Les enfants de Spinoza et de Sade › Abnousse Shalmani J e suis née à Paris. À 8 ans. Avant, j’étais née à Téhéran. Depuis, je vis le cul entre deux chaises. Entre Orient et Occident et même si c’est inconfortable, c’est la place que je préfère : c’est celle de la liberté. Je suis métèque et je suis la somme de mes choix. Et mes choix se sont affranchis de la naissance et de la religion. Je suis une mécréante. J’ai choisi d’être libre. J’aime trop les livres, je crois en les idées. Je suis l’enfant de Spinoza et de Sade. L’enfant de la liberté, de l’athéisme et de l’universalisme. J’appris avec Spinoza qu’il était impossible d’être libre hors de la joie et qu’il était indispensable de connaître son désir pour réaliser l’autonomie du corps et de l’esprit. Puis Sade m’apprit à désacraliser. Aucune morale, aucune éthique, aucune institution – Dieu en première ligne – ne résiste à l’anti-idéologue marquis, enfermé vingt-sept ans durant par tous les régimes qui se sont succédé, de la monarchie absolue à l’Empire. J’ai échappé à toute forme de totalitarisme, moi qui suis née dans une famille marxiste, dans un pays qui a connu la première révolution islamiste et qui a vu les uns tenir la main des autres. JUIN 2016 61