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Théorie keynésienne :
le reste du monde
Le modèle keynésien en économie ouverte
Le modèle keynésien est valide uniquement dans le cadre d'une
économie fermée, c'est-à-dire sans échanges extérieurs. Dans une
économie ouverte, il faut le modifier profondément. En effet, la
demande intérieure provenant des ménages et des administrations
génère une activité économique non seulement dans le pays mais
aussi dans les autres pays. Inversement, les autres pays adressent à
l'économie nationale une demande qui va se traduire par de l'activité
intérieure.
Dans une économie ouverte, il faut donc prendre également en
compte les importations et les exportations. Le compte de biens et
services s'écrit alors :
P + M = CI + CF + I + X
Où M désigne les importations et X les exportations. Cette équation
peut aussi s'écrire :
P − CI = (CF + I) + (X − M)
C'est-à-dire :
VA = (CF + I) + (X − M)
Dans cette formule, (CF + I) représente la demande finale intérieure
et (X − M) la demande extérieure nette. Grâce à la liberté des
échanges, certains pays peuvent donc avoir une valeur ajoutée
supérieure à la demande finale intérieure, d'autres au contraire
devront se contenter d'une valeur ajoutée inférieure à leur demande
finale intérieure.
La relation entre l'épargne et l'investissement
On peut également introduire le rôle de l'épargne. Dans une
économie ouverte, la valeur ajoutée génère des revenus qui peuvent
également être distribués à l'extérieur du pays et, inversement, une
part du revenu national peut provenir de l'étranger. On a donc :
R = VA + T
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Où T désigne le solde des transferts de revenu provenant du reste
du monde. L'épargne nationale E est égale à :
E = R − CF = VA + T − CF
C'est-à-dire :
E = I + (X + T − M)
C'est-à-dire que l'épargne est égale à la somme de l'investissement
et du solde des transactions courantes de la balance des paiements.
L'équation fondamentale de la théorie keynésienne n'est donc plus
vérifiée. C'est extrêmement important car une croissance de
l'investissement dans un pays va se traduire par une augmentation de
l'épargne mondiale mais non plus nécessairement par une
augmentation de l'épargne nationale. En effet, l'augmentation de
l'investissement dans un pays peut tout aussi bien se traduire par une
dégradation de sa balance courante des paiements.
Le multiplicateur keynésien
Dans une économie fermée, la logique du multiplicateur keynésien
est que l'investissement détermine l'épargne. Si l'on suppose que
seuls les ménages épargnent, l'épargne nationale est aussi l'épargne
des ménages. L'investissement détermine alors l'épargne des
ménages ainsi que, par suite, leur revenu et leur consommation.
Dans une économie ouverte, ce n'est plus tout à fait vrai.
L'investissement du pays peut se traduire par une épargne dans
d'autres pays, il y a donc, en quelque sorte, une fuite dans le
système. Mais, à l'inverse, un pays peut profiter de l'épargne des
autres.
Nous supposerons ici que la consommation finale est déterminée par
une fonction de consommation de la forme CF=a.RM où le coefficient a
désigne la propension à consommer. Nous suppsoerons également
que les entreprises distribuent tout leur revenu aux ménages. Les
équations :
VA = (CF + I) + (X − M)
et
RM = VA + T
deviennent donc :
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VA = a.(VA + T) + I + (X − M)
Soit :
On retrouve la formule du multiplicateur keynésien où l'excédent de
la balance commerciale (X − M) joue le même rôle que
l'investissement.
La concurrence entre pays joue donc ici un rôle fondamental. La
formule ci-dessus montre, en effet, que la valeur ajoutée est d'autant
plus forte que les exportations sont fortes et que les importations sont
faibles. Or, les exportations sont d'autant plus fortes que le pays est
concurrentiel sur les marchés extérieurs, les importations sont
d'autant plus faibles que le pays est concurrentiel sur son marché
intérieur. Autrement dit, les pays compétitifs sur le marché mondial
sont aussi ceux qui tirent le meilleur parti du multiplicateur keynésien.
Le rôle du taux d'épargne
Un pays peut réduire ses importations en gagnant une plus grande
part du marché intérieur, il peut aussi y parvenir en augmentant son
taux d'épargne pour réduire sa demande intérieure.
