Un texte exclusif à retrouver sur Doc-etudiant.fr, rédigé par Sandys. SPINOZA SPINOZA, COMETE DANS LE CIEL DES IDEES Issu d’une famille juive portugaise réfugiée en Hollande, Baruch Spinoza bénéficia d’une éducation juive complète ( la Bible, le Talmud, les philosophes juifs du moyen âge, la Kabbale.). Sa liberté de pensée lui valut, à l’âge de 24 ans une excommunication majeure de la part de sa communauté, ce qui équivalait à une espèce de mort civile : Spinoza ne devait plus apparaître en public, nul ne pouvait l’approcher, son nom était exécré. Un fanatique tenta même de poignarder le philosophe, lequel garda chez lui le manteau avec le trou qu’avait fait le couteau. Menant une vie retirée, à la fois par nécessité et par choix ( il refusa un poste que l’université allemande de Heidelberg lui proposa), il vécut de manière très simple en polissant des verres d’optique. On peut voir dans ce métier un signal philosophique. L’époque de Spinoza est celle des progrès considérables qui furent faits dans l’observation des mondes extrêmes, grâce justement à l’invention des lunettes atoniques et des microscopes. Mais les verres sont aussi des symboles de vue claire et distincte : le travail manuel de Spinoza n’allait-il pas tout compte fait dans le même sens que son travail intellectuel ? LA LEGENDE NOIRE DE SPINOZA Le jugement d’excommunication prononcé contre Spinoza était particulièrement violent « à l’aide du jugement des saints et des anges nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté. Qu’il soit maudit le jour, qu’il soit maudit la nuit, qu’il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu’il veille. » Les membres de la communauté ne devaient avoir avec le réprouvé aucune relation ni écrite ni verbale. Personne ne devait l’approcher à moins de deux mètres, personne ne devait demeurer sous le même toit que lui ni bien sur lire aucun de ses écrits. Par la systématisation de la haine qu’il exprime et le désir d’anéantir l’autre jusqu’au point de rêver à son éternelle inexistence, ce type de discours est déjà d’essence totalitaire. La différence toutefois avec le totalitarisme effectif de l’époque moderne tient au tabou de l’élimination physique, il est de fait que Spinoza n’a pas été condamné à mort ni assassiné ( malgré une tentative). L’excommunication dont Spinoza fut victime fit sentir ses effets bien au-delà de la communauté juive de Hollande. De son vivant, Spinoza eut la réputation sulfureuse d’un penseur matérialiste et athée, qui niait à la fois la liberté humaine et la providence divine; ses ennemis firent courir le bruit que son occupation favorite consistait à voir des araignées combattre et s’entre-dévorer !! LA REALITE EST PARFAITE Spinoza est le plus anti aristotélicien des philosophes: sa pensée exclut toute idée de possibilité non réalisée. Tout ce qui doit exister existe et il n’y a pas à chercher une quelconque perfection au-delà de la réalité elle-même. On comprend que Spinoza fut l’un des très rares lecteurs non hostiles à Machiavel: il partage avec le philosophe italien son radical refus des idéaux et des utopies. Il n’y a pas chez Spinoza d’au-delà du temps. L’éternité n’est pas cette échappée que les religions promettent à l’âme, mais le mode propre d’existence de l’âme qui coïncide avec Dieu, la substance unique, lorsqu’elle pense la vérité. Dans la vérité qui est adéquation, non de la réalité et de de la chose, mais de l’lame avec la substance unique, nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels, dit Spinoza; La béatitude n’est pas la récompense qui attend l’l’âme dans l’au-delà pour une vie de bonnes actions, mais l’état actuel, effectif de l’âme qui se sent en conformité complète avec la substance unique qui est DIEU ou Nature. Ainsi la philosophie de Spinoza nous apparaît-elle comme une formidable promesse, non pas promesse de type religieux qui ne