ERGATIVITE ET RELATIONS GRAMMATICALES EN KATUKINA 0

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ERGATIVITE ET RELATIONS GRAMMATICALES EN KATUKINA
F.Queixalós1
0 Introduction
Les langues de la famille katukina sont parlées au Brésil dans l’Etat d’Amazonas, entre les fleuves
Purus et Javari d’est en ouest, et entre le sud de cet Etat et le fleuve Japura au nord. Le nombre total
des locuteurs ne doit pas dépasser quelques milliers. Il est difficile d’établir avec précision combien
de langues de la famille subsistent, et de savoir si la différence existant entre celles-ci est
suffisamment grande pour parler de langues, ou de variantes d’une même langue. Aujourd’hui, il
faut peut-être compter sur deux langues, le katukina-kanamari2 et le katawishi, ce dernier étant en
voie d’extinction3. On trouve également une langue katukina dans l’Etat de l’Acre, mais elle
appartient à la famille pano. Les seules informations disponibles sur la famille katukina proviennent
essentiellement d’un article de Paul Rivet (1920) sur du matériel collecté par Tastevin au début du
20ème siècle, d’un article de phonologie de Marcio Silva (1989), et de quatre articles sur la
grammaire de Christa Groth (1977, 1985, 1988a, 1988b). Récemment, Willem Adelaar (1999) a
suggéré un lien de parenté génétique entre cette famille et le harakmbut (amarakaeri) du Pérou.
L’étude qui suit se fonde sur des données de la variante kanamari du haut Itaquai, affluent du
Javari, recueillies lors de plusieurs voyages sur le terrain entre mars 1994 et novembre 1998.
Malgré l’existence de quelques formes préfixées (personne) et suffixées (aspect), ainsi que
d’incorporation nominale, la langue présente un caractère plutôt isolant.
1 Le problème
Les langues d’Amazonie sont certainement les plus mal connues du globe. Il n’est donc pas
surprenant qu’au fur et à mesure que l’on avance dans leur connaissance, certaines propriétés,
considérées comme extrêmement rares dans les langues du monde, finissent par perdre ce caractère
exceptionnel. Le katukina en est une bonne illustration dans le domaine de l’ergativité. Plusieurs
critères convergent pour indiquer qu’on se trouve devant un système de relations grammaticales
dans lequel le patient d’une construction transitive est syntactiquement proéminent par rapport à
l’agent. Cette proéminence syntaxique, qui est illustrée plus bas, suscite d’intéressantes hypothèses
à propos de la relation qu’entretiennent entre eux les différents niveaux de structuration des
participants (Seiler 1988). Les relations grammaticales ne sont pas considérées comme des primitifs
syntaxiques. Elles sont déduites de la convergence de propriétés inférées à partir de structures ou de
mécanismes syntaxiques, et se positionnent sur un plan de réalité différent du plan sémantique et du
plan pragmatique, bien que ceux-ci puissent, naturellement, exercer différents types de pression sur
le plan syntaxique. C’est la raison pour laquelle nous refusons à la fois l’attitude qui consiste à
parler de sujet et objet dans une langue donnée à partir de la seule intuition fondée sur les rôles
1
Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et Institut de recherche pour le développement (IRD)
Considérées traditionnellement comme deux langues.
3
Edwin Reesink, communication personnelle.
2
sémantiques en présence, et celle qui consiste à postuler une affinité universelle entre le rôle
sémantique d’agent et la relation grammaticale de sujet (Dixon 1994).
2 La proposition
La proposition transitive primaire se compose d’un verbe et de deux expressions référenciantes. Par
‘proposition primaire’ on entend la proposition énoncée avec le minimum de requis pragmatiques
(situationnels, contextuels…). L’expression référenciante est celle qui, dans la phrase, a toutes les
propriétés pour référer, indépendamment du fait que sa présence effective soit référentielle ou non
(c’est-à-dire : qu’elle réfère effectivement ou non). Lorsqu’il sera nécessaire de mentionner les
participants désignés par les expressions référenciantes de la phrase transitive au moyen de leurs
rôles sémantiques, on le fera sur une base de prototypicité : autour d’un verbe indiquant une action
physique effectuée par un agent et modifiant ostensiblement les conditions d’existence d’un patient
(« couper », « casser », « tuer », etc.), ‘AGT’ est l’agent, ‘PAT’ est le patient. Est également ‘AGT’
tout participant que la grammaire marque formellement comme cet agent, et est ‘PAT’ tout
participant que la grammaire marque formellement comme ce patient.
La phrase transitive comporte un verbe précédé d’un syntagme nominal‘AGT’, et suivi d’un
syntagme nominal’PAT’. Le verbe est accompagné d’un préfixe qui est en relation avec le
complément‘AGT’4.
(1)
Kirak na-hikna wa:pa
Kirak/3º-chercher/chien
« Kirak a cherché le chien »
La relation entre le préfixe et le complément‘AGT’ se déduit de sa distribution, identique à celle d’un
paradigme de personne qui réfère au complément‘AGT’.
(2)
i-hikna wa:pa
1º-chercher/chien
« j’ai cherché le chien »
Les formes personnelles préfixées sont :
1º
2º
3º
singuier
inoa-
pluriel
tyonama-
A la troisième personne, la forme du préfixe change selon que le syntagme nominal est présent —
exemple (1) — ou non :
(3)
a-hikna wa:pa
3º-chercher/chien
« il a cherché le chien »
Provisoirement, on considérera que le préfixe na- contient la marque a- de troisième personne,
précédée d’un morphème relationnel n- qui indique la contiguïté avec le syntagme nominal5.
4
J’appelle ‘complément’ ce qui est généralement appelé ‘argument’, étant bien entendu que j’y inclus les
compléments obliques et périphériques.
La phrase intransitive de base comporte un verbe suivi d’une expression référenciante6.
(4)
tyuku wa:pa
mourir/chien
« le chien est mort »
Le verbe ne porte aucune marque qui puisse être mise en relation avec ce complément unique. En
termes de cas formels, on identifie le complément unique du verbe intransitif à un nominatif. Les
propriétés de ses manifestations formelles sont : position post-verbale ; absence d’indiciation sur le
verbe. Le complément qui représente le participant ‘PAT’ dans la construction transitive partage
ces propriétés. On lui assigne également le cas nominatif. L’autre complément de la construction
transitive, qui représente le participant ‘AGT’, a les propriétés suivantes : position pré-verbale,
indiciation sur le verbe. On lui attribue le cas ergatif.
Les formes pronominales associent de la même manière le complément unique de l’intransitif avec
le complément‘PAT’-NOM, en face de la forme originale du complément‘AGT’-ERG. Le complément au
cas nominatif se manifeste au moyen de pronoms libres, dont est présenté ci-dessous le paradigme :
1º
2º
3º
singulier
adu
idik
anyan
pluriel
adik
idiki
anyan hinuk
Comme complément unique :
(5)
wiwiok adu
crier/moi
« j’ai crié »
Comme complément’PAT’-NOM :
(6)
Kirak n-a-hikna adu
Kirak/relationnel-3º-chercher/moi
« Kirak m’a cherché »
La forme pronominale qui représente le complément'AGT'-ERG a été introduite lors de la
présentation du paradigme des préfixes verbaux :
(2)
i-hikna wa:pa
1º-chercher/chien
« j’ai cherché le chien »
Voyons maintenant les traits que renforcent l’hypothèse d’une asymétrie radicale entre les deux
compléments de la construction transitive.
5
On trouve quelque chose de similaire dans le préfixe relationnel r- du tupi-guarani. Voir par exemple
Rodrigues (1953). Par ailleurs, rien n’indique que la ressemblance phonologique avec le préfixe de
deuxième personne du pluriel ne soit pas fortuite.
6
Je ne traiterai pas dans ce travail la phrase nominale.
3 Constituants
Les éléments verbe transitif précédé du complément‘AGT’-ERG constituent un ensemble doté de la
même structure interne que deux autres constructions, le syntagme postpositionnel et le syntagme
génitival. Comparons les séquences entre crochets, qui présentent comme élément dominant :
un verbe
(7)
[Kirak n-a-hikna] wa:pa
« [Kirak a cherché] le chien »
Kirak/relationnel-3º-chercher/chien
une postposition
(8)
paiko Kadya mahikna [aponhanya n-a-katu]
vieillard/Kadya/ont été chercher/sa soeur/relationnel-3º-avec
« ils ont été chercher le vieillard Kadya [avec la soeur] »
un nom
(9)
da?an [ityaro n-a-tyo]
« [la fille de la femme] est partie »
est partie/femme/relationnel-3º-fille
Noter que la construction (9) est l’une des deux constructions génitives de la langue. Seule la
classe de noms à laquelle appartient tyo, « sœur », reçoit l’indice personnel préfixé. Il s’agit de
noms dépendants (« possession inaliénable »). L’autre classe de noms — les autonomes — utilise
une forme -wa qui introduit une médiation entre l’élément dominant et l’indice personnel préfixé :
(10)
i?o [Owi n-a-wa koya]
« j’ai bu la bière de Owi »
j’ai bu/Owi/relationnel-3º-possession/bière
La forme –wa, à laquelle on doit attribuer l’idée de “possession” (dans le sens de “chose
possédée, bien”), serait une sorte de nom dépendant générique qui permet à koya, nom
dominant, d’entrer dans une relation syntaxique avec Owi, nom complément.
Cette analyse peut s’appliquer en gros aux autres formes possessives, à l’exception de la
première personne du singulier (on comparera avec le tableau des préfixes personnels et des
pronoms libres).
1º
2º
3º
singulier
atya
ino-wa
a-wa
pluriel
ityo-wa
idiki na-wa
ma-wa
Le complément‘AGT’-ERG en (7), l’“objet” de la postposition en (8), et le génitif en (9)-(10) sont
au même cas, qu’on peut appeler cas marqué. Derrière cette désignation se cache l’idée, encore
non démontrable, que la construction [NOM n-a-X], dans laquelle X est un élément pourvu de
valence, dérive diachroniquement – par proclitisation – d’une construction [NOM-n a-X] dans
laquelle –n est une marque de cas suffixée au NOM7. Le syntagme nominal au cas marqué
7
La vérification de cette hypothèse sur la proclitisation de n à l’élément dominant du syntagme ne pourra se
faire sans une étude comparée des éventuelles langues survivantes de la famille.
forme un seul constituant avec son élément dominant, que ce dernier soit un verbe, une
postposition ou un nom dépendant.
Le nominatif est un cas non marqué, et le complément qui le porte devient l’élément dominant
de son syntagme. La structure en constituants de la phrase transitive est donc :
(11)
[Kirak n-a-hikna] [wa:pa]
« [Kirak a cherché] [le chien] »
Kirak/relationnel-3º-chercher/chien
4 Opérations 1
Dans cette section, nous nous penchons sur l’asymétrie entre complément’PAT’-NOM et
complément‘AGT’-ERG telle que la révèle un ensemble de mécanismes syntaxiques appliqués à la
proposition transitive primaire.
élision
A la troisième personne, tant le syntagme’PAT’-NOM que le syntagme‘AGT’-ERG peuvent être élidés
sous des conditions pragmatiques — contextuelles, situationnelles — données. L’élision du
syntagme unique ou du syntagme’PAT’-NOM n’a aucune conséquence formelle.
(12)a tyuku wa:paNOM
mourir/chien
b tyuku
« le chien est mort »
« il est mort »
(13)a KirakERG n-aERG-hikna wa:paNOM « Kirak a cherché le chien »
Kirak/relationnel-3º-chercher/chien
b KirakERG n-aERG-hikna
« Kirak l’a cherché »
L’élision du syntagme‘AGT’-ERG en revanche a des conséquences formelles : le relationnel ndisparaît, comme on l’a vu en (3).
(14)a KirakERG n-aERG-hikna wa:paNOM
Kirak/relationnel-3º-chercher/chien
b aERG-hikna wa:paNOM
3º-chercher/chien
« Kirak a cherché le chien »
« il a cherché le chien »
mouvement
Il arrive assez fréquemment que le syntagme unique ou le syntagme‘PAT’-NOM se déplace dans la
région préverbale. L’exemple suivant illustre le premier cas
(15)a tyuku wa:paNOM
mourir/chien
« le chien est mort »
b wa:paNOM tyuku
chien/mourir
On voit le second cas dans
(16)a KirakERG n-aERG-hikna wa:paNOM
Kirak/relationnel-3º-chercher/chien
« Kirak a cherché le chien »
b wa:paNOM KirakERG n-aERG-hikna
perro/Kirak/relationnel-3º-chercher
Au niveau formel donc, on observe uniquement le mouvement du syntagme concerné. Le
déplacement du syntagme‘AGT’-ERG en revanche provoque des modifications : l’expulsion de
celui-ci hors du syntagme verbal produit une fois encore la disparition du relationnel n-.
(17)a nyamaERG n-aERG-kiunyuk aokpu
mère/relationnel-3º-peigner/son fils
« la mère a peigné son fils »
b aERG-kiunyuk nyama aokpu
3º-peigner/mère/son fils
Restent à identifier de façon précise les propriétés casuelles — et syntaxiques — du syntagme
nominal nyama “mère” en (17)b. Il est probable qu’en tant que ‘chômeur’ typique, il ne garde
plus aucune relation directe avec le prédicat.
intercalation
La séquence VERBE + syntagme’PAT’-NOM est parfaitement perméable aux particules et aux
expressions adverbiales. De la même façon que l’on a
(18)
kitan wa:paNOM dawa
dormir/chien/de nouveau
« le chien a dormi de nouveau »
on peut avoir
(19)
kitan dawa wa:paNOM
dormir/de nouveau/chien
Dans la construction transitive, le comportement de cette séquence est identique. On aura aussi
bien
(20)
mapiriERG n-aERG-duni takaraNOM dawa “le serpent a encore attrapé la poule”
serpent/relationnel-3º-attraper/poule/de nouveau
que
(21)
mapiriERG n-a-ERGduni dawa takaraNOM
serpent/relationnel-3º-attraper/de nouveau/poule
Mais on n’aura pas
(22)
*mapiriERG dawa n-aERG-duni takaraNOM
serpent/encore/relationnel-3º-attraper/poule
qui suppose une rupture de la séquence sintagme‘AGT’-ERG + VERBE. Lorsqu'on insiste pour
maintenir l'ordre de (22) on obtient :
(23)
mapiri dawa aERG-duni takaraNOM
avec élimination du relationnel et la mise au ‘chômage’ de maipiri, “serpent”.
Les trois opérations d’élision, de mouvement et d'intercalation confirment : 1) qu’il existe une
asymétrie notable entre complément’PAT’-NOM et complément‘AGT’-ERG; 2) que le complément’PAT’-NOM
est un constituant du niveau de la propositon; 3) que le complément‘AGT’-ERG est un constituant du
niveau du syntagme verbal.
1. 5 Antipassif
Diverses circonstances, pas encore toutes bien identifiées, entraînent une transformation de la
