Ces dernières années, la compréhension des bases moléculaires de
la cancérogénèse rénale a fait des progrès considérables notamment
du fait de l’identification des gènes responsables de la maladie de
von Hippel-Lindau, du cancer papillaire héréditaire, de la leiomyo-
matose héréditaire et du syndrôme de Birt-Hogg-Dubé [43]. Une
étape décisive a été franchie quand a été compris que l’inactivation
du gène VHL pouvait se rencontrer dans près de 70% des cancers
du rein sporadiques entrainant l’activation de gènes induisant l’an-
giogenèse [59]. Ainsi de nouvelles drogues qui ciblent l’angiogenè-
se et la transduction du signal des récepteurs des facteurs de crois-
sance vasculaire ont été mises au point [76]. L’objectif de cette
étude est de faire une revue des mécanismes clé de l’angiogenèse
tumorale dans le cancer du rein, de donner les résultats actuels de
ces nouvelles thérapeutiques ciblées et finalement de discuter quel
devrait être le rôle de l’urologue dans cette nouvelle ère thérapeu-
tique.
LE CANCER DU REIN FAMILIAL : UN MODELE D’ETUDE
DES VOIES MOLECULAIRES DU CANCER DU REIN
La maladie de von Hippel Lindau est un véritable modèle pour l’é-
tude du cancer du rein dans sa variété de carcinome à cellules clai-
res. C’est une maladie rare, autosomique dominante qui est due à
une mutation germinale ou une délétion du gène suppresseur des
tumeurs VHL. Les manifestations cliniques typiques sont des
hémangioblastomes de la rétine et du système nerveux central avec
ou sans phéochromocytome, des carcinomes rénaux convention-
nels, des kystes rénaux, des kystes pancréatiques, des tumeurs
neuro-endocrines, des tumeurs du sac endo-lymphatique, des cysta-
dénomes papillaires de l’épididyme ou du ligament large [18, 61,
69]. Les tumeurs rénales sont volontiers de survenue précoce, mul-
tifocales et bilatérales. Ce sont toujours des carcinomes à cellules
claires qui concernent 35 à 45% des individus affectés. [43]. Les
analyses familiales ont tout d’abord permis de localiser le locus du
gène VHL en 3p25[68] puis ce gène a pu être caractérisé comme un
gène suppresseur des tumeurs [38]. De manière très intéressante le
gène VHL est inactivé aussi dans près de 70% des cancers du rein
sporadiques [21, 43, 71]. le gène VHL code pour une protéine de
213 acides aminés qui est le substrat de reconnaissance d’un com-
plexe ubiquitine ligase qui va cibler un facteur de transcription pro-
téique : hypoxia-inducible factor (HIF) [6, 11, 27]. pVHL en effet
se lie à 2 facteurs de transcription: Elongin B et C [18, 33] qui vont
eux même se lier à l’Elongin A, constituant un complexe trimérique
appelé Elongin/SIII [2]. pVHL a aussi un rôle majeur dans la for-
mation de la matrice extracellulaire et dans le contrôle du cycle cel-
lulaire. HIF-1 se lie à un hétéro dimère constitué d’une sous unité
alpha (HIF-1α)et d’une sous unité bêta (HIF-1β). Les sous unîtes
asont normalement rapidement dégradées en présence d’oxygène
alors que les sous unités b sont présentes de manière constitution-
nelle [34]. HIF-1a contrôle la transcription d’un certain nombre de
gènes dits induits par l’hypoxie. En effet en condition normoxique,
le complexe VHL elonginC/B-Cul2 cible HIF-1a conduisant à une
dégradation protéosomale [57, 89]. En condition hypoxique aussi
bien qu’en cas d’inactivation de VHL, le complexe pVHL ne dégra-
ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (2005), 15, 1021-1029
Voies moléculaires de l’angiogenèse tumorale et nouvelles
approches thérapeutiques ciblées dans le cancer du rein
Patricia FERGELOT, Nathalie RIOUX-LECLERCQ, Jean-Jacques PATARD
Services d’Urologie, de Pathologie et UMR60-61 CNRS, Groupe Angiogenèse et Invasion tumorale, Université de Rennes 1
