Chapitre 15 : Variables aléatoires simultanées

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École des Mines de Douai — FIAASMathématiques
Variables aléatoires simultanées
Chapitre 15
Variables aléatoires simultanées
F. Delacroix, École des Mines de Douai, 21 mars 2011
Introduction
Présentation et objectifs
Comme en statistique descriptive, on est fréquemment amené à considérer plusieurs
variables aléatoires relatives à une expérience aléatoire donnée. C’est l’objet de ce chapitre
que de donner un aperçu des phénomènes qui apparaissent alors.
On définit d’abord, dans les cas discrets et continus, les notions de distribution simultanée pour deux variables aléatoires (la généralisation à n variables aléatoires étant laissée
au lecteur), puis l’indépendance de variables aléatoires. On considère les propriétés de la
somme de plusieurs variables aléatoires indépendantes, avant de s’intéresser d’un peu plus
près aux différentes propriétés de l’espérance.
La dernière section s’intéresse enfin aux théorèmes limites, notamment la loi des grands
nombres et le théorème de la limite centrale, théorèmes en prise directe avec l’exploitation
de la théorie des probabilités en statistiques.
Prérequis:
Chapitres 12, 13, 14, 2, 4, 7, 11
Suites:
Statistique inductive (1ère année)
Optimisation
Mathématiques financières et sciences « molles »
Informatique et sciences de l’information
1
Distributions simultanées
Soient X, Y deux variables aléatoires sur un espace probabilisé (Ω, T , P ).
1.1
Fonction de répartition conjointe
Définition 1
La fonction de répartition conjointe (ou : simultanée) de X et Y est la fonction
FX,Y :
R2 −−−→ R
(x, y) 7−−−→ P ({X 6 x} ∩ {Y 6 y}) .
Les fonctions de répartition de X et de Y (notées FX et FY ) sont alors qualifiées de
marginales.
1
Chapitre 15
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Proposition 1 (Relations entre répartitions conjointe et marginales)
Avec les notations précédentes, on a
∀x ∈ R,
FX (x) = lim FX,Y (x, y)
∀y ∈ R,
FY (y) = lim FX,Y (x, y)
y→+∞
x→+∞
♠ Démontrer cette proposition à l’aide du théorème sur la probabilité limite d’une
suite monotone d’évènements.
♠ Exprimer, à l’aide des fonctions de répartitions conjointe et marginales, les
probabilités suivantes :
P ({X > x} ∪ {Y > y}) , P ({X > x} ∩ {Y > y})
et P ({x1 < X 6 x2 } ∩ {y1 < Y 6 y2 })
1.2
Cas de variables discrètes
On suppose ici que X et Y sont des variables aléatoires discrètes.
Définition 2
On appelle loi de probabilité conjointe de X et de Y la fonction
pX,Y : X(Ω) × Y (Ω) −−−→ [0, 1]
(x, y) 7−−−→ P ({X = x} ∩ {Y = y}) .
A nouveau, les lois de X et de Y , notées pX et pY , sont alors qualifiées de marginales.
Proposition 2 (Relations entre lois conjointe et marginales)
Avec ces notations, on a
∀x ∈ X(Ω),
pX (x) = P (X = x) =
X
pX,Y (x, y)
y∈Y (Ω)
∀y ∈ Y (Ω),
pY (y) = P (Y = y) =
X
pX,Y (x, y).
x∈X(Ω)
Lorsque X(Ω) et Y (Ω) sont finis, il est d’usage de présenter ces valeurs sous forme
d’un tableau de contingence (cf. chap. 11). Dans ce cas, les lois marginales apparaissent
comme somme des probabilités figurant dans une ligne ou colonne.
♠ Dresser le tableau de contingence d’un lancer de deux dés équilibrés différenciés,
les résultats des deux dés étant notés X et Y .
♠ Même question, mais cette fois les deux dés sont indifférenciés. X désigne le
plus petit résultat, Y le plus grand.
1.3
2
Cas de variables continues
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Variables aléatoires simultanées
Définition 3
Deux variables aléatoires X et Y sont dites conjointement continues s’il existe
une fonction fX,Y : R2 −−−→ R+ telle que pour tout borélien C de R2 on ait
P ((X, Y ) ∈ C) =
ZZ
C
fX,Y (x, y) dx dy.
