Variables aléatoires à valeurs dans un espace métrisable Fichier

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Chapitre XIX
Variables aléatoires à valeurs dans un espace
métrisable
A
Mesurabilité et approximation
Notation 1
Si E est un espace topologique, BE désigne la tribu borélienne de E. Toutes les mesures
sont positives.
Proposition 2
Soit (Xn )n≥1 une suite de variables aléatoires définies sur (Ω, F, P ) et à valeurs dans
un espace topologique métrisable E, et soit X une application de Ω dans E. Si la suite
(Xn ) converge simplement vers X, alors X est mesurable.
Preuve
Soit d une distance définissant la topologie de E. Pour tout fermé F de E l’application E 3 x → d(x, F ) est continue, donc mesurable. La suite Yn = d(Xn , F ) converge vers
d(X, F ) qui est par conséquent mesurable. Il en résulte que {X ∈ F } = {d(X, F ) = 0} est
un élément de F. Comme les fermés engendrent la tribu borélienne, on en conclut que X
est mesurable.
Proposition 3
Soit s0 un élément d’un espace topologique métrisable et séparable E, et soit d une
distance définissant la topologie de E. Il existe une suite (ϕn )h≥0 de fonctions boréliennes
étagées (i.e. mesurables et ne prenant qu’un nombre fini de valeurs) telles que
∀s ∈ E
∀n ∈ N d[ϕn (s), s] ≤ d(s, s0 ) et
lim d[ϕn (s), s] = 0.
n→∞
Preuve
Soit (yn )n≥0 une suite dense pour laquelle y0 = s0 et telle que l’application n → yn
soit injective ; posons pour tout s ∈ E et n ∈ N
βn (s) = inf{k ∈ N : d(s, yk ) = inf{d(s, yi ) : i ∈ [0..n]}} ∈ [0..n].
Posons ϕn (s) = yβn (s) ∈ {y0 , ..., yn }. Les applications ϕn sont mesurables. En effet par
continuité des applications τa,b (s) = d(s, a) − d(s, b), pour 0 ≤ k ≤ n les ensembles
\
\
{ϕn = yk } = [
{τyi ,yk > 0}] ∩
{τyi ,yk ≥ 0}]
0≤i<k
k≤i≤n
1
sont mesurables. De plus d[ϕn (s), s] = inf{d(s, yi ) : i ∈ [0..n]} tend vers 0 quand n tend
vers l’infini.
Corollaire 4
Toute variable aléatoire X définie sur (Ω, F, P ) et valeurs dans un espace topologique
métrisable et séparable E est limite d’une suite de variables aléatoires étagées.
Preuve
Si (ϕn ) désigne la suite d’applications définies dans la proposition précédente, la
suite (ϕn (X)) converge ponctuellement vers X.
Corollaire 5
Soit X et Y des variables aléatoires définies sur un espace probabilisé (Ω, F, P ) et
à valeurs dans un espace topologique métrisable et séparable E. Pour toute distance d
définissant la topologie de E l’application d(X, Y ) est mesurable.
Preuve
Pk(n) n
n
Si Xn =
i=1 xi 1Ai est une suite de variables aléatoires étagées convergeant
ponctuellement vers X, l’application d(X, Y ) est mesurable puisque limite de la suite
Pk(n)
n
n
i=1 1Ai d(xi , Y ).
Autre preuve
La séparabilité de E entraîne l’égalité B(E × E) = B(E) × B(E). L’application
(X, Y ) est par conséquent F/B(E × E)- mesurable. La distance d étant mesurable car
continue, l’application d(X, Y ) = d ◦ (X, Y ) est mesurable.
Proposition 6
Soit E un espace topologique métrisable et séparable, et soit d une distance définissant
la topologie de E. Toute variable aléatoire X définie sur (Ω, F, P ) et valeurs dans E est
limite uniforme, par rapport la distance d, d’une suite de variables aléatoires définies sur
(Ω, F, P ), prenant un nombre fini ou dénombrable de valeurs et mesurables par rapport à
la tribu engendrée par X.
Preuve
Pour tout élément y de E et tout réel ε > 0, on désignera par B(y, ε) la boule
ouverte de rayon ε et de centre y pour la distance D, i.e. l’ensemble {x ∈ E : d(x, y) < ε}.
Soit (xn )n≥1 une suite dense. Pour tout entier k ≥ 1 on définit une suite (Cn )n≥1 de
boréliens (on omet d’indiquer la dépendance à k) par C1 = B(x1 , k1 ), puis pour tout n ≥ 2
Cn = B(xn , k1 )\ ∪p<n B(xp , k1 ).