construction transitive dans laquelle : 1) le verbe perd son paradigme d’indices personnels, auquel
il substitue un préfixe invariable wa- ; 2) ‘AGT’ émerge comme nominatif ; 3) ‘PAT’, la plupart du
temps, n’est pas mentionné. On comparera les constructions transitives de a et b avec celle,
antipassive, de c :
(24)a iERG-pu tu barahaiNOM
1º-manger/négation/viande
« je n’ai pas mangé de viande »
b iERG-pu tu
1º-manger/négation
« je ne l’ai pas mangée »
c wa-pu tu aduNOM
antipassif-manger/négation/moi
« je n’ai pas mangé »
L'exemple a présente la structure transitive courante, avec ‘PAT’ “viande” comme
complémentNOM, après le syntagme verbal, et ‘AGT’ “moi” inclus dans le syntagme verbal —
ici, comme préfixe. En b le syntagme’PAT’-NOM est élidé, mais la construction ne change pas. c
présente la construction antipassive, dans laquelle ‘AGT’ “moi” devient complément unique —
ici, le pronom libre adu —, et ‘PAT’ “viande” n’est pas explicitement manifesté (il est de fait
possible de réaliser ‘PAT’ dans la construction antipassive au moyen d’un nom — voir exemple
(39) —, mais je laisse pour une autre occasion ce point qui pose des problèmes non résolus).
Après avoir reçu la marque d’antipassivation wa-, le verbe n’admet plus aucun préfixe
personnel.
Voyons maintenant un exemple avec ‘AGT’ à la troisième personne.
(25)a nyamaERG n-aERG-kiunyuk opatyinNOM
mère/relationnel-3º-peigner/enfant
« la mère a peigné l’enfant »
b nyamaERG n-aERG-kiunyuk
mère/relationnel-3º-peigner
« la mère l’a peigné »
c wa-kiunyuk nyamaNOM
antipassif-peigner/mère
« la mère a peigné »
6 Opérations 2
Nous examinerons à présent quelques opérations qui, sans révéler la structure en constituants,
dépendent de celle-ci en raison de la hiérarchie d’accessibilité qui s’établit entre le
complément’PAT’-NOM et le complément‘AGT-ERG.
focalisation
On focalise un syntagme nominal en le déplaçant en tête de phrase et en lui postposant la
particule kana. On aura ainsi avec le syntagme unique :
(26)a kitan waro
dormir/perroquet
b waro kana kitan
perroquet/focalisateur/dormir
« le perroquet dormait »
« c’était le perroquet qui dormait »
Le complément’PAT’-NOM peut sans problème être focalisé, comme le montre l’exemple (27).
(27)a mapiriERG n-aERG-ti wa:paNOM
serpent/relationnel-3º-tuer/chien
« le serpent a tué le chien »
b wa:paNOM tu kana mapiriERG n-aERG-ti
chien/négation/focalisateur/serpent/relationnel-3º-tuer
« ce n’est pas le chien que le serpent a tué”
Le complément‘AGT’-ERG ne peut être focalisé, qu’il conserve ou non le relationnel n- :
(28)a *mapiriERG kana n-aERG-ti wa:paNOM
b *mapiriERG kana aERG-ti wa:paNOM
Pour focaliser l’‘AGT’ d'une construction transitive telle que (27)a, il faut en faire un
complément unique, ce qui est possible au moyen de l’antipassivation :
(29)
mapiriNOM tu kana wa-man
“ce n’est pas le serpent qui a fait (telle chose)”
serpent/négation/focalisateur/antipassif-faire
(Le verbe man, “faire”, est transitif.)
interrogation
Le complément’PAT’-NOM et le complément‘AGT’-ERG se comportent différemment dans l’accès à
l’interrogation sur un constituant nominal. Le constituant nominal sur lequel porte
l’interrogation est réalisé par le pronom hanian en tête de phrase. Dans une construction
intransitive, on aura :
(30)a kitan OwiNOM
dormir/Owi
b hanianNOM kitan ?
interrogatif/dormir
« Owi dormait »
« qui dormait ? »
Examinons la phrase transitive courante :
(31)
NodiaERG n-aERG-ohoho OwiNOM « Nodia a appelé Owi »
Nodia/relationnel-3º-appeler/Owi
L’interrogation sur le complément‘PAT’-NOM n’implique aucun changement dans la structure
actancielle.
(32)
hanianNOM tu NodiaERG n-aERG-ohoho ? « qui Nodia a-t-il appelé ? »
interrogatif/négation/Nodia/relationnel-3º-appeler8
Le complément'AGT'-ERG n’a pas accès à l’interrogation. On ne peut interroger sur ‘AGT’ que s'il
est complément unique. Pour cela, on a recours à l’antipassif :
(33)
« qui a appelé ? »
hanianNOM tu wa-ohoho ?
interrogatif/négation/antipassif-appeler
pronominalisation par démonstratif
Lors de la substitution du syntagme nominal par un démonstratif, la même asymétrie entre le
complément‘AGT’-ERG et le complément’PAT’-NOM apparaît. Avec le complément unique, la
construction ne subit aucune modification. Si l’on part de (30)a, on peut obtenir :
(34)
kitan itiyan
dormir/celui-ci
« celui-ci dormait »
La même “inocuité” prévaut avec le complément‘PAT’-NOM. Si l’on part de (31), on peut obtenir :
(35)
8
NodiaERG n-aERG-ohoho itiyanNOM « Nodia a appelé celui-ci »
Nodia/relationnel-3º-appeler/celui-ci
La négation dans ce contexte ne nie pas, elle fait partie de l’interrogation.
La même opération n’est pas possible avec le complément‘AGT’-ERG. La construction antipassive
doit intervenir :
(36)
itiyanNOM wa-ohoho
celui-ci/antipassif-appeler
« celui-ci a appelé »
relativisation
L’analyse de la proposition relative n’est pas terminée. On peut cependant noter une régularité
qui nous intéresse ici. Le complément unique et le complément’PAT’-NOM de la subordonnée
peuvent être relativisés sans changement dans la structure de celle-ci. Avec le complément
unique, on a :
(37)
i-hik inyanNOM [wauk-dyi-nin anyan ipiyaNOM]
1º-connaître/déictique/arriver-directionnel-subordonnant/démonstratif/homme9
« je connais l’homme qui arrivait »
Avec le complément’PAT’-NOM, on aura :
(38)
i-hik inyanNOM [jNodiaERG n-jaERG-dahu-dyi-nin itukunaNOM]
1º-connaître/déictique/Nodia/relationnel-3º-amener-directionnel-subordonnant/Indien
« je connais l’Indien que Nodia est venu amener»
La relativisation du complément‘AGT’-ERG est impossible. ‘AGT’ doit apparaître sous la forme du
complément unique dans une construction antipassive pour pouvoir être relativisé.
(39)
i-hik inyanNOM [ipiyaNOM wa-dahu-dyi-nin HananiOBL]
1º-connaître/déictique/homme/antipassif-amener-directionnel-subordonnant/
« je connais l’homme qui est venu amener Hanani »10
Hanani
nominalisation
La nominalisation du verbe implique l’intervention du déictique nyan en position postverbale.
Ainsi, avec le complément unique :
(40)a kitan wa:paNOM
dormir/chien
b kitan nyan
dormir/déictique
9
« le chien dormait »
« le dormeur »
Deux points ne sont pas encore clairs. 1) nyan semble être un déictique, duquel dérive
vraisemblablement le démonstratif (et le pronom de 3ème personne) anyan. Il s’utilise, avec une autre
distribution, pour la nominalisation du verbe (voir plus loin). 2) nin est une marque verbale qui indique
l’aspect duratif et qui sert également à construire les gérondifs ; il a probablement dérivé vers un type de
fonction subordonnante.
10
La position en tête de phrase du nom relativisé est préférentielle, comme en (39), même si en (37) et
(38) il apparait en fin de phrase, comme il le fait le plus souvent dans une proposition indépendante.
Avec le complément’PAT’-NOM la construction conserve l’indice de complément‘AGT’-ERG, ce qui
indique que la transitivité est mantenue :
(41)a aERG-wahak barahaiNOM
3º-cuire/viande
b aERG-wahak nyan
3º-cuire/déictique
« elle a cuit de la viande »
« la chose cuite »
Le complément‘AGT’-ERG n’a pas d’accès direct à la nominalisation. Là encore, on a recours à
l’antipassif pour le transformer en complément unique :
(42)
wa-wahak nyan
antipassif-cuire/déictique
« la cuisinière »
ergatif et génitif
Nous avons vu dans la section 3 (in fine) le parallélisme structural clair qui existe entre le
syntagme verbal et le syntagme nominal pourvu d’un génitif. Cependant, le complément‘AGT’-ERG
est plus contraint que le complément adnominal. Ce dernier se prête, par exemple, à
l’interrogation et à la pronominalisation par un démonstratif :
(43)a ihanianGEN n-iaGEN-okpu tu ?
« de qui est-il le fils? »
interrogatif/relationnel-3º-fils/négation
b iitiyanGEN n-iaGEN-tyo tona
celle-ci/relationnel-3º-fille/partir
« la fille de celle-ci est partie »
Une explication de cette différence pourrait résider dans la nécessité d’instituer une hiérarchie
entre les compléments directs de la proposition transitive (complément’PAT’NOM/complément‘AGT’-ERG), et l'absence d'une telle nécessité dans le syntagme nominal génitif.
7 Coréférence
On a pu déduire de ce qui précède qu’il existe en katukina l’anaphore zéro, c’est-à-dire
l’absence, dans la proposition, d’un syntagme nominal explicite représentant un complément
requis par la valence du verbe. L’étude de ces phénomènes en est encore à une phase initiale qui
ne permet pas de tirer des conclusions fermes. La première impresion avait d'abord été que le
complément’PAT’-NOM contrôlait la référence de l’anaphore zéro. L’image qui semble s'imposer
aujourd'hui est celle d’une absence de hiérarchie claire entre les compléments aptes à assumer le
statut de contrôleur ou de contrôlé11. C’est ce que semblent montrer les exemples que je présente
maintenant.
11
On retiendra trois types de difficultés matérielles qui se sont présentées lors de l’analyse : 1) plus de
données sollicitées que spontanées ; 2) des intuitions contradictoires entre les informateurs sur les données
sollicitées ; 3) des données textuelles avec un degré élevé de difficultés d’interprétation, dû au portugais
médiocre parlé par les informateurs. L’impression en question était due aux apparentes préférences des
premiers informateurs sur les textes sollicités. Il est clair que le seul matériel fiable lorsqu’il s’agit de
coréférence se trouve dans les textes.
(44)
itukunaERG n-iaERG-tohik-na [[jMayonERG n-jaERG-ikobaraman-nin] iØNOM]NOM
Indien/relationnel-3º-voir-directionnel/Mayon/relationnel-3º-viser-subordonnant
« l’Indieni ai vu Mayonj en train de lei viserj »
Le controlé de la proposition subordonnée […]NOM, réalisé par zéro, est le complément’PAT’-NOM
de “viser”. Le préfixe n- relationnel montre que MayonERG se trouve dans le même syntagme
que le verbe.
(45)
mai-man-na [wiriNOM [jØERG jaERG-man-nin]]NOM
3º pluriel-faire-directionnel/sanglier/3º-faire-subordonnant
« ellesi l’j onti envoyé chercherj du sanglier »
Ici au contraire, le contrôlé dans la proposition subordonnée […]NOM, manifesté par zéro, est le
complément‘AGT’-ERG de “chercher” (le “faire” à l’intérieur des crochets). L’absence de préfixe
n- relationnel montre qu’il n’y a pas de syntagme nominal à l’intérieur du syntagme verbal.
(46)
[idyo:riERG n-iaERG-man jwa hinukNOM], [dadohan niama
termite/relationnel-3º-faire/femme/collectivité/monter/puis
« le termitei a averti les jfemmes, puis ellesj sont montées »
jØNOM]
Le complément’PAT’-NOM de la première proposition, “femmes”, contrôle l’anaphore zéro de la
seconde proposition.
(47)
[iwaERG n-iaERG-da-man jdyo:riNOM], [da?an niama
femme/relationnel-3º-partir-faire/termite/partir/puis
« la femmei a averti le termitej, puis ellei est partie »
iØNOM]
Ici au contraire, le complément‘AGT’-ERG de la première proposition, “femmes”, contrôle
l’anaphore zéro de la seconde proposition.
8 Relations grammaticales, en général
Imaginons une scène dans laquelle un être vivant mord un autre être vivant. Ceci est
l'événement. Un des individus est le chien de la grand-mère, l’autre est le boa du voisin. Ce sont
les participants. On ne peut varier à l’infini — ni dans une langue, ni dans les langues en général
— la façon dont l’information concernant les participants à un événement est traitée par le
locuteur au moment de se représenter la scène afin de la communiquer verbalement. D’un côté,
les participants sont catégorisés en fonction de l’asymétrie qui caractérise leur rôle dans
l’événement. C’est-à-dire qu’on leur attribue des rôles sémantiques : l’un est agent (AGT) et
l’autre patient (PAT). D’un autre côté, les deux participants sont identifiés, c’est-à-dire qu’on
leur attribue des référents au moyen de coordonnées particularisantes. C’est là que surgit la
deuxième asymétrie : au moment de communiquer, le locuteur ne s’intéresse pas de la même
façon à ce qui arrive au chien et à ce qui arrive au boa. C’est pourquoi il hiérarchise encore les
référents, en ce qu’on peut appeler thème primaire (THM’) et thème secondaire (THM’’). On a
ainsi les deux premiers plans sur lesquels s’organise la participation : le sémantique et le
pragmatique.
Voyons quels sont les outils formels à disposition du locuteur pour transmettre une information
traitée comme nous venons le présenter. Bien entendu, un dispositif qui ne permettrait pas de
savoir si c’est le chien ou le boa qui mord, ne pourrait satisfaire les besoins communicatifs
élémentaires des être humains. C'est un fait banal que, dans les langues, l’asymétrie sémantique
se reflète en une asymétrie formelle manifestée à travers les marques accompagnant les noms
qui identifient les participants, et/ou à travers les marques — libres ou liées — qui
accompagnent le verbe et identifient, directement, les participants, et/ou à travers la position
tactique relative des éléments qui, quels qu’ils soient, identifient les participants. Dans son
acception restrictive, le terme “cas” renvoie au premier de ces mécanismes. J’utiliserai cas dans
un sens plus large, pour englober les trois mécanismes formels dans un même concept (ce que
Fillmore appelait “case form”, 1968:21; cf. aussi “alignement”, “coding”), concept qui
distingue, par exemple, un nominatif (NOM) d’un accusatif (ACC). De la même façon, un
dispositif qui ne permettrait pas d’indiquer qui, du chien ou du boa, est le centre d’attention du
locuteur au moment de l’énonciation pourrait événtuellement satisfaire les besoins d’un discours
scientifique écrit, mais certainement pas ceux de la communication quotidienne entre les
personnes. Communément, le mécanisme qui traduit la hiérarchie référentielle sur le plan de
l’expression linguistique est ce qu’on appelle les relations grammaticales, manifestées par une
palette de propriétés révélatrices de l’asymétrie entre sujet (SUJ) et objet (OBJ). Pour Mithun
par exemple, les sujets sont “essentially grammaticized clause topic” (1991b:160).
En synopsis :
sémantique ↔ rôles ↔ AGT/PAT