Une telle fonction fX,Y est appelée densité de probabilité conjointe de X et Y
(ou, plus simplement, densité conjointe de X et Y ).
Proposition 3
Soit (X, Y ) un couple de variables aléatoires admettant pour densité conjointe fX,Y .
(1) On a
ZZ
R2
fX,Y (x, y) dx dy = 1.
(2) Les variables X et Y sont continues et leurs densités de probabilités (qualifiées de
marginales) fX et fY sont données par
fX (x) =
Z +∞
−∞
fX,Y (x, y) dy
fY (y) =
Z +∞
−∞
fX,Y (x, y) dx.
(3) On a la relation suivante entre la fonction de répartition conjointe du couple (X, Y )
et sa densité conjointe :
fX,Y (x, y) =
∂ 2 FX,Y
(x, y)
∂x∂y
(relation qui n’est valable, en toute rigueur, qu’aux points où fX,Y est continue).
♠ Démontrer cette proposition : utiliser l’évènement certain pour le point (1), les
fonctions de répartition marginales pour le point (2), la fonction de répartition
conjointe pour le point (3).
♠ On considère un couple (X, Y ) de variables aléatoires admettant pour densité
conjointe la fonction

2e−x−2y
f : (x, y) −−−→ 
0
si x > 0 et y > 0
sinon.
Exprimer à l’aide de f puis calculer P ({X > 1} ∩ {Y < 1}), P (X < Y ),
P (X < a). Calculer les densités marginales en X et Y , la fonction de répartition conjointe ainsi que les fonctions de répartitions marginales en X et
en Y .
2
2.1
Variables aléatoires indépendantes
Définition
3
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Définition 4
Deux variables aléatoires X et Y sont dites indépendantes si pour tous boréliens A
et B de R, les évènements {X ∈ A} et {Y ∈ B} sont indépendants, c’est-à-dire
P ({X ∈ A} ∩ {Y ∈ B}) = P (X ∈ A) P (Y ∈ B)
ou encore
P ((X, Y ) ∈ A × B) = P (X ∈ A) P (Y ∈ B).
En appliquant cette définition à des intervalles ] − ∞, x] et ] − ∞, y], on voit que l’indépendance de X et Y entraîne que la fonction de répartition conjointe est le « produit »
(attention toutefois aux variables) des fonctions de répartition marginales. La réciproque
est vraie, et repose sur le fait que les intervalles de ce type engendrent la tribu borélienne
de R. On obtient donc la caractérisation suivante :
Proposition 4
Deux variables aléatoires X et Y sont indépendantes si et seulement si
∀(x, y) ∈ R2 ,
FX,Y (x, y) = FX (x) FY (y).
Proposition 5
Soient X et Y deux variables aléatoires.
(1) Si X et Y sont deux variables aléatoires discrètes, elles sont indépendantes si et
seulement si
∀(x, y) ∈ X(Ω) × Y (Ω),
P ({X = x} ∩ {Y = y}) = P (X = x) P (Y = y).
(2) Si X et Y sont deux variables aléatoires conjointement continues, elles sont indépendantes si et seulement si
∀(x, y) ∈ R2 ,
fX,Y (x, y) = fX (x) fY (y).
♠ Démontrer le point (2) grâce à la proposition 3 et à la proposition 4.
♠ Un sens du point (1) est trivial ; démontrer l’autre à l’aide de la σ-additivité
(3ème axiome de Kolmogorov) en décomposant l’évènement {(X, Y ) ∈ A × B}
en une réunion dénombrable d’évènements incompatibles.
2.2
Exemples
♠ On effectue n + m lancers indépendants d’une pièce (la probabilité d’obtenir
« pile »est notée p). On note X le nombre de « pile » dans les n premiers
lancers, Y le nombre de « pile » dans les m derniers. Déterminer les lois de
probabilités de X et Y et démontrer que X et Y sont des variables aléatoires
indépendantes. Déterminer la loi de probabilité de la variable Z = X + Y ; les
variables X et Z sont-elles indépendantes ?
4
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Variables aléatoires simultanées
♠ Un homme et une femme se donnent rendez-vous entre 12h et 13h ; leurs minutes d’arrivée respectives sont notées H et F . On suppose que H et F sont
deux variables aléatoires indépendantes suivant toutes deux la loi uniforme
U([0, 60[). Quelle est la probabilité que le premier arrivé attende plus de dix
minutes ?
