Rüdiger vom Bruch, Gelehrtenpolitik

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Francia-Recensio 2009/1
19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine
Rüdiger vom Bruch, Gelehrtenpolitik, Sozialwissenschaften und akademische
Diskurse in Deutschland im 19. und 20. Jahrhundert, Stuttgart (Franz Steiner)
2007, 430 p. (Geschichte), ISBN 978-3-515-08869-5, EUR 68,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Rita Thalmann, Paris
Après une publication en 2005 sur le potentiel de modernisation de la bourgeoisie cultivée sous
l’empire allemand, ce second recueil traite de la politique de »savants«, notamment historiens et
économistes, de leur statut comme de leur rôle du XIX e a XXe siècle. Enseignant d’histoire des
sciences à l’université de Berlin après une habilitation soutenue en 1986 intitulée »De la
caméralistique à la science économique – Étude d’histoire de l’économie politique allemande comme
science politique de 1727 à 1923« l’auteur réunit ici ses articles des 25 dernières années. L’ensemble
est structuré en trois parties. La première présente la politique scientifique du »Troisième Reich«, la
seconde, le milieu des »savants«, ses réseaux d’affinités et ses discours et la dernière la
professionnalisation des disciplines, en particulier des sciences politiques et sociales. En dépit de
cette structuration, la réunion d’articles écrits dans des contextes et pour des publics différents n’évite
pas une certaine disparité des contenus et du style parfois alourdi, à force d’incises, en phrases de 8 à
10 lignes.
La première partie présente une certaine cohésion dans l’évocation des rapports entre la politique
scientifique du pouvoir impérial et sa réception par les »savants« pris entre impérialisme culturel et
éthique professionnelle, les pressions croissantes du militarisme et sa propagande à la veille de la
Première Guerre mondiale. Cette cohésion semble plus problématique dans les deux autres parties.
Ainsi, dans la deuxième partie, il est question de sociabilité urbaine (surtout berlinoise), de la réforme
universitaire et de ses conflits, de Max Weber, Schmoller et Meinecke. À quoi s’ajoute une contribution
sur l’histoire culturelle entre psychologie et biologie à propos d’une comparaison entre Karl Lamprecht
et Oswald Spengler. De cette mosaïque, il ressort en fait que l’auteur entend réhabiliter les
conceptions socioculturelles de Gustav von Schmoller (1838–1917) précurseur d’une économie
politique à fondement historique, centrée sur la réforme sociale. Force est cependant de constater que
cette réforme a peut-être eu quelque influence sur la politique sociale de l’empire wilhelmien, mais elle
n’est pas parvenue à briser le »corporatisme de castes«, selon la formule de l’économiste et socialiste
de la chaire Lujo Brentano, d’un système universitaire pourtant doté de l’autonomie administrative. De
ce point de vue, on lira avec intérêt le passage consacré à la critique par Max Weber du »système
Althoff« (nom du ministre prussien chargé de la réforme des institutions scientifiques). Système jugé
bureaucratique et obsolète par rapport au modèle américain. Or Max Weber, comme à sa suite
Friedrich Meinecke, tout en rendant hommage à Schmoller (en tant que précurseur des sciences
sociales, l’un des moteurs de la société américaine), le relèguent néanmoins au statut d’ancien
dépassé. Tous deux critiquent, en effet, l’enfermement de ses conceptions dans l’État d’autorité
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établie (Obrigkeitsstaat). Illusion de toute une génération, selon Meinecke, croyant à sa garantie de
justice sociale par la réforme. Génération à laquelle on doit cependant la création de nombreuses
sociétés savantes concernées par la réforme sociale. Celle-ci ayant, selon l’économiste Adolph
Wagner, cofondateur du Congrès protestant social, pris le relais de l’idée d’unité après la création du
»Troisième Reich«.
Toujours aussi désireux de revaloriser le rôle de Schmoller, l’auteur, après une introduction à la
troisième partie sur »l’historisation des sciences politiques – de ma caméralistique à l’école historique
de l’économie politique«, sans doute reprise de ses travaux d’habilitation, souligne l’attrait particulier
de son programme et de son école d’économie politique. Conçue comme science culturelle historique,
celle-ci serait aussi éloignée de la philosophie morale d’Adam Smith que des méthodes historiques
dérivées des sciences de la nature de Marx. Conceptions développées dans son »Esquisse
d’économie politique« (1900–1904). Dans cet esprit, après avoir contribué en 1872 à la création de la
Société de politique sociale, Schmoller est l’initiateur, en 1883, de la Société de sciences politiques
sur le modèle de celle qu’il avait créé antérieurement à Strasbourg où universitaires et hauts
fonctionnaires du »Troisième Reich« réunissaient pour débattre de questions socio-économiques.
