CHAPITRE 2 CHIMIE DE COORDINATION C&W&G Chap. 5+6 2.1 Nomenclature et types de ligand 2.2 Nombre de coordination et structure 6 2.3 Différents types d'isomères 6 2.4 Stabilité et réactivité 6 2.1 NOMENCLATURE ET TYPES DE LIGAND Pour bien se faire comprendre, il faut suivre les règles de nomenclature énoncées par l'Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée (UICAP ou IUPAC). Dans tous leurs composés, les métaux sont entourés par des groupes appelés ligands. Ceux-ci se subdivisent en deux grandes classes : ceux qui se rattachent aux métaux via des carbones et les autres. La chimie de coordination s'attarde principalement à ces autres ligands rattachés aux métaux. Les ligands formant des liens M-C se réfèrent plutôt à la section organo-métallique. Il n'y a pas de division précise entre la chimie de covalence et celle de coordination, pas plus que la chimie ionique (à l'autre extrémité). Habituellement, nous considérons le métal comme un cation (au centre de la molécule) et les ligands comme des anions. Historique 14 Les fondements de la chimie de coordination ont été développés par Alfred Werner entre 1875 et 1915 environ, sous la constante critique et les suggestions de S.M. Jorgensen. Le prix Nobel de chimie fut décerné en 1913 à A. Werner pour ces travaux. Les ligands sont des groupes anioniques ou neutres qui sont considérés comme donneur d'électrons (ou base de Lewis). Ils peuvent porter des appellations un peu différentes lorsqu'ils font partie de composés de coordination. Dépendant du nombre de paires d'e-, ils sont classés comme : monodenté bidenté aussi nommés polydenté (trois et plus) "chelate" (du grec "claw") NH3 NO CH3COOCNO2-2 amine nitrosyle acétato H2O CO F- aqua carbonyle fluoro cyano peroxo O-2 OH- oxo hydroxo H- hydrido Autres anions finissant en "ate" deviennent "ato" (sulfato) (voir page 180) Les radicaux organiques, même s'ils sont traités comme des anions lors de la détermination du degré d'oxydation du métal, conservent leur appellation usuelle (méthyle, éthyle). La plupart des autres ligands gardent le même nom mais on omet les espaces qui les séparent. N2 et O2 sont appelés diazo et dioxy. Les ligands sont énumérés en ordre alphabétique, en premier, les neutres en priorité puis les anioniques et les cationiques, et en tout dernier le métal. "ENGLISH" Pour les complexes neutres ou cationiques, l'appellation courante pour le métal est utilisée. On fait suivre du degré d'oxydation en chiffre romain. Pour les complexes anioniques, le métal adopte une terminaison en "ate" : ferrate, cuivrate (cuprate), avec le degré d'oxydation entre parenthèses. La présence de deux ligands ou plus est indiquée par les préfixes suivants : 2 di (bis) 3 4 tetra 5 6 hexa 7 8 octa 9 10 déca 11 tri (tris) penta hepta nona undéca 15 12 dodéca et ainsi de suite Ces préfixes sont utilisés devant des parenthèses si le nom du ligand contient déjà un tel préfixe (triphénylphosphine). Voir Exemples dans C&W&G (p.183) Quand on veut spécifier un isomère particulier, on utilise un préfixe en "italique" suivi d'un trait d'union. Les plus importants sont : cis- , trans- , fac- et mer- . Les deux derniers étant utilisés pour les isomères des complexes octaédriques ; fac- pour facial (Fig 6-XVIII p.175) et mer- pour méridional (Fig 6-XIX p.175). Dans certains cas, l'utilisation de parenthèses est nécessaire pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Un ligand ponté est indiqué par le préfixe µ- . Quand il y a deux ligands de la même sorte, on utilise diµ- . Le ou les ligand(s) ponté(s) sont énumérés dans l'ordre avec les autres ligands. Voir exemples C&W&G (p.181) 2.2 NOMBRE DE COORDINATION ET STRUCTURE La première hypothèse-clé suggérée par Werner puis soutenue expérimentalement était que, en plus de la valence régulière d'un atome, celui-ci peut afficher