Histoire d’une découverte Sang Thrombose Vaisseaux 2009 ; 21, n° 9 : 494-6 Le VEGF (vascular endothelial growth factor) The Vascular endothelial growth factor Yasmine Zouggari Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Inserm 970, PARCC, 56 Rue Leblanc 75015, Paris L es vaisseaux sanguins assurent le transport d’oxygène et de nutriments vers l’ensemble des organes et des tissus. La formation de néo-vaisseaux (ou angiogenèse) s’observe dans des conditions physiologiques, lors du développement embryonnaire et de la croissance. L’angiogenèse intervient également dans des contextes pathologiques où elle peut être bénéfique, comme dans le cas des maladies ischémiques, ou au contraire délétère, lors de la croissance tumorale, des processus inflammatoires articulaires ou des rétinopathies diabétiques. La compréhension des mécanismes impliqués dans le processus de néo-vascularisation et la découverte d’outils moléculaires permettant de moduler la formation des vaisseaux constituent des enjeux thérapeutiques majeurs. Ainsi, le développement de stratégies thérapeutiques pouvant inhiber la néo-genèse vasculaire améliore significativement l’efficacité des traitements anticancéreux et une angiogenèse thérapeutique efficace pourrait améliorer le pronostic des maladies ischémiques, myocardiques, cérébrales, rénales ou périphériques. Des travaux pionniers ont montré suite à des observations de transplants de tumeurs que la croissance tumorale est associée à une augmentation de la vascularisation tissulaire. Une vascularisation importante de la tumeur lui permet un apport de nutriments essentiels à son développement. Des facteurs diffusibles sont produits par les cellules tumorales et stimulent l’angiogenèse. La recherche des molécules impliquées dans la régulation de l’angiogenèse tumorale a conduit à l’identification de plusieurs familles de protéines, pour la majorité, des facteurs de croissance. Parmi ces agents pro-angiogéniques on retrouve la famille des FGF (fibroblast growth factor), du PDGF (platetelet derived growth factor), des TGF (transforming growth factor), et des VEGF (vascular endothelial growth factor), tous acteurs cruciaux de l’angiogenèse. Napoleone Ferrara. Tirés à part : Y. Zouggari 494 À partir de l’article de Ferrara N. Vascular endothelial growth factor. Arterioscler Thromb Vasc Biol 2009 ; 29 : 789-91. STV, vol. 21, n° 9, novembre-décembre 2009 doi: 10.1684/stv.2009.0434 La convergence de plusieurs études a permis la découverte du VEGF. En 1983, Senger a identifié dans le surnageant d’une lignée de cellules tumorales de cobaye, une protéine augmentant la perméabilité vasculaire. Cette protéine a été dénommée VPF pour vascular permeability factor. Les auteurs ont proposé que le VPF puisse être un médiateur spécifique de l’hyperperméabilité vasculaire des tumeurs. Cependant, la séquence de cette protéine n’était pas encore connue. Napoleone Ferrara était chercheur post-doctorant à San Francisco au début des années 1980 et s’intéressait à la régulation de la croissance vasculaire de la région hypothalamo-hypophysaire. Il étudiait alors une population peu connue de cellules secrétant des peptides non hormo- Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. naux dans cette région. Bizarrement, les projections cytoplasmiques des cellules folliculaires établissent des contacts étroits avec les vaisseaux de l’hypophyse et certains suggéraient que ces cellules jouent un rôle dans le maintien et la croissance du réseau vasculaire de l’hypophyse. Ferrara a d’abord établi des cultures de cellules hypophysaires de boeuf et montré que le surnageant de ces cultures a un fort pouvoir mitogénique sur les cellules endothéliales. Au même moment, le basic fibroblast growth factor (bFGF) était découvert et ses propriétés sur le développement des cellules endothéliales mises en évidence. Toutefois, le bFGF est une protéine très peu secrétée par les cellules, au contraire du peptide hypophysaire mitogénique isolé par Ferrara. Celui-ci a donc émis l’hypothèse que sa protéine de croissance était différente du bFGF et il s’est donné les moyens de l’isoler et de la purifier. En 1988, N. Ferrara rejoint une jeune société de biotechnologie, Genentech, où il a pu développer son projet. Dès 1989, il a identifié et isolé un nouveau facteur ayant une activité mitogénique à partir des surnageants de cocultures de cellules endothéliales et de cellules folliculaires d’hypophyse bovine. Le séquençage de cette protéine a montré la présence d’un peptide signal de sécrétion précédant la partie NH2-terminale, en faveur d’une sécrétion de la protéine dans le milieu extracellulaire. Cette protéine diffère du bFGF, facteur ne possédant pas de peptide signal de sécrétion, et ne correspondait à aucune autre protéine connue. Cette