Prise en charge des infections sur cathéters - CClin Sud-Est

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Infections Liées aux Cathéters
Luc Jarrige
Réanimation Polyvalente Moulins
Rappels épidémiologiques et facteurs de risques
3 ème cause d’infection liée aux soins en réanimation
Incidence entre 2 et 10 infections pour 1000 journées cathéters
Augmentent la durée de séjour, le coût, surmortalité entre 4 et 25 % par épisode
bactériémique
Facteurs de risques : âges extrêmes, dénutrition, chimiothérapie, foyer infectieux à
distance et lésions cutanées sévéres
Jugulaire internes et fémorales + à risque que sous clavières
Fémorale plus de thrombose , donc urgence et courte durée
Privilégier SC sauf si troubles de l’hémostase ou respiratoire
Risque infectieux proportionnel au nombre de ponction passer la main après 3
tentatives
Les cathéters
Périphériques
Centraux de courte durée < 14 j
réanimation, dialyse, traitement intraveineux de courte durée
Longue durée > 15 j
chambre implantable, cathéter tunnelisé
Picc-line
chimiothérapie, nutrition
Définition
Présence de micro-organismes à la surface interne et/ou externe
du C.V.C. responsable d'une infection locale et/ou générale.
À l’exclusion du pus au point de ponction, aucun signe clinique
ne permet d’affirmer l’infection sur CVC. (2-b).
Physiopathologie
-La colonisation de l’extrémité endo-vasculaire des
cathéters précède l’ILC.
-CVC de Courte durée : colonisation à partir du site
d’insertion cutané lors de la pose ou par migration sur le
trajet sous cutané par la face externe
voie extraluminale
-CVC de Longue durée > 15 j : manchon fibrinocruorique infecté lors des manipulations septiques de la
ligne veineuse (robinets, raccords…)
voie endoluminale
-moins de 10% des cathéters se colonisent à l’occasion
d’une bactériémie
Micro organismes en cause
Flore cutanée résidente ( staphylocoques à coagulase -, staphylocoques
aureus )
Flore cutanée de substitution ( entérocoques, entérobactéries,
pseudomonas, acinetobacter, candida …) provenant du patient ou du
personnel soignant
Bactéries souvent productrices de slime favorisant l’adhérence sur
matériaux inertes et augmentant la résistance aux antibiotiques et à la
phagocytose
Augmentation de la fréquence des ILC à BGN et candida
Définitions
Colonisation :
culture du Kt > ou = 1000 UFC /ml sans signes infectieux
Infection LC non bactériémique :
culture de CVC ≥ 1000 UFC/ml ;
La présence de signes infectieux ( fiévre ou hypothermie) avec
une régression totale ou partielle des signes infectieux dans les 48 h suivant
l’ablation sans autre source d’infection
ou la purulence de l’orifice d’entrée du cathéter ou une tunnelite.
ILC avec Bactériémie sur cathéter :
signes infectieux
Bactériémie dans les 48h encadrant le retrait du CVC ( au – 2 hémocultures pour
les SCN)
Culture du site d’insertion ou du KT au même germe ou un DDP > ou = à 2h
Diagnostic clinique
L’évoquer devant tout malade fébrile porteur d’un cathéter sans autre cause
identifiée
2 situations distinctes
Infection locale avec syndrome septique inconstant :
thrombophlébite locale sur VVP
suppuration franche ou une tunnelite sur VVC
une inflammation du point
d’entrée du CVC n’est ni sensible, ni spécifique d’ILC
ILC à diffusion systémique avec syndrome septique au premier plan et éventuels
signes locaux :
une suppuration impose l’ablation du Kt
en l’absence de signes locaux francs, le diagnostic est microbiologique
Suppuration au point de ponction
tunnelite
Diagnostic microbiologique
L'analyse la plus simple = culture de l'extrémité distale du C.V.C., ce
qui nécessite son ablation.
