Probabilités Elémentaires – Licence
Chapitre 5 : Variables aléatoires à densité
L’extension à des espaces non dénombrables de la théorie développée dans les chapitres précédents
se heurte à des difficultés mathématiques. Il va nous falloir introduire une tribu plus petite que P(Ω),
qu’on appelle la tribu des ensembles boréliens.
1 Probabilités sur Rn
1.1 Densité d’une probabilité sur Rn
Nous affirmons, sans démonstration, l’existence de la tribu borélienne.
Proposition 1. Il existe une tribu sur Rncontenant la famille des pavés ouverts Qn
i=1]ai, bi[. Cette
tribu est appelée tribu borélienne de Rnet notée BRn. Ses éléments sont appelés sous-ensembles
boréliens de Rn. Tout ouvert est borélien, tout fermé est borélien. Tout pavé Qn
i=1]ai, bi]est borélien.
Soit fune fonction de Rndans R+intégrable au sens de Riemann sur Rnet telle que RRnf(x)dx = 1.
On peut démontrer qu’il existe une probabilité unique Psur l’espace probabilisable (Rn,BRn)telle
que, pour tout pavé Ade Rnde la forme Qn
i=1]ai, bi], on ait :
P(A) = ZA
f(x)dx.
La fonction fest appelée densité de la probabilité P: on dit aussi que la probabilité Pest de
densité f. En particulier, si n= 1 et si fest une fonction définie sur R, à valeurs positives, continue
sauf en un nombre fini de points et telle que R+
−∞ f(x)dx = 1, il existe une probabilité unique Psur
l’espace probabilisable (R,BR)telle que, pour tous réels aet btels que a<b, on ait :
P(]a, b]) = Zb
a
f(x)dx.
Nous admettrons que cette égalité est encore vraie si Aest une réunion finie d’intervalles de R,
fermés, ouverts ou semi-ouverts, bornés ou non.
1.2 Exemples classiques de lois de probabilité sur R
Voici des exemples classiques de lois de probabilité définies sur l’espace probabilisable (R,BR)par
une densité f.
1.2.1 Loi uniforme sur l’intervalle [a, b]
Elle est notée U([a, b]). La densité fest définie par : pour tout xR,
f(x) = 1
ba11[a,b](x),
aet bsont deux réels tels que a<b. Elle donne la même probabilité à deux sous-intervalles de
même longueur de l’intervalle [a, b].
1.2.2 Loi exponentielle de paramètre p > 0
Elle est notée E(p). La densité fest définie par : pour tout xR,
f(x) = pexp(px)11R+(x).
Cette loi donne une probabilité nulle à tout intervalle contenu dans R. Elle intervient dans la
modélisation des temps d’attente.
1
1.2.3 Loi de Cauchy de paramètres x0Ret a > 0
Elle est notée C(x0, a). La densité fest définie par : pour tout xR,
f(x) = 1
π
a
(xx0)2+a2.
1.2.4 Loi gaussienne (ou normale) de paramètres mRet σ2>0
Elle est notée N(m, σ2). La densité fest définie par : pour tout xR,
f(x) = 1
σ2πexp (xm)2
2σ2.
Il s’agit bien d’une densité de probabilité car
Z+
−∞
exp x2
2dx =2π.
Son graphe est la fameuse courbe en cloche de Gauss. Elle admet deux points d’inflexion d’abs-
cisses x1=mσet x2=m+σet on a f(x1) = f(x2) = 1
σ2πe , ce qui montre que le pic est
d’autant plus élevé et resserré que σest petit. Cette loi apparaît très souvent dans les modélisations,
en raison du théorème limite central que nous énoncerons par la suite.
1.2.5 Loi du chi-deux à ndegrés de liberté
Elle est notée χ2
n(la lettre grecque χse transcrit "chi" mais se prononce "ki"). La densité fest
définie par : pour tout xR,
f(x) = 1
Kn
exp x
2xn
2111R+(x)
où, pour tout entier p1, on note :
K2p= 2p(p1)! et K2p+1 =2π(2p1) ×(2p3) × ··· × 3×1.
