SOMMAIRE Organisateurs : G. MEURETTE (Nantes) 1. Thrombose hémorroïdaire aiguë et autres douleurs anales aiguës : quand (ne pas) opérer ? C. BROCHARD (Rennes) 2. Abcès péri-anal : comment et jusqu’où rechercher l’orifice primaire ; comment drainer de façon efficace ? G. MEURETTE (Nantes) 3. Traumatisme ano-périneaux : prise en charge en urgence, les bons réflexes L. MAGGIORI (Clichy) 4. Suppuration périnéale extensive : prise en charge en urgence et résultats à long terme E. DUCHALAIS (Nantes) THROMBOSE HEMORROÏDAIRE AIGUË ET AUTRES DOULEURS ANALES AIGUËS : QUAND (NE PAS) OPERER ? Charlène BROCHARD Les principales urgences proctologiques sont représentées par les pathologies infectieuses (abcès, cellulite, rectite infectieuse), la fissure anale, les complications post opératoires (saignement, fécalome), les corps étrangers ano-rectaux et la maladie hémorroïdaire (thrombose). Les urgences concernant la maladie hémorroïdaire sont représentées par les thromboses, motif fréquent de consultation chez le proctologue, le gastroentérologue, le médecin généraliste ou encore des urgences. La thrombose hémorroïdaire externe est définie par l’existence d’un ou plusieurs caillots dans le territoire des hémorroïdes externes, sous la ligne pectinée. Elle constitue une urgence proctologique du fait de la douleur engendrée, plainte principale du patient. Le patient peut également se plaindre de rectorragies ou de sensation de procidence anale. Le diagnostic repose sur les données de l’interrogatoire et sur l’examen clinique. Aucun examen complémentaire n’est utile au diagnostic. Le traitement est d’abord et avant tout médical, associant des antalgiques, antiinflammatoires par voie orale ou locale (en l’absence de contre-indication) et un laxatif doux. La thrombose guérit toujours spontanément en quelques jours ou parfois semaines. L’incision ou excision de la thrombose est une alternative en cas de thrombose hyperalgique, unique ou limitée, non ou peu œdémateuse. Ce geste thérapeutique est réalisé en consultation. Il peut être précédé d’une anesthésie locale à la base ou au sommet de la thrombose (par injection ou application de pommade anesthésique). L’incision consiste en une ouverture de la tuméfaction, au bistouri à lame à usage unique, et un curetage de la cavité pour s’assurer de l’évacuation totale du caillot. L’excision consiste en une exérèse cutanée du sommet du caillot au bistouri ou aux ciseaux puis du retrait du caillot et du sac thrombotique. L’incision ou un geste incomplet d’incision ou d’excision exposent au risque de récidive, parfois précoce. Un geste complémentaire d’excision peut être proposé en cas de rupture partielle de la thrombose. L’excision peut être réalisée en cas de thrombose persistante non douloureuse afin d’éviter la constitution d’une marisque. Cas particuliers : La femme enceinte : Cette situation est fréquente, en raison des troubles du transit occasionnés par la grossesse et surtout en période du postpartum en raison des poussées importantes. Les thromboses sont souvent très œdémateuses et le traitement médical (hors AINS volontiers contre-indiqués au cours de la grossesse) suffit le plus souvent. Le recours à l’excision lors de thrombus constitué soulage rapidement les patientes. Les patients immunodéprimés, VIH ou porteurs d’une MICI : il n’existe pas de contreindication à un geste d’incision ou excision. Les antiagrégants/anticoagulants : l’incision ou excision peut être réalisée sous antiagrégants. En revanche, en cas de troubles de l’hémostase ou de prise d’anticoagulants, le traitement médical doit être privilégié. En cas de récidives fréquentes, une hémorroidectomie classique peut être proposée. Il n’existe en effet pas de moyen de prévenir les récidives. Il est cependant déconseillé de réaliser l’hémorroïdectomie en période de poussée, le risque hémorragique est important, le geste opératoire probablement plus étendu et les repères anatomiques sont souvent plus difficiles à individualiser (sphincter). On recommande donc d’effectuer ce geste curateur à distance de la poussée aiguë. La thrombose hémorroïdaire interne isolée en dehors de tout prolapsus est plus