2.3
Plusieurs variables aléatoires indépendantes
Définition 5
Soient X1 , . . . , Xn des variables aléatoires réelles. On dit que X1 , . . . , Xn sont indépendantes (ou : mutuellement indépendantes, ou totalement indépendantes) si pour tout choix de boréliens B1 , . . . , Bn , on a
P
n
\
!
{Xk ∈ Bk } =
k=1
3
n
Y
P (Xk ∈ Bk ).
k=1
Sommes de variables aléatoires indépendantes
3.1
Convolution
Soient X et Y deux variables aléatoires continues et indépendantes, de densités de
probabilité respectives notées fX et fY .
Théorème 6
Sous ces hypothèses, la variable aléatoire X + Y admet pour densité de probabilité la
fonction fX ∗ fY , appelée produit de convolution de fX par fY , définie par
∀z ∈ R,
fX ∗ fY (z) =
Z +∞
−∞
fX (z − y)fY (y) dy
♠ Démontrer ce théorème en caractérisant la fonction de répartition de Z =
X + Y à l’aide de la définition de la densité conjointe du couple (X, Y ), en
invoquant l’indépendance de X et Y et en utilisant le théorème de Fubini pour
évaluer l’intégrale double. Invoquer alors le théorème de dérivation d’une intégrale dépendant d’un paramètre pour trouver la densité de probabilité de Z.
♠ Vérifier que fX ∗ fY est bien une densité de probabilité, c’est-à-dire que c’est
une fonction continue par morceaux positive dont l’intégrale sur R converge et
vaut 1.
Le produit de convolution définit une nouvelle opération sur les fonctions positives dont
l’intégrale sur R converge. Elle possède les propriétés suivantes (liste non exhaustive).
5
Chapitre 15
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Proposition 7 (Propriétés du produit de convolution)
– associativité :
(f ∗ g) ∗ h = f ∗ (g ∗ h)
– commutativité :
f ∗g =g∗f
– distributivité par rapport à l’addition
(f1 + f2 ) ∗ g = f1 ∗ g + f2 ∗ g
♠ Démontrer ces propriétés à l’aide de celles des intégrales.
♠ Calculer la densité de probabilité de la somme de deux variables indépendantes
suivant toutes deux la loi uniforme U([0, 1]).
3.2
Additivité des lois classiques
Théorème 8
Soient X1 , . . . , Xn des variables aléatoires indépendantes suivant respectivement les
lois normales N (µ1 , σ12 ), . . . , N (µn , σn2 ). Alors la variable somme X1 + · · · + Xn suit la
loi normale N (µ1 + · · · + µn , σ12 + · · · + σn2 ).
Ce théorème peut s’interpréter en considérant chaque variable Xk comme une mesure
physique dont la valeur « vraie » est µk et l’« incertitude moyenne » (i.e. l’écart-type)
est σk . Le théorème dit alors que la somme de ces mesures X1 + · · · + Xn se répartit
normalement autour de la valeur moyenne somme µ1 + · · · + µn et que les carrés des
incertitudes s’ajoutent.
On a des résultats similaires pour des variables aléatoires discrètes de Poisson ou
binômiales.
Proposition 9
Soient X et Y deux variables aléatoires indépendantes.
(1) Si X ∼ P(λ) et Y ∼ P(µ), alors X + Y ∼ P(λ + µ).
(2) Si X ∼ B(n, p) et Y ∼ B(m, p), alors X + Y ∼ B(n + m, p).
♠ Démontrer ces deux points, d’abord en identifiant les différentes valeurs possibles de X + Y , puis, pour chacune d’elles, les différentes façons de l’obtenir
(utiliser une partition de chaque évènement {X + Y = k}). On observera que
cette technique est une version «discrète» du produit de convolution rencontré
au théorème 6.
6
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4
Variables aléatoires simultanées
Propriétés de l’espérance
4.1
Espérance d’une fonction de deux variables
Le théorème suivant, extrêmement utile en pratique, est une version bidimensionnelle
de deux théorèmes (espérance d’une fonction d’une variable aléatoire) vus dans les deux
chapitres précédents (dans le cadre des variables discrètes puis continues).
Théorème 10
Soit g : R2 −−−→ R une fonction mesurable (ou continue par morceaux).