RESUME
Le carcinome à cellules rénales (CCR) dans sa forme conventionnelle est une tumeur hautement vascularisée
avec un pronostic extrêmement péjoratif quand des métastases sont présentes. Récemment des progrès signifi-
catifs ont été faits dans la compréhension des mécanismes moléculaires conduisant au phénotype vasculaire du
cancer du rein. En particulier la maladie de VHL constitue un véritable modèle d’étude dans la mesure où l’i-
nactivation du gène VHL conduit à l’accumulation du facteur HIF induisant l’activation de gènes comme:VEGF,
PDGF, EPO, CaIX et TGF-α
α. C’est le fait que l’inactivation de VHL a été trouvée dans près de 70% des cancers
du rein sporadiques qui constitue le meilleur rationnel pour cibler les produits de ces gènes. Les drogues d’inté-
rêt actuellement ciblent VEGF,VEGFR, PDGFR et les récepteurs tyrosine kinase qui sont nécessaires à la trans-
duction du signal intra-cellulaire. Les résultas initiaux des études de phase II obtenus dans le cancer du rein en
situation métastatique, le plus souvent en seconde ligne, sont très encourageants. Les résultats des études de
phase III seront bientôt disponibles mais d’ores et déjà de nombreuses études évaluent ces drogues soit en pre-
mière ligne soit en association. Finalement les urologues, ont une opportunité majeure de se familiariser avec ces
drogues par la participation active aux essais de thérapeutiques adjuvantes qui vont bientôt s’instaurer.
Mots clés : Carcinome à cellules rénales, gène VHL, VEGF, inhibiteurs de l’angiogenèse.
1021
Manuscrit reçu : septembre 2005, accepté : novembre 2005
Adresse pour correspondance : Pr. J.J. Patard, Service d’Urologie, CHU Pontchaillou, rue
Henri Le Guillou, 35033 Rennes.
Ref : FERGELOT P., RIOUX-LECLERCQ N., PATARD J.J. , Prog. Urol., 2005, 15, 1020-
1029.
de pas HIF-1a qui s’accumule dans le noyau conduisant à une sur-
expression de gènes qui sont critiques pour l’angiogenèse (vascular
endothélial growth factor: VEGF), le transport du glucose (GLUT1,
GLUT3), la glycolyse (6-phosphofructose 2-kinase), le contrôle du
pH (famille des anhydrases carboniques), la prolifération épithélia-
le (platelet derived growth factor: PDGF, transforming growth fac-
tor-α: TGF-α), l’érythropoïétine: EPO et l’apoptose (Bid, Bax,
Bad) [89]. Parmi tous ces gènes qui s’activent en aval du complexe
HIF/VHL: VEGF, VEGFR et PDGFR sont les cibles les plus explo-
rées. Citons également l’anhydrase carbonique IX (CA IX) qui est
particulièrement importante dans le cancer du rein. CA IX est une
enzyme trans-membranaire qui joue un rôle important dans la régu-
lation du ph intra et extra cellulaire et il a été fait l’hypothèse que le
CA IX permet aux tumeurs rénales de s’adapter à un milieu acide
et hypoxique autorisant ainsi les cellules à proliférer et à métastaser
[28, 47, 59, 85]. Le CA IX est surexprimé dans 94% des cancers du
rein et est corrélé à la réponse au traitement, aux facteurs clinico-
pathologiques et à une survie altérée [59]. Cibler CA IX est actuel-
lement exploré à la fois en situation métastatique et adjuvante [36].
Finalement il existe 2 formes de HIFα: HIF-1αet HIF-2α. [74]. Il
existe maintenant des preuves que HIF-2αest la forme oncogénique
de HIFα[35, 48, 67]. En particulier SMITH a récemment identif
TGF-αcomme la cible spécifique de HIF-2α[22, 73]. Cela confir-
me que HIF-2αdiffère de HIF-1αpar sa capacité à activer des
cibles spécifiques qui sont engagées dans la croissance oncogé-
nique des cellules tumorales. Ceci soutient aussi l’hypothèse que
EGFR est une cible potentiellement intéressante dans le cancer du
rein à gène VHL défectueux. Toutes les conséquences moléculaires
de l’inactivation de VHL sont résumées par la Figure 1.
