les exigences internes ou externes qui sont évaluées par la personne comme consommant ou excédant ses ressources. Ces efforts sont déployés volontairement par un individu pour faire face à une situation jugée subjectivement comme stressante. Chronologiquement, la stratégie de coping se place pendant la situation stressante au contraire de la résilience qui apparaît après l’évènement. » [5] La façon de gérer le coping varie en fonction de la personnalité : l’individu va soit se centrer sur le problème, soit sur l’émotion, soit sur la recherche de soutient social. L’IDE A nous explique qu’elle continue de venir travailler même avec un problème de santé, car elle a la sensation que cela l’aide à passer outre. L’IDE B présente une automatisation dans ses actes. L’automatisation est le « fait d'automatiser l'exécution d'une tâche, d'une suite d'opérations » [6]. Chez l’IDE B, ce mécanisme est présent, celui-ci nous dit : « je pense qu’on gère beaucoup de manière automatique ». Il apparaît au fil des entretiens qu’il y ait un consensus entre l’expérience et les affects ce qui permet un certain recul sur les situations considérées comme difficile. Epuisement professionnel Les définitions de l’épuisement professionnel sont abondantes, de nombreux auteurs s’y sont intéressés. C’est un concept récent lié à l’environnement professionnel, et différent selon le regard que l’on y porte. L’encyclopédie Larousse définit ainsi ces termes : l’épuisement est une « action d’user jusqu’au bout, de tarir. C’est un état de faiblesse extrême. », et professionnel qui est un « adjectif qualifiant l’appartenance à une profession ». En associant ces deux mots, nous pouvons définir l’épuisement professionnel comme le fait d’être usé par l’exercice de la profession. L’épuisement professionnel est donc le résultat d'un stress chronique qui prend sa source dans l'environnement de travail. [7] L’OMS4 caractérise l’épuisement professionnel comme « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et de capacité à aboutir à des résultats concrets au travail ». L’épuisement professionnel n’est pas inscrit comme une maladie professionnelle intégrée au DMS IV. C’est une pathologie classée dans la catégorie des troubles de l’adaptation. Le terme épuisement professionnel a pour origine le terme anglais Burnout, traduit littéralement par «bruler entièrement, consumer ». Il est apparu en premier lieu dans l’aéronautique afin de décrire les premières fusées qui consumaient trop vite leur carburant et 4 Organisation mondiale de la santé 18 de fait s’écrasaient au sol. Ce terme a ensuite été adapté par un psychanalyste new yorkais à des fins de diagnostic pour imager une enveloppe intact mais dont l’intérieur est anéanti. Ainsi le terme épuisement professionnel lié à la sphère professionnel va désigner l’état dans lequel se trouve une personne lorsque toutes ses ressources sont consumées dans son activité professionnel. [8] Par ailleurs, le terme Karoshi, prononcé kaloshi est l’équivalent japonais au terme burn-out. Karoshi signifie la mort par excès de travail. Ce terme présente une connotation violente mais il doit se concevoir dans la société japonaise dominée par la notion de bien collectif. La notion de sacrifice, très présent au Japon, se retrouve dans l’attitude du salarié : vivre et mourir pour l’entreprise. Ce terme permet ainsi de se rendre compte des conséquences des conditions de travail liées au profit et à la rentabilité. [8] En France, la définition la plus utilisée reste celle de Maslach et Jackson [8], qui définissent le burnout comme « un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel qui apparaît chez les individus impliqués professionnellement auprès d’autrui ». D’après de nombreuses études menées auprès des personnels soignant, « le pourcentage de personnel en burn-out oscille entre 10 et 45%, avec une moyenne autour de 25% » [8] Définition des trois dimensions de l'épuisement professionnel selon Malash et Jackson L’épuisement émotionnel renvoie au manque d’énergie, au sentiment que les ressources émotionnelles sont épuisées. La personne est vidée nerveusement, a perdu tout entrain, n’est plus motivée par