une tendance (secondaire) à se combiner à d'autres groupes, ce qu'il a appelé coordination. Ainsi, un atome est entouré par un nombre constant d'atomes ou groupes (nombre de coordination) qui peut être différent de la valence conventionnelle de l'atome central (métal). Le nombre de coordination le plus commun (alors) est 6 , 4 étant aussi très fréquent. Werner fournit la preuve de sa théorie avec une série d'expériences maintenant classiques sur les composés de Cobalt. Voir B&H Fig 12.1 (p.363) Le deuxième concept majeur démontré par Werner fut celui de la géométrie fixe (régulière) i.e. le même principe finalement que celui ayant déjà conduit van't Hoff et LeBel pour démontrer l'activité optique dans les produits organiques. Werner utilisa alors des ligands "bidentés" qui occupent deux positions de coordination sur le métal et rendent le composé asymétrique. Nombre de coordination (NC ou CN) Le nombre de coordination a déjà été utilisé en discutant de l'empilement compact de sphères, pour les solides ioniques et les réseaux cristallins. Ce terme s'applique aussi très largement en chimie de coordination pour les groupes ou ligands (groupes rattachés) autour d'un atome métallique central 16 (neutre ou cation). Dans ces cas, le nombre de coordination est le nombre de "groupes" qui entourent immédiatement un atome central (métal). Il existe une correspondance directe entre le nombre de coordination et la géométrie de coordination. La relation est plus compliquée que celle vue précédemment parce que les e- "d" influencent grandement cette géométrie. Voyons un résumé des configurations les plus courantes. NC 2 Celle-ci est plutôt rare, surtout avec les cations +1 comme Cu, Ag, Au et Hg+2 : Ex : Ag(NH3)2+ Ag(CN)2Au(Cl)2- LINÉAIRE Sont souvent instables vis-à-vis l'addition d'autres ligands. NC 3 Les deux géométries importantes sont : triangulaire plane Ex : HgI3- et et [Cu(CN)3]-2 : SnCl3- : triangulaire pyramidale triangulaire plane triangulaire pyramidale Dans quelques cas, deux métaux partagent chacun un ligand pour donner un CN effectif de 4. Ex : Al2Cl6 et (PtCl2 PR3)2 NC 4 è Un des plus importants NC ==> tétra dre ou carré plat formé presque exclusivement par les métaux de non-transition et par les métaux de transition autres que ceux de la droite des blocs "d" Li(H2O)4+ BeF4-2 BH4- Al2Cl4- CoBr4- ReO 4- Ni(CO)4 préféré pour les configurations d0 et d10 , et autres dn SAUF d8 et d9 (parfois) qui favorisent la géométrie carrée planaire. 17 ↓ ↓ ↓ Cu+2 Ni+2 , Pd+2 , Pt+2 , Rh+ , Ir+ et Au+3 NC 5 Moins courant que 4 ou 6, mais quand même très important. → bipyramide triangulaire ou pyramide carrée Différence d'énergie entre les 2 structures est souvent très faible Donc, souvent pas une structure préférée mais un mélange ! Ex: [Ni(CN)5]-3 NC 6 D'une importance ÉNORME. Presque tous les métaux forment un octaèdre. Il est très important de réaliser que dans un octaèdre régulier tous les ligands et tous les liens M-L sont équivalents. Voir Dessin 6-V (p.169) Même lorsque les ligands ne sont pas tous semblables dans un complexe, nous continuons à parler d'octaèdre mais plusieurs éléments de symétrie sont alors perdus. Une compression ou élongation d'un axe L-M-L est appelée distortion tétragonale. Dessin 6-VI Tandis qu’une différence marquée entre les axes, s’appellera une distortion rhombique. Dessin 6-VII Une compression ou élongation sur un axe connectant les centres des faces triangulaires opposées est appelée distortion trigonale Dessin 6-VIII Très peu de cas donnent un prisme triangulaire. Dessin 6-IX La relation avec un octaèdre est simple : il s'agit de tourner de 60o une face triangulaire d'un octaèdre pour obtenir un prisme triangulaire. 