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Il y a dix ans, « traçabilité » ne faisait même pas partie du
vocabulaire des agriculteurs. Aujourd’hui, ce terme, ainsi
que des sigles énigmatiques comme HACCP et ISO, fait
partie intégrante du système de gestion des producteurs
en matière de salubrité des aliments. Des étiquettes
d’identification par radiofréquence fixées à l’oreille des
veaux dès leur naissance aux codes à barres imprimés sur les
boîtes de laitue, la traçabilité commence à s’intégrer dans
la chaîne agroalimentaire.
En termes simples, la traçabilité consiste à vérifier
l’historique, l’emplacement ou l’utilisation d’un produit
alimentaire au moyen d’un système de documentation. Il
existe depuis longtemps une forme de trace documentaire
pour les produits agricoles, mais l’émergence de
l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et de la
grippe aviaire au cours des vingt dernières années a fait
ressortir la nécessité d’apporter une réponse urgente à la
question de l’étendue et du degré de perfectionnement des
systèmes de traçabilité.
Les pays avaient besoin d’un moyen de réagir rapidement
aux crises de salubrité des aliments, de localiser un produit
alimentaire et d’identifier sa source, qu’il se trouve
dans les chaînes de production, de transformation, de
distribution et de consommation. Pour se convaincre de la
gravité des enjeux, il suffit d’observer l’impact prolongé de
la crise de l’ESB sur les consommateurs britanniques et sur
les secteurs du lait et du bœuf.
Au Canada, c’est le Québec qui a pris l’initiative de mettre
en place un processus concerté de traçabilité en créant
Agri-TraçabiliQuébec (ATQ). À l’occasion d’un sommet
sur la politique agroalimentaire provinciale tenu en 1999
et dirigé par Lucien Bouchard, qui était alors premier
ministre de la province, la question suivante a été posée :
Si le Québec était frappé par une crise comme celle de
l’ESB, le secteur agricole serait-il en mesure de relever le
défi adéquatement? La réponse était : pas vraiment.
Par conséquent, ATQ a été fondée en 2001 et chargée de
concevoir et de mettre en œuvre un système obligatoire
ARTICLE VEDETTE
Le Québec vise
la traçabilité de la ferme à la table
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de traçabilité de plusieurs espèces dans les secteurs dutail
et de la culture. Ce programme, financé et réglementé par
le gouvernement du Québec, est géré par un conseil
d’administration indépendant compo de nombreux
intervenants. On l’aura deviné, le mot « obligatoire » n’a
pas toujours eu bonne presse auprès des agriculteurs.
Toutefois, « si nous voulons gérer une crise de salubri
des aliments, il faut que chacun y mette du sien, de
l’agriculteur au consommateur », affirme Linda Marchand,
directrice générale d’ATQ. Il suffit qu’un petit nombre
d’agriculteurs ou de distributeurs n’adhèrent pas au
système pour compromettre nos chances de retracer la
source d’une épidémie comme celle de la grippe aviaire ou
d’une contamination alimentaire comme la listériose.
ATQ, qui célèbre son dixième anniversaire d’existence, a
procédé, dans l’ensemble de la chaîne de production
d’aliments, à la mise en œuvre graduelle de systèmes de
traçabilité dans les secteurs des bovins (lait et boucherie),
des moutons et des cervidés; le secteur du porc, quant à
lui, est sur le point de se joindre au processus. Des projets
pilotes sont en cours pour les légumes, les œufs, la volaille,
le homard et les viandes découpées, ce qui couvrira les
segments de l’abattage et de la distribution de la chaîne de
production de la viande. Le but ultime consiste à mettre en
place un système de traçabilité de la ferme à la table.
Mme Marchand souligne que la fonction première d’un
système de traçabilin’est pas d’empêcher une crise de
survenir, mais de fournir les moyens d’y réagir rapidement
afin de contenir et de régler le problème. « Pour atténuer
les conséquences d’une crise de salubrité des aliments, nous
devons être en mesure de circonscrire et d’isoler
promptement le problème. Les agriculteurs ne peuvent pas
se permettre d’absorber les coûts de l’abattage massif de
troupeaux ni de perdre l’accès à des marchés. »
Les systèmes de traçabilité ne sont pas seulement réactifs,
mais peuvent également permettre de saisir des occasions.
Le Québec a été la source des premiers produits de bœuf
canadien exportés au Japon après la levée, grâce à
l’intervention de l’ATQ, des mesures de restriction des
échanges imposées lorsqu’un cas d’ESB a été découvert
au Canada en 2003.
« Nous avions des preuves vérifiables de la date de
naissance de nos animaux », explique Josée Chalifoux, qui
exploite un parc d’engraissement de 1 100 animaux
à Saint-Charles-sur-Richelieu, au sud de Montréal.
« Sans cela, nous n’aurions pas pu exporter nos produits
au Japon. »
La crédibilité du processus de traçabilité a permis à
Mme Chalifoux d’obtenir un prix élevé pour ses produits
vendus à Zensho, important fournisseur de produits du
bœuf haut de gamme au Japon. Zensho a été en mesure de
rassurer sa clientèleles consommateurssur la salubrité
des aliments.
ATQ trouve également des occasions d’affaires au-de
des frontières du Québec et a fondé Agri-Traçabili
Internationale (ATI) pour commercialiser et offrir son
expertise en matière de traçabilité à l’étranger. ATI
collaborera bientôt avec le Conseil canadien du porc pour
mettre en œuvre un système national de traçabilité
du porc, et des discussions se poursuivent avec les
Producteurs laitiers du Canada et des ministères dans
les Maritimes et au Chili.
Pour en savoir davantage sur la traçabilité au Québec,
visitez le site www.atq.qc.ca.
PA R HUGH MAYNARD
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