Quelques éléments de correction de ce sujet, mais j`ai peut

Quelques éléments de correction de ce sujet, mais j'ai peut-être un peu
modifié les docs :
De crise des subprime en crise européenne, l’évolution récente de
l’activité économique n’a rien d’un long fleuve tranquille. Malgré les
progrès affirmés de la science économique, la croissance subit en
permanence des fluctuations plus ou moins amples, par quoi on désigne
toute déviation par rapport à la tendance de long terme de la croissance
économique, voire l’inflexion de cette tendance.
Il est important de distinguer les perturbations endogènes au système
économique des chocs exogènes, comme les guerres ou les catastrophes
naturelles. Les chocs exogènes entraînent des perturbations qui cessent
lorsque leur cause a disparu. Une fois rétablis les transports ou la
production d’énergie, l’économie revient sur son sentier de croissance.
Les décisions politiques peuvent avoir des effets plus durables, en
modifiant les conditions de l’activité économique.
Ces explications sont évidentes. Il n’en est pas de même des
fluctuations qui prennent leur source à l’intérieur de la sphère de
l’économie, sur lesquelles nous concentrerons notre attention. La crise
de 2008 a été une surprise d’autant plus grande qu’elle est née dans le
secteur de la finance. Or, ces dernières années, de nombreux auteurs ont
affirmé que les marchés financiers étaient « efficients », donc que leur
bon fonctionnement interdisait l'apparition de déséquilibres majeurs.
Mais il est vrai que, pour avoir beaucoup travaillé, de manière
statique, sur la notion d’équilibre économique, les économistes
éprouvent des difficultés à penser les fluctuations endogènes. C’est
donc surtout en se tournant vers des auteurs reconnus mais situés à
l’écart du courant dominant, tels que Keynes ou Schumpeter, qu’il est
possible, en accord avec l’histoire économique, de comprendre
l’instabilité fondamentale des économies de marché.
Il est possible de dégager trois causes de fluctuations essentielles :
l’irrégularité du progrès technique est placée à l’origine des cycles
longs par Joseph Schumpeter et ses successeurs, alors que les variations
de la demande anticipée sont la source du cycle des affaires, comme l’a
montré John Maynard Keynes. Enfin, les chocs exogènes, au premier rang
desquels figure l’instabilité fondamentale de la finance, conduisent
souvent aux crises majeures.
Nous verrons donc que les fluctuations de l’activité s’expliquent
principalement par l’irrégularité du progrès technique (I), par
l’instabilité de la demande (II) et par des chocs exogènes (III).
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L’irrégularité du progrès technique est une cause majeure de
fluctuations de l’activité. L’innovation suit en effet des cycles (A),
qui conditionnent le rythme de la croissance (B).
A la suite de Marx, Schumpeter envisage le progrès technique comme une
force de transformation économique fondamentale, de nature endogène :
même s’il envisage l’ouverture de nouveaux marchés ou la découverte de
gisements de matières premières comme des innovations, il considère que
celle-ci résulte d’abord de l’effort de recherche des entreprises.
Or, cet effort suit un cycle : une innovation fondamentale ou générique
fait d’abord la fortune de l’innovateur, qui bénéficie d’un monopole
temporaire. Sn succès entraîne des imitations et l’apparition d’une
concurrence, tandis que l’innovation est déclinée dans divers secteurs
et prolongée par des perfectionnements. Tant que les gains de
productivité et les bénéfices de l’innovation sont au rendez-vous, les
entreprises s’en tiennent aux techniques existantes. Puis ils s’épuisent
et la recherche se tourne vers des alternatives, jusqu’à ce qu’une
nouvelle révolution industrielle intervienne.
Ce caractère irrégulier est accentué par le fait que les innovations
apparaissent en grappes, selon l’expression de Joseph Schumpeter : elles
ne produisent de résultats qu’une fois réalisée la cohérence de ce que
l’historien Bertrand Gille nomme un système technique. En effet, une
chaîne n’étant jamais plus forte que son maillon le plus faible, il faut
que tous les maillons de la chaîne de production dégagent des
performances comparables pour que l’ensemble voie son efficacité
progresser sans goulets d’étranglement.
Le document 1 illustre ce caractère irrégulier du progrès technique,
avec des pics d’innovation au cours des décennies 1760, 1840, 1900 et 1940.
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Selon Joseph Schumpeter, ce caractère irrégulier du progrès technique
est l’explication des cycles longs mis en évidence par N.Kondratiev dans
les années 1920. Les historiens économistes s’accordent sur des hauts de
cycle vers 1815, 1873 et 1920 et des bas de cycle vers 1848, 1896 et
1940. Cette datation est cohérente avec le rythme des innovations,
puisque les pics d’innovation interviennent en bas du cycle, lorsque
l’épuisement des gains de productivité contraint à relancer une nouvelle
vague d’innovation.
Celle-ci ne fait pas immédiatement sentir ses effets. Dans un premier
temps, il faut que la cohérence du nouveau système technique se fasse.
