Le VEGF (vascular endothelial growth factor)

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Histoire d’une découverte
Sang Thrombose Vaisseaux 2009 ;
21, n° 9 : 494-6
Le VEGF (vascular endothelial growth factor)
The Vascular endothelial growth factor
Yasmine Zouggari
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Inserm 970, PARCC, 56 Rue Leblanc 75015, Paris
L
es vaisseaux sanguins assurent le transport d’oxygène et de nutriments vers
l’ensemble des organes et des tissus. La formation de néo-vaisseaux (ou angiogenèse) s’observe dans des conditions physiologiques, lors du développement
embryonnaire et de la croissance. L’angiogenèse intervient également dans des
contextes pathologiques où elle peut être bénéfique, comme dans le cas des maladies ischémiques, ou au contraire délétère, lors de la croissance tumorale, des processus inflammatoires
articulaires ou des rétinopathies diabétiques. La compréhension des mécanismes impliqués
dans le processus de néo-vascularisation et la découverte d’outils moléculaires permettant de
moduler la formation des vaisseaux constituent des enjeux thérapeutiques majeurs. Ainsi, le
développement de stratégies thérapeutiques pouvant inhiber la néo-genèse vasculaire améliore significativement l’efficacité des traitements anticancéreux et une angiogenèse thérapeutique efficace pourrait améliorer le pronostic des maladies ischémiques, myocardiques,
cérébrales, rénales ou périphériques. Des travaux pionniers ont montré suite à des observations de transplants de tumeurs que la croissance tumorale est associée à une augmentation
de la vascularisation tissulaire. Une vascularisation importante de la tumeur lui permet un
apport de nutriments essentiels à son développement. Des facteurs diffusibles sont produits
par les cellules tumorales et stimulent l’angiogenèse. La recherche des molécules impliquées
dans la régulation de l’angiogenèse tumorale a conduit à l’identification de plusieurs familles
de protéines, pour la majorité, des facteurs de croissance. Parmi ces agents pro-angiogéniques
on retrouve la famille des FGF (fibroblast growth factor), du PDGF (platetelet derived
growth factor), des TGF (transforming growth factor), et des VEGF (vascular endothelial
growth factor), tous acteurs cruciaux de l’angiogenèse.
Napoleone Ferrara.
Tirés à part :
Y. Zouggari
494
À partir de l’article de Ferrara N. Vascular endothelial growth factor. Arterioscler Thromb Vasc Biol 2009 ;
29 : 789-91.
STV, vol. 21, n° 9, novembre-décembre 2009
doi: 10.1684/stv.2009.0434
La convergence de plusieurs études a permis la découverte
du VEGF. En 1983, Senger a identifié dans le surnageant
d’une lignée de cellules tumorales de cobaye, une protéine
augmentant la perméabilité vasculaire. Cette protéine a
été dénommée VPF pour vascular permeability factor.
Les auteurs ont proposé que le VPF puisse être un médiateur
spécifique de l’hyperperméabilité vasculaire des tumeurs.
Cependant, la séquence de cette protéine n’était pas encore
connue. Napoleone Ferrara était chercheur post-doctorant à
San Francisco au début des années 1980 et s’intéressait à
la régulation de la croissance vasculaire de la région
hypothalamo-hypophysaire. Il étudiait alors une population
peu connue de cellules secrétant des peptides non hormo-
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naux dans cette région. Bizarrement, les projections
cytoplasmiques des cellules folliculaires établissent des
contacts étroits avec les vaisseaux de l’hypophyse et certains suggéraient que ces cellules jouent un rôle dans le
maintien et la croissance du réseau vasculaire de l’hypophyse. Ferrara a d’abord établi des cultures de cellules
hypophysaires de boeuf et montré que le surnageant de
ces cultures a un fort pouvoir mitogénique sur les cellules
endothéliales. Au même moment, le basic fibroblast
growth factor (bFGF) était découvert et ses propriétés sur
le développement des cellules endothéliales mises en évidence. Toutefois, le bFGF est une protéine très peu secrétée par les cellules, au contraire du peptide hypophysaire
mitogénique isolé par Ferrara. Celui-ci a donc émis l’hypothèse que sa protéine de croissance était différente du
bFGF et il s’est donné les moyens de l’isoler et de la purifier. En 1988, N. Ferrara rejoint une jeune société de biotechnologie, Genentech, où il a pu développer son projet.
Dès 1989, il a identifié et isolé un nouveau facteur ayant
une activité mitogénique à partir des surnageants de cocultures de cellules endothéliales et de cellules folliculaires
d’hypophyse bovine. Le séquençage de cette protéine a
montré la présence d’un peptide signal de sécrétion précédant la partie NH2-terminale, en faveur d’une sécrétion de
la protéine dans le milieu extracellulaire. Cette protéine
diffère du bFGF, facteur ne possédant pas de peptide signal
de sécrétion, et ne correspondait à aucune autre protéine
connue. Cette protéine a été dénommée vascular endothelial growth factor (VEGF) car elle induit spécifiquement la
prolifération des cellules endothéliales vasculaires. Jean
Plouët, chercheur français en stage post-doctoral aux
États-Unis, isolait, pratiquement en même temps, la même
protéine.