18 La plus grande stabilité de l'octaèdre relève de deux effets : le plus évident est stérique(l'octaèdre permet aux ligands d'être plus éloignés l'un de l'autre que le prisme) ENSUITE il est plus probable que le métal forme des liens plus forts avec les ligands dans un octaèdre. Souvent un prisme est retenu avec six sulfures ( S-2 ) qui interagissent entre eux (forment une sorte de cage ± rigide autour du métal). NC plus élevés Un nombre de coordination de 7 , 8 ou 9 se rencontre sur les cations assez gros. Dans chaque cas, il y a plusieurs géométries possibles différant peu en stabilité. DONC, le plus souvent, leur géométrie n'est pas rigide. Pour 7 : - bipyramide pentagonale - un dérivé de l'octaèdre - similaire à un prisme triangulaire 6-X 6-XIa 6-XIb Pour 8 : - un cube - un antiprisme carré - un dodécaèdre Voir Fig 6-1 (p.171) Pour 9 : - un prisme triangulaire avec trois autres ligands équatoriaux Voir Fig 6-2 (p.171) 2.3 DIFFÉRENTS TYPES D’ISOMÈRES Géométrique Avec plusieurs ligands autour d'un métal, il est possible de les arranger différemment : cis trans fac(ial) mer(éridional) Voir Dessins 6-XVI à 6-XIX (p.175) Optique 19 Des isomères optiques sont des molécules qui, ne pouvant se superposer, sont des images-miroir l'une de l'autre (main gauche - main droite). Elles réagissent de manière identique à un réactif à moins que celui-ci soit aussi un isomère optique. La différence la plus caractéristique provient de leur capacité de faire tourner (‘rotate’) le plan de polarisation de lumière polarisée plane, chaque isomère le faisant tourner dans une direction opposée à celle de l'autre isomère (énantiomorphes). Très utile en chimie organique. Voir Fig 6-3 (p.176) et Dessins 6-XX à 6-XXIII Ionisation Certains composés diffèrent selon quel anion est coordonné au métal et lequel se sépare lors de réaction ou dissolution. [Co(NH3)4Cl2]NO2 ---> [Co(NH3)4Cl2]+ + NO2[Co(NH3)4ClNO2]Cl ---> [Co(NH3)4ClNO2]+ + ClCes deux réactifs sont des isomères d'ionisation. Voir Eq. 6-2.5 à 6-2.7 (p.177) L'utilisation des parenthèses carrées permet de mettre en évidence ces différences. Exemple CrCl3 . 6H2O existe sous trois formes ayant des couleurs différentes: A violet , ne perd pas d'eau en présence de H2SO4 tous Cl- sont précipités par Ag+ B vert , perd une H2O avec H2SO4 perd 2/3 des Cl- avec Ag+ C vert aussi , perd 2 H2O avec H2SO4 perd 1/3 des Cl- avec Ag+ Voir réponse à la fin du chapitre..... mais avant, essayez un peu de trouver! De liaison Le plus vieil exemple : Nitro O ou R—N Nitrito (Voir p.177) R-O-N=O 20 O Aussi SCN- (S ou N comme donneur) R2S=O (S ou O comme donneur) appelés ligand ambidenté De coordination Dans les composés où les cations et les anions sont complexes, la distribution des ligands peut varier et donner lieu à des isomères. Voir Ex. (p.178) 2.4 STABILITÉ ET RÉACTIVITÉ (6.4) La formation de complexes en solution aqueuse importe grandement non seulement en chimie inorganique mais aussi en biochimie, chimie analytique et dans de nombreuses applications. La combinaison entre un cation aqueux et des ligands est un problème thermodynamique et peut être traité en termes d'expression de constantes d'équilibre. Supposons un ion métallique, M , et quelques ligands monodentés L ensemble en solution. En supposant qu'aucun produit insoluble ne soit formé, ni aucune espèce contenant plus qu'un ion métallique, les expressions d'équilibre décrivant le système apparaissent comme suit : Voir Eq. 6-4.1 ou 6-4.2 (p.183) Il y a N équilibres, où N représente N.C. maximum pour M et L. N peut varier d'un ligand à l'autre pour un même métal M . Par exemple, AlCl4- et AlF 6-3 , puis CoCl4-2 et Co(NH3)6+2 . ß et K sont nécessairement reliés: ß3 = K1 K2 K3 = Π i Ki (Voir Eq 6-4.4) Les Ki sont appelés les constantes de formation par étape (ou de stabilité) et les ßi sont appelés les constantes de formation globales (ou de stabilité), chaque type ayant ses avantages. Habituellement, les K ont une valeur qui diminue lorsque le nombre de ligands augmente sur un M donné (hormis exception due à des effets stériques ou électroniques). Voir Eq. 6-4.5 et 6-4.6 (p.184-185) Ainsi, les ß augmenteront selon la même progression que les L . 