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mise au point
Approche des valvulopathies
cardiaques par le praticien
Investigations diagnostiques et place du traitement
médicamenteux
A la lumière des recommandations internationales publiées
par la Société européenne de cardiologie, le présent article
propose une revue de l’évaluation, du diagnostic et du traite­
ment médicamenteux des valvulopathies cardiaques les plus
fréquentes de l’adulte. Les valvulopathies congénitales ainsi
que les maladies des valves pulmonaire et tricuspide, moins
fréquentes, n’y seront pas discutées.
Rev Med Suisse 2013 ; 9 : 2088-94
V. Crisinel
C. Sierro
G. Girod
Drs Vanessa Crisinel, Christophe Sierro
et Grégoire Girod
Service de cardiologie
Centre hospitalier du Valais romand
Avenue du Grand-Champsec 86
1950 Sion
[email protected]
Practical approach of cardiac valvulo­
pathies
In the light of the recommendations publi­shed
in 2012 by the European Society of Cardiology,
the present article provides a review of the
assessment, diagnosis and drug therapy of
frequent cardiac valvular disease in adults.
Congenital valvular heart disease, as well as
pathology of the pulmonary valve and tricus­
pid stenosis, which are less frequent, will not
be discussed here.
2088
introduction
Bien que moins fréquentes que la maladie coronarienne ou
l’insuffisance cardiaque dans les pays industrialisés, les val­
vulopathies sont fréquemment rencontrées dans la pratique
quotidienne des médecins de premier recours. Elles doivent
être détectées et investiguées avant qu’elles n’aient de réper­
cussion sur le myocarde, afin de ne pas retarder une éven­
tuelle intervention chirurgicale. Les deux atteintes valvulaires les
plus fréquentes dans notre pays sont actuellement la sténose
aortique (SA) et l’insuffisance mitrale (IM), d’origine dégénérative.
L’élévation de l’âge des patients atteints de valvulopathies est
associée à une augmentation de leurs comorbidités, rendant
l’indication à une intervention plus complexe et le risque opératoire plus élevé.
Cet article a pour but de passer en revue l’évaluation, le diagnostic et la prise
en charge médicamenteuse des valvulopathies les plus fréquentes de l’adulte, à
la lumière des recommandations éditées en 2012 par la Société européenne de
cardiologie.1 Les valvulopathies congénitales, ainsi que les atteintes de la valve
pulmonaire et la sténose tricuspide, plus rares, n’y seront pas abordées.
évaluation initiale du patient
L’objectif de l’évaluation du patient est de diagnostiquer et de quantifier la
valvulopathie, ainsi que de déterminer son mécanisme et ses conséquences (ta­
bleau 1).
L’évaluation clinique reste le premier pas dans le diagnostic et l’estimation de
la sévérité d’une valvulopathie. L’anamnèse doit cibler l’apparition et l’évolution
des symptômes, ainsi que les éventuelles comorbidités. Le tableau 2 récapitule les
symptômes les plus fréquents. L’auscultation des bruits et des souffles cardia­
ques permet un premier diagnostic différentiel clinique (tableau 3). La recherche
de signes d’insuffisance cardiaque (IC) droite et/ou gauche est primordiale. En
cas d’IC sévère, l’atteinte valvulaire peut être sous-estimée à l’auscultation. Chez
les patients porteurs de prothèse valvulaire, le clinicien recherchera en priorité
tout changement d’intensité et/ou de tonalité à l’auscultation. Les étiologies po­
tentielles des valvulopathies sont résumées dans le tableau 4.
Un électrocardiogramme ainsi qu’une radiographie thoracique font partie inté­
grante de l’évaluation initiale, particulièrement en cas de signes ou symptômes d’IC.