son travail qui devient une corvée. Elle ne réalise plus le travail qu’elle effectuait auparavant, ressent frustration et tensions. L’épuisement émotionnel est souvent lié au stress et à la dépression. Autant les conceptions théoriques que les résultats empiriques actuels lui donnent un rôle central dans le processus du l’épuisement professionnel. La dépersonnalisation représente la dimension interpersonnelle de l’épuisement professionnel. Elle renvoie au développement d’attitudes impersonnelles, détachées, négatives, cyniques, envers les personnes dont on s’occupe élèves, patients, clients, ... L’individu ne se sent plus concerné par son travail, dresse une barrière qui l’isole de ses clients et de ses collègues. Parler de l’appendicite de la chambre 22 est un exemple de ces attitudes. La dépersonnalisation peut prendre des formes plus dures et s’exprimer à travers des attitudes et des comportements de rejet, de stigmatisation, de maltraitance. Il s’agit d’une stratégie mal adaptée, destinée à faire face à l’épuisement des ressources internes en mettant à distance les bénéficiaires de l’aide, ou en rendant leurs demandes illégitimes. Cette attitude permet de s’adapter à l’effondrement de l’énergie et de la motivation. Les clients, les usagers, les 19 patients, les élèves étant perçus sur un mode négatif. Leurs demandes, leurs besoins apparaissent moins pressants, moins urgents à résoudre. Le terme de dépersonnalisation peut prêter à confusion vu qu’il désigne aussi l’état psychique où domine l’impression d’être étranger à soi-même. Le terme de déshumanisation aurait pu être choisi, mais sa connotation est considéré comme trop extrême pour qu’il soit retenu. Le manque ou la réduction de l’accomplissement personnel concerne à la fois dévaloriser son travail et ses compétences, la croyance que les objectifs ne sont pas atteints, la diminution de l’estime de soi et du sentiment d’auto-efficacité. La personne ne s’attribue aucune capacité à faire avancer les choses, convaincue de son inaptitude à répondre effectivement aux attentes de son entourage. L’accomplissement personnel représente la dimension autoévaluation du burnout. [9] [10] [11] [12] Les causes de l’épuisement professionnel Les études menées parmi tous les secteurs activités mettent en exergue trois grandes causes de l’épuisement professionnel : les causes psychologiques, environnementales et organisationnelles. [10] Causes psychologiques Au travers les différentes recherches, les causes psychologiques semblent se caractérisées par : Des attentes élevées à l’égard de soi-même poussant au perfectionnisme et à une atteinte à des objectifs fixés qui, s’ils ne sont pas atteints pouvant conduire à un épuisement professionnel ; Le faible sentiment d’appartenance et d’estime de soi peut entraîner un employé à la culpabilité répétitive ; La chronicité de certaines situations conduit à une adaptation extrême de la souffrance entraînant des séquelles psychologiques ; Le stress qui, provenant d’un déséquilibre entre les exigences de travail et les ressources de l’individu, conduit à un état de tension, d’anxiété, de fatigue émotionnelle, puis une réduction du but initial, une idéalisation de la situation, des attitudes détachées, mécaniques. Ainsi les atteintes psychologiques et physiques montrent à quel point l’épuisement professionnel est destructeur. Le sentiment de fatigue, d’épuisement, d’être vidé, est le symptôme physique le plus typique. Les individus atteints d’un degré élevé d’épuisement ont davantage de troubles du sommeil et une plus grande fatigue au réveil. La fatigue liée à 20 l’épuisement professionnel n’est pas celle que l’on éprouve temporairement et qui disparaît après une période de repos. Il s’agit d’une fatigue chronique. Causes environnementales et organisationnelles Les causes environnementales sont liées à la santé individuelle, aux relations familiales et sociales. Bien que travail et vie privée soient des sphères séparées et autonomes, l’épuisement professionnel a des répercussions sur la sphère familiale et plus généralement sociale. Au niveau du travail, l’épuisement professionnel contribue à la détérioration des relations