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"Par conséquent, la responsabilité totale du peuple juif, de la nation juive et d'Israël dans la condamnation à mort de Jé-
sus est une question de croyance légendaire non basée sur un fondement historique solide..." (Jules Isaac, p. 514-15)
" Pour maintenir le point de vue contraire, il faudrait être habité d'une prévention obstinée et fanatique ou avoir une foi
aveugle dans une tradition, qui, nous le savons, n'est pas " normale ", et donc ne devrait pas être posée comme règle de
pensée même pour les fils les plus dociles de l'Eglise une tradition en outre infiniment nuisible et meurtrière, et qui, je l'ai
dit et le répète, mène à Auschwitz, Auschwitz et autres lieux semblables. Six millions de juifs ont été liquidés uniquement
parce qu'ils étaient Juifs, et ceci est la honte non seulement du peuple Allemand mais de tout le Christianisme, parce que
sans les siècles d'enseignement, de sermons et de vitupération chrétienne, le message, la propagande et la vitupération
hitlérienne n'auraient pas été possibles". (Jules Isaac, ibid., p 508)
En bref, dans leur récit de la Passion dorénavant révisé et corrigé par Jules Isaac, les écrivains des Évangiles appa-
raissent comme un quarteron de menteurs, parmi lesquels Matthieu est le plus venimeux...
"Il emporte la palme. D'une main sûre, il a décoché le trait empoisonné que l'on ne pourra plus jamais retirer". (Jules
Isaac, ibid. p. 483)
3 - JULES ISAAC ET LES PÈRES DE L'EGLISE
Comme on vient de le voir, les Évangélistes ont été ainsi réfutés, et Jules Isaac entreprend ensuite d'attaquer les
Pères de l'Eglise qui durant 1500 ans ont codifié la doctrine chrétienne sur le Judaïsme.
"Il n'est que trop vrai qu'il exista un fort courant d'antisémitisme dans le monde païen, longtemps avant l'antisémitisme
chrétien.
" Il n'est que trop vrai que cet antisémitisme produisait quelquefois des conflits sanglants et des pogroms.
"Il n'est que trop vrai que sa cause principale était l'exclusivisme et le séparatisme d'Israël, qui était religieux par es-
sence, dicté par Yahvé et les Ecritures, et sans lequel le Christianisme à l'évidence n'aurait pu être conçu, puisque c'est
à cause de ce séparatisme juif que la foi en Yahvé, la connaissance et le culte du Dieu unique se préservèrent intacts de
toute souillure et se transmirent de génération en génération jusqu'à la venue du Christ.
" Mais en quoi ces faits le justifient-il ?
" Précisément, puisque c'était un antisémitisme païen, prenant son origine dans un commandement divin, quelle base
donne-t-il au Christianisme pour le copier (elle qui en a été elle-même victime tout un temps ?), et, pire encore, pour
l'avoir développé jusqu'à un paroxysme de violence, de méchanceté et de haine calomnieuse et meurtrière ?" (Jules
Isaac, Jésus et Israël, p. 353)
"Ainsi commença à se développer dans la conscience chrétienne (si je peux ainsi parler)le thème du crime, de la fausse-
té, de l'abomination et de la malédiction d'Israël, un châtiment qui, comme le crime lui même, était collectif, sans appel,
incorporant à jamais "Israël charnel", Israël tombé, rejeté, Israël-Judas, Israël-Caïn. Ce thème étroitement entremêlé,
sans être pourtant confondu, avec un autre qui devint une thèse doctrinale, celle du Peuple-témoin, choisi par Dieu avait
dit le juif St Paul pour sa totale conversion finale, témoin malheureux "pour ses iniquités et pour notre foi " dit St Augustin
350 ans plus tard, portant une marque infligée par Dieu comme Caïn, qui est tout à la fois sa protection et qui lui attire
l'exécration du monde chrétien". (Jules Isaac, ibid. p.359)
"Aucune arme ne s'est montrée plus efficace contre le Judaïsme et ses fidèles que l'enseignement du mépris, forgé prin-
cipalement par les Pères de l'Eglise au quatrième siècle, et dans celui-ci nulle thèse n'a été plus dommageable que celle
du "peuple déicide". La mentalité chrétienne s'est imprégnée de ces idées jusqu'à la racine de son subconscient. Ne pas
reconnaître le fait, c'est vouloir ignorer ou déguiser la source majeure de l'antisémitisme chrétien et le ressort qui a nourri
l'opinion populaire.
"Mais ce n'est pas cette dernière qui l'a produit, car " l'enseignement du mépris " est une création théologique...." (Jules
Isaac : Genèse de l'Antisémitisme, p.327)
"Déicide". Quand cet épithète diffamatoire a-t-il fait son apparition, pour être tourné plus tard, oh la merveilleuse décou-
verte, à un usage meurtrier, devenir une marque indélébile, poussant à la fureur et au crime (homicide, génocide ) ? Il est
impossible d'en définir la date exacte. Mais on peut discerner dans le flot confus des polémiques judéo-chrétiennes le
courant principal d'où il est issu. (Jules Isaac : Jésus et Israël, p. 360 )
"Au quatrième siècle, un nouveau pas fut franchi. Les destinées de l'Eglise et de l'Empire s'étant unies, toute circonspec-
tion fut écartée, et l'on put hausser le ton de la controverse anti-juive, comme il advint en effet. Il devint ouvertement abu-
sif...
"L'antisémitisme chrétien qui commença alors à se développer était essentiellement théologique, mais on peut aussi
l'appeler "ecclésiastique "ou "clérical". Son fondement était l'accusation de déicide." (Jules Isaac, ibid., p.361)
"Meurtrier de Jésus, le Christ-Messie, meurtrier de l'Homme-Dieu, déicide !
"Une telle accusation lancée contre tout le peuple juif... une accusation capitale, liée au thème du châtiment capital... de
sorte que, par un mécanisme alternatif ingénieux de sentences doctrinales et d'explosions populaires, était attribué à
Dieu ce qui, vu de la sphère terrestre, est assurément le produit de l'incurable vilenie humaine. Cette perversité exploitée
de manière variée et habile de siècle en siècle, de génération en génération, devait culminer à Auschwitz, dans les
chambres à gaz et les fours crématoires de l'Allemagne nazie." (Jules Isaac, ibid., pp. 351-52)
"Il faut reconnaître le triste fait que presque tous les Pères de l'Eglise ont apporté leur pierre à cette oeuvre de lapidation
morale (mais qui ne fut pas sans répercussions matérielles) : St Hilaire de Poitiers, St Jérôme, St Ephrem, St Grégoire
de Nysse, St Ambroise et St Epiphane qui était né juif, St Cyrille de Jérusalem et beaucoup d'autres. Mais dans cette il-
lustre cohorte, vénérable à maints autres égards, deux méritent une mention spéciale : le grand orateur grec St Jean
Chrysostome (le St Jean bouche d'or), qui se distingue par ses abondantes et truculentes invectives et ses insultes ex-
trêmes, et le grand docteur de la latinité chrétienne, St Augustin, pour la merveilleuse (et dangereuse)habileté qu'il dé-
ploya à élaborer une doctrine cohérente". (Jules Isaac, Genèse de l'Antisémitisme, p.161)