NT-proBNP et INSUFFISANCE CARDIAQUE
? Est-ce que l’anamnèse et l'ECG suffisent
pour diagnostiquer l'insuffisance cardiaque?
Dr Meyer: Non, la mise en évidence d’une
anomalie structurelle ou fonctionnelle car-
diaque est indispensable au diagnostic.
? Est-ce que l'échocardiographie suffit pour
le diagnostic?
Dr Meyer: Non, selon les recommandations
de la société européenne de cardiologie, la
présence de signes et symptômes d’insuffi-
sance cardiaque est indispensable en plus
d’une anomalie structurelle ou fonctionnelle
cardiaque mise en évidence le plus souvent
à l’échocardiographie. Le dosage des pep-
tides natriurétiques jouent également un rôle
dans le diagnostic, en particulier dans l'insuf-
fisance cardiaque à fraction d'éjection préser-
vée, dont le diagnostic échocardiographique
est plus complexe.
? Quel est l'effet d'un diagnostic précoce
de l'insuffisance cardiaque dans le cadre de la
thérapie?
Dr Meyer: Idéalement, il faudrait pouvoir
diagnostiquer une dysfonction ventriculaire
gauche systolique avant même qu’elle ne soit
symptomatique et donc que l’insuffisance car-
diaque ne soit déclarée car le traitement à ce
stade par les bétabloquants ou les IEC a été
prouvé efficace. Plus on intervient tôt, meilleur
sera le pronostic.
? Pour quels groupes de patients recom-
mandez-vous un dépistage avec NT-proBNP?
Dr Meyer: Chez les patients présentant une
dyspnée avec une probabilité relativement
faible d’insuffisance cardiaque.
? Qu’est-ce que recommanderiez-vous à un
médecin de famille?
Dr Meyer: Il est très important d’approfon-
dir l’anamnèse du patient, surtout pour les
patients à risque. Bien qu’isolément peu
sensibles et spécifiques les symptômes d’in-
suffisance cardiaque en association tels que
l’orthopnée, la dyspnée paroxystique noc-
turne ou les oedèmes des membres infé-
rieurs rendent le diagnostic plus probable. La
présence d’antécédents de maladie cardio-
vasculaire, de facteurs de risque cardiovas-
culaire sont bien entendu aussi des éléments
à prendre en compte. Cependant, je conseille
souvent à mes collègues internistes/géné-
ralistes de doser les peptides natriurétiques
lorsque la suspicion clinique sur la base des
éléments initiaux est faible. Cela permet en
effet d’éviter des examens complémentaires
plus coûteux.
? Comment trouver le meilleur traitement
pour vos patients atteints d'insuffisance car-
diaque ? Quel est le bénéfice par le suivi du
traitement avec NT-proBNP?
Dr Meyer: L’élaboration et la titration du traite-
ment médicamenteux se fait essentiellement
sur la base des symptômes, de l’examen cli-
nique et de l’évolution des paramètres écho-
cardiographiques.
Le suivi par les peptides natriurétiques n’est
pas encore validé par des études scienti-
fiques. Cependant, je dois avouer que per-
sonnellement je les utilise fréquemment en
pratique clinique pour évaluer plus finement
l’évolution de mes patients.
? Une comparaison des valeurs de labora-
toire d'essais avec ceux des grands labora-
toires n'est possible que chez Roche, parce que le
test NT-proBNP du système POC cobas h 232 est
basé sur le même enzyme que le test Elecsys
NT-proBNP des grands laboratoires. Quelle est
l’importance de cela?
Dr Meyer: Je ne suis pas expert de ce type de
mesure et ne peut pas me prononcer sur ce
point. En revanche, un élément me paraît im-
portant. Le LCZ696, médicament combinant
le valsartan (antagoniste de l’angiotensine II)
et le sacubitril (inhibiteur de la néprilysine) vient
de démontrer dans l’étude PARADIGM-HF
des bénéfices importants en terme de morbi-
mortalité chez les insuffisants cardiaques. Le
BNP est justement dégradé par la néprilysine
si bien que les taux de BNP chez ces patients
ne sont plus le reflet unique de la sévérité de
l’insuffisance cardiaque. Si ce médicament se
généralise, ce qui devrait être le cas, les labo-
ratoires devront utiliser le NT-proBNP exclu-
sivement.
Entretien avec le Dr Philippe Meyer
la gazette médicale _ info@gériatrie 3
A retenir
Généralités:
l L’insuffisance cardiaque affiche une mortalité
à un an de 7% (4).
l La prévalence de l’insuffisance cardiaque
s’élève à environ 1,5% et augmente avec
l’âge. Les femmes sont plus souvent tou-
chées que les hommes (1).
l Les exemples d’application du NT-proBNP:
• Diagnostic (distinction entre une cause
cardiaque et une cause pulmonaire en cas
de dyspnée)
• Stratification du risque
• Dépistage précoce
• Modulation du traitement de
l’insuffisance cardiaque
Diagnostic:
l La puissance du NT-proBNP tient à son
diagnostic d’exclusion (valeur prédictive
négative, VPN > 98%). La probabilité selon
laquelle un patient présentant un taux nor-
mal de NT-proBNP (< 125 ng/l) doive être
hospitalisé est de 0% en raison d’une insuf-
fisance cardiaque et de < 3% pour d’autres
causes cardiaques (fig. 1).
l Une insuffisance cardiaque chronique peut
être exclue à une valeur de seuil de 125 ng/l
et une insuffisance cardiaque aiguë peut
quant à elle être exclue à une valeur de seuil
de 300 ng/l. Cette dernière valeur augmente
en fonction de l’âge.
l L’exclusion de l’insuffisance cardiaque sur
la seule base d’une anamnèse et d’un ECG
ou échocardiogramme ne suffit pas.
Dépistage précoce:
l Les études PONTIAC et STOP-HF consa-
crées au dépistage précoce de l’insuffisance
cardiaque chez les patients à risque ont
démontré qu’il a été possible de prévenir
l’apparition de complications graves chez
environ 30% des patients à risque et que
l’hospitalisation a diminué d’environ 50%.
l Le contrôle du taux de NT-proBNP est pertinent
chez un patient atteint d’hypertension depuis
plusieurs années afin de permettre le dépistage
précoce d’une insuffisance cardiaque.
Optimisation thérapeutique:
l L’étude PROTECT consacrée à l’optimisation
thérapeutique a démontré qu’une diminution
de la valeur du NT-proBNP sous le seuil de
1000 ng/l est associée à une réduction
significative des événements cardiovascu-
laires (fig. 2).
l Une coopération des médecins généralistes
avec les cardiologues dans le suivi de l’évo-
lution de l’insuffisance cardiaque à l’aide du
NT-proBNP est pertinente. Le patient doit se
rendre chez un cardiologue avant l’apparition
des symptômes.
Le docteur Philippe Meyer, cardiologue aux Hôpitaux Universitaires
de Genève, répondait à nos questions sur l’insuffisance cardiaque.
Les sujets qui ont, entre autres, été discutés sont les conséquences
d’un dépistage précoce à l’aide de NT-proBNP par rapport aux
possibilités diagnostiques et thérapeutiques qui en résultent.