Par exemple, il s’est produit plusieurs décennies entre l’invention
d’Internet et le moment où cette technique a révolutionné la production
et la consommation. D’autre part, la mise en place de la nouvelle
technique s’accompagne d’un mouvement de destruction créatrice des
activités anciennes concurrencées par les nouvelles. Un temps
d’adaptation est donc nécessaire, pendant lequel les effets négatifs des
nouvelles techniques sur la croissance dépassent les effets positifs.
Dans un second temps, l’innovation dynamise la consommation et
l’investissement et entraîne des gains de productivité, par amélioration
de l’efficacité ou augmentation de la qualité perçue des produits. Elle
est donc à l’origine d’une accélération de la croissance. Les exercices
de comptabilité de la croissance confirment le rôle de la productivité
totale (ou globale) des facteurs, qui expliquent en générale autour de
la moitié de la croissance.
L’irrégularité du progrès technique est donc un facteur important
d’instabilité, plutôt sur le long terme.
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L’instabilité de la demande est également une source de fluctuations
majeure. Elle s’explique par l’incertitude de l’avenir (A) et est
renforcée par le cycle du crédit (B).
Les théories de l’équilibre général essayent de montrer à quelles
conditions les mécanismes du marché peuvent maintenir l’économie en
équilibre. L’une de ces conditions est l’existence d’un système complet
de marchés à terme, permettant de supprimer l’incertitude de l’avenir.
Un tel système n’existe évidemment pas. Les modèles économiques ont
tendance à remplacer une variable affectée par l’incertitude par sa
probabilité d’occurrence. Keynes, à la suite de Knight, refuse cette
idée. Pour lui, l’incertitude qui affecte, par exemple, la valeur du
taux d’intérêt dans dix ans, est radicale. Tout simplement, on ne sait pas.
Du fait de cette incertitude, les décisions des agents, en particulier
concernant l’investissement, sont largement psychologiques, fondées sur
le climat des affaires et auto-réalisatrices : le pessimisme quant aux
perspectives de ventes mène à réduire l’investissement, donc la demande
dont il est un élément important, donc la production et les revenus.
Lorsque les anticipations sont pessimistes, un écart se creuse donc
entre la production potentielle, c’est-à-dire celle que permettent les
facteurs de production disponibles sans provoquer d’inflation, et la
production effective, égale à la demande.
Le document 3 illustre cette analyse : la crise financière de 2008
s’accompagne d’une certaine panique. L’inquiétude qu’elle fait naître se
traduit par une diminution, assez rare, des dépenses des ménages et,
surtout, par un effondrement de l’investissement des entreprises, qui
explique la chute violente du PIB en 2009.
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Le cycle des affaires lié à la demande est amplifié par le cycle du
crédit. Dans les périodes de croissance, les incidents de crédit sont
rares, les banques se refinancent aisément sur les marchés monétaire et
obligataire, si bien que les conditions d’octroi des crédits sont
souples : crédit accordé par un simple coup de fil, sans passer par le
comité de crédit, faibles demandes de garanties, etc… Inversement,
lorsque la croissance ralentit, les banques craignent à la fois les
défauts de paiement de leurs clients et les difficultés de refinancement
qu’elles pourraient rencontrer. Elles durcissent donc les conditions de
crédit. Notons que le climat des affaires et l’incertitude, là encore,
jouent un rôle important, cette fois dans les décisions des banques.
Le document 2 illustre ce mécanisme : en 2004-2005, l’assouplissement
des conditions de crédit accompagne une période de croissance
relativement soutenue (0,5% à 0,7% par trimestre, donc entre 2% et 3%
par an). Inversement, lorsque la croissance commence à faiblir, à la fin
de l’année 2006, les conditions d’octroi des crédits bancaires se
durcissent fortement. Malgré le considérable assouplissement de la
politique monétaire de la BCE sitôt la crise de 2008 déclenchée, le
durcissement se poursuit pendant toute la période.
La conséquence de ce mécanisme est évidente : les entreprises dont la
trésorerie devient tendue du fait de l’affaiblissement des ventes ne
trouvent pas les relais de crédit qui leur permettraient de payer les
salaires et les consommations intermédiaires en attendant que leurs
commandes produisent des rentrées financières et sont contraintes, même
lorsque la demande existe, de renoncer à produire. D’autres, touchées
par une crise de liquidité, sont en cessation de paiement. La récession
en est aggravée. Inversement, en période de croissance, le crédit facile
mène aisément à la surchauffe de l’économie.
Il n’est donc pas étonnant de constater de fortes fluctuations autour de
la tendance de long terme de l’activité.
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Les fluctuations les plus fortes et les plus dangereuses trouvent
toutefois leur origine dans la finance. Les dernières décennies sont en
effet marquées par une série ininterrompue de bulles spéculatives (A),
dont l’inévitable éclatement entraîne de graves crises (B).