rare et son traitement est uniquement médical. En effet, l’incision ou excision expose aux risques de saignement et de fissure. Conclusion : Le traitement médical est souvent suffisant pour traiter une thrombose hémorroïdaire externe et doit être privilégié en première intention. L’incision ou excision peut être proposée en cas de thrombose hyperalgique, non œdémateuse, unique ou limitée ou en cas de thrombose persistante non douloureuse afin d’éviter la constitution d’une marisque. Ce geste est simple, efficace et peu risqué. Références : 1) Ole Gebbensleben1 York Hilger2 Henning Rohde3 Do we at all need surgery to treat thrombosed external hemorrhoids? Results of a prospective cohort study Clinical and Experimental Gastroenterology 2009:2 69–74 2) Jongen J1, Bach S, Stübinger SH, Bock JU Excision of thrombosed external hemorrhoid under local anesthesia: a retrospective evaluation of 340 patients Dis Colon Rectum. 2003 Sep; 46(9):1226-31. 3) Greenspon J1, Williams SB, Young HA, Orkin BA Thrombosed external hemorrhoids: outcome after conservative or surgical management Dis Colon Rectum. 2004 Sep;47(9):1493-8 4) Chan KK1, Arthur JD. External haemorrhoidal thrombosis: evidence for current management Tech Coloproctol. 2013 Feb;17(1):21-5 5) Recommandations de Pratique Clinique du traitement de la maladie hémorroïdaire : Recommandations de la société nationale française de coloproctologie. http : //www.snfcp.org ABCES PERI-ANAL : COMMENT ET JUSQU’OU RECHERCHER L’ORIFICE PRIMAIRE ; COMMENT DRAINER DE FACON EFFICACE ? Guillaume MEURETTE Clinique de chirurgie digestive et endocrinienne, CHU Hôtel-Dieu Nantes [email protected] Les abcès périnéaux et particulièrement situés au niveau de la marge anale sont une situation fréquente en pratique d’urgence. Les études les plus récentes montrent que leur prévalence est stable dans la population (chiffres). Selon les données publiées par l’ATIH, le nombre d’interventions réalisées annuellement pour des abcès de la marge anale est d’environ 15000 cas. L’origine proctologique est la plus fréquente, la fistule anale venant au premier rang. L’origine cryptogénique de la fistule est la première cause ; les maladies inflammatoires chroniques doivent néanmoins être évoquées principalement dans les populations eurasiennes. Les autres diagnostiques sont la bartholinite chez la femme ; les infections de glandes sous-cutanées (kystes sébacés et furoncles) par ailleurs. Le diagnostic d’abcès péri-anal pose en général peu de problèmes. L’examen clinique suffit dans la majorité des cas à identifier l’abcès. La présence d’une tuméfaction douloureuse et de tonalité inflammatoire fait évoquer le diagnostic. Dans les cas d’abcès intra-muraux du rectum, le diagnostic peut être plus difficile. En général, le cortège inflammatoire est présent avec une douleur péri-anale insomniante et fébrile, mais on ne retrouve en général pas de tuméfaction péri-anale. Dans cette situation, l’examen proctologique est en général douloureux voire impossible à faire. Il faut alors évoquer le diagnostic et avoir recours à l’examen sous anesthésie systématique : il existe peu de diagnostics différentiels ! Quelque-soit l’origine de la suppuration péri-anale, l’urgence est au drainage et la mise à plat de l’abcès. En effet, le risque évolutif vers une cellulite extensive et une gangrène périnéale est toujours à craindre. Pourtant, cette complication est rare. C’est principalement sa gravité et sa mortalité qui incite à la prudence. Parmi les facteurs favorisant la survenue d’une cellulite extensive, l’immuno-dépression et les traitements anti-inflammatoires sont à incriminer. Il existe par ailleurs un facteur de susceptibilité individuelle mis qui n’est pas actuellement suffisamment individualisé pour que l’on puisse définir des facteurs prédicitifs. La conduite à tenir doit donc être identique chez tous les patients pris en charge en urgence. Une incision péri-anale en regard de la tuméfaction est alors la règle. Cette incision doit être large pour un drainage efficace ; Elle doit éviter d’être radiaire pour ne pas léser le sphincter (figure). Elle doit permettre une évacuation complète de la