sémant.

contenu {

pragmatique ↔ référents ↔ THM’/THM’’

(48)





 NOM/ACC ↔
 SUJ/OBJ
cas ↔ « morphologie » 


 forme

↔ relations ↔ « syntaxe » 
grammatic.

Le tableau qui vient d’être esquissé est sans doute simplificateur à plusieurs titres, que ce soit à
l’intérieur de chaque niveau (il y a plus de rôles sémantiques, plus de cas, etc.), ou encore dans
le rapport entre les différents niveaux (il est possible qu’il existe des liens entre les relations
grammaticales et les rôles sémantiques, par exemple). Mais il a l’avantage de mettre en évidence
la relation privilégiée qu’entretiennent le niveau syntaxique des relations grammaticales et le
niveau pragmatique de la hiérarchie référentielle12. Nous reviendrons sur ce point.
La question des relations grammaticales se présente, de façon récurrente, comme un point
difficile à traiter pour diverses raisons. Elles sont à la fois moins intuitives que les rôles
sémantiques et moins visibles que les cas. Leur terminologie, et en particulier le terme de
“sujet”, est liée à d’autres domaines de la connaissance (philosophie, logique, etc.) avec une
longue histoire dont la grammaire stricte a du mal à se détacher. On les considère parfois comme
quelque chose d’ethnocentrique, et on doute de leur universalité (Mithun 1991b; Lazard
1994:115; Van Valin & LaPolla 1997:260, 273; Bath 199113). Certains leur accordent un rôle
12
Un autre problème – sans conséquences graves – vient de ce que la position tactique des constituants, qui
contribue à la manifestation des cas (au sens large) est assignée en (48) au niveau de la morphologie et non à
celui de la syntaxe, d’où les guillemets.
13
Plus précisément ce dernier auteur les réduit au statut d’artefact scientifique, dépourvu de réalité dans le
fonctionnement psychologique du langage (155-158).
secondaire, et les tiennent pour dérivées d’un autre niveau d’organisation de la grammaire
comme la structure en constituants (Chomsky 1981), ou, au contraire — en réaction — d’autres
leur assignent un rôle central dans la grammaire, en leur donnant le statut de notions primitives
(Perlmutter 1982).
Une attitude assez généralisée consiste à caractériser les relations grammaticales à partir des
rôles sémantiques. Je ne dirai pas qu'on le fait directement en termes de rôles sémantiques, car
on sait – et ceci justifie l’existence de deux niveaux distincts – que les sujets de mordre et
aimer sont hétérogènes sémantiquement, de même que ceux de sauter et tomber, ainsi que
ceux de mordre et être mordu. Rosen (1984) déploie un certain effort pour montrer, contre
Harris (1982:299; 303), et contre la Universal Alignment Hypothesis de Perlmutter & Postal
(1984) qui soutiennent le contraire, l'avantage d'une version de la grammaire relationnelle où les
relations grammaticales initiales 1 et 214 ne sont pas déterminées par les rôles sémantiques. Sa
ligne d'argumentation consiste à mettre en évidence les cas de non superposition entre rôles
sémantiques et relations grammaticales, en ayant recours, nottamment, à des situations dans
lesquelles deux langues donnent des traitements formels différents à des participants qui nous
semblent similaires au niveau sémantique, par exemple en référence à la notion de “suer” (72).
“The analyst using the RG framework must posit initial GRs” (68). On ne voit pas clairement,
malgré tout, comment elle procède, et en particulier on se demande pourquoi elle assigne 1 à tel
participant et 2 à tel autre, et non pas le contraire : si c’est en fonction du comportement
syntaxique de ces entités15, 1) cela ressemble à un raisonnement circulaire, et 2) il ne s’agit alors
plus de primitifs théoriques, comme on le prétend. Dixon est, d’une certaine façon, plus
péremptoire : il déclare d'emblée qu’il faut établir la catégorie de sujet à partir de la perspective
sémantique (1994:112). Pour cela, il identifie les catégories A et O dans la construction
transitive sur une base sémantique : avec mordre par exemple, A est celui qui mord et O celui
qui subit la morsure. Par extension, seront A et O tous les participants ayant le même
comportement formel que, respectivement, les A et les O prototypiques identifiés à partir de
mordre (7)16. S (le participant unique de la construction intransitive) et A se regroupent sous la
catégorie universelle de sujet (124).
Nous devons nous interroger ici sur l'affinité supposée entre le rôle sémantique de l’agent et la
relation grammaticale de sujet, puisque Dixon n’est pas le seul à insister sur cette affinité (cf.
Keenan 1976 par exemple, sans oublier l’amalgame déguisé de la grammaire relationnelle). En
réalité, une troisième notion apparaît entre les deux premières : la thématicité du participant. En
14
Appelées également sujet et objet initiaux.
« GRs […] can be identified by syntactic tests independent of meaning » (68).
16
C’est ce que nous avons fait plus haut en 2. La différence avec Dixon est que celui-ci assigne également à
A et O une fonction syntaxique. Lazard (1977) critique cette confusion (voir aussi les commentaires de Du
Bois sur ces fluctuations, 1987:807). La critique s’applique également à Comrie (voir, par exemple, les
usages de P en 1978:362-363), bien que cet auteur soit plus explicite sur le mécanisme de transfert des
étiquettes sémantiques à la syntaxe : « A and P are thus syntactic terms, whose prototypes are defined in
semantic terms » (1981:105). Un prototype sémantique ne peut l’être que d’une catégorie sémantique. Je ne
vois pas en quoi les extensions auxquelles se prête cette catégorie la propulsent vers un autre niveau de
structuration. La seule chose que fait la (morpho)syntaxe est de rendre visibles ces extensions. Au fond, soit
l’on projette sur la syntaxe les étiquettes sémantiques, soit l’on projette sur la sémantique les étiquettes
syntaxiques, comme on le verra de suite à propos de la grammaire relationnelle (et comme cela arrive avec
les expressions sujet et objet « logiques », et avec certains usages de sujet « profond », par exemple Foley &
Van Vallin 1977). Van Vallin & La Polla sont plus cohérents : ils posent les catégories qui contiennent les
prototypes agent et patient en tant que « macrorôles » actor et undergoer respectivement, mais les
maintiennent au niveau sémantique, sans jamais les projeter au niveau syntaxique.
15
clair, un agent tend à se constituer en thème primaire (voir, entre autres, Givon 1984:139). Une
double pression s’exercerait ici : une certaine forme d’egocentrisme linguistique qui conduirait
le locuteur à se poser comme thème primaire, et une certaine forme d’autodynamisation —
qu'on pardonne le néologisme — selon laquelle le locuteur se percevrait comme agissant sur le
reste du monde (Silverstein 1976; on trouve dans Dixon 1979 des formulations particulièrement
nettes de ceci17). La relation entre rôles sémantiques et hiérarchie pragmatique s’organiserait sur
cette base. A partir de là, la vision “sémanticiste” des relations grammaticales rejoint la vision
“pragmaticiste”, assez généralisée à travers différents courants théoriques, qui considère le sujet
comme le résultat de la grammaticalisation du thème primaire (Foley & Van Valin 199718;
Givon 1984; Marantz 1985; Mithun 1991b). Si l’on schématise : AGT ↔THM’ ↔SUJ. Ceci nous
donne un cadre familier de la façon dont se structurent les quatre niveaux de la participation (en
restituant la dimension prototypique au niveau sémantique; voir section 2) :
(49)
sémantique
pragmatique
morphologie
syntaxe
‘AGT’
THM’
NOM
SUJ
‘PAT’
THM’’
ACC
OBJ
Je considère comme plausible l’existence d’un lien privilégié entre THM’ ↔SUJ. En d’autres
termes : si l’on soustrait des critères définitoires du sujet proposés par Keenan (1976) ceux basés
sur la sémantique et ceux basés sur la morphologie (au sens large, “coding”), il reste ceux basés
sur la syntaxe :
- structure en constituants
- accessibilité aux règles syntaxiques
- contrôle de la coréférence
Or ces derniers sont directement en relation avec la hiérarchie référentielle des participants,
puisqu’on peut supposer qu’un référent qui doit rester actif et proéminent pendant un fragment
du discours (thème primaire) doit également être un constituant de rang élevé au niveau de la
phrase, doit rester facilement à portée des règles qui régissent la relativisation, la focalisation,
etc., et doit prédominer dans l’accès aux mécanismes de conservation de la référence (propriétés
syntaxiques du sujet). Selon les termes de Givon (1997:29), les propriétés de “behavior-andcontrol” reflètent plus fidèlement les relations grammaticales parce qu’elles sont plus
directement motivées que la morphologie par les facteurs pragmatiques.
Revenons à la relation ‘AGT’ <---> THM’. Pour sa défense, et afin d'échapper à la circularité,
on a cherché des indices en dehors de la structure syntaxique au sens strict. Certaines données
viennent du domaine de l’aquisition du langage. Marantz (1985:220) allègue qu’il est
caractéristique du langage enfantin de se poser soi-même comme thème central du discours
(l’égocentrisme déjà cité), et évoquer des événements dans lesquels on est soi-même agent
(autodynamisation). D’autres données viennent de la structure du discours. Givon soutient que
l’agent est plus thématique que le patient et propose, entre autres auteurs, un moyen de
quantifier la thématicité des participants à partir du matériel textuel, sans faire appel à la
17
"In the speaker's view of the world, as it impinges on him and as he describes it in his language, he will be
the quintessential agent" (85). Egalement : "the speaker will think in terms of his doing things to other
people to a much greater extent than of having things done to him" (86).
18
« Surface object » pour ces auteurs.
structure grammaticale (1990, 1994). Des mesures réalisées sur le discours dans différents types
de langues, et en particulier des langues ergatives, confirmeraient qu’il s’agit bien d’un universel
(Cooreman et al. 1984).
L’égocentrisme est tellement clair en grammaire — ainsi sa version atténuée,
l’anthropocentrisme —, que nous ne nous y attarderons pas. En ce qui concerne ce que j'ai
appelé “autodynamisation”, on trouve de sérieuses objections dans le travail dense et documenté
de Wierzbicka (1981). Le locuteur s’intéresse à lui-même, mais plutôt comme siège des
événements qui lui arrivent que comme agent (46, 76)19. Shibatani (1991) reconnaît comme nonmarquée la relation ‘AGT’ <---> THM’ en japonais, mais identifie comme non-marquée la
relation ‘PAT’ <---> THM’ en tagalog, ainsi que le fait Comrie (1981:114), précisément dans la
langue où Coreman et al. (1984) font leurs comptages. Dans la Role and Reference Grammar on
admet également la possibilité d’une langue avec un lien ‘PAT’ <---> THM’ non marqué (Van
Vallin & LaPolla 1997:280). Comme on le voit, l’universalité de ‘AGT’ <---> THM’ ne jouit
pas d’un consensus unanime20. Et c’est une chaîne de relations ‘PAT’ <---> THM’ ↔SUJ que
suppose l’affirmation de Shibatani selon laquelle, dans des langues comme le dyirbal ou les
langues maya les plus ergatives, l’absolutif – qui inclut le cas du patient dans la construction
transitive active non marquée – s'identifie au thème primaire (“topic”) grammaticalisé
(1991:122), ou plus directement, que le dyirbal “has subjectivized the absolutive patient to a
high degree “ (1991:121; voir aussi Estival & Myhill 1988). Il semble raisonnable de s’en tenir à
l’opinion de Comrie (1981:114), selon qui :
« [...] many languages do have a grammatical relation of subject definable in its core as the
intersection of agent and topic, whereas few languages similarly define grammatical
relations reflecting the intersection of, say, patient and topic. »
Cette citation renferme quatre points sur lesquels il faut s'arrêter. D’abord, le rôle central du
thème primaire est constant dans les deux types de langue. Deuxièmement, certaines langues
sélectionnent l’agent, d’autres le patient. Troisièmement, le désequilibre quantitatif qui existe
entre les deux types est évident. Quatrièmement, Comrie évoque la notion de "sujet" pour le