entre collègues, mais aussi avec les étudiants et patients. En dernier lieu, il existe les causes organisationnelles. Il s’agit de l’influence du contenu de l’activité et celle du contexte dans lequel elle se déroule. La surcharge de travail, la pression du temps, les horaires imprévisibles, sont des exemples de variables qui rendent impossible le contrôle de son activité professionnelle. Après l’analyse de nos entretiens, nous nous rendons compte que les deux professionnels présentent des lacunes sur la définition réelle de l’épuisement professionnel. Ils ont des représentations différentes de la théorie. En effet, l’IDE A ne définit pas clairement l’épuisement professionnel. Elle semble aborder principalement le volet fatigue de l’épuisement professionnel, tout en occultant les dimensions psychologiques et émotionnelles de l’épuisement. Quant à l’IDE B, il conçoit l’épuisement professionnel comme une trop grande implication dans plusieurs domaines, voire de surinvestissement : « on est tout pareil à vouloir s’impliquer euh dans plein de chose et euh au final […] pour moi je pense que c’est pas forcément la bonne chose » et continue en disant « qu’essayer de partir un petit peu dans tous les sens […] on se retrouve […] le bec dans l’eau et psychologiquement c’est…usant ». L’IDE A nous révèle que pour elle, le manque de communication et la charge de travail peuvent conduire à l’épuisement professionnel. « On se maltraite avant de maltraiter le patient ». Tandis que pour l’IDE B, prendre en charge des patients de plus en plus demandeurs et travailler auprès de collègues épuisés se répercute sur son propre bien-être et peut conduire à l’épuisement professionnel. On s’aperçoit également qu’il y a une tendance commune à remettre en cause l’organisation du travail, favorisée par une organisation médicale jugée perturbante par les deux soignants. L’analyse tend également à nous montrer des signes de dépersonnalisation qui se manifeste chez les deux professionnels par un dépassement des limites : « on tire la corde, faut pas qu’elle lâche ». Au vu de la baisse de l’accomplissement personnel, l’IDE A met en lien une continuité des soins altérée dû aux problèmes d’organisation. 21 Selon eux, l’expérience professionnelle leur permet d’avoir du recul et une pensée réflexive sur leurs pratiques, et sur les situations jugées comme difficiles. L’IDE A nous dit qu’ « avec l'expérience tu verras que t'arriveras à te détacher ». Cela s’apparente à des précautions de l’épuisement professionnel. Ils nous font part d’autres mesures personnelles comme la barrière entre vie privée et vie professionnelle, pratiquer des activités extérieures, ainsi que de s’investir dans un seul champ professionnel encadrement, syndicat pour éviter d’être submerger. La cohésion d’équipe est pour l’IDE A, primordiale pour lutter contre l’épuisement professionnel. Elle propose des sorties entre collègues, des activités sportives pour maintenir l’entente et souder l’équipe. Parallèlement, au vu des déterminants sociaux et le fait que l’IDE A soit à 75% et l’IDE B en temps plein partagé 25% dans un service, et 75% dans un autre ; nous émettons l’hypothèse que la quotité de travail influe sur l’épuisement professionnel. Conséquences de l’épuisement professionnel Selon la psychologue Française Armelle Gautier, les principales manifestations de l’épuisement professionnel peuvent se résumer en six grandes familles. [13] En premier lieu, les personnes épuisées présentent une fatigue intense décrite comme jamais éprouvée jusqu’à lors. La plupart du temps ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. En effet, ceux qui sont le plus susceptible de souffrir de l’épuisement professionnel sont des personnes extrêmement actives, très impliquées au travail, qui sont souvent en suractivité. L’épisode de l’épuisement professionnel est fréquemment vécu comme une rupture brutale dans leur évolution de carrière et dans leur rapport au travail. Celle-ci pouvant parfois être traduite dans le corps par un évanouissement ou un malaise vagal sur le lieu de travail, voir par des accidents. En deuxième lieu, nous retrouvons un isolement vis-à-vis des