Pour le montrer, nous supposerons que les importations
représentent une part constante de la demande intérieure si bien que
l'on a l'équation suivante :
M = m · (C + I)
Où m est compris entre 0 et 1. Le compte de biens et services :
P=C+I+X−M
devient donc :
P = (1 − m)(C + I) + X
Puisque nous avons RM = P + T et C = a.RM, cette équation devient :
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Dans cette équation, le revenu des ménages est une fonction
croissante de la propension à consommer a, c'est-à-dire une fonction
décroissante du taux d'épargne des ménages.
Accroître le taux d'épargne a donc, en économie ouverte comme en
économie fermée, un effet dépressif sur l'activité. Cependant, il faut
tenir compte du fait qu'en réduisant l'activité, on réduit aussi les
importations et l'on peut arriver à un excédent de la balance courante
des paiements. Or, cet excédent de la balance courante des paiements
a aussi, à terme, un impact sur les revenus provenant du reste du
monde et donc sur les revenus des ménages ainsi que, par suite, sur
leur consommation et l'activité économique.
En effet, la balance des paiements tenue du point de vue du pays se
présente ainsi :
Emplois
Importations =
Achats de
biens et services
Achat d'actifs
financiers
Ressources
Exportations =
Ventes de
biens et services
Revenus nets provenant
du reste du monde
Ventes d'actifs
financiers
Ce schéma montre que le solde de la balance courante des
paiements est aussi égal à l'opposé du solde de la balance des
capitaux. Autrement dit, un solde positif de la balance courante des
paiements signifie que le pays acquiert des actifs financiers à
l'étranger. Dans la mesure où ces actifs sont rémunérés, il accroît
aussi ses revenus provenant du reste du monde, ce qui accroît le
revenu des ménages et stimule l'activité.
Ainsi, en orientant son système de production vers les marchés
extérieurs et en maintenant une balance courante des paiements
excédentaire grâce à un taux d'épargne élevé, un pays peut très bien
voir son activité devenir indépendante de l'investissement net.
La compétition entre pays
Cette politique qui pourra paraître vertueuse à beaucoup a
cependant pour principal inconvénient de se faire aux dépens des
autres pays.
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En effet, sur l'ensemble du monde, la somme des soldes des
balances courantes des paiements est strictement égale à zéro. Ainsi,
si un pays parvient à dégager des excédents de la balance courante
des paiements, c'est que d'autres ont des déficits.
Les pays qui ont des déficits sont également ceux qui vendent des
actifs financiers, c'est-à-dire qui financent leurs dépenses courantes
par des prélèvements sur leur patrimoine, autrement dit, ce sont des
pays qui s'appauvrissent. Les revenus nets qu'ils tirent du reste du
monde diminuent avec leur patrimoine, ce qui provoque la baisse du
revenu des ménages et, par suite, de leur consommation, ce qui
déprime l'activité.
Ainsi, le modèle keynésien en économie ouverte montre que les
pays sont en compétition pour maintenir leur activité et que cette
compétition se joue à deux niveaux :


compétition sur les marchés des biens et services pour gagner des
parts du marché mondial ;
compétition pour l'accumulation afin d'acquérir une part du
patrimoine mondial de plus en plus importante.
Le rôle de l'État
Lorsqu'un pays se trouve en difficulté du fait de sa faible
compétitivité sur les marchés mondiaux, il peut être tenté de
maintenir son activité économique par des politiques dites de relance
keynésienne.
Les politiques de relance keynésienne
Les politiques dites keynésiennes consistent à relancer l'activité par
des déficits publics. Pour montrer leur impact en économie ouverte,
nous pouvons reprendre le modèle précédent en supposant que les
exportations sont déterminées par le marché mondial et que la
demande intérieure, c'est-à-dire la consommation et l'investissement,
est satisfaite à la fois par les entreprises nationales et les importations
selon un ratio déterminé par la compétitivité du pays.
Pour simplifier, nous pouvons supposer que les seules dépenses de
l'État sont les salaires des fonctionnaires et ses seules recettes les
impôts. Dans ce cas, si nous désignons par D le déficit public, le
revenu des ménages est égal à :
R=P+T+D
Or :
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P = (1 - m)(C + I) + X
D'où :
Nous constatons que le coefficient (1 − m) qui représente la part de
marché des entreprises nationales sur le marché intérieur réduit le
coefficient multiplicateur en atténuant le rôle de l'investissement et
celui de la propension à consommer.
