Coup d`oeil sur quelques structures algébriques - Cours

MAT-3900 ´
Evolution des id´ees en math´ematiques
Coup d’oeil sur quelques structures alg´ebriques
Fr´
ed´
eric Gourdeau et Bernard R. Hodgson
D´epartement de math´ematiques et de statistique
Universit´e Laval
1 Introduction
La notion de structure alg´ebrique surgit du d´esir de classifier divers environnements
math´ematiques — en particulier des syst`emes de nombres — en vertu d’op´erations qu’on y
ex´ecute et de certaines propri´et´es satisfaites par ces op´erations. Les structures alg´ebriques
rel`event donc d’une vision axiomatique des math´ematiques, les objets avec lesquels on tra-
vaille ´etant caract´eris´es par des axiomes cherchant `a cerner divers aspects sp´ecifiques `a ces
objets.
Une structure alg´ebrique Sest constitu´ee d’un ensemble Esur lequel sont d´efinies une ou
plusieurs lois de composition soumises `a certaines propri´et´es. On trouvera ici une description
sommaire de quelques structures alg´ebriques fondamentales ainsi que quelques exemples
classiques.
L’´etude des structures alg´ebriques nous fournit de nombreux renseignements sur les objets
math´ematiques auxquels ces notions s’appliquent. Il est en effet possible, `a partir des axiomes
d´ecrivant un type donn´e de structure, de d´eduire des faits g´en´eraux, souvent non ´evidents,
qui seront vrais de tout objet math´ematique que l’on sait ˆetre une structure de ce type. Voici
deux exemples concrets d’une telle situation :
si Gest un groupe ayant un nombre fini d’´el´ements et si Hest un sous-groupe de
G, alors le nombre d’´el´ements de Hest forc´ement un diviseur du nombre d’´el´ements
de G;1
si Aest un anneau dont l’´el´ement neutre additif est 0, alors, quel que soit
xA, 0 ·x= 0, o`u ·d´esigne la multiplication dans l’anneau.
Ainsi tout le bagage de connaissances qu’on a pu d´evelopper, dans un contexte g´en´eral,
autour d’un type de structure alg´ebrique (disons la famille des groupes ) se trouve `a
notre disposition lorsqu’on fait face `a une structure particuli`ere de ce type (par exemple, le
groupe de sym´etrie d’une figure g´eom´etrique), que cette structure particuli`ere nous soit
d´ej`a famili`ere ou pas.
1. Ce r´esultat est connu sous le nom de th´eor`eme de Lagrange, du nom du math´ematicien fran¸cais
Joseph-Louis Lagrange (1736–1813).
2 Vers les structures
La notion de base sur laquelle repose l’id´ee de structure alg´ebrique est celle de loi de
composition, qui nous permet de combiner les ´el´ements d’un ensemble donn´e de fa¸con `a
produire d’autres ´el´ements.
2.1 Loi de composition
D´efinition 1 ´
Etant donn´e un ensemble E, une loi de composition (ou op´eration) binaire
sur Eest une fonction :E×EEqui `a tout couple ordonn´e (a, b) d’´el´ements de E
associe un ´el´ement c=(a, b) de E.
On convient habituellement d’utiliser la notation infixe plutˆot que la notation pr´efixe,
´ecrivant abau lieu de (a, b).
Exemples
1. L’addition + dans N.
On a donc + : N×NN
(n, m)7−n+m
2. + dans Z,Qou R.
3. La multiplication ·dans N.
4. La composition dans l’ensemble Tde toutes les transformations g´eom´etriques du plan.
On a donc :T × T T
(f, g)7−fg,
o`u la transformation fg: Π Π, qui va du plan dans le plan, est d´efinie par la
r`egle (fg)(x) = f(g(x)).
Les lois de composition dont il est question ici seront toujours binaires, c’est-`a-dire auront
deux arguments. C’est le cas notamment de l’addition et de la multiplication usuelles dans N.
Notons qu’on utilise ´egalement en math´ematiques des lois de composition unaires portant sur
un seul argument (par exemple, la fonction valeur absolue | · | ou la fonction sinus dans R,
ou encore l’op´eration +5 dans N) ou mˆeme ternaires (trois arguments). Plus g´en´eralement,
on aurait la notion de loi de composition n-aire (on dit aussi d’arit´e n) sur un ensemble E:
il s’agit d’une fonction :EnEqui `a chaque n-uplet (x1, x2, . . . , xn)Enassocie un
´el´ement unique xE. Mais de telles op´erations n’entrent pas en jeu dans la d´efinition des
structures alg´ebriques qui suivent, les lois qu’on y rencontre ´etant toutes binaires.
En pratique, lorsqu’on veut v´erifier qu’une op´eration donn´ee fait d’un ensemble Eune
structure alg´ebrique d’un certain type, une ´etape importante consiste `a s’assurer qu’on a la
fermeture 2de Epar rapport `a , c’est-`a-dire que est une fonction bien d´efinie sur E: en
2. On dit aussi stabilit´e de Epar rapport `a .
2
op´erant sur des ´el´ements quelconques de E, on retombe bien dans E; en d’autres termes, il
faut que
abE, quels que soient a, b E.
Exemples
1. Nest ferm´e pour +.
2. Il en est de mˆeme de l’ensemble des nombres pairs.
3. L’ensemble des nombres impairs est ferm´e pour ·.
4. Nn’est pas ferm´e pour (c’est pour r´egler ce probl`eme qu’on cr´ee Z).
5. L’ensemble des impairs n’est pas stable pour +.
6. L’ensemble Ides isom´etries du plan est ferm´e pour .
7. L’ensemble des isom´etries directes est ferm´e pour .
8. L’ensemble des isom´etries indirectes n’est pas ferm´e pour .
2.2 Propri´et´es d’une loi de composition
Une loi de composition (binaire) peut satisfaire diverses propri´et´es. Voici celles qui nous
int´eressent dans la suite.