(1) Si X et Y sont deux variables aléatoires discrètes de loi conjointe p(x, y), alors
X
E [g(X, Y )] =
g(x, y) p(x, y).
(x,y)∈X(Ω)×Y (Ω)
(2) Si X et Y sont deux variables aléatoires conjointement continues de densité
conjointe fX,Y , alors
E [g(X, Y )] =
ZZ
R2
g(x, y) f (x, y) dx dy
On retrouve alors le résultat déjà exprimé dans les chapitres précédents sur l’espérance
d’une somme comme cas particulier du théorème 10 :
Corollaire 11 (Linéarité de l’espérance)
Etant données deux variables aléatoires X et Y admettant des espérances et deux
constantes a, b réelles :
E[aX + bY ] = a E[X] + b E[Y ].
Si X1 , . . . , Xn sont des variables aléatoires admettant des espérances, alors
E
" n
X
k=1
#
Xk =
n
X
E[Xk ].
k=1
♠ Démontrer ce corollaire en choisissant bien la fonction g dans le théorème 10
et en utilisant une récurrence sur le nombre de variables aléatoires.
♠ Généraliser le deuxième point du corollaire 11 à une infinité dénombrable de
variables aléatoires (attention aux problèmes d’existence des quantités manipulées).
4.2
Covariance
La définition suivante peut s’interpréter comme un « dédoublement » de la définition
de la variance.
7
Chapitre 15
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Définition 6
Soient X et Y deux variables aléatoires admettant une espérance. Alors le nombre
Cov(X, Y ) = E [(X − E[X])(Y − E[Y ])] ,
s’il existe, s’appelle la covariance de X et Y .
Proposition 12
Si X et Y sont deux variables aléatoires admettant une variance, alors Cov(X, Y )
existe et vérifie
| Cov(X, Y )| 6
q
q
Var(X) Var(Y ) = σ(X)σ(Y ).
♠ Démontrer cette proposition dans le cas où X et Y sont toutes deux discrètes
ou conjointement continues, à l’aide de l’inégalité de Cauchy-Schwartz sur les
séries ou les intégrales.
Proposition 13 (Propriétés de la covariance)
On a les relations suivantes (sous réserve d’existence des quantités considérées) :
(1) Cov(X, Y ) = E[XY ] − E[X]E[Y ],
(2) Cov(X, X) = Var(X),
(3) la covariance définit une forme bilinéaire symétrique positive sur l’espace des variables aléatoires admettant une variance.
♠ Démontrer cette proposition, notamment à l’aide du corollaire 11.
♠ En considérant des variables aléatoires constantes non nulles, démontrer que
la covariance n’est pas un produit scalaire.
♠ On jette un dé équilibré. On note X le résultat obtenu, et Y la variable aléatoire
définie par Y = 1 si X = 6, Y = 0 sinon. Déterminer les lois de X, Y et XY .
Calculer l’espérance de ces variables ; en déduire la covariance de X et Y .
Comparer avec le produit des écart-types de X et de Y .
Corollaire 14 (Variance d’une somme)
Si X et Y admettent une variance, alors X + Y admet une variance, qui vaut
Var(X + Y ) = Var(X) + Var(Y ) + 2 Cov(X, Y ).
♠ Démontrer ce corollaire à l’aide de la bilinéarité de la covariance évoquée à la
proposition 13.
♠ Généraliser au cas de n variables aléatoires (en s’inspirant de la formule du
carré d’une somme de n termes), grâce à une récurrence.
8
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4.3
Variables aléatoires simultanées
Cas de variables indépendantes
Examinons ce que donnent les définitions et résultats précédents dans le cas de variables aléatoires indépendantes.
Théorème 15
Si X et Y sont deux variables aléatoires indépendantes et si g et h sont deux fonctions
continues par morceaux R → R, alors, sous réserve d’existence de ces quantités :
E [g(X) h(Y )] = E [g(X)] E [h(Y )] .
♠ Démontrer ce théorème si X et Y sont continues. On utilisera la proposition 5
et le théorème de Fubini pour les intégrales doubles.
♠ Qu’obtient-on si les fonctions g et h sont l’identité ?
Remarques
1. La réciproque est fausse bien sûr.
2. Cette relation est fausse en général si X et Y sont dépendantes.
Corollaire 16
Si X et Y sont deux variables indépendantes, leur covariance, si elle existe, est nulle :
Cov(X, Y ) = 0.