Là encore, l'augmentation de la production va de pair avec une
augmentation des importations, c'est-à-dire avec une dégradation de
la balance commerciale. Si l'on partait d'une situation équilibrée, on
arriverait donc à un solde négatif, c'est-à-dire à un déficit qui devrait
être financé par des apports de capitaux étrangers.
À court terme, la question de la pertinence des politiques
keynésiennes est très étroitement liée à l'ouverture du pays sur
l'extérieur, c'est-à-dire à la valeur du coefficient m. Plus le pays est
ouvert sur l'extérieur, plus le coefficient m est grand et plus l'effet
multiplicateur est faible. Elle est également étroitement liée à la
question de la dette publique comme l'est toute politique de relance
keynésienne par les déficits publics.
À plus long terme, si elles se prolongent, les politiques keynésiennes
ont des effets négatifs sur l'activité. En effet, puisqu'elles accroissent
les importations, elles dégradent le solde de la balance courante des
paiements et se traduisent par une baisse du patrimoine national, ce
qui réduit les revenus nets tirés du reste du monde et, par suite, le
revenu des ménages et leur consommation.
Ainsi, en économie ouverte, une politique de relance keynésienne
par des déficits publics se traduit, dans un premier temps, par une
relance de l'activité d'autant plus faible que le pays est ouvert sur
l'extérieur, elle se paie dans un second temps par un affaiblissement
du pays consécutif à la baisse de son patrimoine, ce qui se traduit
durablement par des revenus plus faibles et donc par une baisse de la
consommation qui déprime l'activité.
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Politique monétaire en économie ouverte
Une réponse classique au manque de compétitivité d'un pays est
une dévaluation ou une dépréciation de sa monnaie puisque celles-ci
ont pour conséquence une baisse des prix nationaux par rapport à
ceux des autres pays. Dans un pays où le cours de la monnaie est
déterminé par les marchés, sa dépréciation peut être obtenue par une
politique monétaire expansionniste.
Lorsque les banques émettent de la monnaie en achetant des titres
financiers, elles ont tendance à faire monter leurs cours, ce qui fait
baisser leur rendement. Lorsque les capitaux peuvent circuler
librement d'un pays à l'autre, le marché devient mondial, si bien que
le rendement des titres doit être le même dans tous les pays. Par
conséquent, une politique monétaire expansionniste ne peut plus avoir
d'effet favorable sur l'investissement puisqu'elle ne peut pas se
traduire par une baisse des taux d'intérêt. Cela ne signifie pas pour
autant qu'elle soit sans impact sur l'économie.
En effet, en l'absence d'émissions de titres par les entreprises, la
valeur des titres nationaux restera inchangée puisque leur cours est
fixé par le marché international. Mais les agents économiques
nationaux auront vu la monnaie qu'ils détiennent s'accroître et ils
voudront rééquilibrer leur bilan par des achats de titres. Comme la
valeur des titres nationaux est fixée, cela ne sera possible que par des
achats de titres étrangers.
Par exemple, si les agents économiques nationaux veulent détenir
40% de leur patrimoine sous forme de monnaie et 60% sous forme de
titres, une augmentation de 100 de la masse monétaire se traduira
par une demande de 60/40×100=150 en titres étrangers.
Ces achats de titres étrangers se traduiront par des sorties de
devises.
Sorties de devises
Importations =
Achats de
biens et services
Achats de titres
financiers
Entrées de devises
Exportations =
Ventes de
biens et services
Revenus nets provenant
du reste du monde
Ventes de titres
financiers
Sode = sorties
de devises
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Ces sorties de devises auront tendance à déprécier la monnaie
nationale, ce qui favorisera les exportations en faisant baisser leur
prix sur le marché mondial et défavorisera les importations en faisant
monter leur prix sur le marché intérieur.
Mais les sorties nettes de devises ne peuvent être durables car leurs
stocks sont limités. Le marché va donc fixer un taux de change qui
équilibrera les entrées et les sorties de devises. Puisque la balance des
paiements doit être équilibrée, les achats de titres à l'étranger vont
alors être compensés par une hausse des exportations et une baisse
des importations.
Sorties de devises
Importations =
Achats de
biens et services
Achats de titres
financiers
Entrées de devises
Exportations =
Ventes de
biens et services
Revenus nets provenant
du reste du monde
Ventes de titres
financiers
Ainsi, une politique monétaire expansionniste en économie ouverte
où les capitaux circulent librement ne favorise pas l'investissement
mais uniquement la balance commerciale. Elle a donc un effet positif
sur l'activité économique qui se fait au détriment des autres pays. Elle
se traduit aussi par de l'inflation du fait de la hausse du prix des
importations consécutive à la dépréciation de la monnaie.
