Philippe Gustin, Stephan Martens

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Francia­Recensio 2016/2
19.‒21. Jahrhundert ‒ Époque contemporaine
Philippe Gustin, Stephan Martens, #FranceAllemagne. Relancer le moteur de l’Europe. Préface de Bruno Le Maire, Paris (Lemieux Éditeur) 2016, 104 p., ISBN 978­2­37344­044­7, EUR 10,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Adrian Gmelch, München
En rédigeant cet essai Philippe Gustin et Stephan Martens ont relevé un vrai défi: Comment redéfinir et rajeunir les relations franco­allemandes pour relancer la construction européenne? Il est difficile de répondre à cette question. D’une part parce que le »couple« franco­allemand se trouve depuis un certain temps devant une certaine banalité et semble être encroûté, et d’autre part parce que l’Union européenne est confrontée en même temps depuis quelques années à une véritable crise identitaire. D’ailleurs, ces deux phénomènes ne seraient­ils pas liés?
Tout d’abord, il est important de noter que les auteurs ne viennent pas de la même »branche« professionnelle. En effet, Gustin est préfet et ancien ambassadeur de France en Roumanie, et Martens professeur de civilisation allemande à l’université de Cergy­Pontoise. C’est donc un homme politique de terrain qui retrouve un homme de recherche universitaire. Cette combinaison devrait permettre un regard croisé, nuancé et novateur sur la question franco­allemande. Même si cette prémisse est prometteuse, le résultat l’est moins – surtout en ce qui concerne la deuxième partie de l’essai. La première partie de l’essai sur l’état actuel des relations entre l’Allemagne et la France est parfaitement cohérente et bien observée. En effet, depuis quelques quinzaines d’années ces relations sont en berne. Gustin et Martens parlent même d’une »mécanique bien huilée qui ne fonctionne plus« et d’une dégradation progressive. Ces mots semblent exagérés, mais ce choix est justifiable dans le cadre d’un essai qui veut remettre le »couple« franco­allemand au cœur des débats. Il est montré que les divergences économiques, les différences dans la crise de l’euro, les malentendus récents comme par exemple sur la réforme du collège en France en sont responsables. Mais les deux auteurs indiquent aussi que ces différences majeures ont déjà débuté au temps de Jacques Chirac et Gerhard Schröder, notamment avec l’échec du sommet européen de Nice en 2000. Les auteurs ont bien compris que ce n’est pas parce que la France et l’Allemagne ont un même point de vue sur une certaine question que la construction européenne va s’accélérer, mais justement parce que les deux pays sont en désaccord. Ils notent ainsi de manière très juste: »le point de départ de chaque compromis européen consiste à surmonter le conflit d’intérêt franco­allemand structurant«. Souvent chaque pays rassemble une coalition d’autres pays derrière lui. Il s’agit ensuite pour les deux »camps« de trouver une solution adéquate. Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
L’essai se perd malheureusement à un moment donné dans des clichés assez surprenants et – si on connaît bien la France et l’Allemagne presque révoltants. Les deux pays seraient en fait totalement contraires: un »esprit latin« contre un »esprit nordique« par exemple, ou encore la »grandeur« contre la »culpabilité« et le »volontarisme« contre un »respect des règles«. Le lecteur cherchera à associer quelles descriptions correspondent à quel pays. Mais établir une grille d’observation pareille c’est tomber dans la caricature et dans des catégories simplifiées et dépassées.
Cette première partie, logique, avec quelques points ambigus est suivie par la deuxième qui veut proposer »des mesures concrètes pour relancer« le »couple«. Et c’est ici que commence les vrais problèmes car les propositions des deux auteurs sont insuffisantes. D’abord, il faut noter la brièveté des propos. En effet, les mesures »concrètes« prennent exactement 20 pages de l’essai. Cependant, la première partie dont a été fait la critique un peu plus haut compte plus de 60 pages. Cette inégalité des parties reflète parfaitement l’insuffisance de ces huit propositions. La moitié des mesures se consacrent à l’éducation. Pourquoi? Gustin et Martens suggèrent qu’il faut repositionner l’Office franco­allemand de la jeunesse, créer un modèle éducatif plus intégré d’établissements scolaires des deux pays, renforcer la maîtrise de la langue du partenaire et favoriser le développement de filières bilingues post­bac dans l’enseignement professionnel. Ici, l’essai se lit quasiment comme un pamphlet contre la réforme du collège en France prévu pour la rentrée 2016 par la ministre de l’Éducation nationale Mme Vallaud­Belkacem. Néanmoins, cette critique est injuste. Le but de la réforme n’est pas de supprimer les cours d’allemand mais d’augmenter le nombre d’élèves apprenant l’allemand. Que la presse (allemande) ait compris le contraire est dû à une mauvaise communication de la part du gouvernement français et à l’hystérie des médias allemands qui y ont vu une aubaine, d’où aussi les titres assez dramatiques comme par exemple »Au revoir, Goethe« (»Spiegel Online«, 21/04/2015). La réforme supprime les classes bilangues actuelles à cause de leurs inégalités et les remplace par des classes bilangues de »continuité«, donc pour des enfants qui ont choisi d’apprendre une première langue étrangère depuis le CP. S’agissant de l’allemand, la possibilité de l’apprendre en première langue dès l’école primaire est assurée sur tout le territoire grâce à une nouvelle carte académique des langues. L’apprentissage sera même encouragé avec la garantie apportée aux enfants concernés qu’ils pourront commencer l’anglais en deuxième langue vivante dès la classe de sixième. Cela explique aussi pourquoi le recrutement des professeurs d’allemand est en augmentation.
