Licence 2ème année Paris 7 Responsable CM : Marie Candito TDs : Géraldine Walther, Xiaoliang Huang 54LG2113 : Linguistique française : Syntaxe Examen du 8 janvier 2010 Durée 3h – AUCUN DOCUMENT AUTORISE CORRECTION Justifiez systématiquement vos réponses. 1 Questions de cours (6 points) 1. Définissez acceptabilité, grammaticalité et interprétabilité. Acceptabilité = grammaticalité + interprétabilité. Enoncé acceptable : intuitivement perçu comme « conforme à sa langue » par un locuteur, tant du point de vue de la forme que du point de vue du sens. Un locuteur peut poser des « jugements d’acceptabilité » sur des énoncés de sa langue. En pratique, certains énoncés sont problématiques (jugements contradictoires). Ces jugements ne doivent pas être guidés par des considérations normatives : une phrase comme « Me dis pas que c’est pas vrai » est incorrecte du point de vue de la grammaire scolaire, mais acceptable dans les faits : « ça se dit ». Grammaticalité : Un énoncé grammatical est conforme aux règles formelles d’une langue, indépendamment du sens de l’énoncé (il peut être interprétable ou pas). Il s’agit de règles sous-jacentes à une langue, inférées par les locuteurs de celle-ci et qui concerne la forme des énoncés : la morphologie et la syntaxe. Interprétabilité : Un énoncé interprétable est un énoncé auquel on peut associer un sens. Il peut être grammatical ou pas. 2. Définissez morphème et mot. morphème = unité minimale de sens (voir cours pour la distinction morphème flexionnel, morphème dérivationnel) mot = suite de morphèmes autonome et insécable (et pas « autonomes et insécables » ! c’est la suite qui est insécable…). On pouvait aussi répondre : la plus petite unité qui soit autonome (i.e pas forcément liée à d’autres morphèmes) « insécable » : on ne peut le couper (insérer des éléments) « autonome » : peut être utilisé librement sans être lié à d’autres morphèmes particuliers En tant que suite de morphèmes, un mot a un sens déterminé, et donc par exemple pour 1 une même forme avocat, on distingue deux mots avocat(fruit) et avocat(profession). On doit ensuite distinguer deux sens de « mot » : • le mot-forme = un mot tel qu’employé dans les énoncés • le mot-lemme = une abstraction regroupant des mots-formes qui ne varient que par des morphèmes flexionnels. Exemple le mot-lemme « manger » est une abstraction regroupant les différentes formes conjuguées de manger (mange, manges, mangeons etc…) Bien que la définition de mot pose problèmes (cf. des cas où il est difficile de trancher, il s’agit d’une unité intuitivement connue des locuteurs, contrairement au morphème. On peut tracer une limite dans l’étude de l’agencement des unités linguistiques pour former des énoncés, et distinguer : morphologie = étude de l’agencement des morphèmes pour former des mots. syntaxe = étude de l’agencement des mots pour former des énoncés. 3. Sur quelle base regroupe-t-on les mots en catégories ? Utilise-t-on la sémantique pour cela ? (si oui pourquoi, et sinon pourquoi ?) On regroupe en catégories de mots des mots qui se comportent à peu près de manière identique pour ce qui est des règles formelles d’une langue : les règles grammaticales, indépendamment du sens. Pour cela, on définit une catégorie de mot (mot-lemme) comme une classe de mots qui partagent (à peu près) la même distribution (=ils peuvent apparaître dans les mêmes contextes). Avec cette notion de catégorie, on peut « capturer » des règles formelles d’agencement des mots entre eux, qui permettent de prédire / rendre compte de la grammaticalité / agrammaticalité des énoncés. Les critères retenus pour définir les catégories (on a dégagé 10 catégories grossières en cours) sont : - les critères distributionnels (par définition) - mais aussi des critères morphologiques : le caractère invariable d’un mot, ou bien le type de morphèmes flexionnels