Il est de plus en plus évident que la prévention des
risques cardiovasculaires peut diminuer le risque de
démence au cours du vieillissement. Le tabagisme est
un de ces facteurs de risque que l’on associe à la
démence ainsi qu’aux troubles cognitifs, par le biais
des accidents vasculaires. La fumée de cigarette
contient de nombreuses substances toxiques qui
affectent directement l’intégrité du neurone et ses
fonctions, par exemple le monoxyde de carbone ainsi
que des espèces réactives de l’oxygène. Chez les jeunes
adultes, la consommation de nicotine entraîne une
augmentation du flux sanguin et un métabolisme accru
au niveau du cervelet, du thalamus droit, de la jonction
pariéto-occipitale et du cortex frontal. Toutefois, une
consommation intense et chronique conduit à un effet
inverse avec une diminution générale du flux sanguin
cérébral et de l’utilisation du glucose dans ces mêmes
régions. Ce sont aussi ces zones du cerveau qui sont
touchées chez les personnes âgées souffrant de troubles
cognitifs légers et de démence.
Une première étude, pratiquée par tomographie à
émission de positrons (PET), a confirmé une
diminution de capture du glucose dans le cingulum
postérieur ainsi que dans les cortex associatifs temporo
-pariétal et préfrontal. Cette diminution touche aussi les
neurones limbiques et thalamiques. Chez les patients
atteints de démence, l’imagerie par résonance
magnétique montre une réduction généralisée de la
substance grise corticale ainsi que du noyau caudé et
du thalamus médian. Cette réduction épargne les cortex
sensori-moteur et occipital. A partir de ces données, on
peut penser que l’un des mécanismes premiers dans la
pathogenèse de la démence pourrait être la
déconnexion des relations thalamo-corticales.
L’objectif de cette étude était d’évaluer les altérations
éventuelles de la substance grise corticale chez les
fumeurs âgés non déments, à l’aide de la résonance
magnétique. Les personnes testées, âgées de 70 ans ou
plus, avaient consommé au moins 5 cigarettes par jour
durant l’année précédant l’étude. Leur score au MMSE
était supérieur à 24. Ils ne présentaient pas de
symptômes dépressifs ni de problèmes liés à l’alcool, et
n’avaient pas de soucis de santé majeurs. Les sujets
témoins présentaient le même profil, excepté pour la
consommation de tabac. Les principales
caractéristiques des 2 populations sont résumées dans
le tableau ci-dessous.
Fumer est-il un passeport pour la démence ?
Philippe van den Bosch de Aguilar,
Université Catholique de Louvain, Louvain la Neuve
Af 536-2008 ©2008 Successful Aging SA
Almeida OP, Garrido GJ, Lautenschlager NT, Hulse GK, Jamrozik K, Flicker L. Smoking is associated with reduced
cortical regional gray matter density in brain regions associated with incipient Alzheimer disease. Am J Geriatr
Psychiatry. 2008;16:92-98.
Fumeurs*
Non fumeurs
Nombre de sujets
39
39
Age (ans)
75,0 + 3,4
75,7 + 3,2
Score au MMSE
27,8 + 1,9
28,4 + 1,7
Nb de diabétiques
3
3
Nb d’hypertendus
11
16
Antécédents d’infarctus
4
5
Caractéristiques des participants de l’étude. * Les fumeurs avaient consommé en moyenne 25 cigarettes par jour pendant 30
ans.
La réduction de la densité de la substance grise chez les
fumeurs était significative (p < 0,001) dans les
territoires suivants (aires de Brodmann) :
- le précuneus droit (aire 31),
- le cingulum postérieur gauche (aires 23 et 31),
- les circonvolutions précentrales droite et
gauche et frontale médiane (aires 4 et 6),
- le thalamus droit.
Comme ces territoires sont aussi précocement touchés
dans les démences naissantes, on peut penser que le
tabagisme prédispose à leur pathogenèse et favorise les
troubles cognitifs. Avant toute conclusion définitive, il
serait toutefois intéressant de pouvoir suivre l’évolution
de ces altérations, en corrélation avec l’évolution des
performances cognitives et comparativement à des non
fumeurs.