Les marchés financiers sont des "marchés de promesses": nul ne sait ce
que sera demain le "bon niveau" d'un taux d'intérêt, d'un taux de change
ou du cours d'une action. Cette incertitude engendre une grande
variabilité des paris effectués par les intervenants des marchés
financiers qui préfèrent généralement suivre la tendance générale et
avoir tort avec les autres plutôt que raison tout seul. Ces
anticipations font quelquefois l'objet de réajustements brutaux.
D’autre part, les déséquilibres apparus sur un marché se propagent aux
autres. Si, par exemple, les ménages peuvent emprunter aisément pour
acheter leur maison ou des actions, ils contribuent à faire monter le
prix de l'immobilier ou de la Bourse, une hausse dont ils peuvent se
targuer auprès de leur banquier pour emprunter plus et de nouveau
investir, etc. Les différents marchés se trouvent ainsi liés. Ce
processus de contagion prend désormais une dimension internationale.
Enfin, ces emballements spéculatifs sont aggravés par le comportement
mimétique des acteurs financiers, la perte de mémoire des précédents
épisodes de crise, ou encore une excessive confiance en ses propres
choix par rapport à ceux des autres acteurs du marché, sans oublier
l'aveuglement face au désastre à venir qui marque les périodes
spéculatives qui précèdent les crises.
Une bulle accélère artificiellement la croissance par un « effet de
richesse » : la hausse de la valorisation du patrimoine rend l’épargne
inutile, ce qui libère du pouvoir d’achat pour la consommation. Dans les
pays où l’immobilier sert de collatéral pour garantir les emprunts, la
hausse de l’immobilier accroît également la capacité d’emprunt, ce qui
renforce la demande.
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Les bulles ne peuvent qu’éclater, puisque les prix sont de plus en plus
élevés, si bien qu’il finit par y avoir pénurie d’acheteurs. Les
mécanismes qui avaient entraîné la hausse se retournent alors
brutalement et les spéculateurs cherchent à sortir du marché le plus
vite possible, entraînant des effets de panique.
Plus les cours sont montés haut et plus l’atterrissage est brutal. Les
effets de la crise sur l'économie peuvent être gravissimes, comme l’a
montré la crise de 2008 après celle de 1929. La diminution de la valeur
des actions ou des logements réduit la valeur des patrimoines, ce qui
incite les ménages à épargner pour reconstituer leur fortune. La
consommation baisse fortement, et la croissance avec. Ainsi, le prix des
logements a porté artificiellement la croissance en Espagne, doublant
entre 2007 et 2007, avant de chuter de plus de 30% en six ans (document
2). La chute est encore plus vertigineuse en Irlande, où les prix ont
été divisés par deux.
Ensuite, l'explosion de la bulle s'accompagne de besoins de liquidités
importants, notamment du côté des spéculateurs qui s'étaient endettés
pour acheter des actifs et qui ne peuvent plus compter sur des
plus-values pour rembourser leurs dettes. Le risque est alors
l'enchaînement de la debt-deflation (la déflation par la dette),
analysée par Irving Fisher : les revenus ne couvrent plus le service de
la dette et les spéculateurs doivent vendre pour rembourser. Ces ventes
de panique accélèrent la chute des cours.
Lors de la crise de 2008, la multiplication des défauts a mis en péril
les banques les plus endettées (banques d’affaires américaines, banques
irlandaises, notamment), ce qui a contraint les Etats à venir à leur
secours. Ils se sont alors eux-mêmes trouvés confrontés à une dette
publique élevée et ont lancé des politiques de rigueur accentuant la crise.
Enfin, chaque crise récente (crise mexicaine en 1995, asiatique en 1997,
russe en 1998, de la nouvelle économie en 2001, avant la crise des
subprime en 2008) est résolue en émettant des liquidités
supplémentaires… qui nourrissent la bulle suivante. L’amplification des
fluctuations par les bulles financières est donc la principale menace
pesant actuellement sur la stabilité des économies de marché.
* *
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Nous avons donc mis en évidence la présence au cœur de l’économie de
marché de mécanismes menant à son instabilité fondamentale. Ils
expliquent l’essentiel des fluctuations de l’activité économique, autres
que les catastrophes politiques ou, peut-être, demain,
environnementales. Bien entendu, il est possible de lutter contre ces
phénomènes, en menant des politiques économiques actives ou en mettant
en place des institutions régulant la finance. Mais il est difficile
d’envisager d’éliminer les fluctuations.
Un regard sur l’histoire économique nous rappelle que les fluctuations
de l’activité ont été les plus faibles lorsque les économies ont été
régulées, entre 1933 (premières lois Roosevelt) et la fin des années
1970. La libéralisation actuelle a entraîné, inséparablement, un surplus
de dynamisme et d’instabilité. Et il est très difficile de revenir en
arrière ; car la mondialisation a retiré aux Etats une bonne partie de
leur pouvoir.
La question des fluctuations économiques et des crises va donc rester au
cœur du fonctionnement des économies de marché pour l’avenir prévisible.
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