Différentes méthodes ont été proposées :
Culture qualitative en milieu liquide, elle ne permet pas de distinguer
contamination, colonisation et infections, elle est abandonnée ( 1-b)
Culture semi quantitative sur milieu gélosé ( Maki, très utilisée aux
USA )
Culture quantitative en milieu liquide après rinçage endoluminal ou
après "vortexage" ou sonication ( Cléry modifiée par Brun Buisson,
utilisée en France )
Technique semi quantitative
Seuil > 15 UFC (méthode de Maki)
N’explore que la portion extraluminale de cathéters
Non validée sur les cathéters centraux en
réanimation
Technique quantitative
Technique de Brun Buisson, seuil de positivité ≥1000 UFC /ml ( 100
UFC /ml aux USA)
Culture de l'extrémité endo-vasculaire (4 à 5 cm) du cathéter
Rinçage par 1 ml de serum physiologique
Elle explore la face endo-luminale du cathéter -> meilleure
sensibilité
Techniques diagnostiques «cathéter en place » :
Pourquoi ?
Constatation d'un taux élevé d'ablations injusPfiées (3/4 des CVC enlevés à
tort)
Existence de situations nécessitant le maintien du C.V.C.
En l’absence d’état de choc, en l’absence de purulence, de tunnelite, de
thrombophlébite et d’endocardite ( valvulopathie ou prothése endovasculaire )
Prélèvements
locaux
= écouvillonnage sur la peau au site de ponction :
VPN > 90 %
VPP médiocre
La surveillance systématique par prélèvements du point d'insertion
cutané n'a aucune indication en routine
Hémocultures quantitatives
Prélèvement simultané́ sur le cathéter et en périphérie
Un rapport des comptes bactériens > à 5 (HC sur cathéter / HC
périphérique) est prédictif et spécifique de bactériémie liée au cathéter (2b).
Peu utilisées en réanimation, plutôt pour les situations ou le maintien du
cathéter parait nécessaire ( onco hématologie, nutrition parentérale
prolongée …)
Délai Différentiel de positivité des hémocultures
Mesure du délai différentiel de positivation des hémocultures standard ( 1 sur VVC, 1 en
périphérie prélevées simultanément)
Prélèvement simultané sur le cathéter et en périphérie
Une différence de temps de pousse d'au moins 2 heures en faveur de l‘HC prélevée sur KT
est hautement prédictive de bactériémie liée au KT (spécificité́ et sensibilité > 90%) (1-b).
Plus aisé pour les labo avec les automates
Plus simple et moins coûteuse que les hémocultures quantitatives
Pb : quid des KT de courte durée dont le mode de contamination est surtout extra-luminal
risque de « faux-négatifs »
Infections non liées au CVC :
Le C.V.C. est stérile
La culture du C.V.C. est positive : mais la souche est différente de celle isolée dans le sang
et/ou d'un autre foyer infectieux présent au moment de l'ablation du C.V.C. et le
syndrome infectieux ne régresse pas à l'ablation du C.V.C.
La culture du C.V.C. est positive et la souche isolée est identique à celle trouvée dans un
foyer infectieux autre idenPfié au moins 48 h avant l'ablation du C.V.C. qu'il soit ou non
responsable de bactériémie et le syndrome infectieux ne régresse pas à l'ablation du
C.V.C. : celui-ci a été colonisé à partir d'un foyer situé à distance.