21 De façon typique, l'ajout de ligand L à un ion métallique en solution favorise la formation de ML en premier, puis de ML2 au dépend de ML (qui diminue), puis de ML3 au dépend de ML2, et ainsi de suite jusqu'au complexe le plus élevé, MLn , à très haute concentration de L . QUESTION : À quelle expérience (dans votre cours-labo) cela vous fait-il penser? Plusieurs méthodes d'analyse et de séparation sont basées sur la formation de complexes en solution, dons les valeurs précises des constantes de formation sont très utiles. Par exemple, plusieurs métaux de transition peuvent être sélectivement déterminés par complexation avec le ligand hexadenté EDTA-4 . Voir fig. 6-4 (p.185) En ajustant le pH et [EDTA], un ion peut se complexer tandis qu'un autre ne l'est pas du tout. C'est la base de la détermination de Th+4 en présence de cations divalents. L'analyse est rendue possible par la grande différence dans les constantes de formation avec EDTA par les cations +2 et +4 . EDTA est moins sélectif pour les ions de même charge, mais l'addition de CN- permet la détermination des cations alcalino-terreux en présence de cations Zn, Cd, Cu, Co et Ni, parce que ces derniers forment des complexes plus stables avec CN - qu'avec EDTA . Effet "chelate" En règle générale, un complexe contenant un ou plusieurs "chelates" est plus stable qu'un complexe n'en ayant aucun. Voir illustration + éq. (p.186) C'est évident que l'enthalpie et l'entropie favorisent tous deux le complexe chelaté, mais la contribution de l'entropie est de loin la plus importante. D'après l'étude de plusieurs complexes, nous devons conclure que l'effet "chelate" est essentiellement un effet d'entropie . La raison en est bien simple : en remplaçant les 6 H2O par 6 NH3 il n'y a aucune augmentation du désordre, MAIS lorsque remplacées par 3 en il y a gain de 3 molécules libres (en plus) ce qui cause ∆S positif. Le même raisonnement s'applique en comparant les "chelate" en général avec les ligands monodentés. L'effet chelate est le plus important pour les NC de 5 et 6 , devient faible pour 7 puis négligeable pour les plus gros. Réactivité (Ch.6.5) Réactions de substitution (dans un complexe octaédrique) 22 L'habileté d'un complexe à s'engager dans une réaction qui donnera lieu au remplacement d'un ou plus de ses ligands de sa sphère de coordination s'appelle sa "labileté" (lability). Les complexes affichant des réactions de substitution rapides sont dits labiles (cinétique), ceux qui sont lents, sont dits inertes. Ne PAS confondre avec les termes stables et instables qui réfèrent à la tendance de différentes espèces à exister dans des conditions d'équilibre (donc thermodynamiques). Par exemple : [Ni(CN)4]-2 avec ß4 = 1022 est donc thermodynamiquement très stable. Malgré cela, le taux d'échange de CN- en solution (excès de CN- ) est trop rapide pour être mesuré par des moyens conventionnels. Ce n'est pas contradictoire. Une définition plus pratique des termes labile et inerte se réfère à la demi-vie des réactions de substitution : > 1 minute, ce sont des complexes inertes (on peut les étudier par des moyens classiques) et < 1 minute, ce sont des complexes labiles . Dans la première série des métaux de transition, presque tous les complexes octaédriques sont labiles, SAUF Cr(III) et Co(III), et quelquefois Fe(II). i.e. les complexes ordinaires atteignent l'équilibre après l'addition de ligand (incluant H2O), ils sont déjà là après seulement le mélange des réactifs. Deux mécanismes principaux sont possibles pour la substitution de ligands : D mécanisme de dissociation Y [L5MX] ---> X + [L5M] ---> [L5MY] lent