En tant que juif, je mens si...
Victor Ginsburgh
"Il y a des circonstances où se taire est mentir, car le silence peut être interprété comme un
acquiescement" (Miguel de Unamuno, professeur de philosophie et recteur de l'Université de
Salamanque, Espagne, 1933).
En tant que juif, je mens si je ne m'élève pas contre le directeur de l'Institut d'Etudes du
Judaïsme de l'ULB, qui, à la question de savoir s'il pouvait y avoir du fondamentalisme dans la
religion juive (ou de l'intégrisme, je ne sais plus, mais en l'occurrence, ça ne fait pas beaucoup de
différence), répond "non", au cours d'un débat organisé le dimanche 21 octobre par RTL. Non,
dit-il, puisque sur les 613 commandements de la Torah, 610 peuvent être transgressés dans
certaines circonstances, notamment en cas de danger. S'il est vrai que parmi les trois qui ne
peuvent jamais l'être, deux sont capitaux (le meurtre et l'inceste sont interdits, quoiqu'il arrive) et
le dernier (honorer Dieu, je pense) est respectable mais ne me concerne pas, la "permission" de
transgresser 99,51% des préceptes n'en rend pas moins beaucoup de juifs fondamentalistes, au
point que même les israéliens laïcs effrayés, sont parfois forcés de quitter leur quartier suite aux
harcèlements dont ils font l'objet par les juifs religieux.
En tant que juif, je mens si j'approuve les Cartes Blanches du 17 octobre, écrites par une
brochette de personnalités allant de l'ambassadeur d'Israël auprès des Communautés
Européennes à la présidente du Centre Communautaire Laïc Juif, en passant par le co-président
du Comité des Organisations Juives de Belgique, ou le président de Radio Judaica, critiquant les
prises de position (ou les silences) du Soir en faveur des palestiniens (et, par conséquent, en
défaveur d'Israël), qui pourraient, lit-on dans un raccourci surprenant d'une des Cartes, mener en
droite ligne à Auschwitz. Est-on nécessairement anti-israélien, et par ledit raccourci, antisémite
lorsqu'on ose penser qu'Israël exagère; lorsqu'on ose dire qu'il y a des faibles et des forts; que les
forts n'ont pas toujours raison (c'est même écrit dans la Bible); et que les forts sont précisément
ceux qui peuvent se permettre d'être généreux, comme a essayé de le faire le premier ministre
Rabin--et on a vu comment un réactionnaire juif a agi mais, j'oubliais, il n'y a pas de
fondamentalisme chez les juifs--, et comme essaient toujours de le faire le ministre Peres,
l'ancien ministre Beilin et, heureusement, beaucoup d'autres israéliens et de juifs dans le monde.
En tant que juif, je mens si je ne puis m'insurger contre le droit que s'arroge M. Sharon
d'envoyer ses chars en territoire autonome palestinien, et ses hélicoptères abattre des proches de
M. Arafat, tout en faisant parvenir un ultimatum à l'Autorité palestinienne qui verrait quoi si elle