Facteurs de risques
Liés aux patients :
sexe masculin
Immunodépression
Neutropénie
petit poids de naissance
grande densité des soins
Hospitalisation prolongée avant pose
Liés à la pose :
matériaux: polyuréthanes et silicone > PVC
site d'insertion :
Fémoral et jug interne > sous-clavière
Condition d’asepsie chirurgicale
Forte colonisation sur site de pose
Liés à l’utilisation
Nutrition parentérale
Manipulations de la ligne veineuse
Durée du cathétérisme
AB pendant la durée d’insertion
Complications
Choc septique :
dans 25 % des cas, 50 % si ILC bactériémique
plus fréquent si S aureus, P aeruginosa, candida
Endocardite sur CVC en réa mal connue ( 4% pour les patients hémodialysés
au long cours )
Favorisée par trauma des cavités doites ( KT positionnés trop loin )
S aureus, entérocoques et candida
À évoquer en cas de persistance d’une bactériémie malgré le retrait du cathéter
mortalité 30 à 70 %
Thrombophlébite septique :
persistance du syndrome infectieux au retrait du cathéter
suppurations locales ( phlegmon, cellulite ) ou à distance avec emboles septiques multiples
à S aureus ou Candida sp le plus svt
Stase veineuse, sd cave supérieur
Diagnostic par échographie ou angiographie
Mesures préventives recommandées en France
Organisation
Formation et évaluation périodique
Limiter les indications et enlever KT inutiles
Suivre taux d’ILC et BLC/ 1000 JKT
Préparation
Habillage/asepsie chirurgical
Hygiène des mains: pose, pansements, manipulations
Pose
Check-list
Eviter fémorale, préférer sous clavière
Pose échoguidée ++
Remplacer KT posé dans de mauvaises conditions (urgence)
Pas de changement systématique du KT
Changement sur guide: Même asepsie que pose initiale
Entretien et manipulations
Pansement stérile transparent semi perméable
Changement uniquement si décollé ou souillé ?
Conférence de consensus 2002 : changement /72 h
Contrôle visuel ou palpation 1/j
Configuration: Minimiser raccords/voies d’accès
Limitation manipulations et ouvertures de voie
Notion de système clos
Avant manipulation: désinf embouts/robinets
Changement des tubulures après chaque transfusion et dans les 24h suivant produits
lipidiques
Antibiotiques et prévention des IC
Antibioprophylaxie
Antibiotique administré avant la pose pour couvrir celle ci
Non recommandée
Verrou préventif
Administration d’un ATB à forte concentration (ou taurolidine pour prévention du slime), pour
couvrir le volume de la chambre (éventuelle) et de la lumière du KT, laissé en place en l’absence
d’utilisation du KT
Ne se discute que si utilisation intermittente du KT
Uniquement si capital veineux central limité et bactériémies sur KT à répétition
Patient ayant du matériel étranger intravasculaire
Cathéters imprégnés
Antiseptiques ( cholexidine, sulfadiazine) ou antibiotiques ( rifampicine, minocycline) sur la surface
interne et/ou externe du KT
Non recommandés en routine
Emergence de résistance
A discuter si taux élevés d’ILC malgré mesures préventives
Verrous antibiotiques
Molécule
Concentration
Cible
Vancomycine
2-5 mg/ml
Précipitation à 10 mg/ml
SCNMR ou enterocoque
ampi-R non ERV
ceftazidime
0,5 mg/ml
BGN
cefazoline
5 mg/ml
Staph oxa-S
ciprofloxacine
0,2 mg/ml
BGN
Précipitation à forte concentration
gentamicine
1 mg/ml
BGN
ampicilline
10 mg/ml
Entérocoque amp-S
Ethanol
70%
Infection mixte, MDR,
candida?
Compatibilité in vitro avec silicone
et polyuréthane
TRAITEMENT : 2 questions en pratique
Conserver
Enlever
ou
ATB
Pas d’ ATB
Ablation du cathéter :
• En présence de signes locaux francs (cellulite, tunnelite, collection purulente)
• En cas d’infection « compliquée » d’emblée : choc septique sans autre cause apparente,
thrombophlébite, endocardite (1-b) ;
Suspicion d’ILC bactériémique avec germes « à haut risque » :
S. aureus, Pseudomonas ou Candida (1-b) ;
• En cas de bactériémie chez un malade porteur de prothèse endovasculaire, de valve cardiaque
(1-c) ou immunodéprimé (point non résolu).
Maintien du cathéter
Dans les situations où la présomption d’infection liée au CVC est faible ou
modérée, la probabilité d’enlever à tort un cathéter stérile est très élevée
En l’absence de signes locaux, le changement de cathéter sur guide permet de
confirmer - ou d’infirmer - l’infection, en conservant la voie d’abord vasculaire
Solution temporaire permettant d’attendre 24 h le retour des examens
microbiologiques.
