Introduction à la psychologie du travail
Objectifs
C'est un cours d'introduction qui nous ouvre vers une nouvelle discipline de la psychologie par
rapport à la psychologie clinique. Quelque soit notre choix d'orientation plus tard, on aura besoin
d'une référence sur le monde du travail car nous serons en relation avec des personnes du monde du
travail et nous en ferons partie aussi. La psychologie du travail concerne donc tout le monde.
Le but est donc d'introduire les questions traitées par la psychologie du travail et de présenter ses
différents domaines de recherche et d'intervention ainsi que d'offrir un cadre de référence centré sur
les activités humaines se référant à la sphère professionnelle et socio-économique.
Contenu
Introduction à la psychologie du travail
La psychologie du personnel (recrutement, évaluation, formation)
La psychologie des organisations (motivation, satisfaction et implication au travail, relations
de travail, stress, autorité et leadership)
L'analyse psychologique du travail
La psychologie ergonomique (ergonomie, ergonomie cognitive et utilisabilité, risques
professionnels)
Supports
Louche, Claude. (2007) Introduction à la psychologie du travail et des organisations, Paris, Édition
Armand Colin, Cursus.
Le livre contient une fiche pour chaque thématique. Il y aura des articles supplémentaires
disponibles sur l'université virtuelle.
Examen
Examen écrit avec des questions ouvertes, des définitions, des mises en parallèle de concept, des
demandes de justification avec argumentation.
Examen écrit aussi pour les TPs. Les deux notes sont séparées, les TPs sont obligatoires.
1 Introduction: le travail
1.1 Qui travaille? Qu'entend-on par travail?
Question: Qui travaille dans cet auditoire?
Souvent seuls les salariés se manifestent… On peut se demander si un étudiant-jobiste travaille, si
un bénévole travaille, si un artiste, un artisan travaille, si nous sommes en train de travailler.
Ce sont des questions importantes car considérer qu'un artiste travaille lui donne le droit aux
services sociaux réservés aux travailleurs.
Une activité n'est pas considérée comme un travail.
Ce que l’on nomme travail présente un caractère de contrainte (en référence, dans la littérature de
langue française, au travail défini comme «activité forcée» pour reprendre les mots de H. Wallon
1
(1930)).
La notion de contrainte a deux sens. Nous sommes contraints au travail: caractère forcé, obligation
de travailler qui est à la fois une obligation financière, morale, sociale. On considère que c'est
normal d'aller travailler. De plus, nous subissons des contraintes au travail: cadre contraignant du
contexte, de la nature du travail. On doit se lever tous les matins, suivre des horaires, avoir un chef,
des normes de production.
1.2 Historique et évolution
Durant l'antiquité, les Grecs méprisaient le travail, les citoyens ne travaillent pas, seuls les esclaves
travaillent. Les citoyens faisaient de la politique, de la rhétorique.
Au 5ème siècle (référence étymologique), en latin, le «tripalium» est un engin de torture forde 3
pieux. Le travail au temps des Romains était une tâche dégradante.
Dans la culture judéo-chrétienne, le travail renvoie à la punition que Dieu aurait infligée à l’homme
de «gagner son pain à la sueur de son front», se donner de la peine, …
Ce serait avec la Révolution industrielle, et avec l’affirmation de valeurs issues du protestantisme
et du libéralisme économique, que le travail aurait acquis une image positive. Pour les protestants,
l'oisiveté et la mendicité sont bannies. Le travail devient un devoir, une obligation.
Au XIXème siècle: le travail est ce qui crée de la richesse, le travail est un facteur de production, la
richesse pour celui qui organise le travail, il génère du travail pour les autres et de la richesse pour
lui.
On a pu voir s’affronter au cours du XXème siècle des courants de pensée divergents sur la valeur
«travail».
Pour la pensée chrétienne, le travail est une activité fondamentale de l’homme, il est d’utilité
sociale, travailler permet la charité.
Pour la pensée humaniste, le travail comme lieu de socialisation, de la formation de l’identité
individuelle et collective. Les travailleurs se regroupent en métier, corporation, ils sont regroupés ce
qui crée leur identité.
Pour la pensée marxiste, le travail est fondamentalement social. Opposition entre le vrai travail
(essence de l’homme – façonner la nature par le travail) et la réalité aliénée du travail.
Méda et Rifkin parle du déclin du monde du travail: Emploi et travail, plein emploi et sa remise en
cause (Méda, 1995) (le plein emploi est un travail avec des condition acceptable pour tous), La fin
du travail (Rifkin, 1995): l’automatisation va engendrer la raréfaction de l’emploi, il y aura assez de
machine pour remplacer l'homme. Les psychologues ne sont pas d'accord avec lui, il doit y avoir
une distribution du travail entre la machine et l'homme.
Dans les année 60, les sociologues pensaient qu'en 2000, la société serait une société des loisirs, il
n'y aurait plus besoin de travailler pour produire, on est loin de la réalité!
1.3 Valeurs et place du travail dans la vie
Quand on demande: que faîtes-vous dans la vie? Souvent la réponse a trait à l’activité
professionnelle. Le travail est souvent un critère d’identification et de classification sociale.
