La quantification de l'ARN plasmatique comme marqueur prédictif de l'évolution de l'infection VIH Revue critique de l'actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites n°50 - novembre 96 CHARGE VIRALE La quantification de l'ARN plasmatique comme marqueur prédictif de l'évolution de l'infection VIH Jean-Baptiste Hubert Inserm U292 (Le Kremlin-Bicêtre) Prognosis in HIV-1 infection predicted by the quantity of virus in plasma Mellors J.W., Rinaldo Jr. C.R., Gupta P., White R.M., Todd J.A., Kingsley L.A. Science, 1996, 272, 11671170 http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/50_345.htm (1 sur 6) [01/07/2003 14:33:05] Quantitative HIV-1 RNA as a marker of clinical stability and survival in a cohort of 302 patients with a mean CD4 cell count of 300x106 /l. Ruiz L., Romeu J., Clotet B., Balagué M., Cabrera C., Sirera G., Ibáñez A., MartinezPicado J., Raventós A., Tural C., Segura A., Foz M. AIDS, 1996, 10, F39-F44 La quantification de l'ARN plasmatique comme marqueur prédictif de l'évolution de l'infection VIH Une relation dose-effet entre le risque de progression de l'infection VIH et la charge virale est suggérée par les résultats de cette étude sur la valeur prédictive, mettant l'accent sur l'importance de rendre la charge virale indétectable. Restent à étudier cette valeur pronostique sous traitement, ainsi que les variations de la charge virale sur une courte période. Afin d'étudier la valeur prédictive de la charge virale vis-à-vis de la progression de la maladie, John Mellors et coll. ont repris les plasmas congelés de 180 hommes homo ou bisexuels masculins séropositifs pour le VIH-1 inclus à Pittsburgh lors de la phase initiale du recrutement de la MACS (avril 1984 - mars 1985) (1). La valeur médiane des CD4 à l'inclusion était de 527/mm3. Aucun patient n'avait à cette époque été traité par antirétroviral avant l'inclusion ni au cours du premier semestre du suivi; 41% l'ont été par la suite. La durée moyenne du suivi a été de 5,6 ans pour les sujets (effectif non précisé) ayant progressé vers le stade sida et de 10,6 ans pour les autres. L'ARN plasmatique a été quantifié par la technique de l'ADN branché (Chiron) avec un seuil de 500 copies/ml. L'analyse statistique a reposé sur la comparaison des courbes de survie (test du Log Rank) et sur l'estimation des risques relatifs de progression, bruts et ajustés (modèle de Cox). Deux critères de progression de la maladie ont été retenus: survenue d'une pathologie inaugurale de sida (définition 1987 des CDC) et décès. Les auteurs montrent tout d'abord que la valeur de la charge virale initiale (à l'inclusion) est fortement prédictive de l'évolution: pour chacune des 4 strates définies a priori par les quartiles de la distribution de la charge virale (≤ 4530; 453113020; 13021-36270; >36270 copies/ml) les probabilités de progression étaient respectivement les suivantes à 5 ans: sida: 8%, 26%, 49% et 62% (p<0,001), décès: 5%, 10%, 25% et 49% (p<0,001). En comparaison, la valeur initiale des CD4 (significativement mais modérément corrélée à la charge virale -coefficient de Spearman = -0,27), semblait moins apte à prédire l'évolution: dans les trois strates correspondant aux quartiles de T4 les plus élevés (322-527; 528-787; >787 CD4/mm3), les risques de progression à 5 ans (chiffres non fournis, estimation au vu des courbes) paraissaient très voisins, tant pour la survenue du sida (entre 25 et 30%) que pour le décès (entre 15 et 20%). Seul le quartile inférieur http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/50_345.htm (2 sur 6) [01/07/2003 14:33:05] La quantification de l'ARN plasmatique comme marqueur prédictif de l'évolution de l'infection VIH (taux de CD4<322/mm3) était associé à une progression plus rapide: sida: ≈ 55% à 5 ans, décès: ≈ 35% à 5 ans. Pour préciser la capacité de la charge virale "initiale" à prédire l'évolution indépendamment du niveau des CD4, deux courbes de survie ont été établies selon que les CD4 initiaux étaient ≥ ou < 500/µl : dans les