cavité d’abcès. Il n’est pas nécessaire de faire de résection cutanée en dehors de la cellulite extensive. Le drainage par une mèche est en général suffisant. Ces mèches ne doivent pas être tassées dans la cavité abcédée, cela rend les soins douloureux et s’avère inutile. Plusieurs publications récentes remettent en cause le méchage postopératoire. Dans les formes très volumineuses et étendues, la mise en place d’un drainage par lame est possible ; Une contre-incision est en général effectuée pour optimiser ce drainage. Dans ce cas, la lame est laissée en place 48h à 72h, puis remplacée par des mèches. Dans ces situations particulières, les pansements sous anesthésies sont plus confortables. La recherche du trajet fistuleux est une règle qu’il faut savoir observer, mais sans être délétère. Dans 80% des cas, cette recherche est fructueuse et met en évidence le trajet entre l’orifice primaire et la zone d’incision péri-anale. Classiquement, l’orifice primaire est direct en regard de l’abcès sur l’hémi-circonférence antérieure de l’anus. Si l’abcès survient sur l’hémi-circonférence postérieure de l’anus, l’orifice primaire est situé dans la majorité des cas à 6h. L’exploration au stylet à bout mousse est le meilleur moyen d’explorer le trajet. En cas d’orifice primaire visible au niveau des glandes cryptiques, il faut d’abord tenter de le cathétériser de dedans en dehors en reprenant le trajet dans la direction de son apparition. On limite alors au mieux le risque de faux trajet. Lorsque l’orifice interne n’est pas repéré, une injection par l’orifice externe peut aider au repérage (bleu, bétadine, eau oxygénée). Si à ce stade la recherche reste infructueuse, le stylet introduit par l’incision à la recherche de l’orifice primaire peut être effectuée prudemment. Lorsque l’orifice primaire est repéré, la règle est la mise en place d’une anse élastique souple qui sera maintenue en place le temps de la cicatrisation de l’abcès. Une fois la fistule filiforme autour de l’élastique, le traitement étiologique de la fistule peut être entrepris (fistulotomie en cas de trajet sous sphinctérien ou trans-sphinctérien bas). La littérature récente, en particulier la revue systématique de la Cochrane library évoque la possibilité de réaliser dans le même temps le traitement de l’abcès et celui de la fistule. C’est probablement une option satisfaisante qui permet de gagner du temps, mais chez des patients bien sélectionnés : Trajet sous sphinctérien / trans-sphinctérien bas… Ce qui n’est pas toujours facile à apprécier. Il ne peut toutefois jamais être reproché au chirurgien de laisser dans le doute une anse élastique souple. Cas particulier : L’abcès intra-mural du rectum : Lorsque la fistule ne traverse pas l’appareil sphinctérien pour glisser et se développer dans l’espace périanal, il peut se développer dans la paroi rectale, ce qui masque les signes cliniques à l’inspection. Dans ces conditions, on considère que la survenue d’une douleur anale de tonalité inflammatoire, insomniante, justifie d’une exploration sous anesthésie générale pour rechercher un abcès intramural. Bien souvent, le toucher rectal est infaisable chez le patient vigile. Le traitement de cette forme particulière d’abcès est la mise à plat par voie endo-canalaire. Elle est très efficace. A terme, la fistule anale est une pathologie fréquente peu pourvoyeuse de séquelles. Le délai entre le diagnostic et la guérison définitive peut être long, le patient doit bien être prévenu de ces séquences. Références : 1. Quah HM, Tang CL, Eu KW et al. Meta-analysis of randomized clinical trials comparing drainage alone vs primary sphincter-cutting procédures for anorectal abscess-fistula. 2006. Int J Colorectal Dis. 21(6) :602-9 2. Langenbecks Arch Surg. 2014 Jul 23. [Epub ahead of print] 3. Perera AP1, Howell AM, Sodergren MH, Farne H, Darzi A, Purkayastha S, Paraskeva P A pilot randomised controlled trial evaluating postoperative packing of the perianal abscess Langenbecks Arch Surg. 2014 Jul 23. 