premier type de langue, mais pas pour le second. Voyons de plus près ce dernier point.
Il existe devant les langues ergatives une résistance assez généralisé à identifier le patient de la
construction transitive comme sujet, ce qu’illustre la formulation de Comrie. Là où cette
19
Les données empiriques de Wierzbicka consistent en des systèmes grammaticaux et des comptages
textuels. Mallison & Blacke (1981:86) font également des comptages textuels et arrivent à la conclusion que
leurs propres données ne confirment ni la corrélation entre locuteur et agent, ni celle entre locuteur et siège
d’événements.
20
Ces auteurs ne renvoient pas aux mesures textuelles de Givon et n’explicitent pas non plus les bases sur
lesquelles eux-mêmes identifient ce que serait le thème primaire. Peut-être existe-t-il une intuition de la
thématicité différente de ce que les mesures textuelles permettent de mettre en évidence (à ce propos
Cooreman et al. 1984:5 mentionnent un travail inédit de Verhaar 1983). Les langues fortement ergatives
devraient être les premières à se voir appliquer ce genre de mesures, étant les meilleures candidates pour
illustrer une relation différente entre hiérarchie pragmatique et rôles sémantiques (voir la citation de Comrie
plus bas). Cependant Dixon (1994), faisant allusion à un travail de Cooreman et al. (1984) ainsi qu’à un
autre travail de Cooreman sur le dyirbal (1988), reconnaît en même temps l’universalité de ‘AGT’ ↔THM’ et
nie tout type de corrélation avec l’ergativité (208-209): “[…] the pivot relations [ce que d’autres et lui-même
en 1972 appellent ‘topic chains’] here [en dyirbal] differ from the typical relations for a discourse theme”
(213).
résistance est explicite on peut cerner deux types de justifications : celles qui concernent le
contenu, et celles qui s’appuient sur la syntaxe.
Dixon (1994) illustre bien le premier type de justification. Partant du postulat de base
sémantique selon lequel le sujet est “the NP whose referent can be agent, if anything can” (131),
il tient pour “totally confusing” l’idée d’assimiler le patient au sujet dans une langue de nature
fortement ergative (156). Si la possibilité d'une telle assimilation est concevable, c'est parce que
dans ces langues, le patient capte, effectivement, beaucoup des propriétés syntaxiques du sujet
(voir Shibatani plus haut). La parti pris de Dixon consiste simplement à considérer que la notion
de sujet se situe dans le “underlying structure level”, sémantique21, et à évacuer vers le pivot,
“level of derived structure”, grammatical, ces propriétés syntaxiques (156). Un peu différente,
plus teintée de pragmatique, est l’attitude qui revient à voir en l’agent le thème primaire par
excellence (voir Givon plus haut). Dans sa description de la langue trumai (Brésil), notoirement
ergative, Guirardello (1999:297) énumère les critères, tous syntaxiques, qui pourraient justifier
le fait que “the Subject in Trumai is the grouping {S, O}”. Reconnaissant que “S and O align in
many ways”, et placée devant l'option que cet ensemble puisse s'instituer en sujet, Guirardello
doit faire face à deux problèmes : le premier est que O est le patient, et le second, directement
lié, est que dans ces conditions le patient se situerait au-dessus de l’agent dans la hiérarchie
référentielle. La conséquence naturelle de tout cela est que “to group S and O as the Subject
category in Trumai is to let the formal criteria override semantic and pragmatic factors”22. Ce
qui paraît un coût trop élevé à Guirardello, qui préfère renoncer à la notion de relations
grammaticales dans l’analyse du trumai.
Les raisons de la résistance fondées sur la syntaxe sont plus intelligibles pour qui soutient que le
niveau des relations grammaticales, s’il existe, existe parce qu’il ne se confond avec aucun autre
niveau, ni celui de la sémantique, ni celui de la pragmatique, ni celui de la morphologie, bien
que des interactions entre les différents niveaux soient, bien entendu, toujours possibles. On en
trouve les exemples les plus nets dans les écrits qui cherchent à établir la grammaire universelle
sur la base des principes et paramètres. Bittner & Hale (1996b:532) posent que, en dyirbal, le
syntagme ergatif – qui représente l’agent – est le sujet, puisqu’il répond au critère qui veut qu'un
certain type d’anaphore zéro apparaisse uniquement en position de sujet (il s’agit de PRO,
Chomsky 1981). La validité de l’exemple crucial qui illustre cette affirmation repose sur la
structure en constituants. Mais Dixon (1994), dont est tiré l’exemple, donne une analyse en
constituants différente, qui selon toute vraisemblance ne permet pas d’arriver à la même
conclusion. Selon Bittner & Hale (533) :
(50)
hommeERG
[maisonNOM a construit] a bien fait
[…] est complément de a bien fait, et contient une anaphore zéro de homme, qui est
nécessairement ∅ERG. Selon Dixon (134) :
(51)
21
hommeERG
maisonABS
[a construit a bien fait]
Ceci bien qu’il affirme, dans la même page, que S et A, à propos desquels on a dit à plusieurs reprises
qu’ils se rejoignent pour former le sujet, sont « universal syntactic relations » (ainsi que O).
22
Dixon refuse, dans les mêmes termes, la conclusion qu’il faudrait tirer à propos du dyirbal à partir des
critères de Keenan (1976) : réunir S et O dans la catégorie de sujet, « letting grammatical criteria override
semantic considerations » (1994 :129).
[…] est un seul syntagme. Donc a construit ne peut pas avoir comme compléments maison et
l’anaphore zéro de homme23. Par ailleurs, il existe dans Dixon (1994:168-169) des exemples
plus proches de la structure que Bittner & Hale attribuent à (50), mais dans lesquels l’anaphore
zéro à l’intérieur de […] représente le complément au cas nominatif et non le complément au cas
ergatif :
(52)
père est revenu
[mèreERG
pour voir]
“le père est revenu pour que la mère le voie”
(53)
père a envoyé
mère [médecinERG pour examiner]
“le père a envoyé la mère pour que le médecin l’examine (elle)”
Si l’anaphore zéro à l’intérieur de […] doit être agent de “voir” ou “examiner” (“le père est
revenu pour [voir la mère]”, “le père a envoyé la mère [examiner le médecin]”), comme on
suppose qu’elle l’est de “construire” en (50), le verbe à l’intérieur de […] doit prendre la forme
antipassive, ce qu'il ne fait pas en (50)24.
Selon Marantz (1985:200), les données du dyirbal ne se prêtent pas à la vérification du critère
que nous venons d’examiner. Ni ceux de l’esquimau artique central, l’autre langue à laquelle
Marantz soumet son hypothèse sur l’ergativité. Cet auteur fait partie des rares qui posent
fermement l’existence de langues dans lesquelles le patient est le sujet, et, chose encore plus
rare, l’agent est objet (198)25. Mais cette conclusion est un corollaire de la nature
syntaxiquement ergative d’une langue, ce qu’il démontre à l’aide de critères étrangers à la
coréférence (200-220). En ce qui concerne les critères de coréférence, il soutient en effet que les
auteurs l’ayant précédé dans l’identification du sujet avec le patient26 l’ont fait sur des bases
23
L'idée d'un seul constituant verbal contenant le matériel inclus dans [...] se trouve déjà dans Dixon
(1972:54), où le constituant en question est nommé "verb complex" : le second élément faire bien n'est
qu'une "adverbal root", laquelle, tout en féchissant selon le temps comme le verbe ("Just as an adjective,
modifying a noun, will inflect in exactly the same way as the noun"), n'a pas la capacité du verbe de
s'associer des compléments. Par ailleurs, la différence entre maisonNOM / maisonABS est uniquement
terminologique.
24
Les données en dyirbal pour ces trois exemples sont :
(50, 51)
yara-Νgu mija-Ø wamba-n Νuyma-n
homme-ergatif/maison-absolutif/construire-non futur/faire bien-non futur
(52)
Νuma-Ø banaga-nyu yabu-Νgu bura-li
père-absolutif/revenir-non futur/mère-ergatif/voir-finalité
(53)
yabu-Ø Νuma-Νgu giga-n gubi-Νgu mawa-li
mère-absolutif/père-ergatif/envoyer-non futur/médecin-ergatif/examiner-finalité
25
Jacobsen (1985) également, mais comme il le reconnaît lui-même dans le post-scriptum de l’article, sa
caractérisation des relations grammaticales est trop déterminée par le niveau des cas. Anderson (1976) dans
son entreprise systématique – et à mon avis correcte – de remettre chaque chose à sa place et d’écarter les
considérations morphologiques dans la caractérisation du sujet (8), admet que le dyirbal est la seule langue
où le patient peut être identifié à un sujet (23), mais ne mentionne pas l’objet. Même chose avec Van Vallin
& LaPolla (1997:269). Ces auteurs (246-249) énumèrent trois courants théoriques (représentés par Dik,
Givon et Bresnan) pour lesquels l’agent ne peut avoir accès à la fonction d’objet. ici : causee=agent=objet
26
Il mentionne Dixon (1972) et Mel’c◊uk (1979). D’autres auteurs interprètent de la même façon la
description du dyirbal publiée par Dixon en 1972 (par exemple Bittner & Hale 1996b). Tout ce que l’on peut
dire à ce propos est que, des les phénomènes décrits par Dixon, tout ou presque tout amène le lecteur à la
conclusion que le patient du transitif est sujet. Mais l’auteur lui-même ne le formule pas ainsi. Dixon se sent
même obligé de réfuter explicitement cette même interprétation de son analyse de la part de Postal
(1994 :129).
erronées, parce qu’ils ont utilisé la notion de chaîne thématique (“topic chain”, “pivot”) qui
n’implique pas nécessairement des sujets. Marantz donne le contre-exemple suivant, en anglais :
(54)
Elmer persuaded iHortenseOBJ [i∅SUJ to buy a green porcupine]
La chaîne thématique connecte un objet, hors les crochets, et un sujet, dans les crochets. Le
critère serait uniquement celui de l’anaphore zéro incluse dans les crochets (le “contrôlé”, PRO),
parce qu’on suppose qu’elle est toujours sujet. Mais comme on l’a vu, et contrairement à Bittner
& Hale, Marantz ne voit pas comment vérifier le critère ni en dyirbal ni en esquimau27.
L’antécédent d’une anaphore zéro, malgré tout, n’est pas complètement neutre par rapport aux
relations grammaticales. Dans le type de chaîne thématique qui implique deux propositions
finies (c’est-à-dire avec des prédicats conjugués), comme la coordination, il existe dans les
langues une tendance forte qui privilégie le sujet comme “contrôleur” de l’anaphore zéro
subséquente (Keenan 1987:184).
(55)
le chien a mordu le crapaud et est mort
Chomsky (1981:78) y reconnaît un trait préférentiel et commun à beaucoup de langues.
Cependant dans certaines, et pas des plus exotiques, ce trait n'est pas préférentiel mais
obligatoire. Dans celles-ci, la seule interprétation possible tient chien pour le référent du
complément de est mort, et non crapaud, c’est-à-dire le sujet de la première proposition.
Vraisemblablement, l’universalité du lien ‘AGT’ ↔ SUJ est toujours en discussion.
De ce qui précède il se dégage l’idée d'une chaîne de correspondances X ↔ THM’ ↔ SUJ, dans
laquelle X peut être, selon la langue ou selon la construction dans une langue donnée, ‘AGT’ ou
‘PAT’. Et aussi l'idée que, dans le segment X ↔ SUJ de la chaîne, X est, dans les langues du
monde, beaucoup plus fréquemment ‘AGT’ que ‘PAT’.
Toutes ces considérations s’inscrivent dans des courants qui admettent l’existence du niveau des
relations grammaticales. Comme on l’a signalé, il est nécessaire d’insister, ici aussi, sur le
manque d'unanimité. Davis & Saunders (1997) est un exemple de description d’une langue, le
bella coola, menée à terme sans le moindre recours à des notions impliquant les relations
grammaticales28. Une attitude, en fin de compte, diamétralement opposée à l’universalité
postulée par la grammaire relationnelle. Pour d’autres courants, ce niveau existe sans être pour
autant universel (voir les références données au début de cette section). Les langues activesstatives riches dans la codification des traits nominaux confortent cette position, puisque d’une
part l’organisation grammaticale de la participation reflète plus directement les rôles
sémantiques, et d’autre part les distinctions sémantiques indiquées par la morphologie