La suite (Cn )n≥1 forme une partition mesurable de E. En conséquence l’application ϕk
de E dans E, qui sur Cn prend la valeur xn , est mesurable. Posons Xk = ϕk ◦ X, qui est
une variable aléatoire mesurable pour σ(X)
Soit ω ∈ Ω, et soit n ≥ 1 l’unique entier tel que X(ω) ∈ Cn . On a à la fois X(ω) ∈ B(xn , k1 )
2
et Xk (ω) = ϕk ◦ X(ω) = xn ; d’où d[X(ω), Xk (ω)] < k1 , ce qui montre que la suite (Xn )n≥1
converge uniformément vers X.
Lemme 7
Soit (Xn )n≥1 une suite de variables aléatoires définies sur un espace probabilisé (Ω, F, P )
et à valeurs dans un espace topologique métrisable E. On suppose q’il existe une distance d
compatible avec la topologie de E et telle que l’espace métrique (E, d) soit complet. Alors
l’ensemble des éléments de Ω en lesquels la suite (Xn )n≥1 converge est mesurable.
Preuve
Il suffit d’observer que si ω ∈ Ω la suite (Xn (ω))n≥1 converge si et seulement cette
suite est une suite de Cauchy, ce qui se traduit par
∀k ≥ 1 ∃n ≥ 1 ∀p, q ≥ n
1
d(Xp (ω), Xq (ω)) ≤ .
k
Il en résulte que l’ensemble des éléments de Ω en lesquels la suite (Xn )n≥1 converge est
l’ensemble
\[ \
1
{d(Xp , Xq ) ≤ }
k
n≥1p,q≥n
k≥1
qui est mesurable.
Théorème 8
Soit X (resp.Y ) une variable aléatoire définies sur (Ω, F, P ) et à valeurs dans un
espace topologique métrisable E (resp. un espace mesurable (G, G)). On suppose q’il existe
une distance d compatible avec la topologie de E et telle que l’espace métrique (E, d) soit
polonais (i.e. séparable et complet). Si X est mesurable pour la tribu σ(Y ) engendrée par
Y , il existe une application mesurable ϕ de G dans E telle que X = ϕ ◦ Y .
Preuve
On suppose dans un premier temps que l’image de X est finie ou dénombrable.
On se place dans le cas où cette image est dénombrable, et on note (an )n≥1 la suite des
images de X (on suppose l’application n → an de N∗ dans im(X) bijective). On pose
An = {X = an }. La suite (An )n≥1 est une partition mesurable de Ω. Puisque la tribu σ(Y )
est l’ensemble {Y −1 (B) : B ∈ G}, l’hypothèse entraîne que pour tout entier n ≥ 1 il existe
un élément Bn ∈ G tel que An = {X = an } = Y −1 (Bn ) = {Y ∈ Bn }.
Définissons une suite (CnS
)n≥1 d’éléments deux à deux disjoints de G par C1 = B1 , puis
pour tout n ≥ 2 Cn = Bn \ p<n Bp . Pour n ≥ 1
[
−1
−1
Y (Cn ) = Y (Bn )\
Y −1 (Bp ) = An \ ∪p<n Ap = An ,
p<n
puisque les événements Ai sont deux à deux disjoints.
Soit ϕ l’application mesurable de G dans E définie par :
3
i) si y ∈ Cn ϕ(y) = an
ii) si y ∈ E\ ∪n≥1 Cn ϕ(y) = a1 .
Soit ω ∈ Ω ; puisque la suite ({X = an })n≥1 est une partition de Ω, il existe un entier
n ≥ 1 pour lequel ω ∈ {X = an } = Y −1 (Cn ), de sorte que Y (ω) ∈ Cn , si bien que
ϕ[Y (ω)] = an = X(ω), ce qui montre que X = ϕ ◦ Y .
Dans le cas général, la proposition ?? assure que la variable X est limite d’une suite
(Xn )n≥1 de variables aléatoires définies sur Ω et à valeurs dans E, mesurables par rapport
à σ(X) et d’image finie ou dénombrable. Comme par hypothèse σ(X) ⊂ σ(Y ), les variables
Xn sont mesurables par rapport à la tribu σ(Y ), si bien qu’on peut leur appliquer le cas
particulier traité ci-dessus : il existe pour tout n ≥ 1 une application mesurable ϕn de G
dans E telle que Xn = ϕn ◦ Y . L’ensemble de convergence C de la suite (ϕn )n≥1 est un
élément de G qui contient im(Y ), puisque pour tout ω ∈ Ω lim ϕn [Y (ω)] = lim Xn (ω) =
n→∞
n→∞
X(ω).
