RÉSUMÉ
Le but de cette étude est de clarifier le rôle de la publicité dans les stratégies de prévention des
accidents, à travers l’examen des campagnes québécoises de 1978 à 2011. Elle utilise une analyse
discursive de type qualitatif et de nature exploratoire qui procède d’une méthode mixte, ancrée aux
intersections de la sociologie des problèmes publics et de la communication-marketing. Elle compare ce
que les gestionnaires savent du rôle et des effets de leur communication à ce qu’ils en disent et à ce
qu’ils en font. Elle interprète les résultats au filtre de quatre approches du problème : une modélisation de
l’approche dissuasive, une modélisation des principaux effets de la publicité, une revue de la littérature
empirique sur l’efficacité des publicités en sécurité routière et l’analyse dramaturgique que le sociologue
Gusfield a développée pour étudier la construction sociale du problème de l’alcool au volant.
Il en ressort que la sécurité routière est un problème que l’État québécois a choisi de gérer
préventivement par le recours à diverses stratégies de contrôle social, mais toujours avec la contrainte
comme variable clé de l’amélioration du bilan routier et l’acceptation de la contrainte comme modérateur
de la relation, voire comme médiateur de tous les modérateurs. La publicité sociale est surtout apte à
faire que la population connaisse un problème (notoriété) et l'envisage de la manière voulue (familiarité
avec les causes suggérées et les solutions promues). Elle est utilisée en agenda setting pour obtenir que
la population atteigne un tel niveau d’intolérance (upset outrage) qu’elle endossera l’imposition de
mesures toujours plus drastiques. La promotion de la conversion libre et éclairée aux comportements
sécuritaires (fonction manifeste de la publicité) est un échec programmé, le moyen de susciter des
attentes irréalistes qui doivent se transformer en intolérances proportionnelles que l’État peut ensuite
satisfaire en introduisant de nouvelles contraintes (fonction latente de la publicité). En satisfaisant une
demande dont on ne voit pas qu’il l’a créée, l’État obtient que ses nouvelles contraintes soient perçues
comme légitimes, condition nécessaire pour qu’elles soient effectivement appliquées et pour qu’elles
produisent leur plein effet dissuasif.