Limitée à la période 1883–1919 l’histoire de cette société est reconstituée essentiellement grâce aux
archives de l’historien Hans Delbrück qui en fut le secrétaire de 1885 à 1919. Mais une note en bas de
page indique qu’il s’agit d’une contribution de l’auteur réalisée en 1983 pour le centenaire de ladite
société. C’est dire que ce genre de contributions aborde beaucoup de sujets, mais ne permet pas de
les développer. La remarque vaut aussi pour les personnalités citées dont beaucoup ont commencé
leur carrière en Allemagne du Sud-Ouest de l’empire avant leur nomination à Berlin. Leur nombre et
leur importance auraient au moins mérité un index pour faciliter les repères.
Y eut-il une renaissance de Schmoller après une longue période de silence dans l’après 1918? Dans
une contribution sur »Von Schmoller et les problèmes d’aujourd’hui«, Joseph Schumpeter prend ses
distances de son système de science culturelle au profit de l’analyse économique. Démarche
d’ailleurs sans lendemain puisqu’en 1964 Schmoller est encore traité de »chien mort«. L’intérêt ne
resurgit quelque peu que dans les années quatre-vingt lors d’un hommage rendu dans sa ville natale
de Heilbronn et au-delà, avec l’exégèse en anglais de son »Esquisse de doctrine générale d’économie
politique«. L’Américain Nicholas Balabkins et un article de l’économiste suisse Kurt Dopfer sur
l’historisation de sa théorie économique. En réalité, Schmoller avait conscience que sa conception
empirique d’une histoire culturelle d’économie politique visait le niveau théorique sans l’avoir encore
atteint. D’où son ultime tentative de réécrire son article »Économie politique, doctrine et méthode«,
publié dans la 3e édition du »Lexique de sciences politiques« de 1911, dont l’objectif était d’assurer la
continuité méthodologique de son école sérieusement menacée d’érosion par les bouleversements
(déjà perceptibles à la veille de la Première Guerre mondiale.
Signe de ces changements: deux ouvrages de 1916 d’un historien de sciences politiques et sociales,
premier directeur de l’École supérieure de commerce a Berlin, l’autre d’un ancien rédacteur de la
»Frankfurter Zeitung«, devenu professeur d’économie politique de l’université de Leipzig. Tous deux
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revendiquent dans la perspective du passage de l’État impérial à l’État parlementaire du peuple, selon
la terminologie de l’époque, la reconnaissance universitaire de disciplines non encore reconnues
comme la sociologie et le journalisme. Ces deux disciplines verront leur autonomie reconnue en 1919.
Dans le contexte de la séparation de l’État et de la société. Ce qui offre aussi de nouvelles
perspectives de carrière aux catholiques, juifs et marxistes largement exclus de l’Université sous
l’empire. Si la sociologie occupe désormais l’espace libéré par les sciences sociales en formant
notamment à l’administration communales, des organisations d’assistance et de prestations sociales,
elle se voit contestée comme science autonome par ses adversaires au sein de l’Université. Ce qui ne
l’empêche pas d’acquérir ses lettres de noblesse grâce à des chercheurs tels Georg Simmel.
Ferdinand Tönnies, Leopold von Wiese. Ultérieurement aussi grâce à l’École de Francfort, »idéalisée
a posteriori«, selon l’auteur, et ne représentant nullement la discipline selon lui.
Évolution différente pour la presse qui cherche moins l’institutionnalisation universitaire d’une
discipline autonome, comme en France ou aux États-Unis, que la formation d’un journalisme
professionnel comme composante essentielle de l’histoire culturelle. Sujet peu abordé dans ce recueil:
l’instrumentalisation politique des disciplines, notamment des sciences humaines et sociales
mentionnée ici à propos du national socialisme, touche essentiellement des disciplines comme la
germanistique, l’ethnologie, mais aussi l’économie des entreprises, la psychologie et la sociologie
utilisées comme points d’ancrage politique après épuration idéologique. Fallait-il après cela ajouter
une contribution sur la science du journalisme sous l’empire au risque de malmener encore un peu
plus la chronologie?
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