vite ≈ SN1 L'important c'est que la première étape est cruciale pour le taux global de substitution. (Se compare au mécanisme Sn1 en chimie organique). A mécanisme d'addition + élimination /X [L5MX] + Y ---> L5M ---> [L5MY] + X lent \Y vite L'étape déterminante est une réaction bimoléculaire (contrairement à ci-haut). ≈ SN2 23 Malheureusement, ces deux mécanismes sont seulement des extrêmes et la réalité est rarement aussi simple. Au lieu d'avoir un intermédiaire avec N.C. 5 ou 7 , le changement peut se faire de manière très graduelle où l'échange des ligands se fait principalement par le bris du lien du groupe qui quitte ---> échange - dissociatif , Id OU le changement peut se faire de manière où l'échange des ligands est dû principalement par la formation du lien du nouveau groupe ---> échange - associatif , Ia Voir Fig. 6-5 (p190) --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour simplement compliquer un peu les choses, les données cinétiques ne permettent pas de déterminer quel mécanisme est utilisé dans une réaction donnée. Des étapes additionnelles peuvent prendre place fréquemment et masquer la cinétique des procédés impliqués. Voici les trois principales complications: 1. Intervention du solvant Plusieurs réactions de complexes ont été étudiées dans des solvants qui sont eux-mêmes de bons ligands. L'eau est un ligand très respectable et, en solution aqueuse, est présent à une haute et constante concentration, 55,5 M . Prenons l'exemple suivant : [L5MX] + H2O ---> [L5MH2O] + X [L5MH2O] + Y ---> [L5MY] + H2O Lent Vite Les données cinétiques révèlent un taux de réaction du premier ordre, mais cela ne nous dit pas si la réaction se fait selon un mécanisme A (ou Ia) ou D (ou Id) . Que ce soit une réaction du premier ordre cela n'est pas surprenant : l'eau est omniprésente (conc. haute et constante). 2. Formation de paire d'ions Quand le complexe réactif et le ligand qui vient pour l'échange sont tous deux des ions, une paire d'ions (ou complexe externe à la sphère de coordination) se formera. [L5MX]+n + Y-m ---> {[L5MX]Y} n-m Cette formation d'une paire d'ions stabilise le complexe en diminuant sa charge nette (attraction électrostatique). Lorsque le complexe n'est pas chargé initialement, un nouveau groupe Y peut s'y attacher quand même, grâce à des liens H . Les constantes d'équilibre, Kos , associées à ces paires d'ions varient entre 0,5 et 40 dépendant de la charge des ions et de leur rayon effectif. Lorsque des paires d'ions sont des intermédiaires dans les réactions de substitution, les taux de réaction observés sont du deuxième ordre peu importe par quel mécanisme la substitution se produit (A ou D). 24 3. Formation d'une base conjuguée Quand l'expression du taux de réaction comprend un terme [OH- ] il faut poser la question si OHattaque vraiment le métal ou s’il apparaît là selon le mécanisme suivant : [Co(NH3)5Cl]+2 + OH- ---> [Co(NH3)4(NH2)Cl]+ + H2O [Co(NH3)4(NH2)Cl]+ +H+ + Y- ---> [Co(NH3)5Y]+2 + Cl- Vite Lent Dans ce mécanisme de base conjuguée (CB), le OH- déprotone en premier un ligand (souvent NH3) pour former la base conjuguée, i.e. le ligand NH2- . Puis, c'est la base conjuguée du complexe métallique original qui réagit avec le nouveau ligand. Échange d'eau chez les ions aqueux Comme plusieurs réactions impliquant des complexes se passent en milieu aqueux, une des réactions les plus fondamentales à comprendre est celle où les ligands H2O dans les ions aqueux sont déplacés de la sphère de coordination par d'autres ligands. Ceci inclut donc le simple remplacement d'un ligand par H2O qu'on appelle la réaction d'échange d'eau. Voir Fig. 6-6 (p.193) Les ions inclus ici sont tous considérés labiles même si un domaine de 1010 est couvert. Pour la convenance, nous divisons tout cela en quatre classes selon leur constante de réaction