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Selon Joseph Schumpeter, ce caractère irrégulier du progrès technique
est l’explication des cycles longs mis en évidence par N.Kondratiev dans
les années 1920. Les historiens économistes s’accordent sur des hauts de
cycle vers 1815, 1873 et 1920 et des bas de cycle vers 1848, 1896 et
1940. Cette datation est cohérente avec le rythme des innovations,
puisque les pics d’innovation interviennent en bas du cycle, lorsque
l’épuisement des gains de productivité contraint à relancer une nouvelle
vague d’innovation.
Celle-ci ne fait pas immédiatement sentir ses effets. Dans un premier
temps, il faut que la cohérence du nouveau système technique se fasse.
Par exemple, il s’est produit plusieurs décennies entre l’invention
d’Internet et le moment où cette technique a révolutionné la production
et la consommation. D’autre part, la mise en place de la nouvelle
technique s’accompagne d’un mouvement de destruction créatrice des
activités anciennes concurrencées par les nouvelles. Un temps
d’adaptation est donc nécessaire, pendant lequel les effets négatifs des
nouvelles techniques sur la croissance dépassent les effets positifs.
Dans un second temps, l’innovation dynamise la consommation et
l’investissement et entraîne des gains de productivité, par amélioration
de l’efficacité ou augmentation de la qualité perçue des produits. Elle
est donc à l’origine d’une accélération de la croissance. Les exercices
de comptabilité de la croissance confirment le rôle de la productivité
totale (ou globale) des facteurs, qui expliquent en générale autour de
la moitié de la croissance.
L’irrégularité du progrès technique est donc un facteur important
d’instabilité, plutôt sur le long terme.
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L’instabilité de la demande est également une source de fluctuations
majeure. Elle s’explique par l’incertitude de l’avenir (A) et est
renforcée par le cycle du crédit (B).
Les théories de l’équilibre général essayent de montrer à quelles
conditions les mécanismes du marché peuvent maintenir l’économie en
équilibre. L’une de ces conditions est l’existence d’un système complet
de marchés à terme, permettant de supprimer l’incertitude de l’avenir.
Un tel système n’existe évidemment pas. Les modèles économiques ont
tendance à remplacer une variable affectée par l’incertitude par sa
probabilité d’occurrence. Keynes, à la suite de Knight, refuse cette
idée. Pour lui, l’incertitude qui affecte, par exemple, la valeur du
taux d’intérêt dans dix ans, est radicale. Tout simplement, on ne sait pas.
Du fait de cette incertitude, les décisions des agents, en particulier
concernant l’investissement, sont largement psychologiques, fondées sur
le climat des affaires et auto-réalisatrices : le pessimisme quant aux
perspectives de ventes mène à réduire l’investissement, donc la demande
dont il est un élément important, donc la production et les revenus.
Lorsque les anticipations sont pessimistes, un écart se creuse donc
entre la production potentielle, c’est-à-dire celle que permettent les
facteurs de production disponibles sans provoquer d’inflation, et la
production effective, égale à la demande.
Le document 3 illustre cette analyse : la crise financière de 2008
s’accompagne d’une certaine panique. L’inquiétude qu’elle fait naître se
traduit par une diminution, assez rare, des dépenses des ménages et,
surtout, par un effondrement de l’investissement des entreprises, qui
explique la chute violente du PIB en 2009.
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Le cycle des affaires lié à la demande est amplifié par le cycle du
crédit. Dans les périodes de croissance, les incidents de crédit sont
rares, les banques se refinancent aisément sur les marchés monétaire et
obligataire, si bien que les conditions d’octroi des crédits sont
souples : crédit accordé par un simple coup de fil, sans passer par le
comité de crédit, faibles demandes de garanties, etc… Inversement,
lorsque la croissance ralentit, les banques craignent à la fois les
défauts de paiement de leurs clients et les difficultés de refinancement
qu’elles pourraient rencontrer. Elles durcissent donc les conditions de
crédit. Notons que le climat des affaires et l’incertitude, là encore,
jouent un rôle important, cette fois dans les décisions des banques.
Le document 2 illustre ce mécanisme : en 2004-2005, l’assouplissement
des conditions de crédit accompagne une période de croissance