On peut montrer que c’est la loi d’une variable aléatoire de la forme X2
1+··· +X2
nX1,··· , Xn
sont des variables indépendantes de même loi N(0,1), ce qui explique l’expression "ndegrés de
liberté" (cf TD 5). La loi du chi-deux joue un grand rôle en Statistique.
1.3 Exemples classiques de lois de probabilité sur R2
1.3.1 Loi uniforme sur le rectangle [a, b]×[c, d]
Elle est notée U([a, b]×[c, d]). La densité fest définie par : pour tout xR2,
f(x) = 1
(ba)(dc)11[a,b]×[c,d](x),
a,b,cet dsont des réels tels que a < b et c < d.
1.3.2 Loi uniforme sur le disque D(O, r)
La densité fest définie par : pour tout xR2,
f(x) = 1
πr211D(O,r)(x),
rest un réel strictement positif.
Plus généralement, la loi uniforme sur une partie Adu plan R2dont on peut définir l’aire (et dont
on suppose qu’elle est non nulle) est définie par la densité
f(x) = 1
aire(A)11A(x).
2
1.3.3 Loi gaussienne (ou normale) centrée réduite sur R2
La densité fest définie par : pour tout x= (x1, x2)R2,
f(x) = 1
2πexp x2
1+x2
2
2.
2 Loi d’une variable aléatoire à valeurs dans Rn
2.1 Densité d’une variable aléatoire, fonction de répartition
Soit Xune variable aléatoire définie sur l’espace probabilisé (Ω,A,P)et à valeurs dans (Rn,BRn).
On rappelle que sa loi PXest une probabilité définie sur l’espace probabilisable (Rn,BRn)par : pour
tout A∈ BRn,
PX(A) = P(XA).
Définition 1. S’il existe une fonction fXdéfinie sur Rn, à valeurs non négatives et intégrable au
sens de Riemann telle que
ZRn
fX(x)dx = 1,
et que, pour tout pavé Ade Rnon ait
PX(A) = ZA
fX(x)dx,
cette fonction est appelée densité de la variable aléatoire X. Elle détermine entièrement la loi
de Xet n’est autre que la densité de la probabilité PX.
Définition 2. Si n= 1, l’application FXde Rdans [0,1] définie par : pour tout xR,
FX(x) = P(Xx)
est appelée fonction de répartition de la variable aléatoire X.
Par conséquent, si Xadmet une densité fX, on a, pour tous réels aet btels que a<b,
P(a<Xb) = FX(b)FX(a) = Zb
a
fX(x)dx.
Intuitivement, on peut écrire P(xXx+dx) = fX(x)dx dx est considéré comme "infiniment
petit". Cette formulation très parlante, bien que non rigoureuse, est souvent employée par les phy-
siciens et les ingénieurs. Elle revient à faire un développement de Taylor d’ordre 1 de FX, dont on
néglige le reste.
Proposition 2. Soit Xune variable aléatoire réelle de fonction de répartition FX.
(i) La fonction de répartition FXdétermine entièrement la loi de X.
(ii) Pour tous réels aet btels que a < b, on a
FX(b)FX(a) = P(a < X b),
et, pour tout xR,
lim
x+FX(x)=1et lim
x→−∞ FX(x)=0.
(iii) La fonction de répartition FXest une fonction croissante, continue à droite, et admet une
limite à gauche en tout point. De plus, pour tout xR,ona:
P(X=x) = FX(x)lim
y%xFX(y),
c’est-à-dire que P(X=x)est égal au saut de FXen x.
3
(iv) Si la variable aléatoire Xadmet une densité fX, la fonction de répartition FXest
continue en tout point et on a, pour tout xR:
P(X=x) = 0.
On a de plus, pour tout xR,
P(Xx) = FX(x) = Zx
−∞
fX(t)dt,
et la fonction de répartition FXest dérivable en tout point de continuité de la densité fX.
2.2 Marginales d’une variable aléatoire à valeurs dans R2
Définition 3. Si X= (X1, X2)est une variable aléatoire à valeurs dans R2, les variables aléatoires
X1et X2s’appellent les marginales de la variable aléatoire X.
Evidemment, cette définition se généralise à Rnet à toute projection de Xsur un sous-espace
engendré par des vecteurs de la base canonique.