4. Malik AI1, Nelson RL, Tou S Incision and drainage of perianal abscess with or without treatment of anal fistula Cochrane Database Syst Rev. 2010 Jul 7 ;(7):CD006827. doi: 10.1002/14651858.CD006827 TRAUMATISME ANO-PERINEAUX : PRISE EN CHARGE EN URGENCE, LES BONS REFLEXES Léon MAGGIORI Chirurgie Colorectale, Hôpital Beaujon – AP-HP – Université Paris 7 La traumatologie ano-rectale comprend en fait de multiples étiologies, incluant les plaies de guerre, de prise en charge très spécifiques, et les traumatismes « civils », qui feront l’objet de cette présentation. En urgence, la stratégie de prise en charge doit s’inscrire dans le contexte étiologique. En cas de polytraumatisé grave, elle passe bien sûr après la réalisation d’un geste chirurgical hémostatique ou d’un drainage d’un pneumothorax, pouvant compromettre la survie à court terme. La première étape consiste à rechercher systématiquement des lésions associées, en particulier fracture osseuse du bassin et lésions uréthro-génitales. Le bilan complet des lésions ano-recto-périnéales ne se conçoit qu’au cours d’une exploration sous anesthésie générale. En pré-opératoire, le patient doit être prévenu de la possibilité de réalisation d’une stomie de dérivation. Le premier temps de cette exploration va comporter un toucher rectal, qui va permettre d’évaluer l’intégrité du sphincter anal et d’extraire d’éventuels corps étrangers. La rectoscopie per-opératoire doit être d’indication très large et va permettre de rechercher une plaire rectale dont le diagnostic peut être délicat au simple toucher rectal. Le bilan des lésions rectales est idéalement décrit à l’aide du Rectal Injury Scaling System (RISS), score prenant en compte le niveau de pénétration de la plaie et la qualité de la vascularisation rectale 1. Les auteurs anglo-saxons proposent une stratégie de prise en charge des plaies ano-rectales selon un protocole des « 4D » : suture immédiate (Direct repair), lavage rectal (Distal washout), drainage pré-sacré (Drainage), et colostomie de dérivation (Divertion) 1. Ainsi, la prise en charge va comporter une réparation immédiate des plaies observées, y compris des lésions sphinctériennes, puisqu’une telle réparation augmente les chances de récupération de la fonction ano-rectale à long terme 2, 3. La plupart des équipes y associent le plus souvent la confection d’une colostomie latérale de dérivation, qui peut être réalisée par voie laparoscopique 4, en particulier en cas de plaie rectale transfixiante (stade RISS 2 à 4). Par contre, la réalisation systématique d’un drainage de l’espace pré-sacré 5 et/ou d’un lavage rectal 6 reste très controversée dans la littérature récente. En cas de perte de substance et de délabrement importante, la mise en place d’un système de pansement aspiratif type VAC peut être proposée, mais peu de résultats factuels ont été rapportés dans la littérature. Enfin, la plupart des séries s’accordent sur l’intérêt d’une antibiothérapie large spectre en postopératoire 7. REFERENCES: 1. Cleary RK, Pomerantz RA, Lampman RM. Colon and rectal injuries. Dis Colon Rectum 2006; 49: 1203-1222. 2. Marti MC, Morel P, Rohner A. Traumatic lesions of the rectum. Int J Colorectal Dis 1986; 1: 152-154. 3. Steele SR, Maykel JA, Johnson EK. Traumatic injury of the colon and rectum: the evidence vs dogma. Dis Colon Rectum 2011; 54: 1184-1201. 4. Navsaria PH, Shaw JM, Zellweger R, Nicol AJ, Kahn D. Diagnostic laparoscopy and diverting sigmoid loop colostomy in the management of civilian extraperitoneal rectal gunshot injuries. Br J Surg 2004; 91: 460-464. 5. Navsaria PH, Edu S, Nicol AJ. Civilian extraperitoneal rectal gunshot wounds: surgical management made simpler. World J Surg 2007; 31: 1345-1351. 6. Gonzalez RP, Falimirski ME, Holevar MR. The role of presacral drainage in the management of penetrating rectal injuries. J Trauma 1998; 45: 656661. 