mesures restrictives à l’entrée des pays d’immigration, la crise de 1929,
particulièrement sévère aux États-Unis, permettent de comprendre
les changements observés. Il semble que les États-Unis et l’Argen-
tine, suivis de l’Uruguay, accueillent constamment le plus grand
nombre de Français émigrés hors du continent européen.
L’émigration coloniale est relativement faible comparée aux des-
tinations étrangères. Elle semble avoir diminué de 1851 à 1890, en
raison de la guerre de 1870, de l’insurrection de 1871, de la famine,
du typhus et du choléra qui ont sévi en Algérie. Entre 1891 et 1900,
les crises de l’agriculture en France et le début de l’occupation de la
Tunisie expliquent la hausse des départs
aux colonies. Elle baisse très fortement
entre 1901 et 1910 pour atteindre son
niveau le plus bas, puis augmente légè-
rement à partir de 1911, mais la guerre
de 1914-1918 contrarie la colonisation,
en particulier au Maroc. Toutefois, à
partir de 1921, elle augmente considérablement, et entre 1931-1940,
elle représente près de la moitié des départs (43,5 %). Ce sont les
colonies d’Afrique du Nord, en particulier l’Algérie, qui reçoivent le
plus grand nombre de colons. Cette implantation prédominante s’ex-
plique facilement ; la politique de l’État français favorise en priorité
le peuplement de cette colonie, même si, au final, elle s’avéra être
un échec(6).
L’émigration française en Europe connaît une évolution très irré-
gulière mais se maintient relativement bien dans l’ensemble, avec un
maximum durant la période 1901-1910. Entre 1931 et 1935, elle se
classe au second rang derrière l’émigration coloniale, en raison sur-
tout de la baisse générale de l’émigration outre-mer. Ses principales
destinations sont la Suisse, la Belgique, le Royaume-Uni et l’Espagne.
L’Allemagne est également concernée par ce phénomène, même si le
recensement des Français y est difficilement réalisable du fait des
changements constants de souveraineté sur l’Alsace-Lorraine. Pour
l’ensemble de la période 1851-1940, il apparaît nettement que les
départs pour l’étranger lointain (hors Europe), dont la destination la
plus prisée est les États-Unis, ont été les plus nombreux, soit 88 400
individus (48 % de l’émigration totale). L’émigration coloniale vient
en deuxième position avec 55 500 personnes (30 %). L’Europe, quant
à elle, attire faiblement les Français, soit 39 700 émigrés (22 %).
On observe ainsi une évolution de la répartition des Français entre
le XIXeet le XXesiècles. L’émigration proche à destination de l’Eu-
rope tend à être remplacée par des départs lointains ou coloniaux.
N° 1233 - Septembre-octobre 2001 -
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NOUVELLES MOBILITÉS
La répartition spatiale des Français,
concentrée dans l’hémisphère Nord,
illustre à elle seule
leur représentation mentale du monde.
6)- Voir Yvette Katan,
“Le ‘voyage organisé’
d’émigrants parisiens
vers l’Algérie”, in Centre
de recherche d’histoire nord-
américaine, L’émigration
française, op. cité, pp. 17-47 ;
Alain Lardillier,
Le peuplement français
en Algérie de 1830 à 1900 :
les raisons de son échec,
L’Atlanthrope, Versailles,
1982, 108 p. ; Camille Maire,
“L’eldorado en Algérie ?”,
in En route pour l’Amérique.
L’odyssée des émigrants
en France au XIXesiècle,
Presses universitaires
de Nancy, Paris, 1993,
pp. 124-138.