♠ Démontrer ce corollaire à l’aide du théorème 15 et de l’expression de la covariance de la proposition 13.
♠ Les variables X et Y de l’exemple suivant la proposition 13 sont-elles indépendantes ?
♠ On considère une variable aléatoire équiprobable prenant les valeurs 1, 0 et −1.
On définit la variable Y comme suit : Y = 0 lorsque X 6= 0, Y = 1 si X = 0.
Les variables X et Y sont-elles indépendantes ? Déterminer la variable aléatoire XY . En déduire la covariance de X et Y . La réciproque du corollaire 16
est-elle vraie ?
Corollaire 17 (Variance d’une somme de variables indépendantes)
Si X1 , . . . , Xn sont des variables aléatoires indépendantes admettant une variance,
alors la somme X1 + · · · + Xn admet une variance égale à
Var
n
X
k=1
!
Xk =
n
X
Var(Xk )
k=1
9
Chapitre 15
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♠ Démontrer ce corollaire à l’aide du corollaire 14.
4.4
Corrélation
La variance constitue un indicateur de l’indépendance (ou « la tendance à l’indépendance ») de deux variables aléatoires. Cependant, il ne s’agit pas d’une indication absolue
puisque les valeurs possibles pour Cov(X, Y ) vont de −σ(X)σ(Y ) à σ(X)σ(Y ). Il est donc
naturel de chercher à normaliser cet indicateur ; c’est l’objet de la définition suivante.
Définition 7
Si X et Y sont deux variables aléatoires admettant des variances non nulles, on définit
le coefficient de corrélation linéaire de X et Y par la formule suivante :
ρ(X, Y ) =
Cov(X, Y )
.
σ(X)σ(Y )
♠ Calculer le coefficient de corrélation des variables X et Y de l’exemple suivant
la proposition 13.
Proposition 18 (Propriétés du coefficient de corrélation)
Avec ces mêmes notations et hypothèses :
(1) ρ(X, Y ) ∈ [−1, 1] ;
(2) si X et Y sont indépendantes, ρ(X, Y ) = 0.
♠ Vérifier cet énoncé à l’aide des propriétés de la covariance.
On peut bien sûr énoncer d’autres propriétés du coefficient de corrélation ; celui-ci est
surtout utilisé en statistiques.
5
Théorèmes limites
5.1
Inégalités de Markov et Tchebytcheff
Ces inégalités fournissent un « retour d’expérience » du calcul de l’espérance sur la
loi de la variable aléatoire sous la forme d’un minorant de la fonction de répartition.
L’importance de ces résultats est principalement théorique, ils permettent de démontrer
la convergence de certaines lois de probabilité.
Théorème 19 (Inégalité de Markov)
Soit X une variable aléatoire à valeurs positives admettant une espérance. Alors
∀a > 0,
10
P (X > a) 6
E[X]
.
a
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Variables aléatoires simultanées
♠ Démontrer ce théorème en considérant la variable aléatoire Y définie par
Y =

1
0
si X > a
sinon.
♠ Traduire le théorème 19 sous forme d’une minoration de la fonction de répartition de X.
L’inégalité de Tchebytcheff suivante fournit un majorant de la probabilité qu’une variable X s’écarte de son espérance.
Corollaire 20 (Inégalité de Tchebytcheff )
Soit X une variable aléatoire admettant une espérance µ et une variance σ 2 . Alors
∀k > 0,
P (|X − µ| > k) 6
σ2
.
k2
♠ Démontrer ce corollaire en appliquant l’inégalité de Markov à la variable aléatoire Y = (X − E[X])2 et a = k 2 .
♠ Calculer ce majorant pour une variable aléatoire suivant la loi normale N (µ, σ 2 ).
Comparer avec la valeur exacte, fournie par une table, de la probabilité ainsi
majorée.
5.2
Loi faible des grands nombres
Théorème 21 (Loi faible des grands nombres)
Soit (Xn )n∈N∗ une suite de variables aléatoires indépendantes suivant toutes la même
n
loi, d’espérance commune µ. La variable aléatoire Yn = X1 +···+X
converge en pron
babilité vers µ. Cela signifie que
∀ε > 0,
P
X1
+ · · · + Xn
− µ > ε −−−→ 0.
n→+∞
n
♠ On suppose que les Xn ont une variance commune σ 2 . Quelle sont alors l’espérance et la variance de Yn ? En appliquant l’inégalité de Tchebytcheff, démontrer le théorème 21 avec cette hypothèse d’existence de σ 2 .
