objections, p. 570). Dans la lettre à Mersenne du 16 octobre 1639, les notions communes
sont rapportées à un « instinct […] purement intellectuel, la lumière naturelle ou intuitus
mentis ».
Si le cogito suppose une notion commune telle que pour penser il faut être, on peut
supposer qu’il en est conclu comme par syllogisme : je pense ; or pour penser, il faut être,
donc je suis.
Et s’il en est conclu, sa vérité paraît devoir dépendre de la vérité de la prémisse
dont il est conclu. De deux choses l’une : ou bien la notion commune pour penser il faut
être est frappée par le doute méthodique, mais alors le cogito ne peut plus se formuler ;
ou bien la notion commune n’a pas été frappée par le doute, mais alors c’est que le doute
n’a pas été universel.
NB. Les notions communes ne tombent pas directement sous le doute méthodique
au sens où elles n’enveloppent aucune existence. Néanmoins le doute méthodique peut les
frapper indirectement : il les frappe à travers la remise en question des choses dont elles
sont l’articulation rationnelle.
S’il n’existe aucune grandeur extensive, cela n’a plus de sens de dire que le tout est
plus grand que la partie ; si Dieu me trompe quand je vois que 2+3=5, il me trompe
également quand je vois que deux grandeurs égales à une même troisième sont égales
entre elles
Pour surmonter la difficulté, il suffit de remarquer que le cogito n’est pas un
syllogisme et que s’il enveloppe une notion commune, il ne se fonde pas sur elle4.
Dans ses Réponses aux secondes objections, Descartes écrit :
« …quand nous apercevons <advertimus> que nous sommes des choses qui
pensent, <res cogitantes> c’est une première notion qui n’est tirée <concluditur> d’aucun
syllogisme ; et lorsque quelqu’un dit : je pense, donc je suis, ou j’existe, il ne conclut
<deducit> pas son existence de sa pensée comme par la force de quelque syllogisme,
ne peut les diviser en plusieurs autres, qui seraient connues plus distinctement » […] « les choses
qui, au regard de notre entendement sont dites simples »sont « soit purement intellectuelles
[comme la connaissance, le doute, l’ignorance], soit purement matérielles [la figure, l’étendue, le
mouvement], soit enfin communes » - « Enfin, doivent être appelées communes celles qui
s’attribuent sans discrimination, tantôt aux choses corporelles, , tantôt aux esprits, comme
l’existence, l’unité, la durée et choses semblables. C’est à ce groupe aussi qu’il faut rapporter ces
notions communes qui sont comme des liens servant à relier entre elles les autres natures simples
et sur l’évidence desquelles reposent toutes les conclusions que nous atteignons par le
raisonnement. Tels sont les énoncés suivants : deux choses identiques à une même troisième sont
identiques entre elles ; et aussi : deux choses qui ne peuvent pas être rapportées de la même
manière à une même troisième , ont aussi entre elles quelque différence, etc. » ((Alquié, I, 143-144
puis p. 145-146)
Voir aussi Principes, I, 49 qui donne quelques exemples de vérités éternelles, axiomes
ou notions communes : On ne saurait faire quelque chose de rien <ex nihilo nihil fit> ; il est
impossible qu’une même chose en même temps soit et ne soit pas ; ce qui a été fait ne peut n’être
pas fait ; celui qui pense ne peut manquer d’être d’exister pendant qu’il pense ; I, 52 ; II, 18 (sur
l’impossibilité du vide) : « …le néant, comme il a déjà été remarqué plusieurs fois, ne peut avoir
d’extension ». Exposé géométrique (fin de la définition 5, Alquié, II, p. 588 : « …d’autant que la
lumière naturelle nous enseigne que le néant ne peut avoir aucun attribut réel »
4 C’est ce que montre Spinoza dans l’introduction à la première partie des Principes de
la philosophie de Descartes : « A l’égard toutefois de ce principe : je doute, je pense, donc je suis,
il importe avant tout d’observer que cette affirmation n’est pas un syllogisme dont la majeure
serait passée sous silence. Car si c’était un syllogisme, les prémisses devraient être plus claires et
mieux connues que la conclusion même : donc je suis ; et par conséquent je suis ne serait pas le
premier fondement de toute connaissance ; outre que cette conclusion ne serait pas certaine, car sa
vérité dépendrait de prémisses universelles que notre Auteur a depuis longtemps révoquées en
doute. Ainsi ce je pense donc je suis est une proposition unique équivalent à celle-ci : je suis
pensant ».