deux cas, la survie était significativement meilleure lorsque la charge virale était faible. Un modèle de Cox avec T4 et charge virale introduites en variables "fixes" quantitatives a permis de quantifier les augmentations de risque: le risque de décès augmente de 55% lorsque la charge virale initiale triple, et ce quel que soit le niveau des CD4: RRajusté=1,55 [1,34-1,80]. A l'inverse, la valeur prédictive du taux initial de CD4 était faible (RRbrut=1,06 [1,00-1,12] pour une baisse de 100 CD4/µl), et non significative après prise en compte de la charge virale (RRajusté=1,03 [0,96-1,09]). Mellors et coll. ont ensuite cherché à évaluer l'information supplémentaire apportée par la prise en compte de deux prélèvements successifs (de charge virale ou de T4). Pour cela ils ont calculé la moyenne des 2 prélèvements à l'inclusion et à 6 mois, puis établi des courbes de survie sans événement pour chacun des quartiles de la distribution obtenue. Leur conclusion est la suivante: la valeur prédictive des CD4 vis-à-vis de la survenue du décès n'est pas améliorée par la prise en compte du deuxième prélèvement. A l'inverse, pour la charge virale, les courbes de survie en fonction des quartiles étaient "plus nettement séparées". En particulier, la médiane de survie associée à une valeur élevée (dans le quatrième quartile) chutait de 5,1 ans (si on considérait la valeur initiale seulement) à 3,9 ans pour les patients "gardant une virémie élevée" (moyenne des deux premiers prélèvements). La méthode utilisée est toutefois un peu discutable: comparaison purement "visuelle" des courbes de survie ainsi obtenues avec les précédentes (où seule la valeur initiale était prise en compte). Outre le fait que les valeurs correspondant aux différents quartiles ne sont pas les mêmes dans les deux analyses, on peut surtout discuter de la pertinence de la moyenne comme indicateur du maintien de la virémie à un http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/50_345.htm (3 sur 6) [01/07/2003 14:33:05] La quantification de l'ARN plasmatique comme marqueur prédictif de l'évolution de l'infection VIH niveau donné: un patient dont la charge virale augmente de 10.000 à 50.000 copies/ml appartient au même "groupe à risque" (quartile) qu'un patient passant de 50.000 à 10.000 ou qu'un troisième qui resterait stable à 30.000 copies/ml. Enfin, pour certains patients, le premier prélèvement pouvait avoir été effectué au cours du pic correspondant à la séroconversion. Afin de pallier partiellement à cet inconvénient, les auteurs ont répété l'analyse en excluant les 29 patients dont la charge virale avait chuté d'au moins 80% au cours des 24 mois suivant l'inclusion. Le risque de décès associé à une valeur initiale élevée (dans le 4e quartile, c'est-àdire >28720 copies/ml) était à nouveau très élevé (médiane de survie: 2,5 ans), preuve supplémentaire pour les auteurs du mauvais pronostic associé au maintien d'une virémie élevée. Enfin, un modèle de Cox a été ajusté en prenant en compte l'ensemble des prélèvements effectués au cours du suivi (5,5/patient en moyenne) sous forme de variables dépendantes du temps. Après ajustement, les résultats restaient inchangés (en comparaison au modèle incluant les seules valeurs initiales) en ce qui concerne la quantification virale: RR de décès pour un triplement de la charge virale =1,57 [1,34-1,82]. En revanche, le risque de décès associé à une variation des CD4 était ici significativement différent de 1, indépendamment des variations de la charge virale: RR=1,33 [1,18-1,50] pour une baisse de 100 CD4/mm3. Bien que l'interprétation de ce type de modèle soit parfois délicate, ces résultats indiquent que quantification virale plasmatique et T4 sont de bons marqueurs d'évolution, de plus indépendants l'un de l'autre. L'objectif de l'étude de Lidia Ruiz et coll. était aussi d'évaluer l'aptitude d'une ou plusieurs mesures de la charge virale à prédire la progression clinique de l'infection par le VIH, essentiellement chez des patients traités, mais