5.3
Théorème de la limite centrale
Le résultat suivant est l’un des théorèmes les plus importants de la théorie des probabilités ; il est d’une importance théorique et pratique très élevée.
11
Chapitre 15
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Théorème 22 (Théorème de la limite centrale)
Soit (Xn )n∈N∗ une suite de variables aléatoires indépendantes, suivant toutes la même
loi, d’espérance et variance communes µ et σ 2 respectivement. Alors la variable aléatoire
√ n −nµ converge en loi vers la loi standard N (0, 1). Cela signifie que la
Yn = X1 +···+X
σ n
suite (FYn )n∈N∗ des fonctions de répartition des variables Yn converge simplement vers
la fonction Φ :
∀a ∈ R,
P
!
X1 + · · · + Xn − nµ
1 Z a − x2
√
e 2 dx.
6 a −−−→ Φ(a) = √
n→+∞
σ n
2π −∞
♠ Quelles sont l’espérance et la variance de Yn ?
♠ Calculer une approximation de P
10
X
!
Xk > 6
lorsque X1 , . . . , X10 sont des
k=1
variables aléatoires suivant la loi uniforme U([0, 1]).
On utilise très souvent le théorème de Moivre-Laplace, qui peut être vu comme cas
particulier du théorème de la limite centrale.
Corollaire 23 (Théorème de Moivre-Laplace)
Soient p ∈]0, 1[ et (Sn ) une suite de variables aléatoires telle que pour tout n ∈ N∗ ,
la variable Sn suit la loi binomiale B(n, p). Alors la suite de variables aléatoires (Yn )
définie par
Sn − np
∀n ∈ N∗ , Yn = q
np(1 − p)
converge en loi vers la loi standard N (0, 1).
♠ Rappeler la définition de la loi B(n, p), son espérance et sa variance. En déduire
la démonstration de ce corollaire.
♠ Un fermier possède un troupeau de 100 vaches et deux étables de N places.
Lorsque les vaches rejoignent leurs pénates, chacune d’elles choisit une étable
au hasard. Quelle doit être la valeur minimale de N pour que la probabilité
que chaque vache trouve une place sans que le fermier ait à intervenir soit
supérieure ou égale à 0, 9 ?
En pratique, l’approximation obtenue de la loi binomiale par la loi normale donnée
par le théorème de Moivre-Laplace est très bonne dès que np(1 − p) > 9.
6
Exercices
Les exercices 1, 5 et 7 sont à préparer.
12
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Variables aléatoires simultanées
Exercice 1
Une urne contient des boules numérotées de 1 à n. On en tire deux successivement
avec remise, et on note respectivement X et Y le plus grand et le plus petit des numéros
tirés.
1. Déterminer la loi conjointe de X et Y .
2. Déterminer les lois marginales de X et Y . Calculer leurs espérances.
3. Calculer la covariance de X et Y . Ces variables aléatoires sont-elles indépendantes ?
4. Calculer Var(X + Y ).
Exercice 2
Soient X et Y deux variables aléatoires indépendantes, suivant la même loi géométrique
de paramètre p. On pose U = max{X, Y } et V = min{X, Y }.
1. Déterminer la loi conjointe du couple (U, V ). En déduire les lois marginales de U et V .
2. Vérifier que U + V = X + Y . Calculer l’espéance de V puis celle de U .
Exercice 3
Soit n ∈ N∗ . Au cours d’un championnat sportif, une équipe donnée rencontre n
adversaires. À chaque rencontre,
– sa probabilité de victoire est p, elle gagne alors un point ;
– sa probabilité de défaite est q, elle perd alors un point ;
– sa probabilité de faire match nul est r, elle ne gagne aucun point mais n’en perd
aucun.
On suppose que p, q, r ∈]0, 1[. Quelle relation vérifient-ils ? On suppose les résultats
des rencontres indépendants les uns des autres. Soient A le nombre de victoires, B le
nombre de défaites, C le nombre de matchs nuls et X le nombre de points de l’équipe à
la fin du championnat.
1. Montrer que A, B et C suivent des lois binômiales que l’on précisera.
2. Vérifier que la loi conjointe du couple (A, B) est donnée par
∀i, j ∈ {0, . . . , n},
n!
pi q j rn−i−j
P ({A = i}∩{B = j}) = i! j! (n − i − j)!