présents dans le mot : le mot varie-t-il en genre, nombre etc… On a rejeté les critères sémantiques car ils sont inopérants : ils ne permettent pas de regrouper des mots fonctionnant – grammaticalement – de la même manière. Et en effet, des mots de même catégorie peuvent avoir des types sémantiques différents. Exemple : un verbe peut dénoter une action (lire), un état (sembler), un lieu (contenir), une propriété (resplendir) etc… Et inversement, une même notion peut être exprimée par des mots de différentes catégories. Exemple : la grande quantité peut être exprimée par un adverbe (beaucoup, abondamment), un déterminant (plusieurs), un verbe (foisonner), un nom (multitude) etc… Ce qui est important pour le regroupement en catégories c’est de dégager des classes de mots grammaticalement équivalents, sans référence à la sémantique. 2 4. Qu’est-ce qu’un syntagme ? Syntagme = suite de mot ou de syntagme, formant une unité, c’est-à-dire ayant une certaine cohésion, ce qui est vérifiable par des tests : - substitution par un mot : un syntagme peut jouer le même rôle qu’un mot seul, ce qui est bien le signe qu’il forme une unité - effacement en bloc : en contexte, certains syntagmes peuvent être effacés, mais en bloc, ce qui est là aussi un signe d’unité - déplacement en bloc On a récursion dans la définition : un syntagme peut contenir des syntagmes. 2 Exercice : Catégories et syntagmes (8 points) Soient les phrases : 1. Georges et Marcel habitent une petite maison de campagne avec des murs jaunes. 2. Pour cuire des madeleines, les deux compères ont également installé un grand four dans la cuisine. 3. Pour que Marcel ne mange pas les madeleines en cachette, Georges doit toujours penser à les ranger ensuite dans les placards du haut. 4. Le vieux compère préparera demain une madeleine géante où il cachera une fève. a) Donnez la catégorie des mots soulignés en justifiant à chaque fois votre réponse par les critères vus en cours (2 points). maison : nom -genre intrinsèque : *un maison -peut être sujet : une maison a été construite. -peut être précédé d’un déterminant : une maison -ne peut pas prendre un objet direct nominal : la maison (*!/de) Jean -test de ponominalisation : Georges doit toujours penser à cela ; Georges doit toujours y penser. (donc pas un complémenteur) demain : pronom -peut être sujet : Demain sera un autre jour. -n’est pas introduit par un déterminant : *un demain b) Faites le découpage syntagmatique (sous forme d'arbre ou avec des crochets) des phrases 2 et 4. Vous justifierez chaque syntagme par au moins un test de constituance. (= d'appartenance syntagmatique) (6 points). 2. [Pour [cuire [des madeleines]SN1]SV1]SP1, [les [deux]SAdj1 compères]SN2 [ont [également]SAdvinstallé [un [grand]SAdj2 four]SN3[dans [la cuisine]SN4]SP2]SV2. SP1=pour cuire des madeleines -clivage : c’est pour cuire des madeleines que les deux compères ont également installé un grand four dans la cuisine. -commutation : heureusement, les deux compères ont également installé un grand four dans la cuisine. -effacement SV1=cuire des madeleines -commutation : Pour rire, … SN1= des madeleines -commutation : Pour cuire cela, … -pronominalisation : Pour en cuire, … dans : préposition -invariable -peut prendre un objet direct nominal : dans la cuisine -ne peut être sujet SN2=les deux compères -clivage : Ce sont les deux compères qui pour cuire des madeleines ont également installé un grand four dans la cuisine. -commutation : pour cuire …, ils ont également installé un grand four dans la cuisine. à : préposition -invariable (donc pas un verbe, adjecif, nom,déterminant, pronom) -n’est pas incisif : penser à SV mais pas *penser,à, SV(donc pas une interjection) -combinable avec une conjonction de coordination : penser à SV et à SV(donc pas une conjonction de coordination) SV2=ont également installé un grand four dans la cuisine -commutation : pour cuire des madeleines, les deux compères dorment. 