LE VEGF : UNE MOLECULE CLE DE L’ANGIOGENESE
TUMORALE DU CANCER DU REIN
L’induction de l’angiogenèse est un mécanisme indispensable au
développement des tumeurs au delà de 1 à 2 cm de diamètre. Le
VEGF (vascular endothelial growth factor) ou VEGF-A et les
molécules apparentées (VEGF -C et le VEGF -D) sont de puis-
sants facteurs pro-angiogéniques impliqués dans la croissance
tumorale et la survenue de métastases. Leur voie de signalisa-
tion cellulaire, relayée par des récepteurs spécifiques
(VEGFRs) à activité tyrosine kinase, est une des cibles princi-
pales des traitements anti-angiogéniques, une nouvelle stratégie
thérapeutique qui connaît actuellement un essor majeur en can-
cérologie [76]
La famille VEGF
Le VEGF (VEGF-A) est une glycoprotéine homodimérique dont
le gène, cloné en 1989 [40, 32] comprend 8 exons et code une
forme longue de 206 acides aminés. Par épissage alternatif des
exons 6 et 7, plusieurs transcrits sont générés et les peptides pro-
duits diffèrent par leur capacité de liaison à l’héparine et aux
protéoglycanes de type héparane sulfate, composants de la matri-
ce extra-cellulaire. On distingue les isoformes 189, 183, 165,
148, 145, 121, d’après le nombre d’acides aminés de la protéine
mature prédite, auxquelles s’est ajouté récemment le VEGF 162
[37] . Une isoforme particulière, le VEGF165b ne possède pas
d’exon 8, remplacé par un 9ème exon potentiel [5] (Figure 2).
Les formes surexprimées dans les processus d’angiogenèse
physiologique aussi bien que pathologique sont les VEGF 121,
165 et 189. Les homodimères de VEGF 189 sont retrouvés
essentiellement attachés à la matrice extra-cellulaire, alors que
les formes 121 et 165 sont solubles. Le VEGF 165 cependant
partiellement lié à la matrice extracellulaire et à la membrane
cytoplasmique apparaît prédominant aussi bien d’un point de vue
quantitatif que fonctionnel. Dans les CCR, la co-expression des
transcrits 121, 165 et 189 est associée aux stades T3-T4 et à la
densité en micro vaisseaux [80]. De plus, il est intéressant de
noter que le VEGF165b, dont l’expression est associée à une
croissance tumorale lente, correspondrait à une isoforme inhi-
bant l’activité du VEGF 165 [84]. Le transcrit 165b a été retro-
uvé sous–exprimé dans les tumeurs rénales [5]. L’altération de la
régulation de l’épissage du VEGF pourrait donc être un phéno-
mène important dans l’évolution spontanée d’une tumeur dont
l’implication dans la physiopathologie du cancer rénal reste à
préciser. D’autre part, il apparaît que les formes mesurables dans
le sérum ne reflètent pas exactement les différentes formes du
P. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029
1022
Figure 1. La voie VHL/HIF et les gènes cibles. En condition nor-
moxique, la dégradation de la sous unité HIF
α
dépend de son hydro-
xylation et de la liaison de pVHL aux Elongines B, C, Cul2 et Rbx1
pour former un complexe ubiquitine ligase. HIF
α
1 et HIF
α
2 sont
constitutionnellement exprimés soit en situation hypoxique soit en
cas d’inactivation de VHL. La stabilisation de HIF
α
α
entraîne une
activation des gènes cibles tels que VEGF et PDGF. HIF2
α
active
TGF
α
et est considéré comme la forme oncogénique de HIF
α.
.
Figure 2. Les différentes isoformes de VEGF.
VEGF actives dans un tissu. Enfin, des modulateurs de la bio-
disponibilité du VEGF sont identifiés régulièrement, ainsi une
métalloprotéase, ADAMTS1, est capable de se lier directement
au VEGF 165 et de le séquestrer [45].
