Interférences à N ondes

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Frédéric Legrand
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Interférences à N ondes
1. Superposition et interférence d'ondes quasi-monochromatiques
1.a. Cas général
Nous avons vu dans le chapitre Ondes lumineuses et interférences les conditions d'obtention des interférences lors de la superposition de deux ondes quasi-monochromatiques.
Nous reprenons ces conditions pour les N ondes :
. Les N ondes sont de même fréquence et sont cohérentes.
. La diérence de marche entre ces ondes est petite devant la longueur de cohérence.
. Les intensités de ces ondes sont égales.
En pratique, cette dernière condition peut être approximative, mais nous l'adopterons
pour simplier les calculs. Les deux premières hypothèses permettent de calculer l'amplitude complexe des ondes en les considérant comme parfaitement monochromatiques.
On considère la superposition en un point de l'espace de N ondes lumineuses monochromatiques, désignées par un indice m variant de 0 à N − 1. On note φm le déphasage
de l'onde m par rapport à l'une d'entre elle, par exemple m = 0. L'amplitude complexe
de la superposition de ces N ondes est :
A = A0
N
−1
X
(1)
eiφm
m=0
L'intensité au point considéré est :
1
I = AA∗
2
(2)
En introduisant l'intensité I0 de chacune des ondes, on obtient :
I = I0
N
−1
X
!
eiφm
m=0
N
−1
X
!
(3)
e−iφm
m=0
Lorsque toutes les ondes sont en phase, on a une interférence constructive. La somme
est alors égale à N et l'intensité est N 2 I0 . On peut mettre cette intensité maximale en
facteur :
I = N 2 I0
N −1
1 X iφm
e
N m=0
!
N −1
1 X −iφm
e
N m=0
!
(4)
On pourra donc calculer la somme complexe suivante :
N −1
1 X iφm
e
A=
N m=0
dont le module au carré est l'intensité normalisée, qui varie entre 0 et 1.
(5)
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2
1.b. Phases en progression arithmétique
Un cas très fréquent est celui où les phases sont en progression arithmétique :
(6)
φm = mφ
où φ est la diérence de phase entre l'onde m et l'onde m + 1. La somme à calculer et
alors la somme d'une série géométrique :
N −1
1 X iφ m
(e )
A(φ) =
N m=0
(7)
La condition d'interférence constructive est
(8)
φ = 2πp
où p est un entier (l'ordre d'interférence). On a alors
(9)
A(2πp) = 1
Lorsque la condition d'interférence constructive n'est pas vériée, on peut simplier la
somme :
A(φ) =
1 1 − eiN φ
N 1 − eiφ
(10)
La factorisation suivante simpliera le calcul de l'intensité :
φ
φ
φ
eiN 2 1 e−iN 2 − eiN 2
A(φ) = φ
φ
φ
ei 2 N e−i 2 − ei 2
(11)
On obtient ainsi :
A(φ) = e
−i(N −1) φ
2
sin N φ2
φ
2
N sin
(12)
On obtient nalement l'intensité (divisée par sa valeur maximale) :
I(φ) = AA∗ =
sin N φ2
N sin
φ
2
!2
(13)
. Exercice : Avec N = 2, retrouver la formule de Fresnel pour l'interférence de deux
ondes.
Voir Interférences à N ondes pour le tracé lorsque N < 20.
La fonction obtenue a une période 2π . Lorsque
φ = 2πp
(14)
elle vaut 1 (on la prolonge par continuité). Voyons un tracé en fonction de l'ordre d'interférence.