Ces éléments permettront de déterminer le moment opportun pour adresser
le patient à un cardiologue. La question la plus fréquente que se pose le médecin
généraliste est sans aucun doute de savoir quand demander une échocardiographie
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Les protectrices de la
sécrétion d’insuline lors
de diabète de type 23
aussi combiné à l’insuline1
Baisse du taux de HbA1c: ciblée et durable2
• Amélioration fonctionnelle des cellules ß3
• Hypoglycémies significativement moins fréquentes4*
• Perte de poids4*
•
1 Information Professionelle (www.swissmedicinfo.ch) 2 Williams-Herman D et al. Efficacy and safety of sitagliptin and metformin as initial combination therapy and as monotherapy over 2 years in patients with type 2
diabetes. Diabetes Obesity and Metabolism 2010; 12(5): 442-451 3 Aschner P et al. Effect of the dipeptidyl peptidase-4 inhibitor sitagliptin as monotherapy on glycemic control in patients with type 2 diabetes. Diabetes
Care 2006;29(12):2632–2637. 4 Seck T et al.: Safety and efficacy of treatment with sitagliptin or glipizide in patients with type 2 diabetes inadequately controlled on metformin: a 2-year study. Int J Clin Pract 2010; 64 (5):
562–576 * = par rapport à sulfonylurée
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rénale: légère: pas d’adaptation posologique; modérée: max 50 mg par jour; sévère: max 25 mg par jour. Insuffisance hépatique: légère à modérée: pas d’adaptation posologique; sévère: non-examiné CI: hypersensibilité à l’une des substances actives ou l’un des excipients PR: insuffisance rénale modérée ou sévère, combinaison avec médicaments présentant un risque d’hypoglycémie, insuffisance hépatique modérée, pancréatite Grossesse/allaitement: non recommandé IA: surveillance des patients sous digoxine EI: généralement bien toléré. Hypersensibilité, douleurs gastro-intestinales
E: 28*/98* comprimés; (B) *admis par les caisses-maladie VELMETIA® C: comprimés pelliculés: 50 mg sitagliptine/500 mg metformine; 50 mg sitagliptine/850 mg metformine ou 50 mg sitagliptine/1000 mg
metformine I: en cas de diabète de type 2, lorsque le traitement par metformine ou sitagliptine est insuffisant; chez les patients recevant déjà une combinaison de sitagliptine et de metformine; en trithérapie avec une sulfonylurée en cas de contrôle insuffisant de la glycémie; combiné à l’insuline lorsque régime, activité physique et insuline ne suffisent plus P: 2x par jour pendant les repas. CI: comme
Xelevia, avec affection ou insuffisance rénale, acidose, agent de contraste iodé PR: contrôle de la fonction rénale, combinaison de médicaments avec risque d’hypoglycémie, patients âgés, hypoxie, opérations, consommation d’alcool, insuffisance rénale, réduction du taux sanguin de vitamine B12, pancréatite Grossesse/allaitement: non recommandé IA: comme Xelevia, avec furosémide, nifédipine, médicaments cationiques, médicaments avec risque d’hyperglycémie EI: comme Xelevia avec, souvent: hypoglycémie, maux de tête, nausées; rarement: modifications cutanées exfoliatives, acidose lactique
E: 56*/196* comprimés; (B) *admis par les caisses-maladie. Pour les informations détaillées consultez www.swissmedicinfo.ch. A. Menarini SA, Eggbühlstrasse 14, case postale, 8052 Zurich, tél. 044 307 40 50,
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03.01.13 11:28
09:38
24.05.13
Tableau 1. Evaluation globale d’un patient atteint
d’une valvulopathie
•
•
•
•
•
•
•
La valvulopathie est-elle sévère ?
Le patient est-il symptomatique ?
Les symptômes sont-ils liés à la valvulopathie ?
Quelle est l’espérance de vie du patient et sa qualité de vie attendue ?
Les bénéfices d’une stratégie interventionnelle sont-ils supérieurs
aux risques ?
Quels sont les souhaits du patient ?
Les ressources locales sont-elles optimales pour l’intervention prévue ?
chez un patient avec un souffle cardiaque. En fait, il con­vient
de déterminer si le souffle est fonctionnel ou organique
(atteinte anatomique de la valve). Le souffle fonctionnel
ne nécessite pas d’échocardiographie et n’est jamais asso­
cié à des signes ou symptômes de cardiopathie. Il est tou­
Tableau 2. Symptômes associés aux différentes
valvulopathies
FA : fibrillation auriculaire.