Deux autres membres de la famille VEGF ont un rôle important
dans l’angiogenèse tumorale ; Il s’agit du VEGF-C [31] et du
VEGF-D [86]. Ces deux molécules sont liées structurellement et
fonctionnellement ; elles diffèrent toutes deux du VEGF par la pré-
sence de propeptides à leurs extrémités, mais possèdent le domaine
central d’homologie au VEGF (VHD) contenant la cystine knot
motif caractéristique des membres de cette famille. La forme acti-
ve, le VHD, naît du clivage des propeptides par des protéases extra-
cellulaires inconnues à ce jour. L’expression du VEGF-C est stimu-
lée par des facteurs de croissance tels que le PDGF et l’EGF mais
pas par l’hypoxie. L’expression de ces facteurs dans des modèles
cellulaires et animaux a bien montré leur implication dans l’exten-
sion métastatique [75]
Les récepteurs VEGF
Trois récepteurs spécifiques de la famille VEGF ont été identi-
fiés VEGFR1 (Flt-1), VEGFR2 (KDR/FLK-1) et VEGFR3 (FLT-
4). Ce sont des récepteurs à activité tyrosine kinase. Le VEGFR
2 s’associe aux isoformes 121, 145 et 165 du VEGF, au VEGF-
C et au VEGF-D. Son rôle serait primordial dans la différencia-
tion des cellules endothéliales [70]. Le VEGFR3 a pour ligand
les VEGFs C et D (Figure 3). Le VEGFR2 est exprimé principa-
lement à la surface des cellules endothéliales des vaisseaux san-
guins et plus faiblement sur les lymphatiques [56, 87]. Le
VEGFR3 est exprimé sur les vaisseaux lymphatiques et les vais-
seaux sanguins tumoraux [46]. VEGFR3 a été corrélé positive-
ment au VEGF-C dans des lysats de tumeurs rénales [4]. Un rôle
dans l’angiogenèse et la lymphangiogenèse est maintenant clai-
rement établi pour le VEGFR2 et le VEGFR3, respectivement.
Bien que documentée dans certains types de tumeur, leur impli-
cation dans l’extension métastatique des cancers du rein reste à
démontrer
Production de VEGF et mécanismes moléculaires de régulation
de l’expression du VEGF
L
’expression du VEGF est contrôlée par des mécanismes de régula-
tion complexes, dans lesquels interviennent de nombreux facteurs
comme les cytokines , les facteurs de croissance et les hormones
[53]. La surproduction de VEGF retrouvée dans les tumeurs peut
être rattachée à plusieurs mécanismes auxquels participe le facteur
HIF [54]
L’hypoxie
L’hypoxie des cellules les plus éloignées des vaisseaux sanguins sti-
mule la production de VEGF par un mécanisme transcriptionnel,
l’activation de la synthèse d’ARN messager par le facteur HIF et
deux mécanismes traductionnels, aboutissant tous à une augmenta-
tion de la synthèse de protéine. L’un de ces mécanismes traduction-
nels passe par la stabilisation de l’ARN messager. Il nécessite la
liaison d’un facteur protéique sur une portion déterminée de l’ex-
trémité 3’ non traduite du transcrit (3’UTR) [10]. La protéine HuR
a été identifiée comme l’un de ces facteurs [42]. Le deuxième
mécanisme fait appel à l’extrémité 5’ non traduite du transcrit
(5’UTR) et implique le codon d’initiation CUG. Ce codon serait
utilisé préférentiellement dans des conditions de stress hypoxique,
connues pour inhiber la traduction dépendante de la coiffe (Cap-
dependent translation) initiée classiquement au codon AUG [77].
Une étude récente montre que, de façon surprenante, la nature du
transcrit contrôlerait la reconnaissance du codon initiateur par la
machinerie traductionnelle [8]. Ainsi en considérant les trois isofor-
mes principales, la forme 121 n’est produite qu’à partir du CUG, la
forme 165 à partir des codons de façon équivalente et la forme 189
à partir de l’AUG classique. Ceci suggère que l’hypoxie pourrait
favoriser la production des isoformes solubles 121 et 165 par les
cellules tumorales en activant la traduction des transcrits.
Le gène suppresseur de tumeur VHL
Dans les carcinomes à cellules rénales de type conventionnel, la
perte de fonction de gène VHL est un mécanisme clef de l’angio-
genèse tumorale potentialisant les effets de l’hypoxie sur le VEGF.