0



si i + j 6 n
sinon.
3. Quelle relation lie A, B et C ? En déduire que Cov(A, B) = −npq.
4. En utilisant l’expression de X en fonction de A et B, calculer l’espérance et la variance
de X.
13
Chapitre 15
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Exercice 4
Soient X et Y deux variables aléatoires indépendantes suivant toutes les deux la loi
de Bernouilli B(1, p), où p ∈]0, 1[.
1. Déterminer la loi conjointe du couple (S, D) où S = X + Y et D = X − Y .
2. Déterminer les lois marginales de ce couple. Calculer E[S] et E[D].
3. Les variables S et D sont-elles indépendantes ?
4. Calculer Cov(S, D) puis ρS,D .
Exercice 5
Un couple de variables aléatoires (X, Y ) admet pour fonction de répartition simultanée
F : (x, y) 7−−−→


1 −
1
1
1
−
+
1+x 1+y 1+x+y

0
si x > 0 et y > 0
sinon.
1. Calculer la densité conjointe de X et Y , ainsi que leurs densités marginales. Ces variables sont-elles indépendantes ?
2. Déterminer la loi de la variable aléatoire X + Y .
Exercice 6
Soient α ∈] − 1, 1[ et (X, Y ) un couple de variables aléatoires admettant pour densité
conjointe la fonction f définie par
"
2
∀(x, y) ∈ R ,
K
x2 + 2αxy + y 2
f (x, y) =
exp −
2π
2
#
1. Calculer la constante K en fonction de α.
2. Montrer que les lois marginales de X et Y sont des lois normales dont on précisera les
paramètres.
3. Calculer la covariance de X et Y et étudier leur indépendance.
Exercice 7
Soit (X, Y ) un couple de variables aléatoires admettant pour densité conjointe la
fonction

 1 si 0 < y < x < 1
f : (x, y) 7−−−→ x
0 sinon.
1. Vérifier que f est bien une densité de probabilité.
2. Déterminer les lois marginales de X et Y . Ces variables sont-elles indépendantes ?
3. Déterminer une densité de X − Y . En déduire Cov(X, Y ).
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École des Mines de Douai — FIAASMathématiques
Variables aléatoires simultanées
Exercice 8
1. On dit qu’une variable aléatoire suit la loi de Laplace de paramètre λ > 0 (parfois :
loi exponentielle bilatérale de paramètre λ) si elle admet pour densité la fonction
1
f : x 7−→ λe−λ|x| .
2
1.1 Vérifier qu’il s’agit bien d’une densité de probabilité.
1.2 Déterminer la fonction de répartition d’une variable Z suivant la loi de Laplace de
paramètre 1.
1.3 Soient Z1 et Z2 deux variables aléatoires indépendantes suivant toutes les deux la
loi de Laplace de paramètre 1. Déterminer une densité de V = Z1 + Z2 .
2. Dans cette question, X et Y sont deux variables aléatoires indépendantes suivant toutes
les deux la loi exponentielle de paramètre 1 ; on pose Z = X − Y .
2.1 Déterminer la fonction de répartition puis une densité de −Y .
2.2 Déterminer une densité de Z et vérifier que Z suit la loi de Laplace de paramètre
1.
2.3 Calculer l’espérance de Z.
2.4 On pose T = |Z|. Déterminer la fonction de répartition de T et vérifier que T suit
une loi exponentielle dont on donnera le paramètre.
Exercice 9
Une entreprise compte 300 employés. Chacun d’eux téléphone en moyenne 6 minutes
par heure. Quel est le nombre de lignes que l’entreprise doit installer pour que la probabilité que toutes les lignes soient utilisées au même instant soir au plus égale à 0, 025 ? On
utilisera une approximation par une loi normale.
Exercice 10
M. Durand effectue 2 fois par jour, 5 jours par semaine et 46 semaines par an un
trajet en voiture dont la durée est une variable aléatoire réelle qui suit une loi d’espérance
45min et d’écart-type 10min. On suppose que les durées des trajets sont mutuellement
indépendantes. En utilisant le théorème de la limite centrale, déterminer la probabilité
que M. Durand passe au moins 350h dans sa voiture au cours d’une année.
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