D´efinition 2
(a) Une loi sur Eest dite associative si
(ab)c=a(bc), quels que soient a, b, c E.
(b) Une loi sur Eest dite commutative si
ab=ba, quels que soient a, b E.
(c) Un ´el´ement eEest neutre pour si
ea=ae=a, quel que soit aE.
(d) Supposons que eest neutre pour et soit aE; alors un ´el´ement bEest appel´e
inverse de apar rapport `a si
ab=ba=e.
Une derni`ere propri´et´e concerne le lien entre deux lois de composition sur un mˆeme
ensemble. On supposera donc que sont d´efinies sur Edeux op´erations binaires :E×E
Eet :E×EE.
3
D´efinition 3
(e) Si Eest muni de deux lois et , alors la loi est dite distributive par rapport `a la loi
si
a(bc) = (ab)(ac), quels que soient a, b, c E.
Exemples
1. + dans Nest associative, commutative et a pour ´el´ement neutre 0.
2. nNn’a pas d’inverse additif dans N, mais en aura un dans Z, `a savoir n.
3. ·dans Nest associative, commutative et a pour ´el´ement neutre 1.
4. nN\ {0}n’a pas d’inverse multiplicatif dans N, mais en aura un dans Q, `a savoir
1/n.
5. ·est distributive par rapport `a + : c’est la bonne vieille ´egalit´e x(y+z) = xy +xz
qui, lue de droite `a gauche, porte parfois le nom de mise en ´evidence.
6. + n’est pas distributive par rapport `a ·.
7. est associative dans Tet a pour ´el´ement neutre la transformation identit´e id. Ce-
pendant, n’est pas commutative.
8. Lorsqu’appliqu´ee `a des translations, la composition est commutative. Il en en de
mˆeme de la composition de r´eflexions dont les axes sont perpendiculaires.
3 Les structures alg´ebriques fondamentales
Nous sommes maintenant prˆets `a aborder les principales structures alg´ebriques. Nous al-
lons les pr´esenter sous forme de hi´erarchie, partant des structures les plus faibles (alg´ebri-
quement parlant), c’est-`a-dire de celles d´ecrites par le moins d’axiomes possible. Pr´esentons
d’abord l’id´ee g´en´erale sous forme d’une d´efinition.
D´efinition 4 On appelle structure alg´ebrique la donn´ee d’un ensemble Esur lequel sont
d´efinies une ou plusieurs lois de composition.
On dira alors de l’ensemble Equ’il poss`ede une structure alg´ebrique d’un type donn´e
(sp´ecifi´e par les lois de composition en cause), ou encore, avec un certain abus de langage, 3
que Eest une structure alg´ebrique de ce type. Tel qu’indiqu´e plus haut, les structures
alg´ebriques dont il sera question ici sont munies d’op´erations binaires. Il est d’usage de
d´esigner une structure alg´ebrique en donnant le nom de l’ensemble accompagn´e, entre pa-
renth`eses, de sa signature , c’est-`a-dire des symboles repr´esentant les op´erations qu’on
y consid`ere. Par exemple, (N,+,·) d´esigne l’ensemble des nombres naturels consid´er´e avec les
op´erations d’addition et de multiplication — c’est le contexte de l’arithm´etique ´el´ementaire .
3. L’abus de langage est ici li´e au fait que E, en soi, n’est pas une structure : il s’agit d’un ensemble —
ce n’est que lorsqu’on consid`ere cet ensemble muni de certaines op´erations que la notion de structure surgit.
On pourrait au besoin introduire une notation telle S= (N,+,·) pour bien sp´ecifier une structure donn´ee.
`
A cet ´egard, la structure S0= (N,+) serait une autre structure d´efinie sur le mˆeme domaine N.
4
3.1 Semi-groupe
D´efinition 5 ´
Etant donn´e un ensemble S, on dit qu’il a une structure de semi-groupe si
est d´efinie sur Sune op´eration (binaire) qui est associative.
On dira habituellement, de fa¸con plus directe, qu’un semi-groupe est un ensemble Smuni
d’une loi de composition (binaire) associative. On ´ecrit (S, ) pour d´esigner ce semi-groupe
de fa¸con pr´ecise (c’est-`a-dire l’ensemble ainsi que la loi).
Exemples
1. + fait de Nun semi-groupe.
2. Voici d’autres semi-groupes num´eriques : (N,·), (Z,+), (Q,·), (R,+), (R,·).
3. (T,) est un semi-groupe.
4. L’ensemble de toutes les rotations autour d’un centre donn´e Cest un semi-groupe.
5. (Z,) n’est pas un semi-groupe : la soustraction n’est pas une op´eration associative.
3.2 Mono¨ıde
D´efinition 6 Un mono¨ıde est form´e d’un ensemble Mmuni d’une loi de composition
(binaire) associative et poss´edant un ´el´ement neutre.
Exemples
1. (N,+) est un mono¨ıde, le neutre ´etant 0.
2. (N,·) est un mono¨ıde dont le neutre est 1.
3. (T,) est un mono¨ıde dont le neutre est id.
4. L’ensemble de toutes les rotations autour d’un centre donn´e Cest un mono¨ıde dont le
neutre est id =rC,0.
5. L’ensemble des entiers positifs muni de + est un semi-groupe qui n’est pas un mono¨ıde.
6. L’ensemble des nombres pairs muni de ·est un semi-groupe qui n’est pas un mono¨ıde.
7. L’ensemble de toutes les translations de vecteur positif le long de l’axe des abscisses
d’un rep`ere cart´esien, muni de , est un semi-groupe qui n’est pas un mono¨ıde.
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