permettent un pistage efficace des participants dans les opérations syntaxiques qui requièrent
l’accès aux référents (Mithun 1991b). Cela est encore plus net lorsque la tactique des
27
Cette différence peut s’attribuer à la chronologie des publications (Bittner & Hale 1996b ont eu accès à
Dixon 1994, contrairement à Marantz), ce qui suppose que du matérial dyirbal comparable à celui que nous
venons d’examiner n’apparaît pas dans Dixon 1972 (où se trouve véritablement la description de la langue).
Elle peut aussi provenir d’une divergence dans l’interprétation des données. Estival & Myhill se fondent sur
la référence de l’anaphore zéro dans les propositions finies pour identifier le complément’PAT’-ABS au sujet
(1988 :480). Nous nous en tiendrons là pour ce qui est des détails du débat.
28
En verité, en faisant seulement intervenir les rôles sémantiques et l’organisation pragmatique.
constituants contribue de manière efficace au pistage (Bath 1991). Une prise de position
comparable — la non universalité —, mais sur des bases différentes, est celle qui insiste sur la
situation propre à certaines langues, comme le tagalog, dans lesquelles les propriétés
généralement attribuées au sujet se distribuent sur plus d’un syntagme nominal (Schachter
1977). Dans ce genre de cas, on prend l’ensemble des propriétés généralement associées au sujet
(sémantiques, pragmatiques, morphologiques, syntactiques; Keenan 1976 en énumère trois
dizaines), qu’on applique mécaniquement à la structure de la phrase.
Ce qu'il convient d'en retenir c'est précisémet la nécesité d'une identification hautement
restrictive et homogène de ces propriétés, en fonction du niveau auquel est supposée opérer la
notion de sujet.
Van Vallin & LaPolla (1997:274) prônent aussi l’idée de non universalité pour la raison que
« only where the behavior patterns are not reducible to semantic or pragmatic relations
can we say there is evidence of syntactic relations ».
Cette affirmation contient 1) l’identification du domaine dans lequel les relations grammaticales
doivent se situer : celui des opérations syntaxiques dans lesquelles est impliqué un référent
(“behavior”), ce qui écarte la morphologie (“coding”), et 2) un critère de parsimonie – ne pas
multiplier inutilement les niveaux – cohérent avec l’attitude de Mithun (et de Bath).
Au fond, le critère de parsimonie est décisif, et, dans l’identification du domaine où
interviennent les relations grammaticales, devrait s’appliquer aussi vis-à-vis du niveau de la
morphologie. Dit autrement : il ne serait licite de parler de relations grammaticales que là où ni
les rôles sémantiques, ni la hiérarchie référentielle, ni les cas ne sont des termes suffisants pour
formuler de la façon la plus compacte possible les généralisations dans le champ de la syntaxe.
Guirardello affirme par exemple, contre le recours aux relations grammaticales dans la
description du trumai et, à mon avis, de façon plus percutante que lorsqu’elle évoque les
inconvénients sémantiques et pragmatiques déjà mentionnés, que “we can describe the system
and the syntax of the language only on the basis of the argument types (Absolutive, Ergative,
Dative)” (1999:298).
Les situations comme celles, par exemple, de langues où le complément qui capte les propriétés
syntaxiques du sujet est au cas datif (l’islandais est connu à cet égard) indiquent que pour ce qui
est de la forme — la sémantique et la pragmatique étant le contenu —, il existe quelque chose
qui dépasse le niveau des cas. Il en va de même, pour ajouter un autre exemple, pour les langues
qui présentent un passif non promotionnel (Comrie 1977:48), avec un sujet qui conserve sa
marque de cas accusatif (le sikuani illustre ce point, Queixalós 2000; l’hébreu biblique et le
masai également, Keenan 1976).
L’alternative est donc la suivante, pour qui croit en l’existence des relations grammaticales sans
en postuler la nécessaire universalité : face à l’organisation grammaticale particulière d’une
langue qui permet de décrire le comportement syntaxique des compléments en termes de rôles
sémantiques et/ou thèmes et/ou cas, convient-il ou non d’utiliser les notions de sujet et objet?
Dans un tel cas, ma position, qui coïndice avec la première option, est que l’on augmente
probablement l’intelligibilité des comparaisons typologiques interlinguistiques si en même
temps 1) on mantient les phénomènes sur des plans distincts, chacun avec ses critères
définitoires propres, et 2) on explicite le degré de divergence que les constructions d’une langue
donnée affectent au regard d'une relation de biunivocité idéale entre deux plans déterminés.
Etant donné l’impression générale d'une plus grande abondance des langues accusatives par
rapport aux langues des autres types (Mallison &Blake 1981:73), supposons qu’il existe une
relation de biunivocité privilégiée dans les langues du monde qui serait (en regroupant les quatre
niveaux comme dans le tableau (49) que je reproduis ici) :
(49)
sémantique
pragmatique
morphologie
syntaxe
‘AGT’
THM’
NOM
SUJ
‘PAT’
THM’’
ACC
OBJ
Pour une langue donnée, et afin d’éviter les raisonnements circulaires, on identifie d'abord la
manifestation la plus apparente, la plus visible de la structuration de la participation, la
morphologie (au sens large). La construction transitive de base, non marquée, comporte deux
compléments, chacun avec son cas respectif, l’intransitive comporte un complément unique,
avec son cas. On désigne ce dernier CASU. On désigne CAS’ celui des deux premiers qui porte
la même marque que CASU. L’autre sera désigné, naturellement, CAS’’. De cette façon on
caractérise à la fois la morphologie des constructions accusatives et celle des constructions
ergatives, puisque les deux présentent l’asymétrie.
(56)
CASU = CAS’ ≠ CAS’’
Mais nous ne rendons pas compte des langues où la disctinction qui existe au transitif existe
aussi à l’intransitif. Dans celles-ci on aura :
(57)
CASU’ = CAS’ ≠ CASU’’ = CAS’’
L’assignation des traits primaire ou secondaire (’/’’) aux cas est arbitraire, à moins que l’un des
cas soit non marqué, et donc primaire, l’autre étant alors marqué, et donc secondaire. Les
langues appelées “actives” (ou actives – statives) sont symétriques en termes de (57)29. On
notera que ce que l’on observe aussi bien en (56) qu'en (57), ce sont en fin de compte deux cas,
CAS’ et CAS’’, distingués de façon homogène en termes de niveaux, sur une base
“morphologique” : marques adnominales, forme des pronoms, indices personnels sur le prédicat,
tactique des constituants.
Le plan sémantique intervient pour discriminer deux catégories de constructions à l’intérieur du
type asymétrique et du type symétrique. Dans le premier type, si le cas secondaire – marqué au
sens de différent du cas unique – comporte le prototype du patient, on a de l’accusativité. S’il
comporte le prototype de l’agent, on a de l’ergativité30.
On laissera de côté les systèmes appelés tripartites, CASU ≠ CAS’ ≠ CAS’. On connaît très peu de langues
organisées ainsi (cf Anderson 1976; Mallison & Blake 1981; Dixon 1994): le CASU a quelque chose de
superflux. Même chose pour les systèmes, avares cette fois-ci, où CASU ≠ CAS’ = CAS’. Certaines langues
iraniennes présenteraient ce schéma, selon Dixon. La rareté de ces systèmes – leur instabilité diachronique,
finalement – confirme la finalité première des cas: distinguer des rôles sémantiques (à propos de la fonction
discriminatoire des cas, voir Comrie 1978).
30
Cette formulation doit être considérée comme un refus net de la pratique extraordinairement consensuelle
qui consiste à définir l’ergativité à ce niveau en faisant directement appel à la nomenclature des relations
29
(58)
accusativité
ergativité
sémantique
‘AGT’ ‘PAT’
↕
↕
CAS’ CAS’’
‘PAT’ ‘AGT’
↕
↕
CAS’ CAS’’
morphologie
Il est courant de qualifier d’ergative une langue dès qu’elle présente des traits d’ergativité
morphologique, même si elle présente aussi des traits d’accusativité dans sa morphologie ou à
d’autres niveaux31. On a aussi l’habitude d’appeler le CAS’ nominatif dans un contexte
d’accusivité, et absolutif dans un contexte d’ergativité. Le CAS’’ est appelé accusatif en
contexte d’accusativité, et ergatif en contexte d’ergativité32.
(59)
sémantique
morphologie
accusativité
‘AGT’ ‘PAT’
↕
↕
NOM ACC
ergativité
‘PAT’ ‘AGT’
↕
↕
NOM ERG
On rencontre également deux sous-types parmi les langues symétriques ou actives.
Commençons par celles dans lesquelles on assigne arbitrairement les caractères
primaire/secondaire aux cas, c’est-à-dire celles qui ne présentent pas une distinction marqué/non
marqué. Certaines langues caribes sont de ce type. Le tiriyo par exemple distingue entre CAS’ et
CAS’’ sur la base de deux paradigmes de préfixes personnels (Meira 1999:502; Mithun 1991a
donne un échantillon de langues semblables à cet égard). Dans l’autre type, CAS’ est non
marqué et CAS’’ marqué. Cette configuration est plus fréquente avec du matériel adnominal. Si
le cas marqué est ‘AGT’, nous avons une organisation activo-ergative, illustrée par le géorgien
(Harris 1982:283). On a souvent inclus dans le groupe des langues ergatives les langues de ce
type, à mon avis de façon abusive. Si le cas marqué est ‘PAT’, nous avons une organisation
activo-accusative, logiquement possible mais peu ou pas du tout représentée (Woolford
1997:183).
Le plan de la syntaxe introduit les relations grammaticales. J’appelle plan de la syntaxe celui qui
fait intervenir des phénomènes formels liés à la hiérarchisation des compléments, phénomènes
qui, comme on l’a suggéré plus haut, comprennent la structure en constituants, l’accessibilité
aux règles syntaxiques, le contrôle de la coréférence, et seraient motivés, en termes de contenu,
grammaticales, du genre : un système ergatif marque de la même façon le sujet intransitif et l’objet, et d’une
façon différente le sujet transitif (par exemple Chung 1978:214 ; Keenan 1984:197 ; Estival & Myhill
1988:442 ; Gildea ce volumevoir s'il le dit dans le livre). Ce penchant à appeler sujet et objet des entités qui
ne sont rien d'autre que des intuitions de linguiste sur les rôles sémantiques (voir la discussion plus bas)
conduit à des rédactions insolites comme la suivante : « antipassive constructions are used in clauses with
indefinite direct objects as in (14b) » [je souligne F.Q] ; plus loin 14b montre, comme on s’y attend, cet
« objet direct » sous la forme d’un syntagme parfaitement oblique (Estival & Myhill 1988 :458-459).
31
Ceci est dû en partie à un certain accusativo-centrisme européen (cf Comrie 1978:336), et en partie à la
prépondérance des études morphologiques sur les études syntaxiques à une certaine étape de la linguistique
contemporaine. Marantz (1985) réserve le terme d’‘ergatif’ au plan de la syntaxe.
32
Comme on l’a déjà vu, Bittner & Hale (1996b) appellent également nominatif le cas non marqué en
contexte d’ergativité. Aqui segueixo aquesta opciò. Marantz élimine toutes ces subdivisions
terminologiques et, de façon cohérente, identifie tout simplement CAS’ au nominatif (« nominatif » et
« absolutif »), et CAS’’ à l’accusatif (« accusatif » et « ergatif ») (1985 :198).
par la hiérarchie pragmatique. Dans le type asymétrique, on voit surgir une nouvelle scission,
qui monte à quatre le nombre de sous-types33. Reprenons (56) :
(56)
CASU = CAS’ ≠ CAS’’
Si CASU et CAS’ ont la même “apparence”, on peut s’attendre à ce qu’ils aient le même
“comportement”. En d’autres termes : une intuition assez naturelle indiquerait que les propriétés
du sujet que capte le complément de l’intransitif doivent être réunies dans le complément du
transitif qui possède les mêmes caractéristiques morphologiques. L’autre complément du
transitif reçoit les propriétés de l’objet. La réalité est cependant plus complexe. D’une part on
trouve le sous-type morphosyntaxiquement homogène, qui respecte le principe d’harmonie que
l’on vient d'énoncer, dans la mesure où le cas non marqué coïncide avec le sujet et le cas marqué
coïncide avec l’objet.
(60)