Sténose aortique
Angor, syncope, dyspnée d’effort
Insuffisance aortique Symptômes d’insuffisance cardiaque, angor,
palpitations
Sténose mitrale
Dyspnée, hémoptysie, douleurs thoraciques
atypiques, FA, emboles systémiques
Insuffisance mitrale Dyspnée d’effort, fatigue, palpitations (FA),
symptômes d’insuffisance cardiaque,
hémoptysie
Sténose tricuspide
Fatigue, symptômes d’insuffisance cardiaque D
Insuffisance
Perte de poids, symptômes d’insuffisance
tricuspidecardiaque
Tableau 3. Diagnostic différentiel auscultatoire des valvulopathies
HTP : hypertension pulmonaire.
Bruits
Souffle
LocalisationRemarques/manœuvres
Sténose aortique
Légère
B1 normal, • Souffle mésosystolique (ou •Base du cœur (2e espace
•Valsalva, lever : Q souffle
B2 normal éjectionnel) crescendo/decrescendo intercostal D)
•Accroupi, manœuvres
ou faible
• Pic précoce du souffle
•Irradiation dans les carotides isométriques : q
Sévère
B1 normal, • Souffle mésotélésystolique Base du cœur (2e espace
B2 faible crescendo (plus long)/decrescendo intercostal D)
ou absent
• Pic tardif du souffle
Insuffisance aortique
Légère
B1 faible, • Souffle protodiastolique •3e-4e espace intercostal
B2 normal decrescendo de haute fréquence parasternal G (foyer d’Erb)
• Pouls carotidien bondissant
•Mieux audible assis, penché en
avant et en expiration bloquée
Grande différentielle entre
la systole et la diastole
Sévère
B1-B2
• Souffle holodiastolique decrescendo •3e-4e espace intercostal
diminués
• Roulement prédiastolique parasternal G (foyer d’Erb)
d’Austin-Flint
•Mieux audible assis, penché en
avant et en expiration bloquée
Sténose mitrale
Légère
B1 accentué • Claquement d’ouverture mitral
•Apex, parasternal G bas
•Effort : q
(bruit de après le B2
•Mieux audible en décubitus
•Valsalva, lever :
canon), • Roulement télédiastolique de basse latéral gauche, expiration claquement d’ouverture
B2 normal fréquence avec un faible pic bloquée mitral plus tard dans la
diastole, Q souffle diastolique
Sévère
B1 accentué Souffle holodiastolique
(bruit de
canon),
B2 normal
Insuffisance mitrale
Légère
B1-B2 Souffle holosystolique de haute
Apex
• Le souffle varie selon l’étiologie
normaux
fréquence de l’insuffisance mitrale
• Valsalva, lever : Q
•Accroupi, manœuvres
isométriques : q
Sévère
B1 diminué, B2 normal ou dédoublé
• Souffle holosystolique
• Roulement diastolique
Insuffisance tricuspide •Souvent B3 Souffle holosystolique de haute
•Si HTP B2 fréquence
accentué
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Apex, irradiation vers l’aisselle
4e espace intercostal
parasternal G
•Inspiration, exercice : souffle q
•Valsalva, debout : Q
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Tableau 4. Etiologies des valvulopathies
RAA : rhumatisme articulaire aigu ; LED : lupus érythémateux disséminé ;
HTP : hypertension pulmonaire ; VD : ventricule droit.