Les conséquences des altérations du gène VHL sont de deux ordres:
une activation de la transcription du gène VEGF due à l’expression
constitutive du facteur HIF et la levée de l’inhibition du facteur de
transcription Sp1 [52] et une stabilisation des transcrits VEGF[41].
Une étude très récente suggère que l’association de VHL à la pro-
téine HuR favoriserait la dégradation des transcrits. A l’inverse,
l’absence de VHL entraînerait comme l’hypoxie la stabilisation de
l’ARN messager par fixation de HuR au 3’UTR[12] .
La voie de signalisation Ras
A coté de la perte de fonction du gène suppresseur de tumeur, l’ac-
tivation de l’oncogène ras, telle qu’elle a été montrée dans les can-
cers du rein[19, 81] pourrait stimuler la production de VEGF. Ras
induirait la transcription du gène VEGF par la voie de la proteine
kinase C z (PKC z). Raf aussi bien que la PI3-kinase pourraient
conduire à l’activation de la PKC z [58]. Dans les tumeurs rénales,
l’hypoxie, la perte de fonction de gène suppresseur de tumeurs
comme VHL mais aussi PTEN [9] et l’activation oncogénique de
voies de signalisation cellulaire sont impliquées dans la surexpres-
sion du VEGF. Les deux voies Raf-MAPK et PI3-AKT/mTOR
seraient impliquées dans l’activation du VEGF, en coopérant avec
HIF
, dont l’activité est elle-même augmentée par ces voies de signa-
lisation et l’hypoxie [51]. Il est toutefois important de considérer
que ces mécanismes, démontrés in vitro, ne sont pas forcément
P. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029
1023
Figure 3. Les récepteurs VEGF et leurs ligands respectifs. La liaison
des ligands au récepteur transmembranaire active sa dimérisation et
la transduction du signal. VEGFR2 est essentiel pour la prolifération
des cellules endothéliales sanguines tumorales alors que VEGFR3
médie la prolifération des vaisseaux lymphatiques. Le rôle de
VEGFR1 dans l’angiogenèse tumorale est mal défini.
effectifs in vivo au même stade du développement tumoral, ni dans
les mêmes cellules.
VEGF comme un marqueur circulant
Nous avons vu combien la connaissance de la voie du VEGF aidait
à la compréhension de la biologie des tumeurs. Le fait que le VEGF
soit essentiel à la néovasculation tumorale et que les VEGF-C et D
soient impliqués dans la survenue de métastases ganglionnaires en
font des marqueurs pronostiques potentiels. La plupart des études
sur l’expression du VEGF sont réalisées à partir des tumeurs réna-
les elles-mêmes, ce qui implique de disposer de tissu. Cependant à
l’heure des traitements antiangiogéniques qui devraient bientôt être
testés comme thérapeutique néo adjuvante dans les cancers du rein,
définir l’intérêt et les limites du dosage de ces molécules comme
marqueurs circulants est un enjeu important pour la prise en charge
des patients. Deux aspects doivent être envisagés : les VEGFs
comme marqueurs pronostiques pour sélectionner les patients pou-
vant bénéficier d’un traitement médical avant ou après l’interven-
tion chirurgicale et la place de ces facteurs dans le suivi thérapeu-
tique.