Proposition 3. Si la variable aléatoire X= (X1, X2), à valeurs dans R2, admet une densité fX,
les marginales X1et X2admettent, sauf exception, des densités respectives fX1et fX2. Elles sont
données par :
pour tout x1R,
fX1(x1) = Z+
−∞
fX(x1, x2)dx2,
pour tout x2R,
fX2(x2) = Z+
−∞
fX(x1, x2)dx1.
Exemple : Soit une variable aléatoire Xde loi normale centrée réduite sur R2. Déterminons les lois
des marginales X1et X2. On a, pour tout x1R,
fX1(x1) =
donc les marginales X1et X2suivent la loi normale centrée réduite sur R, notée N(0,1).
2.3 Loi d’une fonction de variable aléatoire
Nous n’abordons ici que le cas où cette fonction est monotone.
Proposition 4. Soit Xune variable aléatoire réelle admettant une densité fXet soit gune fonction
de Rdans Rstrictement monotone et dérivable. La variable aléatoire réelle Y=g(X)admet
une densité fYdonnée par :
fY(y) = (fXg1(y)|(g1)0(y)|si yg(R),
0sinon.
Exemple : Soit une variable aléatoire Xde loi N(µ, σ2). Déterminons la loi de Y=g(X) = Xµ
σ.
On a :
y=xµ
σx=µ+σy
donc g1(y) = µ+σy et (g1)0(y) = σ, pour tout yR. La densité de Yest donc, pour tout yR:
fY(y) =
La variable aléatoire Ysuit donc la loi N(0,1), dite loi normale standard ou centrée réduite.
4
3 Moyenne et variance d’une variable aléatoire réelle
Définition 4. Soit Xune variable aléatoire définie sur l’espace probabilisé (Ω,A,P), à valeurs
réelles, possédant une densité fX. Si la fonction x7→ |x|fX(x)est intégrable au sens de Riemann
sur R, on dit que Xadmet une moyenne. La moyenne ou espérance mathématique de Xest
alors notée E(X)et définie par :
E(X) = ZR
xfX(x)dx.
On observera l’analogie entre cette définition et celle de l’espérance d’une variable aléatoire discrète.
Théorème 1. Soit Xune variable aléatoire discrète définie sur l’espace probabilisé (Ω,A,P), à
valeurs dans Rn, de densité fX. Soit Φune fonction de Rndans R. Si la fonction x7→ |Φ(x)|fX(x)
est intégrable au sens de Riemann sur Rn, alors la variable aléatoire Φ(X)possède une moyenne
donnée par :
EΦ(X)=ZRn
Φ(x)fX(x)dx.
Proposition 5. (i) Soit X1et X2deux variables aléatoires réelles telles que la variable aléatoire
(X1, X2)admette une densité. Si X1et X2possèdent une moyenne, il en est de même de la
variable aléatoire λ1X1+λ2X2, quels que soient λ1et λ2,et l’on a :
E(λ1X1+λ2X2) = λ1E(X1) + λ2E(X2).
(ii) Soit Xune variable aléatoire réelle de densité fXet admettant une moyenne. Pour tous réels
aet b, la variable aléatoire aX +badmet une moyenne et l’on a :
E(aX +b) = aE(X) + b.
Exemple : Si la variable aléatoire Xsuit la loi normale N(m, σ2), on a :
E(X) = m.
En effet, on a :
E(X) = Z+
−∞
x1
σ2πexp (xm)2
2σ2dx.
On effectue le changement de variable y=xm
σ:
E(X) =
3.1 Moments d’ordre 2. Variance
Proposition 6. Si Xest une variable aléatoire réelle de densité fXet si X2admet une moyenne,
alors Xadmet elle-même une moyenne.
Définition 5. Si Xest une variable aléatoire réelle de densité fXtelle que X2admet une moyenne,
le réel positif E(X2)est appelé moment d’ordre deux de X, et le réel positif E[XE(X)2]est
appelé variance de Xet noté σ2
Xou V(X).
Proposition 7. Si Xest une variable aléatoire réelle de densité fXtelle que X2admet une moyenne,
la variance de Xvérifie :
(i)
V(X) = Z+
−∞ xE(X)2fX(x)dx,
(ii) et
V(X) = E(X2)[E(X)]2.
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