CAS’
↕
SUJ
CAS’’
↕
OBJ

 morphosyntaxe homogène

c’est-à-dire
(61)
accusativité
morphologie
NOM
↕
SUJ
syntaxe
ACC
↕
OBJ
ergativité
NOM
↕
SUJ
ERG
↕
OBJ
On dit que la majorité des langues du monde sont d’accusativité homogène, et que quelquesunes sont d’ergativité homogène. En recoupant quelques sources (Bittner & Hale 1996b; E.
Braga, comm.pers.; Dixon 1994; Kibrik 1985; Marantz 1985; Van Vallin & LaPolla 1997;
Wierzbicka 1981), j’arrive à une quinzaine de langues ergatives homogènes — appelées
également syntaxiquement ergatives —, essentiellement en Australie (est) et en Amérique
(extrême nord, centre, Brésil). Les rares langues en dehors de ces territoires se trouveraient dans
les Philippines, à l’extrême nord-est asiatique, dans le nord-est du Caucase, et au Proche-Orient.
Parmi ces quelque quinze langues, deux sont des langues mortes. Même si le nombre était le
double — je n’ai pas fait de recherche exhaustive et toutes les langues n’ont pas été décrites —,
il s’agit réellement d’un sous-type peu représenté dans le monde. (Ce qui naturellement dilate
l’intérêt que leur confère leur étude.)
D’autre part, on trouve le sous-type morphosyntaxiquement hétérogène, qui contredit le principe
d’harmonie : dans la construction transitive le cas marqué coïncide avec le sujet et le cas non
marqué avec l’objet. Rien ne change dans la construction intransitive, ce qui entraîne que le sujet
réunisse un cas non marqué (CASU) et un cas marqué (CAS’’).
33
Les langues de type actif amènent, on l’a déjà dit, à émettre des doutes sur l’universalité des relations
grammaticales. C’est un thème que je n’approfondirai pas ici, si ce n’est pour citer le cas de l’arawaklokono, langue active, où la structure en constituants est exactement la même qu’en katukina :
complément‘AGT’ interne au syntagme verbal, complément‘PAT’ externe (M. F. Patte, comm. pers.).
[to hiaro boka] to khotaha
« la femme cuit la viande »
la/femme/cuire/la/viande
Restent à voir à quelles autres propriétés syntaxiques des compléments est liée une telle configuration.