7. Luchette FA, Borzotta AP, Croce MA, O'Neill PA, Whittmann DH, Mullins CD, et al. Practice management guidelines for prophylactic antibiotic use in penetrating abdominal trauma: the EAST Practice Management Guidelines Work Group. J Trauma 2000; 48: 508-518. SUPPURATION PERINEALE EXTENSIVE : PRISE EN CHARGE EN URGENCE ET RESULTATS A LONG TERME La cellulite pelvi-périnéale ou gangrène de Fournier Emilie DUCHALAIS Clinique de chirurgie digestive et endocrinienne, CHU Hôtel-Dieu [email protected] La cellulite pelvi-périnéale (CPP), également connue sous le nom de gangrène de Fournier, est définie comme une infection nécrosante du tissu sous-cutanée de la région pelvi-périnéale évoluant rapidement vers la fasciite nécrosante. En l’absence de traitement, l’extension rapide de l’infection le long des fascias périnéaux conduit rapidement à un état de défaillance multiviscérale. Ainsi, le pronostic vital de la CPP est particulièrement péjoratif dans les premiers jours d’évolution de la maladie avec un taux de mortalité de l’ordre de 1520%. L’enjeu de la prise en charge des CPP est donc de diagnostiquer et d’instaurer les mesures thérapeutiques le plus rapidement possible. Le traitement initial repose sur la combinaison d’une antibiothérapie probabiliste et de l’excision de la totalité des zones nécrotiques, le plus souvent associés à des soins de réanimation. Lorsque l’évolution initiale est favorable, la cicatrisation+/-reconstruction périnéale nécessite le plus souvent des interventions chirurgicales itératives et une hospitalisation prolongée. Un terrain de survenue particulier La gangrène périnéale telle que l’avait décrite Fournier en 1883 était de début brutal chez des hommes jeunes en bonne santé et sans étiologie identifiée. Aujourd’hui, une origine cutanée digestive ou urogénitale est retrouvée dans 24%, 21% et 19% respectivement (1). Les femmes sont également concernées par la CPP dans 10-20% des cas (1-3). De plus, l’éthylisme chronique, le diabète et l’obésité sont des comorbidités significativement plus fréquentes chez les patients atteints de CPP que dans la population générale (4). Un délai au diagnostic le plus court possible Le diagnostic de CPP est purement clinique. L’inspection du périnée permet d’observer des lésions de nécrose cutanée douloureuses plus ou moins associées à un écoulement purulent. L’interrogatoire permet le plus souvent de retrouver une porte d’entrée infectieuse locale. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire au diagnostic de CPP. En cas de doute sur une origine intra-abdominale, une tomodensitométrie abdomino-pelvienne pourra néanmoins être réalisée sans retarder la prise en charge thérapeutique. L’évaluation initiale doit impérativement prendre en compte le retentissement général de la CPP. La présence d’un sepsis sévère et de signes de défaillance viscérale conditionne les soins de réanimation à mettre en œuvre. Une prise en charge thérapeutique initiale sans délai Le taux de mortalité initial de la CPP est élevé de l’ordre de 15 à 20% (1-3) dans les études la plus récentes. Un retard dans la prise en charge thérapeutique initiale a clairement été démontré comme facteur de risque de mortalité dans la CPP (2). Ainsi, les soins de réanimation, le début de l’antibiothérapie et le traitement chirurgical doivent être mis en œuvre le plus précocement possible après l’admission du patient. L’antibiothérapie est débutée dès le diagnostic posé et parallèlement aux mesures de réanimation. Attendre les prélèvements bactériologiques per-opératoires pour débuter l’antibiothérapie augmente le risque de mortalité. L’infection étant polymicrobienne dans 80% des cas et incluant des germes anaérobies dans 15% des cas, l’antibiothérapie doit être initialement à large spectre puis secondairement adapté aux résultats des prélèvements (Hémocultures, ECBU et prélèvements peropératoires) (3). bactériologiques Une trithérapie de type céphalosporine de 3ème génération + métronidazole + aminoside ou une bithérapie de type fluoroquinolone + aminoside en cas d’allergie à la pénicilline est le plus souvent proposée (5). La prise en charge chirurgicale vise dans un premier temps à faire le bilan des lésions et à réaliser des prélèvements bactériologiques (collections purulentes, nécrose cutanée). Le toucher rectal et l’anuscopie recherchent une porte d’entrée ano-rectale. Des incisions larges permettent ensuite d’évacuer les débris tissulaires puis de débrider et exciser la totalité du tissu cutané, sous-cutané et des fascias nécrosés jusqu’à obtenir des berges saines. A la fin de la résection, des