Sténose
aortique
•Bicuspidie
•Dégénérescence
•RAA
• Maladie de Paget
• Insuffisance rénale chronique
Insuffisance
aortique
• Dégénérescence calcifiée
•Endocardite
• Congénitale (bicuspidie)
• Dilatation de la racine aortique, syndrome de Marfan
• Dissection aortique
• Prise d’anorexigènes
Sténose
mitrale
• Fièvre rhumatoïde
•Dégénérescence
•Carcinoïde
•LED
• Végétations, myxome
•Postactinique
•Congénitale
Insuffisance
mitrale
Organique
• Prolapsus mitral
• Inflammatoire : RAA, LED
•Anorexigènes
•Endocardite
•Congénitale
•Traumatique
•Myxomateux
Fonctionnelle
•Ischémique
• Cardiopathie dilatée
Insuffisance
tricuspide
• Dilatation annulaire (HTP, infarctus du VD)
•RAA
•Prolapsus
•Carcinoïde
•Endocardite
•Postactinique
• Anomalie d’Ebstein
• Traumatique, biopsies répétées, sondes de pacemaker
jours systolique, doux, d’intensité maximale 1 à 2/6 et par­
fois audible seulement après un effort. Il s’ausculte au point
d’Erb (3e-4e espace intercostal gauche) ou au 2e espace in­
tercostal droit, en général chez les patients jeunes avec un
cœur hyperdynamique.2
rôle des investigations non invasives
Echocardiographie
L’échocardiographie est l’examen-clé permettant de con­
firmer la présence d’une valvulopathie et d’identifier son
mécanisme. Elle est indiquée en fonction de la clinique et
des caractéristiques du souffle, au cas par cas. La sévérité
de l’atteinte valvulaire est définie par des critères visuels
et des mesures objectives. Cette modalité permet aussi
une évaluation des répercussions de la valvulopathie sur
les cavités cardiaques (dilatation, hypertrophie, dysfonction
ventriculaire) et la recherche d’une éventuelle hypertension
pulmonaire, éléments déterminants pour le pronostic. Les
résultats obtenus doivent cependant toujours être inter­
prétés dans le contexte clinique individuel.
Une échocardiographie transœsophagienne est réalisée
lorsque l’examen transthoracique est de qualité sous-opti­
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male et ne permet pas une évaluation complète de la valve,
ou lors de recherche de thrombus de l’auricule gauche,
d’endocardite ou de dysfonction valvulaire prothétique. Par
ailleurs, elle permet parfois de mieux comprendre le mé­
canisme d’une IM, critère déterminant dans le choix de la
meilleure stratégie chirurgicale.
Quant à l’échocardiographie tridimensionnelle, elle ap­
porte surtout une visualisation plus précise de l’anatomie
et du degré d’atteinte des différents feuillets valvulaires.
Dans certains cas, elle facilite également le choix de la stra­
tégie interventionnelle appropriée, particulièrement pour
la valve mitrale.
Test d’effort
L’ergométrie peut être utile pour démasquer des symp­
tômes chez des patients se considérant asymptomatiques.
Elle affine également la stratification du risque lors de SA.
Elle ne présente pas de risque si l’effort est limité par les
symptômes.
Echocardiographie d’effort ou de stress
En cas de dyspnée, ce test peut être utile pour identifier
une origine cardiaque, démontrant par exemple la péjora­
tion d’une IM ou d’une SA, ainsi qu’une possible élévation
des pressions pulmonaires à l’effort. Il a aussi une valeur
diagnostique dans l’IM transitoire ischémique. Cependant,
dans la pratique, ce test n’est que rarement effectué.
L’échocardiographie de stress à la dobutamine faible
dose aide à distinguer une SA pseudo-sévère d’une vraie
SA sévère, lors de dysfonction ventriculaire gauche. Elle
permet également l’évaluation de la réserve contractile et
la stratification du risque opératoire, lors de SA à faible
­gradient avec dysfonction systolique.3
IRM cardiaque
L’IRM cardiaque est effectuée surtout lorsque la qualité
de l’échocardiographie est insuffisante. Elle permet princi­
palement d’évaluer la sévérité des insuffisances valvulaires,
ainsi que les volumes et la fonction ventriculaires, avec une
meilleure reproductibilité que l’échocardiographie. Elle est
la méthode de choix pour l’évaluation du ventricule droit,
particulièrement en cas d’insuffisance tricuspide (IT).
CT-scan
Si cet examen peut être utilisé dans les SA pour la quan­
tification des calcifications et la mesure directe de la sur­
face d’ouverture valvulaire, il est surtout réalisé pour éva­
luer les dimensions de l’aorte en cas d’anévrisme, et les
principaux axes artériels avant un remplacement valvulaire
aortique percutané.
rôle des investigations invasives
Coronarographie
La coronarographie est indiquée lorsqu’une chirurgie
valvulaire est planifiée, afin de détecter une maladie coro­
narienne nécessitant une revascularisation concomitante.