également de définir un éventuel seuil au-dessous duquel elle devrait être maintenue pour réduire le risque de progression. Précisons d'emblée deux points: - tout d'abord, ce second objectif est assez mal défini: s'agit-il d'une étude de sensibilité/spécificité du marqueur virémique, ou s'agit-il d'évaluer la linéarité du risque de progression en fonction de la virémie? http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/50_345.htm (4 sur 6) [01/07/2003 14:33:05] La quantification de l'ARN plasmatique comme marqueur prédictif de l'évolution de l'infection VIH - ensuite, les méthodes employées sont inaptes à répondre à la question. Cette étude rétrospective a porté sur 302 patients séropositifs suivis entre 1993 et 1995 au sein d'une unité VIH du CHU de Barcelone. Les critères de sélection ne sont pas précisés. Les sujets sont en moyenne relativement avancés dans la maladie: à la date du premier prélèvement disponible (qui semble définir la date d'origine pour chaque patient), 10% seulement des patients étaient asymptomatiques et 22% avaient déjà présenté une pathologie du groupe C (définition 1993); le nombre de lymphocytes CD4 était inférieur à 200/mm3 dans 44% des cas (moyenne=299); 255 patients (84%) étaient déjà sous traitement antirétroviral (bithérapie associant AZT d'une part, ddI, ddC ou 3TC d'autre part dans 75% des cas; monothérapie par AZT ou ddI dans 25% des cas). La périodicité du suivi était trimestrielle et sa durée moyenne a été de 14,6 mois. La quantification virale par PCR (Monitortest Roche) a été effectuée sur des échantillons de plasma conservés à -70°. L'analyse a porté sur 916 prélèvements (3 par patients en moyenne). Globalement, les résultats confirment la valeur prédictive d'une mesure unique de la virémie vis-à-vis de la progression vers le sida et du décès. Toutefois, on ne peut accorder aucune valeur aux seuils retenus par les auteurs (35.000 - 200.000 copies/ml) dans la mesure où ils ont été déterminés a posteriori en fonction du fait que les patients avaient ou non progressé (à l'inverse de Mellors et coll., qui ont déterminé a priori des classes en fonction des quartiles de distribution). Pour la même raison, les risques relatifs donnés pour chacune des strates définies par ces seuils n'ont qu'une valeur anecdotique; ils sont de plus affectés d'une grande imprécision en raison des effectifs parfois faibles (RR=83 [17-396] pour une virémie initiale ≥ 200.000 comparée à une virémie < 35.000 copies/ml). De même, les résultats de l'analyse prenant en compte l'ensemble des prélèvements et la conclusion qu'en donnent les auteurs (la charge virale devrait en permanence être maintenue au dessous de 60.000 copies /ml afin de réduire de façon significative le risque de progression clinique) ne peuvent être retenus sans précaution. Au total, la capacité de la quantification de l'ARN plasmatique à prédire l'évolution ultérieure semble maintenant établie. Les courbes de progression établies par http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/50_345.htm (5 sur 6) [01/07/2003 14:33:05] La quantification de l'ARN plasmatique comme marqueur prédictif de l'évolution de l'infection VIH Mellors dans cet article (et celles, encore plus détaillées, qu'il a présentées à Vancouver) suggèrent une relation dose-effet entre le risque de progression et la charge virale. Ceci impliquerait alors que l'objectif n'est pas tant de trouver un seuil hypothétique que de rendre la charge virale indétectable. Il reste cependant à étudier la valeur pronostique de la charge virale plasmatique sous traitement, et surtout celle des variations de charge virale survenant dans une courte période de temps, par exemple 6 mois. - Jean-Baptiste Hubert 1 - Kaslow RA, Ostrow DG, Detels R et al. «The multicenter AIDS cohort study: rational, organization, and selected characteristics of the participants» Am J Epidemiol, 1987, 126, 310-318 http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/50_345.htm (6 sur 6) [01/07/2003 14:33:05]