photos des plaies sont très utiles pour apprécier l’évolution de la maladie et de la cicatrisation dans la suite de la prise en charge. Les plaies sont ensuite recouvertes de pansements à base d’alginate de calcium (6). Une colostomie de décharge par voie laparoscopique chez des patients sélectionnés La réalisation d’une colostomie de décharge ne doit pas être systématique. Elle n’a pas démontré de bénéfice en termes de mortalité (7) et comporte une morbidité propre, en particulier chez des patients plus souvent obèses. Elle doit donc être réservée à des patients sélectionnés à risque de diffusion septique rapide par la contamination des plaies par les selles (étiologie ano-rectale ou nécrose étendue à proximité de la marge anale). L’indication de la colostomie est un point critique de la discussion avec les réanimateurs ; en cas de doute sur la nécessité d’une colostomie, sa réalisation différée à 48h lors du premier pansement est une option rapportée. Cette attitude se justifie par le fait que l’état général du patient est souvent plus stabilisé, que la régression de l’œdème local permet de mieux évaluer les lésions et que les premières selles surviennent après les 48 premières heures d’hospitalisation en soins intensifs chez 90% des patients (7). La voie d’abord laparoscopique permet de réduire la morbidité propre de la colostomie de décharge. Pas d’indication à une oxygénothérapie hyperbare Les données de la littérature récente ne permettent pas aujourd’hui de considérer l’oxygénothérapie hyperbare comme un traitement efficace dans la CPP. En effet, elle n’a pas démontré de bénéfice en termes de mortalité mais présente un surcoût non négligeable de l’ordre de 20% (8). Après la prise en charge initiale, une hospitalisation longue et une qualité de vie altérée Après la première étape chirurgicale, si l’évolution est favorable, des pansements itératifs sont réalisés toutes les 48 heures à 72 heures au bloc opératoire initialement puis au lit du patient. Lorsque les lésions sont stables, les plaies propres, des pansements aspiratifs peuvent être mis en place, accélérant le bourgeonnement des plaies (9). Des gestes de reconstruction sont souvent nécessaires incluant des greffes cutanées ou des mobilisations de lambeaux musculo-cutanés réalisés par des chirurgiens plasticiens. Le nombre d’interventions chirurgicales après CPP varie entre 4 et 8 selon les études. La durée d’hospitalisation varie de 28 à 300 jours dans les études où elle est rapportée. Les différentes interventions chirurgicales pratiquées au cours du traitement de la CPP ont un taux de morbidité élevé à long terme. Les patients rapportent notamment des difficultés à s’assoir ou à marcher, un inconfort périnéal, des douleurs pendant les rapports sexuels et une altération de l’image corporelle. Une détérioration des fonctions sexuelles étaient également rapportées par 65% des patients dans une étude rétrospective récente (3). Globalement la qualité de vie des patients atteints de CPP étaient significativement inférieure à la population générale à long terme. Conclusion La CPP est une pathologie rare dont le pronostic vital est engagé dans les premiers jours d’évolution. La précocité du traitement est le seul facteur pronostique sur lequel l’équipe soignante peut avoir une influence. En cas d’évolution favorable, les interventions chirurgicales itératives, l’hospitalisation de longue durée et les séquelles physiques à long terme peuvent altérer la qualité de vie des patients à long terme. Le suivi médical et psychologique doit donc être poursuivi après l’hospitalisation initiale. 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EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Appareil digestif, 40-695,2011. 7- Ozturk E, Sonmez Y, Yilmazlar T. What are the indications for a stoma in Fournier's gangrene? Colorectal Dis 2011; 13(9):1044-7. 8- Mindrup SR, Kealey GP, Fallon B. Hyperbaric oxygen for the treatment of fournier's gangrene. J Urol 2005; 173(6):1975-7. 9- Czymek R, Schmidt A, Eckmann C et al. Fournier's gangrene: vacuum-assisted closure versus conventional dressings. Am J Surg 2009; 197(2):168-76. NOTES NOTES NOTES