protéine a été dénommée vascular endothelial growth factor (VEGF) car elle induit spécifiquement la prolifération des cellules endothéliales vasculaires. Jean Plouët, chercheur français en stage post-doctoral aux États-Unis, isolait, pratiquement en même temps, la même protéine. Le VEGF, ce qu’on en sait aujourd’hui Le génome humain code pour cinq protéines de la famille des VEGF : VEGF-A, VEGF-B, VEGF-C, VEGF-D et le PlGF (placental growth factor). Ces facteurs sont des glycoprotéines sécrétées dans le milieu extracellulaire et jouent un rôle important dans l’angiogenèse, l’hématopoïèse et la lymphangiogenèse. Le clonage du VEGF-A a permis l’identification de trois isoformes générées par épissage alternatif ; selon le nombre d’acides aminés présents, ce sont le VEGF121, le VEGF165 et le VEGF189. Le VEGF189 possède des domaines protéiques basiques qui permettent sa liaison à l’héparine, il est de ce fait localisé à la surface cellulaire et dans la matrice extracellulaire, régions riches en héparanes sulfates. Le VEGF189 est également stocké puis libéré par la matrice extracellulaire sous l’action de protéases comme la plasmine. Le VEGF165, isoforme correspondant au VEGF natif, est essentiellement présent sous forme soluble, il n’est que partiellement séquestré dans la matrice extracellulaire car il possède une faible affinité pour les héparanes sulfates. Quant au VEGF121, qui ne possède pas de site de liaison à l’héparine, il diffuse librement. Le clonage du VPF par le groupe de Connolly a permis l’identification d’un peptide identique au VEGF189. Le VEGF et le VPF sont donc la même molécule. Ainsi, une même molécule, le VEGF/ VPF, produit d’un seul gène, possède une activité mitogénique et induit la perméabilité vasculaire. L’action des VEGF est médiée par trois récepteurs tyrosine kinase : VEGFR1 ou flt-1, VEGFR2 ou KDR ou flk-1 et VEGFR3 ou flt-4, localisés spécifiquement à la surface des cellules endothéliales. L’activation de ces récepteurs initie de multiples voies de signalisation à l’origine de la stimulation de l’angiogenèse. Le récepteur VEGFR3 est essentiellement impliqué dans la croissance des vaisseaux lymphatiques. L’importance du VEGF-A dans l’angiogenèse physiologique, au stade embryonnaire, a été démontrée par l’inactivation du gène du VEGF-A par le groupe de Carmeliet. Que ce soit par une inactivation homo ou hétérozygote, l’absence de VEGF-A entraîne la mort des souris au stade embryonnaire. VEGF et antiangiogenèse Le VEGF-A joue également un rôle clé dans l’angiogenèse pathologique. En effet, le taux local d’ARN messager du VEGF-A est directement associé à la croissance vasculaire des tumeurs. Le VEGF-A est également fortement exprimé chez des patients atteints de rétinopathies diabétiques. Le VEGF-A est donc un candidat potentiel majeur pour la modulation de l’angiogenèse pour le traitement de diverses pathologies humaines. Ainsi, l’administration d’anticorps monoclonaux neutralisant le VEGF-A a permis de réduire considérablement la croissance tumorale dans différents modèles murins. Ces résultats ont conduit au développement d’anticorps humanisés anti-VEGF-A, comme le bevacizumab, puis de son variant le Fab ranibizumab, qui ont été approuvés par les organismes de régulation des médicaments pour le traitement de diverses pathologies cancéreuses chez l’homme. Des études cliniques ont montré que l’utilisation du bevacizumab améliore l’évolution de certaines tumeurs (colorectales en particuliers) et également de leurs métastases. Dans un autre contexte, le blocage du VEGF-A par le ranibizumab augmente l’acuité visuelle chez les patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Deux inhibiteurs du récepteur au VEGF-A (sunitinib et sorafenib) ont ensuite été approuvés pour le traitement de STV, vol. 21, n° 9, novembre-décembre 2009 495 Le VEGF a été le premier facteur identifié qui a permis le développement de médicaments utilisés depuis maintenant cinq ans. D’autres, en grand nombre, suivent pour mieux contrôler la croissance tumorale. L’angiogenèse thérapeutique, qui concerne un nombre encore plus important de malades, reste encore au stade de l’expérimentation et devrait, elle aussi, connaître un développement clinique considérable. ■ Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. cancers. En revanche, de nombreuses études cliniques tendant à induire une angiogenèse thérapeutique par administration de VEGF-A ou d’autres facteurs de croissance se sont avérées peu efficaces pour le traitement des patients présentant des artériopathies des membres inférieurs ou des maladies coronaires et ce malgré de nombreux essais cliniques. Il reste encore beaucoup à découvrir dans les domaines de la physiologie et la physiopathologie de l’angiogenèse. 496 STV, vol. 21, n° 9, novembre-décembre 2009