(62)
CASU / CAS’’
↕
SUJ

CAS’
 morphosyntaxe hétérogène
↕
OBJ

c’est-à-dire
(63)
accusativité
morphologie NOMint / ACC
↕
syntaxe
SUJ
ergativité
NOMtrn
↕
OBJ
NOMint / ERG
↕
SUJ
NOMtrn
↕
OBJ
Les langues à ergativité hétérogène (morphologie ergative qui regroupe le complément unique de
l’intransitif et le complément’PAT’-NOM du transitif, syntaxe accusative qui regroupe le complément
unique de l’intransitif et le complément‘AGT’-ERG du transitif) constituent la majorité des langues
ergatives34. Le warlpiri d’Australie en est un exemple (Bittner & Hale 1996b). On suppose qu’il
n’existe pas de langues à accusativité hétérogène (une morphologie accusative qui regrouperait le
complément unique de l’intransitif et le complément‘AGT’-NOM du transitif ; une syntaxe ergative qui
regrouperait le complément unique de l’intransitif et le complément’PAT’-ACC du transitif).
Cependant, Keenan (1984) offre toute une palette de phénomènes orientés ergativement — certains
syntaxiques, malgré le titre du travail — dans des langues réputées pour être à accusativité
homogène (essentiellement, l’anglais). L’incorporation nominale en sikuani, langue accusative,
révèle une sensibilité ergative (Queixalós 2000 ; l’incorporation est l’un des mécanismes examinés
par Keenan). On trouve :
(64)
« mes pieds étaient fatigués »
tai-taxu kuerona-Ø
1º possession-pieds/être fatigué-3º sujet
Lorsqu’on incorpore “pieds” au verbe, on obtient
(65)
taxu-kuerona-hüi
pied-être fatigué-1º sujet
« j’avais les pieds fatigués»
(64) dit littéralement « mes-pieds ils-étaient-fatigués », et (65) « j’étais-fatigué-(des)pieds ». La
valence ne change pas. La référence du « possesseur » de la construction analytique est identique à
celle du complément unique de la construction incorporante, « moi ». Voyons ce qui se passe avec
un verbe transitif.
(66)
34
tai-taxu
Ø-tahuita-me
« tu as brûlé mes pieds »
Je ne considérerai pas ici un autre type d’hétérogénéité qui affecte les langues ergatives et qui se situe à
l’intérieur d’un même niveau. Une morphologie scindée (« split ») présente une structure casuelle accusative
dans certaines conditions, et ergatives dans d’autres (sémantisme des noms ; des verbes ; types de marques
— adnominales, indicielles — ; syntagmes nominaux lexicaux ou pronominaux ; indices sur l’auxilaire ou
sur le verbe principal ; aspect ; temps ; type de proposition — indépendante, subordonnée — ; voir Dixon
1994:70-110 pour un échantillon de ces facteurs, et plus bas pour un exemple en dyirbal). Une syntaxe
scindée révèle des contraintes différentes sur la sélection des compléments dans les phénomènes de contrôle,
d’extraction, etc., comme il arrive en basque (Rebuschi sf :322-329) ou en yidiny (Australie ; Dixon
1994:175).
1º possession-pieds/3º objet-brûler-2º sujet
Lorsqu’on incorpore “pieds” au verbe on obtient :
(67)
nei-taxu-tahuita-me
1º objet-pieds-brûler-2º sujet
« tu m’as brûlé les pieds »
La traduction littérale de (66) serait « tu-les-as-brûlés mes-pieds », et celle de (Erreur ! Source du
renvoi introuvable.) « tu-m’as brûlé-(quant aux)pieds ». La valence ne change pas non plus. Mais
ici, la référence du « possesseur » de la construction analytique est identique à celle du
complément’PAT’-ACC de la construction incorporante, « moi ». Dit sur un registre plus syntaxique :
le « possesseur » « monte » au sujet intransitif et à l’objet transitif. On trouve d’autres cas en
sikuani de cette sensibilité ergative (par exemple Queixalós 1998:197).
En dyirbal, les syntagmes nominaux lexicaux s’organisent morphologiquement sur une base
ergative (‘AGT’ marqué). Mais les syntagmes nominaux pronominaux le font sur une base
accusative (‘PAT’ marqué). Or le pronom au cas accusatif a toutes les propriétés syntaxiques du
nom au cas absolutif (Dixon 1994:162). Cela signifie que dans une construction transitive avec
deux pronoms, entièrement accusative par ailleurs, ce qui ressemble le plus à un sujet est au cas
accusatif. Si ceci ne suffit pas à assimiler le dyirbal au type de langue accusative hétérogène, cela
montre cependant la grande ergativité syntaxique de cette langue. C’est également une preuve
supplémentaire de la relative mais indéniable autonomie mutuelle entre morphologie et syntaxe
pour ce qui est des cas et des relations grammaticales.
Plus que de l'autonomie, certains voient dans la relation entre morphologie et syntaxe quelque
chose comme de l'antagonisme. Via la pragmatique, quatrième et dernier niveau qu’il nous reste à
introduire. Je rappelle que nous sommes arrivés aux notions d’accusativité et ergativité à travers la
mise en relation des rôles sémantiques et des cas.
(58)
sémantique
morphologie
accusativité
ergativité
‘AGT’ ‘PAT’
↕
↕
CAS’ CAS’’
‘PAT’ ‘AGT’
↕
↕
CAS’ CAS’’
Le fait que les marques formelles servent essentiellement à effectuer l’indispensable distinction
entre qui mord et qui est mordu n’explique pas pourquoi toutes les langues ne se comportent pas
de la même manière ; par exemple, si la proéminence cognitive de l’agent (voir plus haut) est
vraie, comment se fait-il que toutes les langues n’associent pas ce dernier au cas non marqué?
Dit autrement : pourquoi toutes les langues ne sont-elles pas morphologiquement accusatives?
On peut renoncer à ce genre d'interrogation et constater tout simplement l’existence, dans
chaque langue, d’un interrupteur — un “paramètre” —, qui dans une position donne ‘AGT’ ↔
CAS’, et dans l'autre ‘PAT’ ↔ CAS’. Cependant, certains indices montrent qu’en face de cette
motivation sémantique que l’on vient de rappeler et qui privilégie ‘AGT’, il existe une autre
motivation, pragmatique cette fois, qui favorise ‘PAT’. Des études portant sur la forme
linguistique sous laquelle les personnages protagonistes se manifestent dans le discours amènent
Du Bois (1985; 1987) à émettre l’hypothèse que, indépendamment du type de langue, certain
facteur de nature discursive fait pression sur la grammaire dans le sens d’un regroupement
structurel du complément unique et du complément’PAT’. L’introduction de nouveaux
participants s'effectue moyennant l'insertion de syntagmes nominaux lexicaux. Et ce dispositif
formel apparaît de façon privilégiée sous les espèces du complément unique ou du
complément’PAT’. (Le locuteur présenterait son nouveau protagoniste en prédicant son existence,
ou sa localisation, ou ses propriétés, ou ce que les autres lui font). L’effet ergativisant de ce
facteur se répercute sur l’organisation des marques (“alignment”), parce qu’aussi bien
l’introduction de participants que les marques casuelles sont des mécanismes locaux,
circonscrits au domaine de la proposition.
Cependant, un autre facteur discursif – en fait l’autre face du même facteur – incite Du Bois à
identifier une pression sur la grammaire agissant, cette fois-ci, dans le sens d’une syntaxe
accusative. La permanence d’un thème (“topic”) sur un intervalle de discours est indiquée non
pas au moyen de syntagmes nominaux lexicaux, mais avec des outils grammaticaux de
substitution (pronominaux, anaphoriques, élision comprise). Cette sorte de dispositifs apparaît
de façon prédominante sous les espèces de complément‘AGT’. (Le locuteur maintiendrait son
protagoniste comme résident — actif dans la mémoire des interlocuteurs — en prédicant ses
actions sur les autres.) Or, au regard de la permanence thématique, le complément unique est
associé au complément ‘AGT’ (Du Bois 1987:842). (La parenthèse précédente doit
probablement se reformuler comme suit : le locuteur maintient son protagoniste comme résident
en prédicant ses actions [sur les autres]). L’effet accusativisant de ce fateur se fait sentir sur la
syntaxe (“gramatical relations”, 850) parce que la permanence thématique est un mécanisme qui
opère dans un domaine plus large que celui de la proposition.
Résumons l'hypothèse de Du Bois : le discours pousse la morphologie vers l’ergativité, et la
syntaxe vers l’accusativité. Si, encore une fois, la proéminence cognitive de l’agent est vraie et
capable d’influencer le choix du cas non marqué, on a alors trois sortes de motivations
universelles, deux antagonistes pour la morphologie — l’une pragmatique, l’autre sémantique —
, et une — sans concurrent — pour la syntaxe.
Diachroniquement, on doit supposer l’existence d’un cycle évolutif, avec l’accusativité à une
extrémtité, et l’ergativité de l’autre. S’il n’y avait pas de cycle, la profondeur temporelle du
langage tel que nous le connaissons aujourd'hui aurait été suffisante pour que toutes les langues
du monde débouchent sur le même type.
(68)
1
→
accusativité
ergativité
É
←
2
Dans ce schéma, inspiré de Dixon (1994:186) il convient de mettre en évidence l’asymétrie entre
1 et 2. On suppose que les deux pressions antagonistes sur la morphologie s’exercent sur tous les
points du cycle, l’une conservatrice et l’autre innovatrice selon le point. Mais la pression
discursive sur la syntaxe, accusativisante, s’exerce avec un effet novateur uniquement sur l’arc 2
(flèche inclinée). Cela contribue très certainement à expliquer l’énorme déséquilibre quantitatif,
en faveur des premières, entre les langues syntaxiquement accusatives et le langues
syntaxiquement ergatives. Ajoutons à cela l’observation, assez répandue, indiquant que la
syntaxe change avant la morphologie, parce que plus exposée à la pragmatique (Estival &
Myhill 1988). Quelque part sur l’arc 2 se situent les langues ergatives hétérogènes, à la syntaxe
déjà accusative et la morphologie toujours ergative. A cet endroit surgit une pression
supplémentaire sur la morphologie, la re-harmonisation avec la syntaxe. On arrive alors au type
accusatif homogène. La pression discursive ne s’exerce pas sur l’arc 1, ou alors seulement dans
un sens conservateur. Il est contre-intuitif de supposer que la pression discursive de Du Bois sur
la morphologie, ergativisante, puisse avoir par elle-même l’effet d’amener une langue à
commencer le parcours de l’arc 1, d’une part à cause de la pression sémantique antagoniste
(agent proéminent), d’autre part parce que cela contredit l’antériorité des changements
syntaxiques par rapport aux changements morphologiques. Ce que l’on a très certainement, c’est
un saut qualitatif brusque, comme la réanalyse du passif (Estival & Myhill 1988) ou celle du
syntagme génitif (Johns 1992) vers des constructions transitives actives non marquées. Dans le
premier type de réanalyse on passe de
(69)
le chienSUJ est mordu par le boaOBL
à la construction transitive courante. Le complément au cas oblique devenant nucléaire, sa
marque fonctionnelle est réinterprétée comme de l’ergatif. Dans le second type, à partir du
moment où
(70)
le chienSUJ est le mordu du boaGEN
devient la construction transitive courante, le complément au cas génitif devient complément du
prédicat verbal et sa marque fonctionnelle est réinterprétée comme de l'ergatif35. Il est très
important de noter ici que dans aucune des deux situations le sujet n’a subi quelque changement
que ce soit, ni au niveau sémantique (il est toujours ‘PAT’), ni au niveau morphologique (il est
toujours au cas non marqué), ni au niveau syntaxique (il est toujours sujet), ni au niveau
pragmatique (il est toujours le thème primaire). Et ce jusqu’à ce que commencent à s’exercer sur
lui les effets de la pression syntaxique de Du Bois. Sa proéminence thématique et, à la longue,