3 SN3=un grand four -clivage : c’est un grand four que, pour cuire des madeleines, les deux compères ont 4 également installé dans la cuisine. -commutation : pour cuire des madeleines, les deux compères ont également installé ont installé cela dans la cuisine. -pronominalisation : pour cuire des madeleines, les deux compères l’ont également installé dans la cuisine. SAdv=également (syntagme unaire) -commutation par un syntagme à plusieurs mots: ont très joyeusement installé un four -effacement SP2=dans la cuisine -clivage : c’est dans la cuisine que, pour cuire des madeleines, les deux compères ont également installé un grand four dans la cuisine. -commutation: pour cuire des madeleines, les deux compères ont également installé un grand four ici. -pronominalisation : pour cuire des madeleines, les deux compères y ont également installé un grand four. -effacement SN4=la cuisine -commutation : dans cela SAdj1=deux -effacement -commutation par un syntagme à plusieurs mots : les tout juste trois compères SAdj2=grand -effacement -commutation par un syntagme à plusieurs mots : le très vieux four 4. [Le [vieux]SAdj1compère]SN1 [préparera [demain]SN4[une madeleine [géante]SAdj2[où [[il cachera [une fève]SN3]SV2]P2]P1]SN2]SV1. SN1=le vieux compère -clivage : c’est le vieux compère qui préparera demain une madeleine géante où il cachera une fève. -commutation : il préparera demain une madeleine géante où il cachera une fève. 5 SV1=préparera une madeleine géante où il cachera une fève -commutation : le vieux compère dormira. SN2=une madeleine géante où il cachera une fève -clivage : c’est une madeleine géante où il cachera une fève que le vieux compère préparera demain. -commutation : le vieux compère préparera demain cela. -pronominalisation : le vieux compère la préparera demain. P1=où il cachera une fève -effacement -commutation par un mot : … une madeleine géante fourrée P2=il cachera une fève - commutation par un mot (même si ininterprétable): #Le vieux compère préparera demain une madeleine géante où dormir SV2=il cachera une fève -commutation : … où dormir Rem : Concernant le clitique nominatif « il » : Il y a eu une erreur dans les TDs cette année (du coup cela n’a pas été comptabilisé dans la correction du partiel) contrairement à certains corrigés de TD, les clitiques nominatifs ne forment pas un SN. 1) le clitique nominatif n’est pas un pronom. En effet on a vu en cours que les clitiques formes faibles n’ont pas la même distribution qu’un pronom. On peut même douter pour les clitiques non nominatifs de leur qualité de mot, et les classer comme des affixes (des morphèmes non autonomes). Pour les clitiques nominatifs, ils conservent une certaine autonomie : on peut par exemple les mettre en facteur : Elle reçoit le courrier et transmet à ses subordonnés. Mais même si on consifdèrent les clitiques nominatifs comme des mots, il n’en reste pas moins qu’ils n’ont pas du tout la même distribution que des pronoms ( voir cours sur les « pronoms personnels », avec les contrastes entre il et le pronom fort lui )2) donc il n’est pas tête d’un SN. Par ailleurs, si on considère la distribution des clitiques nominatifs ne peuvent que précéder un verbe fini, avec entre eux et le verbe uniquement d’autres clitiques (les autres formes faibles, ou le ne). Pour cette raison on inclut les clitiques nominatifs dans le syntagme verbal. SN3=une fève -commutation : il cachera cela 6 -pronominalisation : il la cachera encore disparu de cela). SN4=demain -effacement -clivage : c’est demain que le vieux compère préparera une madeleine géante où il cachera une fève. 2.SP La forme « de » précède un infinitif(les avoir rangées). Le syntagme est donc soit prépositionnel (si « de » est une préosition) soit verbal (si « de » est un