autres. Les personnes souffrant d’épuisement professionnel sont dépassés dans leur environnement de travail. Ils ont la sensation que personne ne peut comprendre ce qu’ils ressentent. Une incompréhension qui les pousse à l’isolement et renforce leur sentiment de solitude. Parfois la personne se met aussi à l’écart de sa famille avec qui elle ne parvient plus à entretenir de relation détendue et apaisée. Ensuite, le corps réagit, d’ailleurs celui-ci craque généralement en premier. Avant la rupture, il donne souvent des signes d’alerte. Il est fréquemment observé des problèmes gastriques comme des crampes d’estomac ou des remontées acides. Des troubles du sommeil et, dans certains cas, de troubles alimentaires peuvent également être présent. Les défenses immunitaires s’affaiblissent et les épisodes inflammatoires se multiplient tout comme des 22 tensions musculaires peuvent apparaître. Par ailleurs, certains décrivent des problèmes dermatologiques liés à un grand état de stress comme des poussées de psoriasis ou d’eczéma. Le cynisme est également souligné chez les personnes souffrant d’épuisement professionnel. Ainsi, un professionnel de soins ne se souciera plus de ses patients ou encore un enseignant se désintéressera de ses élèves. Une personne qui souffre se désintéresse de son environnement et de ses activités habituelles. Elle ressent un sentiment d’échec, adopte une attitude distante et voit les choses du côté négatif. De plus, des troubles des facultés cognitives sont perçus. En effet, le surinvestissement professionnel conduit à une altération du fonctionnement du cerveau. En état de surchauffe, il finit par montrer des signes de faiblesse. L’épuisement professionnel s’accompagne systématiquement de troubles de la concentration et ou de pertes de mémoire. Les personnes touchées peuvent éprouvent des difficultés à fixer leur attention, à lire, à écrire. Cependant, les activités manuelles sont moins affectées et offrent la possibilité de conserver le sentiment de pouvoir agir sur les choses. Enfin, nous retrouvons une baisse de l’estime de soi. L’épuisement professionnel se manifeste aussi par le sentiment de n’avoir aucune valeur. Les personnes souffrantes ont la sensation d’avoir échoué dans ce qui leur tenait le plus à cœur et d’être totalement inutiles. Leur sentiment de culpabilité est d’autant plus fort que la rupture est brutale entre l’état antérieur d’épanouissement au travail et l’état actuel de fatigue et d’impuissance. Enfin, les personnes sont émotionnellement vidées. Elles ne ressentent plus rien. Elles sont comme anesthésiées, incapables d'éprouver aussi bien de la joie que de la douleur. Elles agissent comme des robots, effectuant les actes mécaniquement et ne se sentant plus concernées par rien. Qualité, sécurité et prise en soins Qualité des soins Selon l’OMS, « La qualité des soins doit permettre de garantir à chaque patient un ensemble d'actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l'état actuel de la science médicale, au meilleur coût, au moindre risque iatrogène, et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédure, de résultat et de contacts humains à l'intérieur du système de soins ». [14] Le Conseil International des Infirmières définit quant à lui « la qualité des soins infirmiers est le degré de conformité des soins donnés par le personnel infirmier, à des normes fixées d'avance. La norme correspond au niveau à atteindre. Elle est fixée en fonction de ce qui est souhaitable pour le client et l'avancée des connaissances ». [15] 23 La qualité des soins est une obligation légale depuis la loi de 1991, l’ordonnance du 24 avril 1996 a décliné les moyens à mettre en œuvre notamment les systèmes d’accréditation des hôpitaux afin d’assurer une prise en charge de qualité et de sécurité dans la prise en charge des patients. Cependant la qualité des soins peut-elle se limiter à une qualité technique ? Les caractéristiques relationnelles du soignant ne sont-elles pas un gage de qualité des soins en tant que recherche des besoins et du consentement du patient dans un contexte de soins ? Selon Mordacq [16], « la qualité des soins c'est l'ensemble des éléments