PICC line :
Cathéter central à insertion périphérique
Insertion par voie périphérique
Veine basilique (brachiale, céphalique)
Extrémité distale
Jonction VC-OD
Pose échoguidée
Contrôle position
Longueur ajustable par le poseur
Levigoureux et al, Ann Pharm Fr 2013;71:75-83
83
Le Picc-line
Plus confortable et moindre risque à la pose
Mais limiter les indications et la durée ( thrombose et infections)
Attention à la nutrition parentérale
Évaluation incompléte
Traitement probabiliste
En présence de signes généraux de gravité (sepsis sévère, choc) de
complications (tunnelite, thrombophlébite, endocardite) ou de signes
d’infection locale patents (suppuration),
En l’absence d’orientation étiologique, une association active contre le
staphylocoque et les bacilles à Gram négatif est préconisée.
Sur un terrain neutropénique ou avec facteurs de risques, un traitement
antifungique doit être envisagé .
SUSPICION D’ILC
ILC documentée
Recommandations France
SFAR et Multisociétés 2004
vancomycine (15 mg/kg x 2) + céfépime (2g x 2) + gentamicine
vancomycine (15 mg/kg x 2) + ceftazidime + amikacine
vancomycine + imipénème + amikacine
si facteurs de risque d’infection à levures : discussion de
l’amphotéricine B
adaptation à l’antibiogramme
Limitée aux:
Etat septiques grave et/ou immunodépression
Prothèse vasculaires ou articulaires ou pace-maker
Recommandations IDSA ‘09
Traitement probabiliste d’une ILC :
Vancomycine si fréquence élevée SARM
Pas de linézolide
Daptomycine : pas en probabiliste ?
Couverture BGN
selon écologie locale ( piperacilline tazobactam, carbapenem, C3G ou C4G +
AG),
si KT fémoral, neutropénie ou sévérité
Couverture levures
si neutropénie
ou FDR ( KT fémoral en réa, nutrition parentérale, ATB prolongé, hémopathie,
greffe, candida multi sites …)
Echinocandines 10 jours, relais en fonction de antifungigramme
Assez maximalistes sur couverture initiale
Désescalade sur identification
Mermel et al. IDSA guidelines. CID 2009
Antibiothérapie selon le germe
Staph coagulase negative :
Pas d’ATB si infection non bactériémique ou ILC bactériémique non compliquée sans
matériel ortho ou vasculaire
Oxacilline ou Vancomycine selon ATB gramme
Alternative Cefazoline si oxa S ou Daptomycine si oxa R
S aureus ou SCN lugdunensis :
Oxacilline ou Cefazoline si Oxa S, Vancomycine ou Daptomycine si Oxacilline R
Durée 4 à 6 semaines si ILC compliquée ou 10 à 14 jours sinon
BGN :
C3G, C4G, carbapénèmes, Bactrim ( maltophilia) + AG ( genta ou amikacine) 10 à 14 j
Entérocoque :
amoxicilline + AG. Si amox R Vancomycine, si VRE Linezolide ou Daptomycine
Conclusion
3 éme cause d’infection liée aux soins
Symptomatologie souvent pauvre ( sepsis chez un porteur de CVC sans autre cause )
Culture quantitative du cathéter seule à affirmer le diagnostic
Délai différentiel de positivité des HC > 2h +++
Seule l’absence de signes de gravité peut faire envisager une stratégie conservatrice
En cas d’infection confirmée, l’ablation est la règle
La persistance d’une bactériémie malgré l’ablation du Kt doit faire envisagée une
endocardite , une thrombophlébite ou une localisation secondaire;
Références :
Conférence d’actualisation 2013 Sfar. Infections liées aux cathéters intra-vasculaires
en réanimation, O. Mimoz
Réactualisation de la douzième conférence de consensus de la Société de
réanimation de langue française (SRLF) : infections liées aux cathéters veineux
centraux en réanimation 2002, J.-F. Timsit
Infections sur cathéters vasculaires, O. Leroy
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