28 | La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 1-2 - janvier-avril 2009
L’injection en psychiatrie :
de la mauvaise image au bon usage… ?
MISE AU POINT
groupe reçoit un NAP, le deuxième groupe un trai-
tement p.o., le troisième recevant à la fois un NAP
et un antipsychotique p.o.) a conclu à la supériorité
des NAP dans les domaines suivants : réduction des
posologies et du nombre de neuroleptiques adminis-
trés, amélioration de l’observance, atténuation des
effets extrapyramidaux, diminution des rechutes et
des durées d’hospitalisation.
Au-delà des nombreuses études multicentriques et
des méta-analyses effectuées depuis des décennies, il
est intéressant de se pencher sur le vécu des utilisa-
teurs, qu’ils soient patients, médecins psychiatres ou
soignants. On sait en effet que le stress des soignants
lors des soins a une incidence non négligeable sur
la qualité du confort des patients.
Vécu des traitements par NAP
et par APAP
Vécu des patients
L’utilisation des médications injectables en psychia-
trie, lorsque les patients ne consentent pas aux soins
est souvent vécue, par eux-mêmes et par les équipes
paramédicales, comme une violation de leur intégrité
physique et psychique.
Les entretiens qui sont en général effectués lors
de l’hospitalisation des patients reflètent ce vécu.
Il ne faut pas non plus nier ici l’effet douloureux
d’une piqûre, devant lequel, pour des raisons de
vulnérabilité individuelle, nous ne sommes pas tous
égaux.
Par ailleurs, une étude a été menée en 1995 par
W.M. Greenberg (16) à distance de l’hospitalisation,
par téléphone, sur une population de 65 patients
schizophrènes qui ont reçu un traitement injectable,
sans leur consentement, pendant leur hospitalisa-
tion. Seule la moitié de ces patients a pu être jointe
et répondre à un questionnaire composé de plusieurs
items concernant, entre autres, le traitement injec-
table. Soixante pour cent de ces patients étaient
d’accord rétrospectivement avec le fait d’avoir reçu
un traitement sans leur consentement, et 53 %
d’entre eux disaient qu’ils étaient prêts à prendre
volontairement leur traitement dans l’avenir s’ils
devaient être hospitalisés de nouveau.
En 2005, B. Lachaux a diffusé un questionnaire
auprès d’un large échantillon de patients schi-
zophrènes (17), ce qui a mis en évidence que 64 %
d’entre eux se sentaient mieux avec le traitement
et que les difficultés de compliance les plus souvent
rencontrées résultent des effets indésirables et du
nombre de médicaments à prendre. Ainsi, 44 %
d’entre eux étaient prêts à prendre un traitement
par injection, à efficacité identique à celle du trai-
tement p.o.
D’autres auteurs se sont penchés sur la douleur
liée à l’injection du NAP et aux différents produits
utilisés (18). En 2000, 34 patients stabilisés ont été
évalués par une échelle visuelle analogique avant
l’injection retard, 5 minutes après, lors des deuxième
et dixième jours suivants. Ces patients devaient
également répondre à des questions relatives à la
notion de douleur et à leur future compliance au
traitement retard. Les résultats ont montré qu’il y
avait des disparités dans l’intensité de la douleur
en fonction des produits, et que celle-ci s’atténuait
généralement au bout de 2 jours. Il existait une
corrélation positive entre l’intensité de la douleur
et l’attitude de refus des patients quant à leur
prochaine injection.
Vécu des équipes paramédicales
Les soignants sont, on le sait, au plus près des
patients, et ce contact au moment de l’injection
déterminera en partie le succès d’un suivi médi-
camenteux.
La pratique des injections sans le consentement
du patient est difficilement vécue par les équipes
soignantes paramédicales (19) et renvoie à la notion
d’échec dans la relation thérapeutique, sauf si cela
correspond à une stratégie préétablie : évaluation
des besoins, négociation, injection.
En revanche, dans l’utilisation des NAP au long cours,
chez les patients stabilisés auxquels des infirmiers
administrent ce traitement à domicile, le vécu peut
varier.
M.X. Patel et al. ont, en 2004, interviewé sur les
NAP et leurs effets indésirables 70 infirmières qui
assistaient à un congrès. Trente-quatre pour cent
d’entre elles pensaient que les NAP étaient une
thérapeutique désuète, et 44 % qu’ils étaient stig-
matisants pour les patients. Les auteurs (20) ont
trouvé une corrélation positive entre le bon vécu
des NAP et le niveau de connaissance des para-
médicaux en ce qui concerne les traitements, les
effets indésirables et leur implication dans la prise
de décision de cette thérapeutique. Ils insistent
sur la nécessité de former des équipes soignantes
à ces thérapeutiques et de les impliquer avec
l’équipe médicale dans le choix du NAP. On peut
ici s’interroger sur le niveau de formation quant
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