caractérisant des soins qui satisfassent les besoins des utilisateurs. Cette définition indique trois opérations à accomplir : délimiter de quoi il s'agit quand on parle de soins infirmiers ; rechercher quels sont les besoins des utilisateurs ; caractériser les éléments des soins ». [17] Définition sécurité des soins : Dans un document de la Haute Autorité de Santé, une définition de la sécurité des soins est proposée par la société européenne pour la qualité des soins European Society for Quality in Health Care : « la culture de sécurité désigne un ensemble cohérent et intégré de comportements individuels et organisationnels, fondé sur des croyances et des valeurs partagées, qui cherche continuellement à réduire les dommages aux patients, lesquels peuvent être liés aux soins. ». Par « ensemble cohérent et intégré de comportements », cela fait référence à des façons d’agir, des pratiques communes, mais aussi à des façons de ressentir et de pensées partagées en matière de sécurité des soins. [18] Au vue de nos recherches on voit qu’il n’existe pas de définition sur la prise en soins des patients mais plutôt sur la prise en charge globale. C’est pourquoi après exploration des deux définitions précédentes, nous avons construit notre propre interprétation de la prise en soins. Pour nous, c’est accompagner un patient au cours de son hospitalisation en tenant compte de ses ressources et de ses limites. Le soignant est garant de sa sécurité et de la qualité des soins qui lui sont prodigués. C’est également respecter la volonté du patient en gardant à l’esprit l’équité et la singularité de la personne soignée. Suite à l’étude de nos entretiens on perçoit que les infirmiers interrogés veillent eux aussi à sécurité et la qualité dans leur prise en soins. En effet, tous deux pensent que l’organisation médicale accompagnée d’une sollicitation permanente nuit à la qualité des soins : « On est très impacté par une organisation médicale qui nous déstabilise dans la prise en charge de nos patients » ainsi que « le manque d’écoute ou du moins le manque de compréhension de 24 l’encadrement […] médical » sont des freins à une prise en soins efficiente. L’IDE A ajoute que « si vous parlez pas, c’est foutu quoi. Si chacun bosse dans son coin, ne se dit pas, on ne peut pas y arriver ». Pour l’IDE A, la communication est un des aspects indispensables pour une bonne prise en soins des patients. Tandis que pour l’IDE B, la charge de travail va impacter sur la prise en charge des patients : « ce qui va conditionner la journée quand on arrive comme aujourd’hui où c’est calme, où on a 30 dossiers c’est bien, quand on arrive à 13h30 et qu’on en a 45, on sait qu’on va passer un après-midi pourrie ». Ils sont aussi en accord vis-à-vis de la connaissance de leurs limites ce qu’ils considèrent comme un atout au sein de leur pratique. Pour l’IDE A, une observation bienveillante envers ses collègues favorise une délégation des soins qui permet d’éviter des situations de maltraitance envers le patient : « Je trouve qu'on est très vigilante sur l'épuisement de nos collègues entre nous. C‘est-à-dire qu’on voit s’il y en a une, on l’a sent qui commence à, on lui dit. T’as vu, t’es pas bien, prend soin de toi. » ; « on sait passer la main c'est à dire que on a la chance d'être une équipe où on est pas toutes seules ». De plus, l’IDE A considère que la confiance entre collègues est nécessaire pour assurer une bonne continuité des soins. Ces propos sont étayés par ceux de l’IDE B qui explique la complexité à travailler avec des collègues en difficulté : « Travailler avec certains collègues qui sont au bout du rouleau c’est compliqué… parce que même si on comprend tout a fait qu’il soit au bout du rouleau ben…on ne partage pas forcément la point de vue sur certaines choses et on sait qu’ils vont totalement se désintéresser de certaines choses ». Cette recherche de continuité des soins, et de prise en charge optimale relève du concept de bientraitance. Celui-ci est définit par l’HAS comme « une démarche globale dans la prise en charge du patient, de l’usager et de l’accueil de l’entourage visant à promouvoir le respect des droits et