Si l'État contrôle la banque centrale, il peut parvenir à un excédent
de la balance commerciale en lui demandant d'accumuler des devises.
Dans ce cas, la banque centrale accroît la demande de devises, ce qui
tend à faire monter leur cours, autrement dit à déprécier la monnaie
nationale, et donc à faire monter le prix des importations sur le
marché intérieur et baisser celui des exportations sur le marché
mondial.
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Sorties de devises
Importations =
Achats de
biens et services
Entrées de devises
Exportations =
Ventes de
biens et services
Achats privés de
titres financiers
Achats de devises
par la banque centrale
Revenus nets provenant
du reste du monde
Ventes de titres
financiers
Cette politique est encore plus efficace lorsque l'État contrôle un
fonds d'investissement public (un fonds souverain). Dans ce cas, en
effet, la banque centrale n'est pas condamnée à accumuler
indéfiniment des devises qui ne lui rapportent rien, elle peut les
utiliser pour acheter, par l'intermédiaire du fonds d'investissement
public, des titres financiers étrangers qui vont lui rapporter des
revenus et permettre la prise de contrôle d'entreprises étrangères.
Sorties de devises
Importations =
Achats de
biens et services
Achats privés de
titres financiers
Achats publics de
titres financiers
Achats de devises
par la banque centrale
Entrées de devises
Exportations =
Ventes de
biens et services
Revenus nets provenant
du reste du monde
Ventes de titres
financiers
Cette politique est la plus efficace car elle permet tout à la fois
d'assurer le plein emploi et d'acquérir une part de plus en plus
importante du patrimoine mondial. C'est aussi la politique la plus
agressive car elle se fait aux dépens des autres pays.
Le contrôle des capitaux
Lorsqu'il se trouve confronté à des politiques économiques
agressives menées par des États étrangers, un pays peut décider
d'entrer dans la compétition en utilisant les mêmes moyens que ses
concurrents. Il peut aussi considérer que ces politiques n'ont pas
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d'effet global positif et qu'il est donc préférable de se protéger sans
agresser les autres. Il peut, pour cela, opter pour un contrôle des
capitaux.
Supposons que le contrôle des mouvements de capitaux permette
d'équilibrer les entrées et les sorties de capitaux, c'est-à-dire les
ventes et les achats de titres financiers. Dans ces conditions, un
excédent ou un déficit de la balance courante des paiements ne sont
possibles que par des entrées ou des sorties de devises.
Sorties de devises
Importations =
Achats de
biens et services
Entrées de devises
Exportations =
Ventes de
biens et services
Revenus nets provenant
du reste du monde
Ventes de titres
financiers
Achat de titres
financiers
Solde = sorties
de devises
En l'absence de contrôle des changes, c'est-à-dire en régime de
change flottant, le marché détermine le taux de change de la monnaie
nationale de telle manière qu'il équilibre les entrées et les sorties de
devises. Lorsque les mouvements de capitaux sont équilibrés,
l'équilibre du marché des devises assure en même temps l'équilibre de
la balance courante des paiements :
Sorties de devises
Importations =
Achats de
biens et services
Entrées de devises
Exportations =
Ventes de
biens et services
Revenus nets provenant
du reste du monde
Achat de titres
financiers
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Ventes de titres
financiers
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Nous avons vu que, dans une économie ouverte, l'épargne est égale
à la somme de l'investissement et du solde de la balance courante des
paiements :
E = I + (X + T − M)
Lorsque le solde de la balance courante des paiements est nul, alors
on retrouve l'équation keynésienne fondamentale :
Epargne = investissement
Ainsi, en régime de changes flottants et lorsque les mouvements de
capitaux s'annulent, la balance courante des paiements d'un pays est
toujours équilibrée. La conséquence en est que, dans ces
circonstances, le modèle keynésien retrouve toute sa validité.
La théorie de l'avantage comparatif
La théorie keynésienne ne permet cependant pas de comprendre à
elle seule tous les problèmes d'une économie ouverte sur l'extérieur.
La théorie de l'avantage comparatif présentée par l'économiste David
Ricardo en 1817 est encore aujourd'hui largement dominante dans les
milieux économiques. Elle vise à démontrer que le libre-échange
permet une spécialisation des pays dans les activités où ils disposent
d'un avantage comparatif et que cette spécialisation est bénéfique à
tous les pays, y compris les moins compétitifs.