Elle n’est pas nécessaire chez les patients jeunes sans fac­
teur de risque cardiovasculaire (hommes l 40 ans, femmes
avant la ménopause).
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Cathétérisme cardiaque droit-gauche
et aortographie sus-valvulaire
Le cathétérisme cardiaque permet la mesure de gra­
dients de pression, du débit cardiaque et de la pression
artérielle pulmonaire. L’aortographie sus-valvulaire permet
une évaluation de l’aorte ascendante et du degré d’insuffi­
sance aortique (IA). Ces examens sont indiqués lorsque le
bilan non invasif n’est pas conclusif ou discordant par rap­
port à la clinique.
Stratification du risque opératoire
Plusieurs registres ont montré que de nombreuses inter­
ventions valvulaires ne sont pas réalisées chez des patients
symptomatiques à haut risque chirurgical. Dans l’évalua­
tion de l’indication opératoire, il est important de prendre
en compte le contexte global du patient (espérance et
qualité de vie, choix personnel) et l’âge n’est pas en soi une
contre-indication formelle à la chirurgie. Des scores de
risque validés aident à évaluer le risque individuel de pa­
tients plus âgés et/ou polymorbides. Les plus utilisés pour
estimer la mortalité périopératoire sont l’EuroSCORE II
(European System for Cardiac Operative Risk Evaluation)
et le STS score (Society of Thoracic Surgeons). La décision
finale d’opérer un patient doit émaner d’un consensus plu­
ridisciplinaire au sein du heart team local et d’une discussion
approfondie avec le patient et sa famille.4-5
traitement médicamenteux des
différentes valvulopathies
Sténose aortique
La SA étant un processus dégénératif, similaire en de
nombreux points à l’athérosclérose, un contrôle strict des
facteurs de risque cardiovasculaires est recommandé, avec
des valeurs cibles de prévention secondaire. Néanmoins,
les statines n’ont pas montré d’effet direct sur l’évolution
de la SA et ne doivent pas être prescrites uniquement dans
le but de ralentir sa progression. Aucun traitement médica­
menteux ne permet d’améliorer le pronostic de ces patients
lorsqu’ils deviennent symptomatiques et un remplacement
valvulaire devrait alors être prévu rapidement.
Néanmoins, lorsque l’indication à la chirurgie ou à une
intervention percutanée n’est pas retenue et que les pa­
tients présentent des signes d’IC, un traitement conven­
tionnel, associant diurétiques, IEC (inhibiteurs de l’enzyme
de conversion de l’angiotensine) ou ARA (antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine) et digoxine, sera précaution­
neusement introduit, avec un suivi clinique rapproché, afin
d’éviter une hypotension. En cas d’hypertension concomi­
tante, celle-ci sera traitée conformément aux recommanda­
tions d’usage spécifiques à cette entité.
Insuffisance aortique
Les vasodilatateurs (IEC, ARA) et les substances inotro­pes
positives peuvent être utilisés pour améliorer la sympto­
matologie des patients avec IC sévère avant la chirurgie.
Lorsque celle-ci est contre-indiquée, ou lorsque la dys­
fonction ventriculaire persiste après remplacement valvulaire
chez les patients avec IA chronique sévère et IC, les vaso­
dilatateurs sont utiles en présence d’hypertension artérielle.
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Chez les patients asymptomatiques sans hypertension par
contre, ces agents ou les anticalciques de type dihydropy­
ridine ne permettent pas de retarder la chirurgie.
Lors de syndrome de Marfan, les bêtabloquants peu­
vent ralentir la dilatation de la racine aortique et diminuer
ainsi le risque de complication, aussi bien avant qu’après
la chirurgie.
