suis, moi qui suis certain que je suis ». Ainsi passer du je au moi c’est faire du sujet une
substance, c’est en tous cas engager implicitement l’hypothèse de l’identité et de la
permanence du sujet pensant à travers la diversité de ses représentations. Même si mes
pensées sont variées, « il est de soi si évident que c’est moi qui doute, qui entends et qui
désire, qu’il n’est pas ici besoin de rien ajouter pour l’expliquer ». Pour Descartes, cette
certitude est première à une possible connaissance du monde. La substance pensante est d’une
autre nature que celle de la substance étendue, celle du corps. De fait la conscience par ce
passage est considérée comme une entité, une essence qui serait limpide à elle-même et
connaissable. Descartes établit une séparation entre l’âme et le corps. Les sens et
l’imagination peuvent nous tromper et on n’est alors pas certain que le monde existe tel que
nous le percevons. Peut être qu’il n’est qu’une illusion, un mirage ; La substance pensante au
contraire, la conscience donc, est au contraire une évidence (qui crève les yeux) puisqu’elle a
survécu au doute radical. Je doute de tout sauf du fait que je doute et cela me prouve par là
même mon existence. Mais si pour Descartes ce passage semble certain nous pouvons nous
demander si l’existence d’une conscience en donne pour autant une connaissance. En somme
la conscience est elle une entité claire et distincte à laquelle nous aurions un accès évident et
clairvoyant ou n’est elle qu’une fonction ?
- Le « je » est une fonction :
On s’égare à tenter de se représenter métaphoriquement la conscience. William James la
décrivait comme « un petit ruisseau qui creuse un lit à travers une large prairie émaillée de
fleurs » Ou Bergson comme « un pont jeté entre l’avenir et le passé » mais hormis ces images
poétiques il semble impossible de donner une définition ou de déterminer l’essence de la
conscience. Bien sûr comme le souligne Bergson la conscience est une « chose concrète » et
« constamment présente à l’expérience de chacun de nous » mais dont il n’est pourtant pas
possible de donner une définition objective. Car cette « chose » n’est pas un objet. Avec la
conscience nous avons plutôt affaire avec « le facteur subjectif ». Plutôt que de substantialiser
la conscience en un objet nous devons nous interroger sur la notion de sujet.
A l’encontre de Descartes qui pose l’identité du moi comme réelle et fait de la conscience une
chose, Kant montrera que cette identité n’est elle-même que le résultat d’une activité.
Autrement dit que le « je » est une fonction nécessaire de la pensée mais ne me livre pas pour
autant la connaissance de moi-même comme substance. L’identité suppose en effet un
pouvoir préalable d’identification. Or, comme le soulignait déjà Hume la conscience n’est
pas saisie comme une chose en elle même mais seulement comme l’ensemble de mes
perceptions, de mes représentations. Je n’ai accès en réalité qu’à des flux de conscience, à ce
qui se manifeste de l’extérieur vers elle et en aucune façon à la conscience elle-même. A l
inverse de ce qu’avançait Descartes c’est bien par l’effet que produisent sur moi les choses
extérieures que j ai conscience de moi. Aussi loin d’être une identité elle n’est pour cet
empiriste que la somme des sensations se révèlent à ma conscience. Il est ici important de
remarquer que deux conceptions s’opposent. L’une idéaliste, considère que la conscience est
une entité antérieure à la sensation, que l’esprit prime sur le corps et que l’idée est première.
L’autre, l’empirisme souligne à l’inverse que c’est de la sensation que naît l’idée et que la
conscience ne serait que le résultat de ces expériences. Pourtant si on accepte le postulat
humien, cela revient à penser que la conscience ne se constituerait que de différences et
n’aurait aucune consistance d’identité. C’est ce que lui reproche le docteur Sacks. Il compare
l’homme humien à l’un de ses patients jimmy. Ce dernier en effet n’aurait aucune
reconnaissance de ses sensations et toute perception serait toujours nouvelle, singulière. Cet
être apparaît pourtant comme pathologique puisqu’il ne pourrait avoir aucune continuité dans