La théorie de l'avantage comparatif a été développée pour
démontrer les avantages du libre-échange. Aujourd'hui, avec la
mondialisation et la grande diversité des produits, il est impossible
pour un pays de vivre en autarcie, quelle que soit sa taille. De plus,
des traités internationaux comme le GATT visent à favoriser le libreéchange. La question aujourd'hui n'est donc plus vraiment de savoir si
le libre-échange est bénéfique ou non mais plutôt de chercher à
comprendre quelles sont ses conséquences sur les pays.
Une économie de libre-échange sans mouvements des
capitaux ni de main-d'œuvre
Cette situation correspond à celle étudiée par Ricardo. Dans ce cas,
Ricardo montre qu'une économie va se spécialiser dans les activités où
elle présente des avantages relatifs en termes de coût. Il est
cependant utile de reformuler la théorie ricardienne en disant que si le
libre-échange est généralisé, c'est le marché mondial qui impose la
structure des prix relatifs de l'ensemble des produits, c'est-à-dire que
le rapport entre les prix de deux produits donnés sera le même pour
tous les pays.
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En effet, si dans un pays un produit est relativement cher par
rapport au niveau mondial, il sera avantageux de l'importer en
contrepartie de l'exportation d'autres produits de telle sorte que la
concurrence ramènera les prix relatifs au niveau mondial.
Inversement, si un produit est relativement moins cher dans un pays,
il sera profitable de l'exporter en contrepartie de l'importation d'autres
produits.
Puisque le marché mondial fixe la structure des prix relatifs aussi
bien pour les produits finals que pour les produits intermédiaires, il
fixe aussi la structure des valeurs ajoutées. Lorsqu'il existe différents
niveaux de qualification de la main-d'œuvre, la structure des valeurs
ajoutées impose aussi la structure des salaires relatifs des différentes
catégories de salariés. En effet, il est possible, notamment grâce à la
sous-traitance, de fragmenter les processus de production de manière
à spécialiser les entreprises dans un type particulier de main-d'œuvre.
Si, dans un pays, la main-d'œuvre peu qualifiée est relativement
chère par rapport au marché mondial, alors les prix des produits
réalisés par des entreprises utilisant principalement de la maind'œuvre peu qualifiée seront également relativement chers et il sera
plus avantageux de les importer. Les salariés peu qualifiés seront
alors condamnés au chômage.
Ainsi, en l'absence de mouvements des capitaux et de la maind'œuvre, le marché mondial impose non seulement la structure des
prix relatifs mais aussi celle des salaires relatifs.
Une économie de libre-échange sans mouvements de
capitaux mais avec libre circulation de la main-d'œuvre
Lorsque les salariés peuvent circuler librement d'un pays à l'autre,
ce ne sont plus seulement les salaires relatifs des différentes
qualifications qui sont fixés par le marché mondial, mais les salaires
absolus, c'est-à-dire les salaires exprimés en une unité monétaire
mondiale.
Il est important de souligner qu'il n'est pas nécessaire que toutes les
catégories de salariés puissent circuler librement d'un pays à l'autre, il
suffit que l'une d'entre elles ait cette possibilité pour que le marché
mondial impose un niveau absolu de salaire à chaque catégorie. En
effet, si une catégorie de salariés bénéficie de la liberté de circulation,
son salaire sera fixé en niveau par le marché mondial, comme le
marché mondial impose dans tous les cas la structure des salaires
relatifs, alors ce sont les salaires de toutes les catégories de salariés
qui seront déterminés en niveau absolu par le marché mondial.
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Par exemple, supposons que les salariés très qualifiés puissent
circuler librement et que le marché mondial fixe leur salaire exprimé
en unité monétaire mondiale à 200. Supposons également que le
marché mondial impose que les salariés peu qualifiés aient un salaire
égal à la moitié de celui des salariés très qualifiés, alors le salaire des
salariés peu qualifiés sera nécessairement égal en niveau absolu à
100.
Ce résultat est extrêmement important car, dans la réalité, il existe
toujours au moins une catégorie de salariés bénéficiant de la libre
circulation. Les salariés très qualifiés sont généralement très mobiles,
ils parlent la langue internationale et, avec la mondialisation, ils
retrouvent dans tous les pays des modes de consommation et des
cultures proches des leurs.