Sténose mitrale (SM)
Les diurétiques et les dérivés nitrés permettent une
amélioration transitoire de la dyspnée, les bêtabloquants
et les anticalciques à effet freinateur une augmentation de
la tolérance à l’exercice. Une anticoagulation thérapeutique
avec un INR cible de 2,5-3 est indiquée lors de fibrillation
auriculaire (FA) paroxystique ou permanente, ainsi que lors
de rythme sinusal en cas d’anté­cédent embolique ou de
thrombus auriculaire gauche. Elle devrait également être
considérée lorsque l’échocardiographie transœsophagienne
révèle un contraste spontané dense ou une oreillette gau­
che très dilatée. Enfin, lors de SM sévère, la cardioversion
d’une FA n’a que peu de chances de succès.
Insuffisance mitrale
L’IM primaire doit être distinguée de l’IM secondaire.
Dans le premier cas, en phase aiguë, les dérivés nitrés et
les diurétiques diminuent les pressions de remplissage.
En phase chronique, les IEC ne sont pas recommandés en
l’absence d’IC ou d’hypertension. Lors d’IC associée, les IEC
doivent être considérés si l’IM est avancée et sévèrement
symptomatique, lorsque l’indication à la chirurgie n’est pas
retenue ou lorsque les symptômes persistent après chirur­
gie. Dans ces cas, les bêtabloquants et la spironolactone
peuvent également être envisagés.
Dans l’IM secondaire (ou fonctionnelle), la valve est de
structure normale et l’insuffisance résulte d’une distorsion
géométrique de l’appareil sous-valvulaire, associée à la di­
latation et au remodelage du ventricule gauche, dans un
contexte de maladie coronarienne ou de cardiomyopathie
dilatée. Un traitement médicamenteux optimal doit alors
être instauré, suivant les recommandations de prise en
charge de l’IC, incluant en première intention un IEC et un
bêtabloquant, avec adjonction d’un inhibiteur de l’aldo­
stérone en cas de persistance de l’IC. Un diurétique sera
également prescrit en cas de surcharge hydrique. Les déri­
vés nitrés à longue durée d’action s’avéreront utiles en cas
de dyspnée. Une éventuelle resynchronisation devra éga­
lement être évo­quée, selon les recommandations de prise
en charge de l’IC.6
Insuffisance tricuspide
Son traitement consiste à corriger la pathologie sous-­
jacente ainsi que les symptômes de surcharge hydrique
par des diurétiques.
indications à la chirurgie
L’indication à une chirurgie valvulaire devrait être éva­
luée par une équipe pluridisciplinaire (heart team) incluant
un cardiologue, un chirurgien cardiaque, un anesthésiste, un
spécialiste en imagerie et, selon les situations, un gériatre
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Tableau 5. Anticoagulation orale (ACO) versus
antiagrégation
Types de valves
ACO à vie
• Valves mécaniques
• Valves biologiques avec autre indication à
l’ACO (par exemple : fibrillation auriculaire)
ACO pendant
3 mois
Valves biologiques mitrales ou tricuspides
Acide acétyl-
Valve biologique aortique
salicylique (AAS)
100 mg/jour
pendant 3 mois
ACO et AAS
• Valve mécanique et atteinte athérosclérotique
concomitante
• Valve mécanique après un événement
thrombo-embolique survenu malgré un INR
efficace
anticoagulation et antiagrégation
Le choix ainsi que la durée de l’anticoagulation orale
(ACO) par un antagoniste de la vitamine K et/ou une anti­
agrégation sont résumés dans le tableau 5.
Une grande variabilité de l’INR est un prédicteur indé­
pendant de diminution de survie après un remplacement
valvulaire. Une valeur cible moyenne d’INR est préférée à
un intervalle cible, afin d’éviter des valeurs extrêmes, as­
sociées à un taux de complications plus élevé.
Pour les prothèses biologiques, l’INR cible est de 2,5.
Pour les prothèses mécaniques, l’INR cible est déterminé
par la thrombogénicité de la prothèse et par les facteurs
de risque inhérents au patient (tableau 6).
Relevons qu’il n’y a actuellement pas encore de place
établie pour les nouveaux anticoagulants après une chirur­
gie valvulaire dans les recommandations internationales.
prophylaxie de l’endocardite
Tableau 6. INR cible en fonction du risque thrombotique
Thrombogénicité
de la prothèse
Facteurs de risque individuels
Pas de facteur
de risque
M 1 facteur(s)
de risque
2,5
3
Faible prophylaxie de la fièvre rhumatoïde
Moyenne3 3,5
Elevée
Une prophylaxie est indiquée lors des procédures à haut
risque (interventions dentaires avec manipulation de la gen­
cive ou perforation de la muqueuse buccale) chez les pa­
tients à haut risque : elle est résumée dans le tableau 7.