Peu d’études de l’expression du VEGF dans les CCR sont dispo-
nibles ; elles portent sur les isoformes solubles 121 et 165 du
VEGF. Une alternative consisterait à doser les récepteurs
VEGFR2 solubles [15]. La concentration sérique du VEGF
apparaît corrélée au pronostic dans des groupes prédéfinis par le
grade et le stade [29]. La même équipe a montré une corrélation
inverse entre le taux des transcrits et la concentration sérique de
VEGF, avec une diminution des transcrits VEGF 121 dans les
formes localement avancées par rapport aux formes métasta-
tiques d’une part et aux formes localisées d’autre part [44]. Une
telle diminution des taux de transcrits avait été également obser-
vée dans des carcinomes à cellules rénales à fort index mitotique
[25]. Ce phénomène pourrait être lié à une activation de la tra-
duction des formes 121 et 165 diminuant la 1/2 vie des ARN
messagers et en particulier de l’isoforme 121. L’intérêt actuel
pour le VEGF circulant vient également de l’observation inat-
tendue, chez la souris portant un tumeur implantée, d’augmenta-
tion du VEGF plasmatique après traitement par un anticorps
anti-VEGFR2 à une dose préalablement déterminée comme opti-
male. Bien que le mécanisme en soit non précisé, cette élévation
rapide et transitoire pourrait servir de marqueur afin de détermi-
ner chez les patients les doses optimales de tels traitements
ciblés [7]
PREMIERS RESULTATS CLINIQUES AVEC LES DROGUES
ANTI-ANGIOGENIQUES DANS LE CANCER DU REIN
METASTATIQUE
Au moins 5 drogues majeures sont actuellement intensivement
explorées dans le cancer du rein métastatique. Ces drogues ont d’a-
bord été utilisées en seconde ligne après échec de l’immunothéra-
pie. Les premiers résultats sont très prometteurs et les résultats de
grandes études de phase III sont actuellement en attente. Un nomb-
re considérable d’essais sont maintenant en cours ou planifiés en
première ligne ou en combinaison. Les mécanismes d’actions de
ces drogues sont résumées dans la Figure 4.
Bevacizumab
Le Bevacizumab est un anticorps monoclonal recombinant
humanisé qui cible VEGF et reconnait toutes ses isoformes. Il a
une demi-vie prolongée (17-21 djours). Y
ANG
a récemment rap-
porté les résultats d’une étude de phase II randomisée comparant
40 patients avec une maladie réfractaire aux cytokines recevant
un placébo avec 37 patients recevant 3 mg/kg de Bevacizumab et
39 patients recevant 10mg/kg de Bevacizumab [88]. Le temps
médian de progression (4.8 mois) était significativement aug-
menté chez les patients reçevant une haute dose de Bevacizumab
par rapport à ceux reçevant le placébo (2.5 mois) (p:0.001). Les
probabilités à 4 et 8 mois de ne pas avoir de progression pour les
patients reçevant la haute dose, la faible dose et le placébo
étaient de 64%, 39%, et 20 % et de 30 %, 14 %, et 5%. L’essai a
été stoppé du fait des différences de progression après analyse
intermédiaire et les patients du groupe placébo ont été autorisés
à passer dans le groupe Bevacizumab. Sans doute pour cette rai-
son aucune différence de survie n’a pu être démontrée entre les
groupes (13.3 vs 15.1 vs 15.5 mois). Le traitement était généra-
lement bien toléré et les effets indésirables les plus généralement
notés dans le groupe forte dose étaient : hypertension, malaise et
protéinurie. Un grand nombre d’associations avec le Bevacizu-
mab et d’autres molécules est actuellement étudié.
Bien que le fait de cibler EGFR en monothérapie a en général été
assez inefficace [13, 49], Hainsworth et al. ont récemment publié
leurs résultats chez 63 patients avec un cancer du rein métastatique
réfractaire reçevant Bevacizumab à 10 mg/kg IV toutes les 2 semai-
nes et Erlotinib 150 mg per os chaque jour. Le traitement était géné-
ralement bien toléré, chez 25% des patients on obtenait une répon-
se objective et 61% des patients avaient une maladie stable à 8
semaines. Les taux de survie à 1 et 2 ans étaient respectivement de
78% et 44% [23]. Cependant en combinant des molécules bloquant
VEGF, EGFR et PDGF avec Bevacizumab, Erlotinib et Imatinib
chez 21 patients on n’obtenait que 9% de réponses partielles et 61%
de maladie stable avec une toxicité accrue [24]. Ceci souligne les
limites des associations même si le rationnel est bon. Deux essais de
phase III sont actuellement en cours comparant Interféron-αou
Interféron a plus placebo et Interféron-αplus Bevacizumab
(CALGB 90206 et BO17705) en première ligne. Finalement beau-
coup d’autres associations avec Bevacizumab et d’autres drogues
sont testées ou planifiés comme: haute dose d’IL-2, IL-2 sous cuta-
née, Sorafenib, Sunitinib et CCI-779.
P. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029
1024
Figure 4. Résumé des mécanismes moléculaires responsables de l’an-
giogenèse et de la croissance tumorale. Les nouvelles molécules anti-
angiogéniques et leurs cibles sont indiquées à la fois sur les cellules
endothéliales et tumorales.
SU11248 (Sunitinib)
Le Sunitinib est un inhibiteur de tyrosine kinase (TK). C’est une
drogue administrée per-os avec des propriétés anti tumorales et anti-
angiogéniques en ciblant spécifiquement PDGFR, VEGFR, KIT
and FLT3 [55, 79]. Récemment les résultats de deux études de
phase 2 en seconde ligne thérapeutique ont été rapportés. Ces étu-
des incluaient 63 et 106 patients respectivement. Les principaux
effets indésirables étaient: fatigue (38%, 28%), diarrhée (24%,
20%), nausées (19%, 13%) et stomatite (19,14%). Des anomalies
biologiques de grade 3/4 comme neutropénie, anémie, thrombocy-
topénie et hyperlipasémie étaient observés dans 13 et 16%, 10 et
6%, 0 et 6% et 21 et17% dans les 2 essais respectivement. Les taux
de réponse mesurés par les critères RECIST n’avaient jamais été
observés auparavant en seconde ligne dans l’ère de l’immunothéra-
pie. Les taux de réponse objective étaient de 40 et 44% et les taux
de stabilisation de la maladie au delà de 3 mois étaient de 28 et 23%
respectivement. Au total 66% des patients étaient considérés
comme ayant un bénéfice clinique du traitement. Les temps médian
de progression étaient de 8.7 et 8.1 mois respectivement. La média-
ne de survie était de 16.4 mois dans le premier groupe alors qu’el-
le n’était pas atteinte dans le second protocole plus récemment
initié [50]. Une étude de phase III comparant Sunitinib versus Inter-
féron-αen première ligne a été récemment terminée. Les résultats
seront disponibles rapidement. Un nombre impressionnant d’études
cliniques également en situation métastatique en association avec le
Sunitinib sont soit planifiées soit déjà ouvertes; les molécules asso-
ciées sont: Gefitinib, Bevacizumab, Gemcitabine, Capecitabine,
Interféron.
BAY 43-9006 (Sorafenib)
Le Sorafenib est également un inhibiteur de tyrosine kinase. Une
efficacité a été prouvée dans des modèles animaux de xénogreffe
humaine. On pensait initialement que le Sorafenib était un inhibi-
teur de Raf-1 seronine/threonine kinase mais ultérieurement une
activité contre B-Raf et d’autres récepteurs tyrosine kinase a été
démontrée: VEGFR-2, PDGFR, FLT-3 et c-Kit [82, 83]. Après qu’il
ait été établi au cours d’essais de phase I que la dose bi-journalière
de 400 mg per os était la posologie recommandée [78], 2 études de
phase II ont montré une activité significative de BAY 43-9006 dans
le carcinome à cellules rénales. Parmi 397 patients ayant des
tumeurs solides réfractaires aux thérapeutiques usuelles inclus dans
un essai de phase II, on obtenait 42% de réponse objective et 50%
de stabilisation chez 89 patients avec des carcinomes à cellules
rénales métastatiques [62]. De la même façon dans un essai de
phase II incluant 41 patients porteurs d’un CCR, AHMAD rapportait
un taux de réponse objective de 40% et 30% de stabilisation [1]. Un
essai de phase III comparant Sorafenib et un placébo après échec
d’une première ligne thérapeutique a été récemment terminé chez
905 patients. Le recrutement s’est terminé en février 2005 et des
résultats préliminaires sont disponibles chez 769 patients [16]. Une
modification de dose a été nécessaire chez 25% des patients sous
Sorafenib dont 78% pour effet indésirable mais un arrêt du traite-
ment qui survenait dans 38% des cas était du à des effets indésira-
bles uniquement dans 9% des cas. Les effets indésirables les plus
fréquents étaient: rash cutané ou desquamation (31%), diarrhée
(30%), syndrôme pied-main (26%), fatigue (18%). Une hyperten-
sion (8%) ou une neuropathie(9%) étaient plus rarement notés.