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import numpy
from matplotlib.pyplot import *
def I(N,p):
phi = 2*numpy.pi*p
A = numpy.sin(N*phi/2)/(N*numpy.sin(phi/2))
return A*A
p = numpy.linspace(-3,3,1000)
I1 = I(10,p)
figure(figsize=(12,5))
plot(p,I1,label='N = 10')
xlabel('p')
ylabel('I/Imax')
legend(loc='upper right')
axis([-3,3,0,1])
grid()
1.0
N = 10
0.8
I/Imax
0.6
0.4
0.2
0.0
3
2
Pour un N plus grand :
I2 = I(20,p)
figure(figsize=(12,5))
plot(p,I2,label='N = 20')
xlabel('p')
ylabel('I/Imax')
legend(loc='upper right')
axis([-3,3,0,1])
grid()
1
0
p
1
2
3
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1.0
N = 20
0.8
I/Imax
0.6
0.4
0.2
0.0
3
2
1
0
p
1
2
3
La courbe présente des maxima principaux correspondant à la condition d'interférence
constructive. Il y a aussi des maxima secondaires d'intensité beaucoup plus faible, qui
deviennent complètement négligeables lorsque N est grand. Voyons en détail l'intensité
au voisinage d'une interférence constructive :
figure()
plot(p,I1,'b',label='N = 10')
plot(p,I2,'r',label='N = 20')
xlabel('p')
ylabel('I/Imax')
legend(loc='upper right')
axis([-0.5,0.5,0,1])
grid()
1.0
N = 10
N = 20
0.8
I/Imax
0.6
0.4
0.2
0.0
0.4
0.2
0.0
p
0.2
0.4
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Le maximum principal a une largeur d'autant plus petite que N est grand. On peut
calculer sa largeur en se servant des deux valeurs nulles de part et d'autre du maximum,
qui sont obtenues pour :
N
φ
= ±π
2
(15)
ce qui donne la largeur en terme d'ordre d'interférence :
∆p =
2
N
(16)
Lorsque N est grand, l'interférence à N ondes est très sélective. C'est seulement au
voisinage des conditions d'interférence constructive (p entier) que l'intensité est non
nulle. La largeur de ces maxima d'intensité est de l'ordre de 1/N .
La sélectivité de l'interférence à N ondes est une propriété très importante, qui explique l'intérêt qu'on porte à ce type d'interférences. Supposons par exemple que l'on
fasse l'interférence à N ondes avec deux longueurs d'onde très voisines λ1 et λ2 . Ces deux
longueurs d'onde sont incohérentes et produisent chacune leur courbe d'intensité. Pour
faire apparaître l'inuence de la longueur d'onde, on doit écrire :
2π
λ1 p
λ1
2π
λ1 p
φ2 =
λ2
φ1 =
(17)
(18)
Dans ces expressions, l'ordre d'interférence est déni par rapport à la première longueur
d'onde. À l'ordre p = 0, les deux maxima coïncident. Voyons les deux courbes d'intensité
au voisinage de l'ordre 1.
def I(N,Lambda1,Lambda,p):
phi = 2*numpy.pi/Lambda*Lambda1*p
A = numpy.sin(N*phi/2)/(N*numpy.sin(phi/2))
return A*A
figure()
Lambda1 = 500.0
Lambda2 = 510.0
N=100
p = numpy.linspace(0.9,1.1,500)
I1 = I(N,Lambda1,Lambda1,p)
I2 = I(N,Lambda1,Lambda2,p)
plot(p,I1,label="Lambda = 500 nm")
plot(p,I2,label="Lambda = 510 nm")
xlabel("p")
ylabel("I/Imax")
title("N = %d"%N)
legend(loc='upper left')
grid()
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1.0
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N = 100
Lambda = 500 nm
Lambda = 510 nm
0.8
I/Imax
0.6
0.4
0.2
0.0
0.90
0.95
1.00
p
1.05
1.10
On voit qu'il est possible de séparer des longueurs d'onde très proches si N est assez
grand.
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2. Réseau de diraction
2.a. Réseau de fentes
Le réseau de diraction est couramment utilisé en spectroscopie. On peut se représenter un réseau de diraction comme un réseau de fentes, formé de N fentes percées sur
un écran opaque. On note a la période, c'est-à-dire la distance entre deux fentes.
y
x
a
La période est souvent donnée par le nombre de traits par millimètres, qui peut aller
de 100 à 2000 traits par millimètres. L'espacement a est donc de l'ordre du micromètre.
Lorsque le réseau est éclairé sur une zone d'environ 1 cm de large, cela fait un nombre
N de fentes de plusieurs milliers.
. Exercice : Un réseau pour la spectroscopie haute résolution a 1000 traits par millimètre. Il est utilisé sur une largeur de 3 cm. Calculer a et N .
2.b. Montage optique
Un spectroscope à réseau comporte un collimateur, le réseau, et une lunette d'observation. Le collimateur est constitué d'une fente F très ne placée juste devant la lampe, et
d'une lentille convergente qui forme l'image de cette fente à l'inni. Le réseau est éclairé
par le faisceau collimaté, avec ses fentes parallèles à la fente F . L'axe de la lunette est
orienté dans la direction que l'on souhaite observer. L'oculaire permet à l'observateur de
regarder le plan focal image de l'objectif. Les rayons parallèles entrant dans la lunette
convergent dans ce plan. Cela revient à observer les interférences à l'inni.