son statut de sujet rentreront alors dans une phase de déterioration. Mais dans l'intervalle précis
qui précède les contrecoups de ces effets, il existe bien la possibilité d'une étape de l’évolution
au cours de laquelle le complément‘PAT’ détient les caractéristiques pragmatiques normalement
associées au sujet (voir Comrie 1978:370-379, et Estival & Myhill 1988 pour des descriptions
détaillées de ce processus; dans les deux travaux en question, l’étape en question est considérée
comme très courte, voire éludable
J’ai essayé, dans cette section, de mener à bien trois choses. La première a été d’identifier quatre
niveaux de structuration de la participation, de délimiter les phénomènes correspondant à chacun
des niveaux, et d'explorer les interactions entre les niveaux. Je sais que j'en donne vision assez
simplificatrice, et que chaque langue contient des zones de la grammaire où l’intrication entre
les niveaux est beaucoup plus grande que ce que l’on laisse supposer ici. Mais je sais également
que si on permet à la complexité des faits réels se refléter directement, brutalement, dans nos
35
Pour Estival & Myhill, il s’agit en fait d’un seul type, qui met en jeu des déverbaux passifs. En esquimau
inuktikut, la construction transitive ergative conserve des traces de nominalisation passive (Johns 1992:81).
En dehors du préfixe personnel (« possessif »), il n’y a aucune trace de nominalisation dans le verbe transitif
katukina (ni de passivation).
concepts abstraits, il n’y aura pas de concepts, et partant il n’y aura pas de connaissance. Le
second objectif de cette section était de reconnaître un lien privilégié entre rôles sémantiques et
cas d’un côté, et entre hiérarchie pragmatique et relations grammaticales de l’autre. Et le
troisième était d’ouvrir, sur un arrière-plan assez général – bien que non unanime (cf. Marantz) –
de prédisposition favorable à (71) et (72)
(71)
accusativité
sémantique
pragmatique
morphologie
syntaxe
(72)
‘AGT’
THM’
CAS’NOM
SUJ
‘PAT’
THM’’
CAS’’ACC
OBJ
ergativité
sémantique
pragmatique
morphologie
syntaxe
‘AGT’
THM’
CAS’’ERG
SUJ
‘PAT’
THM’’
CAS’NOM
OBJ
ouvrir, disais-je, un espace pour (73), aussi rare qu’on voudra– éphémère serait peut-être un terme
plus adéquat – mais d’une réalité irréductible.
(73)
ergativité
sémantique
pragmatique
morphologie
syntaxe
‘PAT’
THM’
CAS’NOM
SUJ
‘AGT’
THM’’
CAS’’ERG
OBJ
Les tableaux (72) et (73) sont une explicitation de ce que j’appelle, respectivement, ergativité
hétérogène et ergativité homogène (voir (Erreur ! Source du renvoi introuvable.)-(63)). Ce qui
revient à dire que si la prétendue ergativité syntaxique est réellement syntaxique, elle doit capter
aussi les relations grammaticales36. Maintenant, nous pouvons revenir au katukina.
9 Relations grammaticales en katukina
Nous commencerons par passer en revue les traits, déjà connus, que indiquent une hiérarchisation
entre les deux compléments de la construction transitive. Bien entendu je ne considérerai aucun
trait sémantique, pragmatique37 ou morphologique.
36
Le but est de poser l’existence de (73), et non d'affirmer que toute langue dite ergative rentre dans l’un des
types (72) ou (73). Une certaine hybridation entre les deux types est possible et peut rendre difficile
l’identification des relations grammaticales (en vérité, elle est diachroniquement inévitable spike :
absolutely!) : il s’agit de l’ergativité scindée mentionnée dans la note à propos du basque et du yidiny.
37
La légitimité de cette position de principe n’empêche pas d’admettre l’actuelle inexistence, en katukina,
d’études sur la dimension discursive de la participation.
A l’exception d’un. Pour beaucoup, l’accord du verbe est l’un des traits de prédilection pour
l’identification du sujet (par exemple Lazard 1997:256). Il s’agit d’un critère fondé sur la
morphologie du verbe, mais qui en même temps révèle la proéminence du référent concerné, ce qui
peut interférer avec les relations grammaticales caractérisées syntaxiquement. Sa formulation dans
la liste de Keenan indique que si la concordance ne se fait qu’avec un seul complément, alors celuici est le sujet (1976:316). Rappelons les constructions intransitives et transitives en katukina :
(5)
wiwiok aduNOM
crier/moi
(6)
KirakERG n-aERG-hikna aduNOM « Kirak m’a cherché »
Kirak/relationnel-3º-chercher/moi
« j’ai crié »
Selon ce critère, l’accord du verbe hikna indiquerait KirakERG comme sujet, bien qu’il n’y ait dans
la construction intransitive rien qui ressemble à un accord. Certaines langues – très rares –
manifestent un accord uniquement avec l’objet. Les trois mentionnées par Keenan (mabuiag
d’Australie, avar du Caucase et hindi [« très partiellement »]) sont cependant des langues ergatives,
et leur caractère exceptionnel dépend de l’analyse que l’on en fait en termes de relations
grammaticales38. Plus limpide apparaît le cas du gilbertais (Micronésie), qui, si l'on en croit les
données de Keenan (1985:245), serait une langue accusative dans laquelle seul l’objet contrôle
l’accord sur le verbe. On a donc au niveau général une majorité de langues dans lesquelles le sujet
contrôle l'accord verbal, et quelques-unes dans lesquelles c’est l’objet qui détient cette prérogative.
Soit dit en passant, et indépendamment du niveau des relations grammaticales, le gilbertais et le
katukina contredisent chacun dans son type la supposition de Anderson (1985:195) d'après laquelle
il n’existe pas de langue dans laquelle le seul cas qui contrôle l'accord serait la cas marqué
(accusatif, ergatif).
On induit des exemples de katukina présentés dans les sections 2 à 6 que les propriétés syntaxiques
sélectionnant comme complément proéminent de la construction transitive celui qui est
sémantiquement ‘PAT’ et morphologiquement nominatif se ramènent à :
- structure en constituants, (11);
- accessibilité – préférentielle ou exclusive – à certaines opérations
- élision, (12)-(14) ;
- mouvement, (15)-(17) ;
- focalisation, (27)-(29) ;
- interrogation (produit plus de changements que le simple mouvement), (31)-(33) ;
- pronominalisation (par un démonstratif), (35)-(36) ;
- relativisation, (37)-(39) ;
- nominalisation, (40)-(42)39
38
Les deux dernières doivent véritablement être exceptionnelles dans la mesure où elles ont une syntaxe
complètement accusative, selon Dixon (1994 : 175).
39
L'inclusion la nominalisation dans la liste des propriétés identificatrices du sujet répond une observation
interlinguistique : sa réactivité devant la hiérarchie d’accessibilité que Keenan & Comrie (1977) établissent à
propos de la relativisation est tout à fait conforme. Il existe un lien étroit entre les deux processus – à tel
point qu’ils sont parfois amalgamés typologiquement (Comrie 1981:136) – qui explique que certaines
langues comme le turc (ou l’esquimau inuit, Bittner & Hale 1996b:546) disposent uniquement de la
nominalisation pour relativiser.
Les phénomènes de coréférence sont un élément clé dans la détermination des relations
grammaticales. Comme on a pu l’apprécier dans la section 7, la coréférence se présente pour le
moment comme un critère neutre vis-à-vis des relations grammaticales. Des recherches
supplémentaires seront nécessaires pour préciser la façon dont sont configurés les mécanismes de la
coréférence en katukina, et pour voir si l’apparente absence de pivot se confirme, ou si une analyse
sur des données plus solides permet de découvrir des conditionnements plus subtiles.
Il est possible que la pression Du Bois ait commencé à s’exercer sur la syntaxe de cette langue, par
une tendance au regroupement syntaxique du complément unique et du complément‘AGT’-ERG à
partir de leur regroupement pragmatique comme thème primaire dans le discours40. Il serait
intéressant de se poser la question de l’éventuelle chronologie des effets syntaxiques de cette
pression, afin de savoir, en particulier, si la coréférence est la première dimension captée.
Si l’on reprend le critère de parsimonie évoqué à propos de Van Vallin et de Guirardello (ne pas
multiplier les niveaux), il faut mentionner qu’en katukina existe une construction transitive
morphologiquement accusative (dont les motivations restent encore à étudier)41.
(74)a kitan wa hinukNOM
dormir/femme/collectivité
« les femmes dormaient »
b padyahan tapiriACC bu wa hinukNOM
plus tard/cabane/faire/femme/collectivité
« plus tard, les femmes feront une cabane »
Comme correspondante ergative de (74)b on aurait
(75)
tiyahan wa hinukERG n-aERG-bu tapiriNOM
demain/femme/collectivité/relationnel-3º-faire/cabane
« demain les femmes feront une cabane »
L’ensemble formé par le complément’PAT’-ACC de la construction accusative et le
complément‘AGT’-ERG de la construction ergative, morphologiquements différents, est un bon
candidat à l'instauration d’une classe d’objets. A dire vrai on peut aussi soutenir que sur un plan
morphologique plus abstrait, et chacun dans son type de construction respectif, ils instituent la
classe CAS’’ (cas marqué). Mais il faudra alors considérer les cas ergatif et génitif,
formellement identiques (voir la section 3), comme représentants d’un seul cas CAS’’42. Nous
savons néanmoins que les deux adoptent un comportement différent en face de certaines
opérations syntaxiques (section 6 in fine). Cela démontre qu’il existe quelque chose qui
transcende les cas. Ce quelque chose ne peut être que les relations grammaticales.
La quête d’un critère unique-formel-universel pour l’identification du sujet – ou de n’importe
quelle autre catégorie grammaticale –, attitude qui caractérise certains courants théoriques, nous
40
En évinçant du syntagme verbal le complément‘AGT’-ERG, à l’origine génitif (Johns 1992 :77), l’esquimau
inuktikut aurait fait un pas de plus par rapport au katukina dans son parcours vers une syntaxe accusative.
41
Ce pourrait être un vestige de la situation qui prévalait avant le surgissement de la construction ergative
actuellement prédominante. spike : maybe? but you'd need to see a lot more to solidify this idea. I would
guess a subject nominalization source?
42
Comme il est de tradition dans les études sur l’esquimau, où ce cas porte le nom de « relatif » (Johns
1992:68).
fait courir le risque soit de coucher les langues dans des lits de Procuste, comme le dit Schachter,
soit d’avoir, de façon récurrente, à introduire des renormalisations secondaires dans le critère
initial pour rendre compte de la diversité linguistique au fur et à mesure que celle-ci se fait plus
pressante43. Pour ce qui touche au sujet, je me range du côté d'une position quantitative à la
Keenan, débarrasée bien entendu des critères non syntaxiques. Dans cette perspective, et malgré
l’indétermination qui frappe ses mécanismes de contrôle, le katukina s'offre à nous comme une
langue où, s'il y a quelque raison de parler de sujet et objet, cette raison nous pousse à identifier
le premier à l’ensemble complément‘PAT’-NOM et complément unique, et le second au
complément‘AGT’-ERG.
Enfin, il est clair que la force d’une argumentation contre l’universalité des relations
grammaticales repose à la fois sur sa base empirique – la réalité des langues – et sur une
caractérisation hautement restrictive du niveau dans lequel fonctionne ce type de mécanisme.
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