Jahoda (1982) a fait des recherches sur le chômage et sa répercussion sur les personnes. Il en a
déduit que le travail structure la temporalité des individus (contraintes de gestion du temps
(horaires)). Il permet des contacts sociaux (socialisation) en dehors de la sphère familiale. Grâce à
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la production de biens ou de services, il insère l’individu dans un collectif avec un but commun,
dans la société. Il définit le statut social et contribue à définir l’identité de l’individu. Il constitue
une source d’activités.
Ceci explique certaines difficultés rencontrées par les personnes sans travail (culpabilité, exclusion
sociale, faible image sociale…). Toutefois, compte tenu de l’évolution du marché de l’emploi,
Roques et Curie montrent que ceci dépend de la signification du travail et sa fonction dans les
systèmes d’activités des personnes. Il faut donc intégrer dans le modèle le sens du travail pour
l'homme.
Faire de la psychologie du travail, c’est aussi devoir traiter du sens du travail pour l’homme: quelles
sont les significations attribuées au travail par l’individu, quels en sont les concomitants
psychologiques?
C'est aussi l'orientation et l'insertion professionnelle, l'intégration «dans la vie active», les
aspirations professionnelles, l'impact des conditions de travail sur le sens du travail, la conciliation
vie au travail/hors travail…
1.4 Centralité relative et absolue du travail
1.4.1 La centralité relative du travail
On doit répartir 100 points entre différents domaines de vie, en fonction de l'importance qu'on leur
accorde.
Le travail occupe la première place (travail, famille, loisir, communauté, religion) au Japon et en
Yougoslavie.
Le travail occupe la seconde (famille, travail, loisir, communauté, religion) en Belgique, aux USA,
en Israël, en République fédérale d’Allemagne, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande
du Nord, en Russie (Alexandre Ardichvili, 2005).
1.4.2 La centralité absolue du travail
Question de la loterie: Si vous héritiez suffisamment d'argent pour vivre confortablement sans
travailler, pensez-vous que vous travailleriez de toute façon ou non?
Les réponses varient d’un pays à l’autre et ont tendance devenir de plus en plus négatives avec le
temps. Cette proportion est de 93% de oui chez les japonais. Alors qu’elle n’est que de 69% chez les
britanniques. Au début des années 1980, 70% des allemands répondaient oui. Cette proportion
baissait à 64.4% à la fin de cette même décennie. Seulement 14% des gagnants américains à la
loterie cessent de travailler (Harpazet Hui, 2001).
Ce qui détermine aussi la signification sociale du travail (sociétale) et le rapport individuel et
collectif au travail, c'est la disponibilité du travail (marché de l’emploi), le contexte économique
général, les choix de gestion et leurs impacts sur les conditions de travail (par exemple l’accent mis
sur la flexibilité dans un contexte de compétitivité, de globalisation, et de mondialisation de
l’économie), la législation (contraintes définies par le cadre juridique), …
Lorsqu'on demande aux gens de décrire leur travail, ils peuvent expliquer ce qu'ils font (je soigne
des malades, je répare des ordinateurs, je vends des produits, j’enseigne…), expliquer son utilité (je
permets à des personnes de trouver de l’emploi, je trouve de nouveaux médicaments, je développe
les compétences… ou expliquer leur statut (je suis employé(e) de banque, je suis decin, je suis
fonctionnaire…) Cela dépend de la manière dont ils conçoivent leur travail.
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1.5 Définitions du travail
Goguelin(1998): le travail est une activité professionnelle et rétribuée, organisée à l’intérieur d’un
groupe social et exercée de manière réglée.
Louche(2001): le travail est une activité consistant à mobiliser de l’énergie pour produire un bien
ou délivrer un service et qui est contrainte par un cadre social et technique.
Karnas(2002): le travail dont traite la psychologie du travail se définit comme l’activité d’un
homme ou d’une femme dans un cadre organisationnel, social, défini utilisant des outils
particuliers, aux fins d’atteindre des objectifs de production donnés (p. 12).
2 Introduction: la psychologie du travail
C'est d’abord une psychologie ce qui signifie qu’on s’intéresse en priorité aux individus, à leur
activité, à leurs conduites et à leurs représentations (Lemoine, 2003). Elle est délimitée à un secteur
d’activités. On parle aussi de psychologie industrielle (mais le terme est plus restreint car il y a une
partie du travail qui se passe hors des entreprises), psychotechnique, psychologie des entreprises,
professionnelle… Elle est centrée sur la relation entre un individu et son environnement (de travail).
La psychologie du travail et des organisations a pour objet l’étude des conduites humaines de
production d’un bien ou de mise en œuvre d’un service, développées dans le cadre d’une
organisation marchande ou non marchande. Louche, 2007. Les conduites renvoient en premier lieu
aux éléments observables des activités de travail. Elles englobent également tous les processus
internes qui les accompagnent au niveau cognitif, affectif ou conatif (motivation).
La psychologie du travail n’est pas une psychologie appliquant les théories de la psychologie
fondamentale. Elle produit des connaissances qui influencent d’autres secteurs de la psychologie.