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oculaire
Lunette
x
Objectif
Collimateur
Plan image
z
Fente
Réseau
L'ensemble est monté sur un goniomètre, qui permet de mesurer les angles de rotation
de la lunette. Dans le plan image, il a deux ls tendus qui forment un réticule. Le réglage
du spectroscope se fait de la manière suivante :
. Réglage de l'oculaire pour voir net le réticule.
. Réglage de la lunette à l'inni par la méthode d'autocollimation (avec un miroir
plan). Pour cela, la lunette est munie d'un rétroéclairage.
. La lunette étant dans l'axe du collimateur, réglage de celui-ci. L'image de la fente
doit être nette dans le plan image.
Lorsque le réglage est fait, un utilisateur peut toujours modier le réglage de l'oculaire
à sa convenance.
2.c. Déphasage et interférences constructives
On se place en projection sur le plan XZ . Les fentes du réseau et la fente F sont
perpendiculaires à ce plan, dans la direction Y . En projection sur le plan XZ , les rayons
qui éclairent le réseau sont tous parallèles. On suppose dans un premier temps qu'ils
rencontrent le réseau perpendiculairement (en incidence normale), comme représenté sur
la gure ci-dessous. On peut assimiler chaque fente à une source ponctuelle en phase avec
l'onde incidente. Les N fentes constituent N sources secondaires cohérentes, en phase
puisque les rayons sont en incidence normale. Soit un point M dans le plan image, c'està-dire le plan focal image de l'objectif de la lunette. Les N rayons qui interfèrent en
ce point sont nécessairement parallèles lorsqu'ils quittent les fentes du réseau. La gure
suivante représente quelques rayons (leur nombre est en fait de plusieurs milliers), faisant
un angle α par rapport à l'axe OZ (axe perpendiculaire au réseau).
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A
a
α
B
z
C
Pour deux rayons issus de deux fentes A et B consécutives, soit le point C tel que AC soit
perpendiculaire aux deux rayons. La diérence de marche de ces deux rayons lorsqu'ils
se rencontrent dans le plan focal de l'objectif de la lunette est :
(19)
δ = n BC = na sin α
Pour une longueur d'onde λ, le déphasage entre deux rayons consécutifs est donc :
φ=
2π
a sin α
λ
(20)
Nous avons vu que, lorsque N est grand, l'intensité dans le plan image est non nulle seulement au voisinage de la condition d'interférence constructive. Cette condition s'écrit :
sin α =
λ
p
a
(21)
Lorsque les rayons incidents sur le réseau font un angle α0 , on obtient :
sin α − sin α0 =
λ
p
a
(22)
C'est la formule fondamentale du réseau, qui donne la position des maxima d'intensité
en fonction de la longueur d'onde et du pas du réseau.
2.d. Spectroscopie
À l'odre p = 0, toutes les longueurs d'onde interfèrent de manière constructive. On
voit donc simplement l'image de la fente F du collimateur. Pour faire de la spectroscopie,
il faut se placer à l'ordre p = 1, p = 2, ou plus.
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La simulation Diraction par réseau montre la répartition angulaire du spectre visible,
en fonction du nombre de traits par millimètre et de l'angle d'incidence.
On remarque qu'à partir de l'ordre 2, il y a chevauchement du spectre avec l'ordre
suivant. Pour éviter cet inconvénient, on se place à l'ordre 1.
La photographie suivante montre l'image obtenue directement sur le capteur CCD
pour une lampe spectrale Hg-Cd.
On voit à gauche l'ordre 0, c'est-à-dire l'image de la fente d'entrée. Le spectre d'ordre
1 est visible au centre, avec 7 raies. À droite de l'image, on voit les 5 premières raies à
l'ordre 2. La largeur des raies obtenues sur ce spectre est la largeur de l'image de la fente
d'entrée, qui est souvent bien supérieure à la largeur théorique des maxima principaux
calculée plus haut. Pour obtenir la largeur minimale théorique, il faut réduire la largeur
de la fente.
En spectroscopie, un capteur CCD est placé dans le plan image et le système est
étalonné avec un spectre de raies connu, par exemple celui de mercure.
Si le réseau est bien éclairé en incidence normale, on peut faire une mesure de la
longueur d'onde d'une raie sans étalonner au préalable le spectroscope. Les angles de
diraction d'une raie à l'ordre 1 et -1 sont donnés par :
λ
+ sin α0
a
λ
= − + sin α0
a
sin α1 =
(23)
sin α−1
(24)
Il s'agit des deux angles par rapport à la normale, qui ne sont pas directement accessibles
expérimentalement. Lorsque l'angle d'incidence est nul, ces deux angles sont opposés.