Soit a un point quelconque de E. L’application ϕ de G dans E définie par :
i) si y ∈ C ϕ(y) = lim ϕn (y)
ii) si y ∈
/ C ϕ(y) = a,
n→∞
est mesurable puisque C ∈ G et que les applications ϕn sont mesurables. Enfin pour tout
ω∈Ω
ϕ ◦ Y (ω) = lim ϕn (Y (ω)) = lim Xn (ω) = X(ω).
n→∞
B
n→∞
Ensemble tendu de mesures finies
Proposition 9
Si (E, d) est un espace métrique et µ une mesure finie sur (E, BE ), pour tout élément
A de BE
µ(A) = sup{µ(F ) : F fermé inclus dans A}
= inf{µ(O) : O ouvert contenant A}
(1)
(2)
Preuve
Soit
A = {B ∈ BE : µ(B) = sup(µ(F ) : F fermé inclus dans B) et µ(B c ) = sup(µ(F ) : F fermé inclus d
Montrons d’abord que A est une tribu. L’ensemble A est par définition stable par passage
au complémentaire, et contient E.
S
Soit (Bn )n≥1 une suite de A, et B = n≥1 Bn . Soit ε > 0 ; il existe deux suites de fermés
(Fn )n≥1 et (Gn )n≥1 telles que pour tout n ≥ 1
Fn ⊂ Bn et µ(Bn ) − µ(Fn ) = µ(Bn − Fn ) ≤ ε2−n
et
Gn ⊂ Bnc et µ(Bnc ) − µ(Gn ) = µ(Bnc − Gn ) ≤ ε2−n .
4
S
La suite (B − ni=1 Bi )n≥1 S
est décroissante, de limite l’ensemble vide. Il existe donc un
indice k pour lequel µ(B − ki=1 Bi ) ≤ ε. Les ensembles
F =
k
[
Fi et G =
\
Gn .
n≥1
i=1
sont des fermés vérifiant F ⊂ B et G ⊂ B c . Des inclusions
B − F ⊂ (B −
k
[
Bi ) ∪ (
i=1
k
[
Bi − Fi )
i=1
et
c
B −G⊂
[
(Bnc − Gn )
n≥1
on déduit les inégalités
µ(B − F ) ≤ ε +
k
X
ε2−i ≤ 2ε
i=1
et
µ(B c − G) ≤
X
ε2−n = ε
n≥1
ce qui montre que B est un élément de A et achève de prouver que A est une tribu.
Montrons que A contient l’ensemble des fermés. Pour tout fermé F l’application ϕ(x) =
d(x, F ) est continue, et F = {ϕ = 0}. Les ensembles fermés Fn = {ϕ ≥ 1/n} ont pour
union {ϕ > 0} = F c ; en conséquence µ(Fn ) tend vers µ(F c ), ce qui prouve que F appartient
à A.
Puisque A contient l’ensemble des fermés, il contient la tribu engendrée par les fermés, i.e.
BE ; d’où A = BE .
L’approximation extérieure par des ouverts s’obtient par passage au complémentaire.
En effet pour tout A ∈ BE
µ(Ac ) = sup{µ(F ) : F fermé inclus dans Ac }
qui équivaut à
µ(A) = µ(E) − sup{µ(F ) : F fermé inclus dans Ac }
= inf{ µ(E) − µ(F ) : F fermé inclus dans Ac }
= inf{ µ(F c ) : F fermé tel que A ⊂ F c }
= inf{ µ(O) : O ouvert tel que A ⊂ O}.
Définition 10
Soit E un espace topologique métrisable.
5
a) Une mesure finie µ sur E est tendue si pour tout réel ε > 0 il existe un compact K
tel que µ(K c ) ≤ ε.
b) Un ensemble M de mesures finies sur E est tendu si pour tout réel ε > 0 il existe un
compact K tel que pour tout élément µ de M µ(K c ) ≤ ε.
Lemme 11
Si (Mi )1≤i≤n est une suite d’ensembles tendus de mesures finies sur E, l’union de ces
ensembles est tendu. En particulier tout ensemble fini de mesures finies tendues est tendu.