pour l'échange d'eau : Classe I : Kis > 108 par sec Le procédé d'échange est rapide tel que permis par la diffusion dans le solvant, i.e. réaction est contrôlée par la diffusion (inner sphere) Groupe 1 , 2 (excepté Be et Mg) , 12 (excepté Zn+2) et Cr+2 et Cu+2 Classe II : 104 < Kis < 108 par sec Plusieurs ions +2 de la première série de transition (sauf V+2 , Cr+2 , Cu+2 ) et ions +3 des lanthanides 25 Classe III : 1 < Kis < 104 par sec Be+2 , Al+3 , Ga+3 , V+2 et quelques autres Classe IV : 10-6 < Kis < 10-3 considérés comme inertes Plusieurs tendances doivent être notées dans la Fig. 6-6 . Regardons en premier les ions des groupes 1 , 2 , 12 et 13 où les orbitales "d" partiellement remplies n'influencent pas. Les constantes du taux d'échange diminuent avec la grosseur de l'ion. Nous pouvons supposer que les ligands se détachant d'un complexe chargé sont attachés plus fortement aux ions métalliques plus petits puisque ceux-ci ont une densité de charge (+) plus grande. Ainsi, les données de la Fig.6-6 indiquent qu'un procédé de dissociation (D ou Id) est actif pour l'échange de molécule d'eau. La dissociation du groupe partant est plus lente (K is petit) quand le groupe partant est attaché plus fortement (petit ion). De telles corrélations (simplistes) entre le taux de réaction et la grosseur des ions métalliques ne s'appliquent pas directement aux métaux des séries de transition p.q. les e "d" influencent la réactivité. Comparons par exemple Cr+2 Ni+2 et Cu+2 qui ont des rayons similaires mais des réactivités différentes. Voir Fig.6-6 (p.193) Les ions typiquement inertes affichent une configuration d6 : Co+3 Rh+3 Ir+3 et d3 : Cr+3 Ceux classés comme labiles incluent d4 (Cr+2) et d9 (Cu+2) . Plusieurs autres réactions impliquent les complexes métalliques : - Réaction d'anation : addition d'un anion à la place d'un aqua Kobs ≅ Kos . Ko (p.193) Expérimentalement, on s’attend à observer une cinétique du deuxième ordre. La constante Kos peut être estimée et factorisée pour isoler Ko. Ainsi, Ko obtenu se rapproche presque toujours de la valeur de la constante pour l’échange de l’eau de l’ion métallique hexahydraté. Ceci est considéré comme appuyant 26 un mécanisme Dissociatif. Couplé à une indépendance vis-à-vis l’identité du ligand entrant (en autant que la charge est semblable), cet argument est convaincant. - Réaction d'aquation : addition d'un aqua à la place d'un ligand - par hydrolyse acide , 1er ordre , souvent mécanisme de type Dissociatif p.q. - Effet du ligand partant Voir Tab.6-1 et Fig.6-7 - Effets stériques - Effets de charge - ou par hydrolyse basique, 2ème ordre (terme majeur), mécanisme de la base conjuguée (CB) appuyé par les échanges très rapides de H+, les effets de charge et le fait que les amines font des liens Π. - par attaque sur un ligand ( bris d'un lien dans un ligand lui-même ) Eq.6-5.22 (p.198) + Eq.6-5.24 (p.199) Réaction de substitution (dans un complexe carré) Pour les complexes carrés (NC 4), nous pouvons penser qu'ils sont plus faciles à réagir par le mécanisme d'association p.q. la sphère de coordination est moins encombrée. Ce qui est réaliste. Prenons un complexe aqueux de Pt II : PtL3X + Y ---> PtL3Y + X dont le taux de réaction correspond à l'équation suivante: taux = k1 [PtL3X] + k2 [PtL3X] [Y] Une telle équation à deux termes nous indique qu'il existe deux mécanismes concurrents pour la réaction, un du premier ordre avec la constante de réaction k1 , et un du second ordre avec la constante de réaction k2. Pour Pt II, nous croyons que le second mécanisme est vraiment associatif (A) dans lequel Y est ajouté pour former un intermédiaire à NC 5 . Le premier mécanisme se produit en deux étapes dans lesquelles X est premièrement remplacé par un H2O dans l'étape déterminante pour le taux de réaction. Ensuite, le ligand Y prend la