Dans ce cas, on a :
λ
= sin
a
α1 − α−1
2
(25)
La diérence α1 − α−1 est obtenue avec un goniomètre en pointant la raie à l'ordre 1
puis à l'ordre -1. Lorsque l'angle d'incidence est non nul, la relation précédente n'est
pas exacte, mais le fait d'utiliser les deux ordres opposés permet de minimiser l'erreur.
Considérons les angles de diraction par rapport à l'ordre 0, qui peuvent être mesurés :
β1 = α 1 − α 0
β−1 = α−1 − α0
(26)
(27)
Lorsque l'angle d'incidence est nul, ces deux angles sont opposés. Si l'angle d'incidence
est non nul, par exemple positif, l'angle α1 est en valeur absolu plus grand que l'angle
α−1 . L'angle β1 est donc plus grand que β−1 . Pour réduire l'angle d'incidence, il faut
donc faire tourner le réseau dans la direction de l'angle le plus petit.
La courbe ci-dessous donne la somme β1 + β−1 en fonction de l'angle d'incidence.
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Lambda = 0.5e-3
a = 1.0/100
def beta_un(incidence):
return numpy.arcsin(numpy.sin(incidence)+Lambda/a)-incidence
def beta_moins_un(incidence):
return numpy.arcsin(numpy.sin(incidence)-Lambda/a)-incidence
i = numpy.linspace(-10.0,10.0,100)
i_rad = i*numpy.pi/180.0
somme = (beta_un(i_rad)+beta_moins_un(i_rad))*180.0/numpy.pi
figure()
plot(i,somme)
xlabel("incidence")
ylabel("beta(1)+beta(-1)")
grid()
0.03
beta(1)+beta(-1)
0.02
0.01
0.00
0.01
0.02
0.03
10
5
0
incidence
5
10
La courbe suivante donne l'erreur relative commise lorsqu'on utilise la relation (25) pour
déterminer la longueur d'onde, en fonction de β1 + β−1 .
def erreur(incidence):
Lambda_exp = numpy.sin((numpy.arcsin(numpy.sin(incidence)+Lambda/a)-numpy.arcsin(n
return (Lambda_exp-Lambda)/Lambda
figure()
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plot(somme,erreur(i_rad))
xlabel("beta(1)+beta(-1) (deg)")
ylabel("erreur")
grid()
0.016
0.014
0.012
erreur
0.010
0.008
0.006
0.004
0.002
0.000
0.03
0.02
0.01
0.00
0.01
beta(1)+beta(-1) (deg)
0.02
0.03
2.e. Diraction avec un laser
La diraction d'un faisceau laser par un réseau de fentes est très facile à observer. Le
faisceau laser, dont le diamètre est de l'ordre de 2 ou 3 millimètres, éclaire directement
le réseau.
2
1
x1
0
LASER
-1
Réseau
-2
D
Un écran est placé à une distance D du réseau. Les taches observées sur l'écran correspondent aux interférences constructives données par la formule du réseau. La largeur des
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taches est celle du faisceau laser d'origine, et non pas la largeur théorique obtenue plus
haut.
La gure suivante est une photographie de l'écran. Le laser utilisé est un laser à diode,
dont la section du faisceau a une forme légèrement allongée, que l'on retrouve sur les
diérents maxima d'éclairement.
Il est possible de faire des mesures avec ce dispositif, à condition d'obtenir l'incidence
normale du faisceau sur le réseau. Pour cela, on remarque que si l'angle α0 est non nul,
alors les maxima d'éclairement sont plus espacés du côté vers lequel la normale du réseau
pointe. Pour ajuster l'orientation du réseau, il faut donc mesurer x1 et x−1 (ou un ordre
plus élevé) puis faire tourner la normale en direction du côté où la distance mesurée
est la plus faible. Après plusieurs corrections, on arrive à des positions symétriques à la
précision de la mesure près (le millimètre).
Ce dispositif peut être utilisé pour mesurer la longueur d'onde délivrée par le laser,
ou bien pour obtenir la période d'un réseau inconnu.
L'image suivante est obtenue avec un écran comportant 5 fentes :
Au centre, on voit trois maxima d'éclairement secondaires entre deux maxima principaux.
D'un manière générale, la diraction d'un objet plan par un laser apporte une information sur la structure de l'objet. Voir la simulation Diraction par une ou plusieurs
ouvertures. La photographie suivante est obtenue avec un tissu dont les mailles sont
périodiques :
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Les maxima d'éclairement se répètent dans deux directions car le tissu possède une
périodicité dans deux directions. La relation mathématique entre la structure de l'objet
et la gure de diraction est la transformée de Fourier.
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