Le VEGF, ce qu’on en sait aujourd’hui
Le génome humain code pour cinq protéines de la famille
des VEGF : VEGF-A, VEGF-B, VEGF-C, VEGF-D et le
PlGF (placental growth factor). Ces facteurs sont des glycoprotéines sécrétées dans le milieu extracellulaire et jouent
un rôle important dans l’angiogenèse, l’hématopoïèse et la
lymphangiogenèse. Le clonage du VEGF-A a permis
l’identification de trois isoformes générées par épissage
alternatif ; selon le nombre d’acides aminés présents,
ce sont le VEGF121, le VEGF165 et le VEGF189.
Le VEGF189 possède des domaines protéiques basiques
qui permettent sa liaison à l’héparine, il est de ce fait localisé à la surface cellulaire et dans la matrice extracellulaire,
régions riches en héparanes sulfates. Le VEGF189 est également stocké puis libéré par la matrice extracellulaire sous
l’action de protéases comme la plasmine. Le VEGF165,
isoforme correspondant au VEGF natif, est essentiellement
présent sous forme soluble, il n’est que partiellement
séquestré dans la matrice extracellulaire car il possède une
faible affinité pour les héparanes sulfates. Quant au
VEGF121, qui ne possède pas de site de liaison à l’héparine, il diffuse librement. Le clonage du VPF par le groupe
de Connolly a permis l’identification d’un peptide identique au VEGF189. Le VEGF et le VPF sont donc la
même molécule. Ainsi, une même molécule, le VEGF/
VPF, produit d’un seul gène, possède une activité mitogénique et induit la perméabilité vasculaire. L’action des
VEGF est médiée par trois récepteurs tyrosine kinase :
VEGFR1 ou flt-1, VEGFR2 ou KDR ou flk-1 et VEGFR3 ou
flt-4, localisés spécifiquement à la surface des cellules endothéliales. L’activation de ces récepteurs initie de multiples
voies de signalisation à l’origine de la stimulation de l’angiogenèse. Le récepteur VEGFR3 est essentiellement impliqué
dans la croissance des vaisseaux lymphatiques.
L’importance du VEGF-A dans l’angiogenèse physiologique, au stade embryonnaire, a été démontrée par l’inactivation du gène du VEGF-A par le groupe de Carmeliet. Que
ce soit par une inactivation homo ou hétérozygote,
l’absence de VEGF-A entraîne la mort des souris au stade
embryonnaire.
VEGF et antiangiogenèse
Le VEGF-A joue également un rôle clé dans l’angiogenèse
pathologique. En effet, le taux local d’ARN messager du
VEGF-A est directement associé à la croissance vasculaire
des tumeurs. Le VEGF-A est également fortement exprimé
chez des patients atteints de rétinopathies diabétiques. Le
VEGF-A est donc un candidat potentiel majeur pour la
modulation de l’angiogenèse pour le traitement de diverses
pathologies humaines. Ainsi, l’administration d’anticorps
monoclonaux neutralisant le VEGF-A a permis de réduire
considérablement la croissance tumorale dans différents
modèles murins. Ces résultats ont conduit au développement
d’anticorps humanisés anti-VEGF-A, comme le bevacizumab, puis de son variant le Fab ranibizumab, qui ont été
approuvés par les organismes de régulation des médicaments
pour le traitement de diverses pathologies cancéreuses chez
l’homme. Des études cliniques ont montré que l’utilisation
du bevacizumab améliore l’évolution de certaines tumeurs
(colorectales en particuliers) et également de leurs métastases. Dans un autre contexte, le blocage du VEGF-A par le
ranibizumab augmente l’acuité visuelle chez les patients
atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
Deux inhibiteurs du récepteur au VEGF-A (sunitinib et
sorafenib) ont ensuite été approuvés pour le traitement de
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Le VEGF a été le premier facteur identifié qui a permis le
développement de médicaments utilisés depuis maintenant
cinq ans. D’autres, en grand nombre, suivent pour mieux
contrôler la croissance tumorale. L’angiogenèse thérapeutique, qui concerne un nombre encore plus important de
malades, reste encore au stade de l’expérimentation et
devrait, elle aussi, connaître un développement clinique
considérable. ■
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cancers. En revanche, de nombreuses études cliniques tendant à induire une angiogenèse thérapeutique par administration de VEGF-A ou d’autres facteurs de croissance se sont
avérées peu efficaces pour le traitement des patients présentant des artériopathies des membres inférieurs ou des maladies coronaires et ce malgré de nombreux essais cliniques.
Il reste encore beaucoup à découvrir dans les domaines de
la physiologie et la physiopathologie de l’angiogenèse.
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