libertés du patient, de l’usager, son écoute et ses besoins, tout en prévenant la maltraitance. Cette démarche globale met en exergue le rôle et les interactions entre différents acteurs que sont le professionnel, l’institution, l’entourage et le patient, l’usager. Elle nécessite un questionnement tant individuel que collectif de la part des acteurs. » [19] Juvénal a dit : « Un esprit sain dans un corps sain »Cette citation illustre la pensée de l’IDE A. En effet, le prendre soin de Soi est un élément indispensable selon elle pour assurer des soins de qualité. Prise en soins Il n’existe pas de définition à proprement dit prendre en soins. Nos recherches nous amène de manière systématique à la définition de prendre en charge. Or nous pensons que prendre en charge un patient pourrait avoir une connotation négative en considérant le patient comme étant une charge ce qui ne correspond pas à nos valeurs. C’est pour cette raison que nous 25 parlons de l’impact sur la prise en soins du patient et non sur la prise en charge bien que la prise en charge englobe la totalité du parcours du patient tant dans le soin que dans son parcours de soin interdisciplinaire. Un concept né aux Etats-Unis s’approche étroitement de ce que nous considérons comme la prise en soins qui est le « CARE : prendre soin de… », valeur essentielle de tous les professionnels de santé. Le « Prendre Soin », est à la base des pratiques soignantes, et habite pleinement tout soignant et acteur de santé. Ce concept parvient en France au début des années 2000 dans le milieu universitaire, puis en 2010 dans l’espace public, lorsque Martine Aubry fait référence au concept de Care dans le cadre de son projet de « société du soin mutuel ». [20] [21] En pratique, le Care peut se décrire comme un travail de réponse aux nombreux besoins des personnes vulnérables. Sa complexité a été décrite par la philosophe politique Joan Tronto en 1993, qui isole quatre phases entrelacées : la première phase consiste à reconnaitre qu’un besoin est là, ce qui mobilise l’attention to care about et la sollicitude, l’empathie to care for vis-à-vis de la personne vulnérable ; la deuxième phase consiste à décider de répondre au besoin décelé et à organiser la réponse to care of, ce qui mobilise le sens de la responsabilité vis-à-vis de la personne vulnérable ; la troisième phase consiste à prendre soin to give care de la personne vulnérable par un travail concret auprès d’elle, ce qui mobilise les compétences ; la quatrième phase consiste à vérifier auprès de la personne vulnérable que son besoin a bien été identifié et que la réponse a été bien organisée puis réalisée to receive care, ce qui mobilise à nouveau attention, empathie et sollicitude. Ces différentes étapes engendrent des difficultés dans la traduction de ce terme. Le care associe toujours : une mobilisation cognitive, que l’on peut traduire par l’attention envers autrui, des attitudes plus affectives, que l’on peut traduire par le souci, la sollicitude et l’empathie vis-à-vis d’autrui, et un travail, que l’on peut traduire par le soin ou par le prendre soin, mais qui comprend aussi de l’aide et de l’accompagnement d’autrui. [20] 26 Cadre législatif droit éthique Au regard de la situation d’appel décrite nous nous confrontons à la législation. En effet « l’AS enlève de force les vêtements de Madame B sans lui expliquer la situation » fait appel aux droit et devoir du patient ainsi qu’aux droits et devoirs de l’IDE. De plus, l’épuisement professionnel peut mener à des situations de maltraitance envers le patient. Nous nous sommes donc penchés sur les droits et devoir du patient et ceux de l’IDE. Droits et devoirs du patient : Les droits du patient ont évolué de la charte du malade hospitalisé à a charte du patient hospitalisé du 2 mars 2006. En 1974, la charte du malade hospitalisé parut dans la circulaire du 20 décembre 1974 avait pour objectif de proclamer les droits et devoirs des malades et de permettre leur information. Il faudra attendre l’Ordonnance Juppé n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée pour qu’une nouvelle charte du patient hospitalisé voie le jour. Le droit des malades