Preuve
Soit ε > 0. Pour tout i ∈ J1, nK, il existe
Sn un compact Ki tel que pour tout µ ∈
SnMi on
c
ait µi (Ki ) ≤ ε. L’ensemble compact K = i=i Ki est tel que pour tout tout µ ∈ i=1 Mi
on ait µ(K c ) ≤ ε.
Lemme 12
Soient E et F des espaces métrisables, et ϕ une application continue de E dans F . Si
M est un ensemble tendu de mesures finies sur E, alors l’ensemble ϕ(M ) = {µϕ : µ ∈ M }
est tendu.
Preuve
Soit ε > 0 et soit K un compact de E tel que pour tout élément µ de M µ(K c ) ≤ ε.
Soit C = ϕ(K) qui est un compact de F tel que K ⊂ ϕ−1 (C), ou de façon équivalente tel
que ϕ−1 (C c ) ⊂ K c . Pour tout µ ∈ M
µϕ (C c ) = µ[ϕ−1 (C c )] ≤ µ(K c ) ≤ ε.
Proposition 13
Q
Soient En des espaces métrisables et soit E = n≥1 En leur produit ; pour tout n on
désigne par πn la projection canonique de E sur En . Un ensemble M de mesures finies sur
E est tendu si et seulement si pour tout n l’ensemble πn (M ) des images par πn des éléments
de M est tendu.
Preuve
Soit ε > 0, et pour tout n un compact Kn de En tel que pour tout µ dans M
c
µπn (Kn ) ≤ ε2−n . Posons
Y
\
K=
Kn =
πn−1 (Kn ),
n≥1
n≥1
qui est un compact de E. Pour tout µ ∈ M
[
X
X
X
µ(K c ) = µ( πn−1 (Knc )) ≤
µ(πn−1 (Knc )) =
µπn (Knc ) ≤
ε2−n = ε.
n≥1
n≥1
n≥1
6
n≥1
Proposition 14
Soit E un espace topologique métrisable E pour lequel il existe une distance d compatible avec la topologie de E et telle que l’espace métrique (E, d) soit polonais. Tout
ensemble fini de de mesures finies sur E est tendu.
Preuve
Soit µ une mesure finie sur E et soit ε > 0. Pour tout y ∈ E et α > 0 on désignera
par B(y, α) la boule fermée de centre y et de rayon α.
S
Si (xn )n≥1 est une suite dense, pour tout élément p de N∗ n≥1 B(xn , p1 ) = E. En
Sn
1
p
p
conséquence
la
suite
croissante
de
fermés
(A
)
définie
par
A
=
n≥1
n
n
k=1 B(xk , p ) est de
S
limite n≥1 Apn égale à E. On a donc lim µ(Apn ) = µ(E), de sorte qu’il existe un indice
n→∞
n(p) pour lequel µ(Apn(p) ) ≥ µ(E) − ε2−p , ou de façon équivalente µ[(Apn(p) )c ] ≤ ε2−p .
T
L’ensemble K = p≥1 Apn(p) est fermé, ce qui entraîne que l’espace métrique (K, d) est
complet. De plus
[ p
X
X
p
c
c
µ[ (An(p) ) ] ≤
µ[An(p) ) ] ≤
ε2−p = ε,
p≥1
p≥1
p≥1
ce qui montre que µ(K c ) ≤ ε.
Enfin pour tout p ≥ 1 les ensemble K ∩B(xk , p1 ), 1 ≤ k ≤ n(p), forment un recouvrement
fini de K par des ensembles de diamètre inférieurs à p2 , ce qui signifie que l’espace métrique
complet (K, d) est totalement borné (synonyme : précompact), donc compact, et la mesure
µ est donc tendue. On conclut par un appel au lemme ??
Corollaire 15
Si (E, d) est un espace métrique polonais et µ une mesure finie sur (E, BE ), pour tout
élément A de BE
µ(A) = sup{µ(F ) : K compact inclus dans A}
Preuve
Soit ε > 0. La proposition ?? montre q’il existe un fermé F inclus dans A tel que
µ(F ) ≥ µ(A) − ε/2.
La proposition précédente s’applique à la restriction de µ à l’espace polonais (F, d), et
implique l’existence d’un compact K inclus dans F tel que µ(K) ≥ µ(F ) − ε/2. L’ensemble
K est un compact inclus dans A qui vérifie
µ(K) ≥ µ(F ) − ε/2 ≥ µ(A) − ε.
7
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