cesse de séparer l’ici du là-bas, et le maintenant du plus-tard, mais promesse de type éthique, qui concerne l’existence actuelle, effective de l’être humain. La philosophie est une méditation de la vie et non une méditation de la mort, écrit Spinoza. Comme l’épicurisme, le spinozisme est une morale de la liberté parce qu’elle vise la délivrance vis-à-vis de la crainte et de l’ignorance, qui sont des servitudes. DIEU OU NATURE Spinoza appelle Dieu ou Nature la substance unique . Ce Dieu n’a plus rien du Dieu judéo-chrétien : il n’est pas une personne, il n’est pas transcendant, il n’a pas crée le ciel et la terre, il ne surveille pas providentiellement les pauvres êtres que nous sommes… C’est cette accumulation de refus, autant de ruptures révolutionnaires, qui ont valu à Spinoza l’accusation d’athéisme . Si Dieu ne crée pas, s’il n’est pas une personne, s’il n’est pas transcendant, est-il encore Dieu ? N’est il pas réduit à un mot, que le philosophe se sentirait obligé de conserver par prudence ? L’homme , dit Spinoza n’est pas un empire dans un empire, ce qui signifie que dans le monde, il n’occupe aucune position privilégiée, sinon d’être un être susceptible par sa pensée d’éprouver de la joie … L’homme a une âme, qui est un mode de l’attribut « pensée » et un corps qui est un mode de l’attribut « étendue » ….. Rien n’a été fait en vue de lui : Spinoza fut l’un des critiques les plus radicaux du finalisme et de l’anthropocentrisme qui n’est pas mauvais en soi mais selon sa propre nature; l’homme, en effet, a tendance à voir les choses non telles qu’elles sont mais telles qu’il est : une mauvaise digestion suffit à le mettre en mauvaise humeur et a en accuser le monde entier. La philosophie a un effet libératoire lorsqu’elle dénonce comme illusoire ses tendances naïves à tout rapporter à soi. LES TROIS GENRES DE CONNAISSANCE : Spinoza distingue trois genres de connaissance : - La connaissance du premier genre correspond à l’expérience vécue et à ce que nous savons par ouï-dire : c’est par elle que nous savons ce qu’est la douleur ou bien la date de notre naissance. - La connaissance du deuxième genre correspond à celle que la raison discursive, qui procède par méthode et déduction, peut découvrir (elle est supérieure à la précédente mais se trouve néanmoins dépassée par la suivante . - La connaissance du troisième genre constitue aux yeux de Spinoza la connaissance supérieure, celle à laquelle conduit la raison intuitive qui coïncide avec les objets singuliers et qui ne touche que des généralités. PUISSANCE EGALE JOIE EGALE LIBERTE Spinoza ne définit pas les passions par leurs objets mais par leurs forces. La joie est le passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection, la tristesse, inversement est le passage de l’homme d’une plus grande à une moins grande perfection; Lamour est joie, la haine est tristesse. Lorsqu’ s’y ajoute l’idée d’une cause extérieure, Nietzsche écrira dans un esprit voisin lorsque nous disons à quelqu’un « je t’aime » cela doit s’entendre de cette manière : il y’a en moi un désir dont je pense que tu pourras le satisfaire » La liberté, tant qu’elle est définie comme faculté de choisir entre des options contraires (libre arbitre) ou semblables ( liberté d’indifférence) n’est , aux yeux de Spinoza qu’un être de raison, une abstraction illusoire. L’homme se croit libre parce qu’il ignore les causes qui le déterminent. Les hommes se trompent lorsqu’ils pensent être libres et cette opinion consiste en cela qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils déterminés… Vivant comme un reclus, pour les raisons déjà évoquées, Spinoza a néanmoins toujours pensé que l’être humain est plus libre dans la cité où il vit sous la loi commune que dans la solitude où il n’obéit qu’à lui-même. Avec Locke, Spinoza partage l’honneur d’avoir été le premier penseur de la démocratie..