constitue le titre 1er de cette ordonnance qui définit « la qualité de la prise en charge des patients est objectif essentiel pour tout établissement de santé. » [22] En 1997 la cour de cassation dans son arrêt Hédreul, du 25 février 1997 instaure qu’en matière d’information médicale pour la médecine de ville les professionnels doivent prouver qu’ils ont rempli leur obligation de donner l’information portant sur l’état du patient, son évolution prévisible, la nature et les conséquences de la thérapeutique proposée, les alternatives thérapeutiques. Ainsi, pour donner son consentement « éclairé » à l’intervention proposée, le patient doit avoir reçu une information « simple, intelligible et loyale », lui permettant de « comparer les avantages et risques encourus ». [23] Enfin, La charte du patient hospitalisé du 2 mars 2006 faisant suite à la Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, paru au Journal Officiel du 5 mars 2002, a pour objectif de faire connaître aux personnes malades, accueillies dans les établissements de santé, leurs droits essentiels tels qu’ils sont affirmés par les lois. Ainsi un acte médical ne peut être pratiqué qu’avec le consentement libre et éclairé du patient. [24] Droits et devoirs de l’IDE : Les IDE sont réglementés dans leur profession. En effet ils doivent respecter des droits et des devoirs : c’est le décret n°2004-802 du 29 juillet 2004 qui régit la profession IDE. Ce décret est composé de plusieurs articles qui définissent la profession du point de vue du secret professionnel, des actes infirmiers, des actes sur prescription, etc. Voici quelques articles comme exemple : 27 « L’Article R. 4311-1 : L'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé. Dans l'ensemble de ces activités, les infirmiers et infirmières sont soumis au respect des règles professionnelles et notamment du secret professionnel. Ils exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du secteur de la santé, du secteur social et médico-social et du secteur éducatif. » De plus le code de la santé public dicte dans l’Article R4127-36 Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou les traitements proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Si le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité. Les obligations du médecin à l'égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur protégé sont définies à l'article R. 4127-42. CONCLUSION 29 Lorsque nous avons commencé notre travail, nous avions tous une idée plus ou moins différente de ce qu’est réellement l’épuisement professionnel. Puis à force de recherche et de nos entretiens la définition s’est éclaircie de jour en jour. Maintenant nous savons que l’épuisement professionnel est étroitement lié à notre propre gestion des émotions. Mais l’épuisement n’est pas seulement lié à une gestion non optimale de nos émotions. Ce sont nombreux facteurs comme la fatigue, le manque d’expérience, la pression médicale peuvent à terme être usant. En effet, il nous est apparu, surtout au cours de nos entretiens auprès des infirmiers, que l’expérience favorise une meilleure gestion de son travail en général. Développer des compétences et des savoirs est une aide au quotidien ce qui améliore la gestion des émotions et à relativiser vis-à-vis de certaines situations. Apprendre à s’écouter, se dépenser, se divertir par d’autres biais en dehors du travail sont des facteurs protecteurs à l’épuisement. Il est évident que les personnes qui souffrent d’épuisement n’en sont pas consciente, tant que quelqu’un ne vient pas tirer la sonnette d’alarme. Un mur vient se construire autour de la personne et devient un rempart à tout sentiment qui pourrait aider à la prise de conscience. La personne est rapidement prise dans un tourbillon infernal et ne demande pas de soutien même si elle est dépassée. Il nous a paru essentiel de s’informer sur ce sujet afin de le prévenir au maximum dans l’exercice de notre futur métier. Le travail d’infirmier est gratifiant mais comprend des contraintes que ce soit en termes d’horaire, d’attentes ou d’organisation. Etre infirmier est synonyme de responsabilités. Nous nous devons d’être efficient et