Chapitre 9
Transformation de Fourier
La transformation de Fourier décompose une fonction à valeurs complexes
de plusieurs variables réelles en ondes planes. Il s’agit donc d’une extension de
la théorie des séries de Fourier à des fonctions non nécessairement périodiques.
Dans ce chapitre, nous nous intéressons à la transformée de Fourier des fonctions
de L1ou de L2, au chapitre suivant nous étendrons encore cette notions aux
distributions tempérées.
9.1 Transformée de Fourier des fonctions de L1
nition 9.1. Soit uL1(RN;C). La transformée de Fourier ˆudu uest la
fonction dénie pour ξRNpar
ˆu(ξ) :=
RN
u(x)e2iπx·ξdx,
x·ξdésigne le produit scalaire de xpar ξdans RN.
Remarquons que la dénition ponctuelle de ˆua bien du sens partout en
raison du théorème de comparaison.
Proposition 9.2. La tranformation de Fourier est une application linéaire
continue de L1(RN;C)dans L(RN;C).
Démonstration. La linéarité suit celle de l’intégrale. Pour la continuité, notons
simplement que pour tout uL1(RN;C)et tout ξRN,
|ˆu(ξ)|
RN
|u(x)||e2iπx·ξ|dx =u1,
de sorte que ˆu u1.
Si nous dérivons formellement ˆupar rapport à ξi,oùi{1, . . . , N}, on
obtient ˆu
ξi
(ξ)=2iπ
RN
xiu(x)e2iπx·ξdx.
Pour justier l’interversion de la dérivée et de l’intégrale, il sut par exemple
que x xiu(x)appartienne à L1(RN;C). De la même manière, pour expliciter
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2ˆu
ξ2
i
(ξ)il nous sut de supposer que x x2
iu(x)L1(RN;C). Cela laisse
suggérer que la régularité de ˆuest liée à la décroissance de uà l’inni.
Inversement, si uest susamment régulière, on peut écrire pour ξi= 0,
ˆu(ξ) =
RN
u(x)e2iπx·ξdx =1
2iπξi
RN
u
xi
(x)e2iπx·ξdx.
Cela suggère cette fois que la décroissance de ˆuest intimement liée à la régularité
de u.
Introduisons l’espace de Schwartz des fonctions indéniment dérivables à
décroissance rapide.
nition 9.3. (Espace de Schwartz) Une fonction u:RNCappar-
tient à l’espace de Schwartz, noté S(RN), si n’importe quelle de ses dérivées
partielle décroit à l’inni plus rapidement que l’inverse de tout polynôme. Plus
précisément,
S(RN) =
uC(RN,C)|α,βNN,C > 0t.q. sup
xRN
|xβαu(x)|C
.
Rappelons que pour un multi-indice α:= (α1,...,αN)NN, on désigne par
αula dérivée partielle
α:= |α|
x1α1···xNαN,
|α|:= α1+· · · +αNest la longeur de α, et par xαle réel
xα:= xα1
1···xαN
N.
En utilisant la règle de Leibniz :
α(u v) =
β+γ=α
α!
β!γ!βuγv
pour u,vC(RN;C)et αNNquelconques, et où α! := α1!···αN!, le
lecteur vériera aisément le résultat suivant :
Proposition 9.4. Pour tous u,vS(RN),αNNet PC[X1, . . . , XN], on
a que uv,αuet P u appartiennent tous à S(RN).
Mentionnons aussi que bien sûr D(RN,C)C
c(RN;C)S(RN), et que
x e|x|2S(RN)\ C
c(RN;C).
L’espace de Schwartz, par dénition, est le cadre approprié pour énoncer la
Proposition 9.5. Pour tout uS(RN)et tout αNN,
αˆu(ξ) =
(2iπx)αu(ξ),
αu(ξ) = (2iπξ)αˆu(ξ),
quel que soit ξRN.
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Démonstration. Comme il a été mentionné plus haut, il sut dans le premier
cas de dériver l’expression intégrale dénissant ˆu, et dans le second de procéder
par intégrations par parties. Dans l’un et l’autre cas, le fait que uS(RN)
permet de justier l’opération (convergence dominée et termes de bords nuls à
l’inni).
Rappelons que C0(RN;C)désigne l’espace de toutes les fonctions continues
qui s’annulent à l’ inni, ou de manière équivalente l’adhérence de Cc(RN;C)
dans BC(RN;C). Nous pouvons maintenant renforcer la Proposition 9.2 de la
manière suivante.
Théorème 9.6 (Riemann-Lebesgue). La transformation de Fourier est une
application linéaire continue de L1(RN;C)dans C0(RN;C).
Démonstration. Soit uL1(RN;C). Par densité, il existe une suite (un)nN
C
c(RN;C)S(RN)qui converge vers udans L1(RN;C). En utilisant la Pro-
position 9.2, on déduit que ˆunˆudans L(RN;C). Grâce aux propositions
6.9 et 9.5, pour tout nN, on a ˆunC0(RN;C). En eet, si ε>0et αNN
est tel que |α|= 1, alors
|ˆun(ξ)|1
2π|ξ|
αun1
2π|ξ|αun1<ε
pour tout ξ Kε, où Kε:= {ξRN:|ξ|2π/εαun1}est un compact.
Par conséquent, comme C0(RN;C)est fermé pour la convergence uniforme, on
obtient que ˆuC0(RN;C).