Les différents domaines s'enrichissent mutuellement, il y a échange entre les domaines. «Une
discipline sensible à la demande sociale tout en n’étant pas subordonnée à elle» Louche, 2007.
2.1 Théorie de développement
Au 19° et 20° siècle, il y a accélération du développement industriel, développement de la
psychologie scientifique, intérêt des psychologues (et demande du terrain) pour les activités
humaines dans les industries (enjeux économiques, fatigue au travail, monotonie des tâches,
pénibilité au travail, impact sur la santé…) (Viller (1840): pénibilité et accidentologie). On voit
le développement d’outils psychométriques pouvant servir à l’évaluation des capacités humaines au
travail (recrutement) et à l’orientation professionnelle (Échelles intelligence: Binet et Simon,
Cattell, Galton…).
Lahyet Pacaud étudie la profession de dactylographe, les gestes de la frappe; analyse psychologique
du travail des mécaniciens et des chauffeurs de locomotive, des conducteurs de tramways, analyse
des accidents. On a donc deux orientations: l'analyse des conditions de travail et l'évaluation des
individus.
Durant la première guerre mondiale, il a fallu gérer les recrues dans l’armée américaine
(évaluation des aptitudes). Dans les usines, il a fallu remplacer les ouvriers partis au front par des
femmes et des jeunes (étude des conditions de travail,…). On a vu que les femmes faisaient aussi
bien que les hommes car elles étaient très motivées et impliquées, mieux elles travaillaient, mieux
leur mari était bien équipé au front. Il y a un intérêt des psychologues pour l’influence des relations
humaines au travail (Mayo, Lewin, …) et pour la formation, la sélection, l’évaluation de la
satisfaction et motivation au travail.
Durant la seconde guerre mondiale, les appareillages de détection et de pilotage dans l’aviation
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(radars) deviennent plus sophistiqué. Le pilote doit se fier aux appareils, des radars sont présents
pour détecter les ennemis et il faut former et sélectionner ceux qui les utilisent sans se tromper
durant 72h d'affilée, il faut donc adapter la machine à l’homme.
Après 1945, on voit le développement du monde industriel (service du personnel: sélection, tests
psychotechniques,…). Le travail est adapté à l’homme pour éviter les accidents, augmenter la
sécurité, l'ergonomie. La croissance économique implique la valorisation du travail. Il y a un
développement du secteur tertiaire (administration, services…) et des étude sur les relations de
travail (motivation, leadership, …).
2.2 Évolution du milieu du travail
De nos jours, il y a une évolution du milieu du travail. Avec la mondialisation de l’économie, la
concurrence internationale est accrue, il y a ouverture du marché des pays de l’est, du marché
asiatique… On voit le développement des nouvelles technologies: automatisation, informatisation,
TIC (technologie de l'information et de la communication). On passe à une société
postindustrielle: plus de la moitié des salariés travaillent dans le secteur des services. On constate
une décroissance des secteurs de l’agriculture (secteur primaire), des mines et des industries
(secteur secondaire), et l'essor des secteurs des services (secteur tertiaire): distribution
(commerce, transport), sociaux (éducation, médecine), aux entreprises et aux particuliers (banques,
assurances, immobilier) ainsi que l'essor des secteurs non marchands.
On voit aussi le déclin de l’industrie en tant que grand pourvoyeur d’emploi: il y a à la fois moins
d'industries et moins de travailleurs par industrie. La configuration des entreprises change, il y a
beaucoup plus de PME (100000), ce qui encourage la création d'emploi. De plus, le cadre législatif
est différent et plus souple pour une PME, par exemple, les syndicats sont obligatoires à partir de 50
travailleurs, il n'y a pas de conseiller en prévention pour les PME.
Lautonomie des travailleurs augmente: choix des méthodes de travail, des rythmes de travail.
Ceci doit être mis en lien avec l’évolution des conditions de production (augmentation de la
flexibilité)
On doit faire face à une intensification du travail: horaire de travail densifié, fractionné.
L'exigence augmente. Le passage au 35h en France n'a pas permis de créer de l'emploi, les gens
doivent faire en 35h ce qu'ils faisaient en 38h auparavant. De plus, cela complique la mise en place
du travail à 3 pause et donc il y a diminution d'effectif à certains moments.
Il y a aussi une distension du rapport au travail: travail plus abstrait, manipulation de codes,
dématérialisation. Par exemple, les architectes qui travaillent sur des plans en 2D doivent
maintenant travailler en 3D, ce n'est plus le même métier. Les vieux livres de compte laissent la
place à des tableaux Excel.
On voit aussi une montée de la précarité: CDD, intérimaires, sous-traitants, indépendants et une
augmentation de la pénibilité du travail et des risques.
3 La psychologie du travail
De nos jours, trois questions de psychologie du travail peuvent être envisagées; elles sont relatives:
aux finalités: quel est l'objectif que l'on veut atteindre?
aux modalités: comment concevoir les finalités?
aux domaines et champs de recherche et d’intervention de la discipline.
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