Or, s'il est théoriquement possible de contrôler l'immigration, il est
dans un pays démocratique impossible de s'opposer au départ des
salariés les plus qualifiés. Comme, par ailleurs, ils sont partout les
bienvenus du fait de leur rareté relative, les salariés très qualifiés
constituent une main-d'œuvre mobile qui permet au marché mondial
d'imposer à toutes les catégories de salariés le niveau de leur salaire
réel.
Une économie de libre-échange avec libre circulation de la
main-d'œuvre et des capitaux
Lorsque les capitaux peuvent circuler librement, leur rémunération
tend aussi à s'aligner sur le niveau mondial. Ainsi, lorsque la maind'œuvre et les capitaux peuvent circuler librement d'un pays à l'autre,
ce sont les rémunérations du travail et du capital qui sont fixées par le
marché mondial.
Un pays qui voudrait maintenir la rémunération du capital à un
niveau inférieur à celui fixé par le marché mondial ne pourrait plus
financer ses investissements, un pays qui voudrait maintenir la
rémunération d'une certaine catégorie de salariés au-dessus du niveau
mondial la condamnerait au chômage.
Le secteur protégé
Toutes les activités économiques ne sont cependant pas exposées à
la concurrence internationale, c'est le cas notamment des services
publics et de la plupart des services aux ménages. Ces activités sont
dénommées "présentielles", car elles sont liées à la présence de
population. Il est important d'étudier comment l'existence de ce
secteur protégé modifie les règles imposées par le marché
international. Pour cela, nous devons distinguer différents cas.
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Une économie de libre-échange sans mouvements de
capitaux ni de main-d'œuvre
Dans cette situation, le marché mondial a tendance à fixer les
salaires relatifs. Supposons qu'un pays veuille garantir aux salariés
peu qualifiés un salaire relatif supérieur à celui que détermine le
marché mondial. Dans ce cas, les salariés peu qualifiés ne pourront
pas travailler dans des activités exposées à la concurrence mondiale
et ils ne pourront trouver des emplois que dans le secteur protégé.
Cette situation n'est pas sans conséquence sur les salariés très
qualifiés du secteur exposé à la concurrence internationale. En effet,
comme ils consomment aussi les produits du secteur protégé et que
ces produits sont relativement chers par rapport au marché mondial,
leur pouvoir d'achat en termes réels est inférieur à ce qu'il aurait été
si tous les secteurs avaient été exposés à la concurrence
internationale.
Une économie de libre-échange sans mouvements de
capitaux mais avec libre circulation de la main-d'œuvre
Dans cette situation, c'est non plus le salaire relatif mais le pouvoir
d'achat réel des salariés qui est fixé par le marché. En effet, les
salariés dont le pouvoir d'achat est inférieur au niveau déterminé par
le marché mondial seront tentés de quitter leur pays. Inversement,
ceux dont le pouvoir d'achat réel est supérieur au niveau déterminé
par le marché mondial se verront concurrencés par des salariés
venant du monde entier.
Le pouvoir d'achat réel des salariés est déterminé non seulement
par leur salaires mais aussi par trois éléments :



les impôts qu'ils payent ;
les services publics gratuits dont ils bénéficient ;
le coût des services protégés qu'ils consomment.
L'efficacité des services publics joue ici un rôle important. Comme ils
pèsent sur le pouvoir d'achat des salariés du fait des impôts qui
servent à les financer, ils doivent être compétitifs en termes de
rapport qualité/coût par rapport aux services publics des autres pays.
Les autres services du secteur protégé doivent également être
compétitifs car ils interviennent aussi dans la détermination du
pouvoir d'achat réel des salariés du secteur exposé à la concurrence
internationale.
Dans une économie sans mouvements de capitaux où les salariés
peuvent circuler librement, le seul moyen de maintenir le pouvoir
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d'achat réel des salariés au-dessus du niveau mondial est d'imposer
une répartition de la valeur ajoutée plus favorable aux salariés, c'està-dire de faire baisser le coût du capital en-dessous du niveau
mondial.
Une économie de libre-échange avec libre circulation de la
main-d'œuvre et des capitaux
Lorsque les capitaux circulent librement, leur rémunération s'impose
à tous les pays et il n'est donc plus possible de compenser des salaires
élevés par une moindre rémunération du capital. Les salaires sont
alors déterminés par leur seule productivité.
Auteur : Francis Malherbe
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