efficace dès notre prise de poste. La pression est présente dès le commencement, la peur de l’erreur ainsi que du jugement sont continuellement présents durant notre pratique. Est-ce que la peur du jugement et de la pression sociale peut conduire à une mauvaise gestion de son travail ? L’expérience a un rôle prépondérant. En connaissant nos limites et notre travail, les exigences que nous nous imposons deviennent fluides et aidantes. Se connaitre Soi est un réel bénéfice et rester humble est indispensable. Demander de l’aide ou poser des questions sont parfois nécessaires et mette à l’abri de possible erreur et d’un possible épuisement. Au cours de notre écrit, l’analyse de nos entretiens nous a conduit à identifier que la communication a une place décisive dans notre activité. Elle peut être un frein si elle est absente comme être un véritable tremplin et favoriser une ambiance paisible et la cohésion d’équipe au travail. Pour conclure cela nous a amené à formuler la problématique suivante : Quels sont les facteurs d’un manque communication dans les équipes soignantes ? BIBLIOGRAPHIE [1] Jonathan Harm. Cours de l’UE 1.1S1. 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Pensez à une situation qui vous a le plus bouleversé au cours de votre carrière. Pouvez-vous nous dire quel a été votre ressenti ? avez-vous accepté ou réprimé ces émotions ? pourquoi ? 4. Avez-vous pu échanger avec un ou une collègue de vos émotions ressenties ? 5. Pensez-vous que les états d’âmes, quels qu’ils soient, influe la prise en soin des patients ? Epuisement professionnel 1. Qu’est-ce que pour vous l’épuisement professionnel ? quelles en sont vos représentations ? 2. Y avez-vous déjà été confronté ? 3. Pour vous quels sont les facteurs favorisants du développement d’un épuisement professionnel ? 4. (Fictif) Votre établissement veut mettre en place un dispositif préventif de l’épuisement professionnel. Quels seraient vos propositions ? ANNEXE 2 ANNEXE 3 : Plan santé au travail 2016 2020 Résumé et abstract L’épuisement professionnel des IDE à l’hôpital De nos jours, de plus en plus de soignants souffrent au travail. En effet, le syndrome de l’épuisement professionnel est une réalité à l’hôpital. Nos recherches nous ont menées à la question suivante : En quoi l’épuisement professionnel des infirmiers diplômés d’état influe-til sur la prise en soin des patients ? Pour approfondir cette question, nous avons menés deux entretiens avec deux infirmiers travaillants dans des services différents. Ces interviews, composés de questions ouvertes, nous ont montré la difficulté pour les infirmiers de réellement définir l’épuisement professionnel. De plus, chacun des deux infirmiers mettent en place des mécanismes individuels et collectifs pour éviter l’apparition de cet épuisement. De notre analyse se dégage également l’importance donné par les infirmiers du prendre soin de Soi pour mieux prendre en soins le patient. Pour conclure, l’épuisement professionnel des IDE est un syndrome aux multiples facettes, autant dans la complexité du métier, que de celui qui l’exerce, ou encore dans l’organisation du travail. Mots-clés : Emotions ; gestions des émotions ; épuisement professionnel ; qualité des soins. Nurses’s burn-out syndrom at hospital. Nowadays, there are more and more caregivers who suffering at work. Indeed, the burn-out syndrom is a reality at hospital. Our researchs led us to the following question : To what extent does burn-out syndrome of nurses has an effect on management care ? In order to carry out this study, we led interviews with two nurses who works in two differents wards. Thoses interviews, which were composed of opened questions, shows us the trouble of actually defining the burn-out syndrome. Besides, both nurses set up some individual and collective mechanisms to prevent the burn-out syndrome. The results also shows the importance of taking care of yourself to take better care of the patient. In conclusion, the burn-out syndrome is a syndrome with many facets. It depends as much on the profession that those who works or the wor organization Keywords : Emotions, emotions management, burn-out, quality of care