Aucune toxicité significative hématologique ou biochimique n’était
relevée. Une réponse partielle était obtenue dans 2% des cas mais
une stabilisation était obtenue dans 78% des cas résultant en un
bénéfice clinique de 80%. Ceci se comparait à 0% de réponse et
55% de stablisation dans le groupe placébo. Le temps médian de
survie sans progression était de 24 semaines dans le bras Sorafenib
comparé à 12 semaines dans le bras placébo (p<0.000001). Les
résultats concernant la survie sont en attente. Un essai de première
ligne est maintenant en cours comparant BAY-9005 et Interféron
α2a.
CCI-779 (Temsirolimus)
Le CCI-779 est un inhibiteur spécifique de mTOR qui est une seri-
ne/threonine kinase jouant un rôle clé dans la régulation du cycle
cellulaire. mTor est un effecteur d’aval des voies phosphatidyl-
inositol-3-kinase (PI3K) et Akt [20]. PTEN est un gène supresseur
des tumeurs qui est fréquemment inactivé dans les CCR et qui
contrôle les activités Akt et mTor[14]. De manière intéressante l’ac-
tivation de mTor induit une élévation de HIF1-αparticulièrement
dans les tumeurs défectives en VHL [26]. Dans des études de phase
I, les effets indésirables les plus communs de CCI-779 étaient:
acnée, rashs cutanés, mucosite, stomatite, asthénie et nausées [63].
Récemment une étude de phase II incluant 111 patients avec CCR
métastatiques qui étaient en échec d’une première ligne de traite-
ment, Atkins et al. ont trouvé des réponse mineures et partielles
dans 7% et 26% des cas alors que le bénéfice clinique global était
de 51%. Le temps médian de progression était de 5.8 mois et la
durée de survie médiane était de 15 mois. 26% des patients étaient
vivants à 2 ans [3]. Dans une étude de phase I évaluant l’association
de Temsirolimus et d’Interféron-αchez 71 patients avec un CCR
avançé, la dose maximale tolérée était de 15 mg donnée 1 fois par
semaine et de 6MU d’ Interféron-αdonné 3 fois par semaine. Le
taux de réponse objective était de 11%, le taux de bénéfice clinique
global était de 41% et le temps médian avant progression était de
9.1 mois [72]. Finalement une étude de phase III a été initiée chez
les patients de mauvais pronostic comparant l’Interféron-αseul,
Temsirolimus seul et l’association des 2 drogues.
AG013736
L’AG013736 est un inhibiteur de tyrosine kinase qui cible VEGFR-
1, 2, 3, PDGFR-B et c-Kit. Dans une étude de phase I évaluant 36
patients dont 6 CCR les principales toxicités observées étaient:
hypertension (61%), fatigue (28%), nausées (19%), diarrhée (17%),
vomissements (14%), céphalées (14%), érythème (11%) et stomati-
te (11%)[66]. Dans un essai de phase II incluant 52 patients avec
CCR métastatique, une dose orale de 5 mg de AG013736 était don-
née de manière bi-quotidienne et continue jusqu’à progression ou
toxicité inacceptable. Tous les patients avaient reçu précédemment
une immunothérapie à base d’IL-2 ou d’Interféron. Des taux de
réponse partielle de 46% associés à un taux de stabilisation de 40%
résultait en un taux impressionnant de 86% de bénéfice clinique.
Les traitement étaient interrompus dans 54% des cas mais seule-
ment dans 12% des cas pour une toxicité [64]. Des images de per-
fusion dynamique étaient en faveur d’une efficacité liée à la réduc-
tion de la perfusion vasculaire de la tumeur [65]. Une étude de
seconde ligne en monothérapie avec AG013736 chez les patients
réfractaires au Sorafenib est prévue.
PERSPECTIVES : LE ROLE DE L’UROLOGUE DANS CETTE
NOUVELLE ERE THERAPEUTIQUE
Bien que les premiers résultats de thérapeutiques anti-angiogé-
niques soient très prometteurs dans le cancer du rein métastatique,
d’innombrables questions restent posées. La liste non exhaustive
comprend: l’impact de ces drogues sur la survie et sur la qualité de
P
. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029
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