complémenteur). Avec le test de pronominalisation, on sait que c’est un syntagme prépositionnel (parce que *Georges est pourtant certain cela). SAdj1=vieux -effacement -commutation par un syntagme à plusieurs mots : le très beau compère 3.SV La forme « de » précède un verbe(reconnaître). Le syntagme est donc soit prépositionnel (si « de » est une préosition) soit verbal (si « de » est un complémenteur). Avec le test de pronominalisation, on sait que c’est un syntagme verbal (parce que *Marcel, lui, refuse de cela). SAdj2=géante -effacement -commutation par un syntagme à plusieurs mots : une madeleine très sucrée 3 Exercice : La forme « de » (3 pts) Soit le corpus suivant : 1. Cette nuit, il a encore disparu de nombreuses madeleines. 2. Georges est pourtant certain de les avoir rangées sur l'étagère du haut hier soir. 3. Marcel, lui, refuse de reconnaître qu'il les a mangées. 4. Pourtant, en rangeant la chambre de Marcel, Georges a retrouvé des miettes de gâteau sous son lit. Dans chaque phrase ci-dessus, a) essayez de remplacer le syntagme en gras par cela ou de cela , 1.Cette nuit, il a encore disparu cela. (cela/*de cela) 2.Georges est pourtant certain de cela. (*cela/ de cela) 3.Marcel, lui, refuse cela. (cela/ *de cela) 4.Georges a retrouvé des miettes de cela sous son lit. (*cela/ de cela) b) et déduisez-en la catégorie du syntagme, 1.SN La forme « de » précède un nom(madeleines). Le syntagme est donc soit nominal (si « de » est un déterminant) soit prépositionnel (si « de » est une préposition). Avec le test de pronominalisation, on sait que c’est un syntagme nominal (parce que *il a 7 4.SP La forme « de » précède un nom (gâteau). Le syntagme est donc soit nominal (si « de » est un déterminant) soit prépositionnel (si « de » est une préposition). Avec le test de pronominalisation, on sait que c’est un syntagme prépositionnel (parce que *Georges a retrouvé des miettes cela). c) et la catégorie du mot de débutant le syntagme. 1. de=déterminant 2. de=préposition 3. de=complémenteur 4. de=préposition 4 Fonctions syntaxiques (3 points) Dans les phrases suivantes, donnez la fonction syntaxique des syntagmes soulignés, en justifiant votre réponse par les critères adéquats. 1. 2. 3. 4. 5. 6. Paul, je l’ai vu hier. Paul révise ses leçons dans le grenier. Paul va dans le grenier. C’est la chambre où dormirent les émissaires du roi. Paul a promis d’être à l’heure. Paul a rencontré les émissaires du roi. 1. Paul : détaché -à périphérie gauche de la phrase -la phrase comprend un pronom (le) coréférent au détaché 8 2. dans le grenier : ajout -optionnel : Paul révise ses leçons. -mobile : Dans le grenier, Paul révise ses cours. -pas unique : Paul révise ses leçons dans le grenier à six heures du matin. 3. dans le grenier : complément oblique -obligatoire donc pas ajout -pas unique : Paul va dans le grenier chez son voisin. Remarque : la pronominalistion par y est possible pour les syntagmes dont le sens est locatif, qu’ils soient ajout ou complément oblique. Ainsi on a aussi bien : Paul y révise ses leçons. Paul y va. Ce test ne peut pas être utilisé pour distinguer ajout (locatif) et complément oblique (locatif) 4. les émissaires du roi : sujet -accord en nombre et en personne avec le verbe « dormirent » -peut être remplacé par un pronom nominatif : C’est la chambre où ils dormirent -pas de en quantitatif : *C’est la chambre où en dormirent. 5. d’être à l’heure : objet direct -peut être remplacé par un clitique accusatif : Paul l’a promis. 6. les émissaires du roi : objet direct -peut être remplacé par un clitique accusatif (les) : Paul les a rencontrés. Remarque : dans le cas d’un objet direct, le clitique accusatif s’accorde avec son référent (les émissaires du roi => les) tandis que pour un attribut du sujet, la pronominalisation est le sans accord : Ils sont émissaires => Ils (le / *les) sont. 9