Avec cette correction l’argumentation des deux auteurs s’écroule. Seule peut être jugée intéressante la dernière proposition sur l’enseignement professionnel. Sans aucun doute il faut renforcer le franco­
allemand sur ce niveau – mais cela déjà depuis quelques années. Non seulement le niveau des apprenants et apprentis mais aussi celui des adultes, en créant par exemple un Office franco­
allemand pour la formation continue et la mobilité professionnelle des adultes.
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La prochaine proposition d’une convergence fiscale entre les deux pays est importante. C’est une vraie idée de laquelle peut naître quelque chose de concret. Mais comment? Les auteurs ne donnent pas de réponse. La réalisation d’un tel projet semble d’autant plus compliqué que depuis la crise de l’euro l’intégration économique au sein de l’Union européenne est un sujet sensible. Toutefois, cette intégration fiscale semble être nécessaire pour une future économie européenne plus forte. Si l’Allemagne et la France arrivent à se mettre d’accord sur ce point malgré le contexte de la crise, alors c’est un grand pas dans la bonne direction.
Que l’Allemagne obtienne un siège au Conseil de sécurité de l’ONU est aussi une solution intéressante, mais en quoi cela serait­il bon pour le »couple« franco­allemand? Une Allemagne non seulement avec un poids économique mais aussi politique ferait peur et concurrence à la France car l’équilibre qui règne entre les deux pays (poids économique contre poids politique et militaire) serait pulvérisé. Au fur et à mesure il devient évident que les propositions sont déjà plus ou moins connues, il y a un certain manque de créativité. Cette dernière, on la retrouve pourtant dans le livre d’Oliver Breton »99 propositions pour ré­enchanter les relations franco­allemandes«. Une idée y est par exemple justement le siège commun (sic!) au Conseil de sécurité de l’ONU. Un tel siège commun garderait l’équilibre entre les deux pays, car en retour l’Allemagne devrait proposer une contrepartie attractive pour la France et les décisions se feront la plupart du temps conjointement. Un tel projet montrerait une vraie nouvelle volonté politique de la part des deux pays. En revanche, une idée comme une équipe franco­allemande du football semble trop loufoque mais fait sourire les insiders. Après la conclusion du livre qui reprend simplement son contenu, il reste une question que chaque lecteur devrait se poser: Pourquoi la question essentielle des réfugiés n’est­t­elle pas traitée? Gustin a été, début 2016, en tournée en Allemagne pour présenter son essai. Lors d’un débat après une lecture par Philippe Gustin le 29 février 2016 à l’Institut français de Stuttgart le premier commentaire venant de l’assistance portait justement sur les différences entre la France et l’Allemagne au sujet de la question migratoire. Ce problème ne serait­il pas le plus important en ce moment? L’intervenant avait raison, nombreux sont les Allemands qui se demandent pourquoi leur pays devrait prendre autant de réfugiés alors que la France n’en prend qu’une petite partie. Il y a, en effet, un manque d’explication. Pour un livre d’actualité cet oubli est assez inquiétant.
Toutefois, l’essai termine de manière positive et surprenante avec une bibliographie commentée sur plus de 20 pages. S’y trouvent toutes sortes de livres traitant du couple franco­allemand et de l’intégration européenne entre 1992 et 2015. Même si ce compte rendu est assez critique et sévère, il faut préciser que toute prise de parole alimente le discours franco­allemand et montre la vivacité du dialogue. Dans cet esprit, tous les livres sont les bienvenus!
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