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INTRODUCTION
I. Contexte général
Pseudomonas aeruginosa peut être considéré à bien des égards comme l’exemple-type
des bactéries pathogènes opportunistes. Pratiquement inoffensif chez l'individu sain, ce bacille
à Gram négatif de l’environnement, isolé pour la première fois par Schroeter en 1872, se
révèle en effet redoutable chez les sujets immuno-déficients, les malades intubés-ventilés des
services de réanimation ou ceux souffrant d'affections chroniques comme la mucoviscidose, la
dilatation des bronches, etc... L'enquête de prévalence organisée par l’InVS (Institut de Veille
Sanitaire) dans les hôpitaux français en 2001 lui attribuait la responsabilité de 11% de
l'ensemble des infections nosocomiales, 9,6% des infections urinaires, 9,7% des infections du
site opératoire, 15,5% des infections cutanéo-muqueuses et 21,7% des infections respiratoires
hautes et basses (http://www.invs.sante.fr). Une enquête similaire réalisée en 2006 est arrivée
au même constat : P. aeruginosa représente aujourd’hui un véritable problème de santé
publique.
Les raisons de cette situation préoccupante sont nombreuses et complexes. La
multiplication des gestes médicaux invasifs comme le cathétérisme, la chirurgie ou
l’endoscopie sur des patients de plus en plus fragiles (polytraumatisés, immunodéprimés
profonds, cancéreux, personnes âgées...) explique en partie le succès de cette espèce
saprophyte à l’hôpital. De même, la structure des établissements de soins où sont concentrés
malades et soignants favorise la propagation des bactéries les plus adaptables. L’utilisation
massive d’antiseptiques et d’antibiotiques tend, par ailleurs, à sélectionner un environnement
microbien peu diversifié où seules les espèces les plus résistantes survivent. En tout état de
cause, P. aeruginosa a trouvé à l’hôpital une niche écologique particulièrement favorable à
son développement.
Outre un arsenal assez impressionant de facteurs de virulence, P. aeruginosa possède les
mécanismes lui permettant de résister naturellement à de nombreux agents antibactériens, de
coloniser les surfaces inertes et les épithéliums, de former des biofilms protecteurs. Cette
capacité d'adaptation hors du commun, la bactérie le doit à la très grande taille de son génome
(5 à 7 Mb, soit dix fois celle d'un mycoplasme), son extrême versatilité métabolique et sa
capacité à percevoir son environnement grâce à de multiples senseurs membranaires
spécifiques.
De manière encore plus inquiétante, l’administration répétée d’antibiotiques chez des
patients fragilisés (réanimation, hématologie/oncologie) ou souffrant de mucoviscidose a
favorisé ces dernières années l’émergence de souches de P. aeruginosa résistantes à tous les
antibiotiques commercialisés. Le nombre croissant de ces souches dites “toto-résistantes” fait
craindre un retour à l’ère pré-antibiotique où les moyens thérapeutiques étaient presque
inexistants. Cette évolution s’inscrit, par ailleurs, dans un contexte actuel peu favorable où les
recherches et les innovations pharmaceutiques en matière d’antiinfectieux se font de plus en
plus rares. Il est admis aujourd’hui que la mise au point de nouveaux agents antibactériens
doit dorénavant s’appuyer sur une meilleure connaissance de la physiologie et de la génétique
bactérienne, de façon à identifier les cibles cellulaires dont l’inactivation entrainera une baisse
de la pathogénicité sans pour autant imposer une pression de sélection. C’est un défi que la
recherche publique doit relever. A l’échelle européenne, une incitation forte à travers le 7ème
programme cadre a été lancée afin de favoriser les actions multidisciplinaires (HEALTH-
2007-2.3.1-1 : “Novel targets for drugs against Gram negative bacteria ; HEALTH-2007-
2.3.1-4 : “Molecular epidemiology to control nosocomial and community spreading of highly
virulent multi-drug resistant strains of bacterial pathogens” ; HEALTH-2007-2.3.1-5 : “Health
and economic cost of antimicrobial resistance” ; HEALTH-2007-2.1.2-5 : “Multidisciplinary