Le résultat qui suit nous sera utile dans la suite.
Proposition 9.7 (Passage du chapeau). Si uet vL1(RN;C), alors
RN
ˆuv dx =
RN
uˆv dx.
Démonstration. Remarquons d’abord que si uet vL1(RN;C), alors par la
Proposition 9.2 ˆuet ˆvL(RN;C)et par conséquent ˆuv et uˆvL1(RN;C)
(via Hölder), de sorte que les intégrales ci-dessus sont bien dénies. Par les
théorèmes de Fubini et Tonelli, on obtient
RN
ˆu(x)v(x)dx =
RN
RN
u(y)e2iπx·ydy
v(x)dx
=
RN
RN
v(x)e2iπx·ydx
u(y)dy
=
RN
ˆv(y)u(y)dy.
La transformation de Fourier jouit de propriétés remarquables relativement
au groupe des translations et des dilatations.
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nition 9.8. Si u:RNC, pour aRNet λR\ {0}, on dénit la
translatée de upar a, et la dilatée de upar λcomme
(τau)(x):=u(xa),
(δλu)(x):=u
x
λ
,
pour tout xRN.
Lemme 9.9. Si uL1(RN;C),aRNet λR\ {0}, on a
τau(ξ) = e2iπa·ξˆu(ξ),
δλu(ξ) = |λ|Nδ1/λˆu(ξ),
pour tout ξRN.
Démonstration. On a, par dénition,
τau(ξ) =
RN
u(xa)e2iπx·ξdx =
RN
u(y)e2iπ(y+a)·ξdy
=e2iπa·ξ
RN
u(y)e2iπy·ξdy =e2iπa·ξˆu(ξ).
De même,
δλu(ξ) =
RN
u
x
λ
e2iπx·ξdx =|λ|N
RN
u(y)e2iπ(λy)·ξdy
=|λ|N
RN
u(y)e2iπy·(λξ)dy =|λ|Nˆu(λξ)
=|λ|Nδ1/λˆu(ξ).
Corollaire 9.10. La fonction u:x eπ|x|2est laissée invariante par la
transformation de Fourier.
Démonstration. En eet, si αNNest un multi-indice de longueur |α|= 1, par
les propriétés de l’exponentielle on a
αu= (2πx)αu.
Comme uS(RN), nous pouvons prendre la transformée de Fourier des deux
membres de l’égalité, et en tenant compte du fait que par la Proposition 9.5,
(2iπξ)αˆu= (i)αˆu, on obtient
αˆu= (2πξ)αˆu.
Dès lors
α
ˆu
u
=(αˆu)u(αu)ˆu
u2= 0.
Comme αest quelconque de longueur 1, on déduit que ˆu
uest constante. Comme
ˆu
u
(0) = ˆu(0)
u(0) = ˆu(0) =
RN
eπ|x|2dx.
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Pour calculer la dernière intégrale, on observe que, grâce au théorème de Fubini,
on a
RN
eπ|x|2dx = (
R
eπx2dx)N= (
R2
eπ|x|2dx)N
2= 1.
L’utilisation de coordonnées polaires pour l’intégrale en dimension 2 montre que
celle-ci égale un, et la conclusion suit.
Si t > 0, on déduit du Lemme 9.9 et du Corollaire 9.10 que
eπt2|x|2=
δ1/t(eπ|x|2) = tNeπ|x|2/t2.
Nous allons maintenant montrer le résultat principal de cette section, qui
est l’analogue du Théorème 8.3 du chapitre précédent.
Théorème 9.11 (Formule d’inversion de Fourier). Soit uL1(RN;C)
BC(RN;C)telle que ˆuL1(RN;C). Alors, pour tout xRN,ˆ
ˆu(x) = u(x).
Démonstration. Par dénition,
ˆ
ˆu(x) =
RN
ˆu(ξ)e2iπξ·xdξ.
Malheureusement, il n’est pas possible d’appliquer la Proposition 9.7 car la
fonction ξ e2iπξ·xn’appartient pas à L1(RN;C). Cependant, comme ˆu
L1(RN;C), il suit du théorème de convergence dominée de Lebesgue que
ˆ
ˆu(x) = lim
t0+
RN
ˆu(ξ)e2iπξ·xeπt2|ξ|2dξ
car eπt2|ξ|21ponctuellement lorsque t0+, et |ˆu(ξ)e2iπξ·xeπt2|ξ|2|
|ˆu(ξ)|pour tout ξRN, avec |ˆu|L1(RN). Ensuite, puisque ξ eπt2|ξ|2
L1(RN;C), on déduit du Lemme 9.9 et de la Proposition 9.7 que
RN
ˆu(ξ)e2iπξ·xeπt2|ξ|2dξ=
RN
τxu(ξ)eπt2|ξ|2dξ
=
RN
τxu(ξ)
eπt2|ξ|2dξ
=
RN
u(ξx)tNeπ|ξ|2/t2dξ
=
RN
u(ty x)eπ|y|2dy.
En conséquence,
ˆ
ˆu(x) = lim
t0+
RN
u(ty x)eπ|y|2dy =u(x)
RN
eπ|y|2dy =u(x),
où nous avons utilisé une fois encore le théorème de convergence dominée de
Lebesgue en se basant sur la continuité de uet sur le fait que
|u(ty x)eπ|y|2| ueπ|y|2
et que y eπ|y|2L1(RN).
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