3,54
• Thrombogénicité : faible : Carbomedics, Medtronic Hall, St Jude medical,
ON-X. Moyenne : les autres valves à deux feuillets. Haute : Lillehei-Kaster,
Omniscience, Starr-Edwards, Bjork-Shiley, autres valves tilting-disc.
• Facteurs de risque : remplacement valvulaire mitral, tricuspide ou
pulmonaire, antécédent thrombo-embolique, fibrillation auriculaire,
diamètre de l’oreillette gauche L 50 mm, contraste spontané intra-auriculaire gauche, sténose mitrale, diminution de la fraction d’éjection du
ventricule gauche l 35%, état hypercoagulable.
et le généraliste du patient. Elle sera retenue sur la base
de la clinique, de l’imagerie, de la stratification du risque
de mortalité périopératoire et de l’avis éclairé du patient.
Le choix entre une prothèse mécanique ou biologique
sera principalement déterminé par les risques hémorra­
gique et thrombo-embolique liés à une anticoagulation au
long cours, par la durée de vie estimée de l’implant et, fi­
nalement, par l’âge ainsi que par l’avis éclairé du patient.
Chez les patients souffrant d’une valvulopathie rhuma­
tismale, une prophylaxie de la fièvre rhumatoïde par de la
pénicilline est recommandée au moins dix ans après le
dernier épisode aigu de fièvre rhumatoïde ou jusqu’à l’âge
de 40 ans (opter pour l’option la plus longue).
Une prophylaxie à vie doit être considérée chez les pa­
tients à haut risque selon la sévérité de la valvulopathie
et le risque individuel d’exposition au streptocoque du
groupe A.
conclusion
Les valvulopathies cardiaques sont une affection fré­
quente qui touche de plus en plus de personnes au vu du
vieillissement de la population. Le médecin généraliste joue
un rôle primordial dans la détection et la prise en charge de
ces patients, afin de décider quels outils diagnostiques per­
mettront de confirmer la nature et la gravité de ces valvu­
lopathies. En outre, le suivi clinique et le traitement médi­
Tableau 7. Prophylaxie de l’endocardite
Prophylaxie indiquée
Procédures à haut risque
Patients à haut risque
Interventions dentaires avec
manipulation de la gencive
ou perforation de la muqueuse
buccale
• Porteurs de valve prothétique ou de matériel prothétique utilisé pour les réparations valvulaires
• Antécédent d’endocardite
• Cardiopathie congénitale cyanogène non corrigée ou avec défaut résiduel
• Cardiopathie congénitale corrigée avec matériel prothétique et défaut résiduel
• Elle est également recommandée pour 6 mois après correction d’une cardiopathie congénitale avec du matériel prothétique
Prophylaxie non recommandée
• Interventions au niveau du tractus respiratoire (bronchoscopie, laryngoscopie sans biopsie, intubation transnasale ou endotrachéale)
• Interventions gastro-intestinales ou urogénitales (gastroscopie, colonoscopie, cystoscopie)
• Echocardiographie transœsophagienne
• Intervention cutanée
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camenteux de ces patients lui reviennent en premier lieu,
afin de pouvoir les diriger vers le cardiologue ou le chirur­
gien cardiaque selon l’évolution de la maladie valvulaire.
Implications pratiques
> La sténose aortique et l’insuffisance mitrale dégénératives sont
les valvulopathies les plus fréquentes que peut rencontrer le
généraliste
> L’évaluation clinique, l’auscultation cardiaque, l’ECG et la ra-
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec
cet article.
diographie du thorax permettent au généraliste de poser l’indication aux examens complémentaires (échocardiographie,
IRM et cathétérisme cardiaque) afin de définir la prise en
charge de la valvulopathie
Bibliographie
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* à lire
** à lire absolument
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