place de H2O. Voir Fig 6-9 (p.200) Ce premier mécanisme semble aussi être associatif ( A ou Ia ). Voyons comment nous pouvons rationaliser ceci. 27 Effets de charge Considérons la série de complexes de Pt II ayant des charges variant de +1 à -2 : [Pt(NH3)3Cl]+ [Pt(NH3)2Cl2] [Pt(NH3)Cl3]- [PtCl4]-2 Les constantes de réaction k1 observées pour l'aquation dans l'eau varient seulement d'un facteur 2 , ce qui est particulièrement petit en considérant la grande différence de charge entre les complexes. Sur ce point, le bris du lien Pt-Cl devrait être plus difficile pour les complexes chargés positivement. De même, ceux-ci devraient grandement favoriser l'approche par un nucléophile (H2O) . Ces deux points ne produisent aucune tendance (attendue), donc un procédé associatif est tout indiqué : bris du lien PtCl ET formation du lien Pt-OH2 d'importance comparable Effets stériques Nous avons observé une accélération stérique (due à des facteurs stériques) pour les réactions de substitution de complexes octaédriques; c'est considéré comme une évidence pour un mécanisme dissociatif. Pour les complexes carrés, les réactions de substitution sont retardées par l'encombrement stérique ce qui est interprété comme une évidence pour que le ligand entrant Y doive approcher le métal central pour donner l'intermédiaire de réaction. C'est donc consistent avec un mécanisme d'association, A ou Ia . Effets du ligand entrant La constante du second ordre, k2, est fortement dépendante de la nature du ligand entrant, d'où nous pouvons tirer une série en ordre croissant (selon la valeur de k2 ). F ~H2O ~OH- <Cl- <Br- ~NH3 ~oléfines <C6H5NH2 <C5H5N< NO2- <N3- < I- ~SCN- ~ R3P aniline pyridine C'est essentiellement l'ordre de nucléophilicité envers Pt II attendu pour ces ligands. Un mécanisme associatif est tout indiqué. Stéréochimie Voir Fig. 6-10 (p.202) A noter que ce procédé est entièrement stéréospécifique : cis donne cis 28 trans Ligands non-labiles , Effet trans- " trans Voir Fig. 6-10 (p.202) Un aspect particulier aux complexes carrés est le rôle très important joué par les ligands non-labiles, en position trans au ligand partant. Considérons [PtLX3] + Y ---> [PtLX2Y] + X N'importe lequel des ligands X peut être remplacé par le ligand entrant Y . Le remplacement peut se faire en cis ou en trans par rapport à L . La proportion relative de chaque conformation des produits cis ou trans varie grandement selon la nature du ligand L . Cela nous mène à classer les ligands (L) selon leur tendance à diriger la substitution en position trans : H2O , OH- , NH3 < Cl- , Br- < SCN- , I- , NO2- , C6H5< SC(NH2)2 , CH3- < H- , PR3 < C2H4 , CN- , CO C'est la série de ligands ayant de l'effet trans-. En d'autres mots, un ligand L fortement directeur trans- promeut une substitution plus rapide en trans- qu'il ne le fait en cis- (par rapport à lui-même). Exemple : la synthèse des isomères cis ou trans de [Pt(NH3)2Cl2] voir pp.202-203 cis : traitement de [PtCl4]-2 avec NH3 trans : traitement de [Pt(NH3)4]+2 avec Clp.q. Cl possède un effet trans- plus fort que NH3 , ainsi le premier Cl- dirige le second en trans. Il faut bien noter que cet effet est cinétique, la substitution trans- se produit plus rapidement et celle en cis se produit lentement (se produit aussi). Deux approches différentes ont été avancées pour expliquer l'effet trans- ; elles se complètent tout en n'expliquant pas tous les aspects de cet effet. Donc, la substitution dans les complexes carrés se fera préférentiellement par un procédé Associatif . ______________________________________________________________________________ Réactions de transfert d'électron Ces réactions sont du type rédox (oxydo - réduction) où un e- passe d'un complexe à un autre, par 29 Exemple : Fe+2 (aq) + Ce+4 (aq) ---> Fe+3 (aq) + Ce+3 (aq) où Ce IV est réduit par l'ion aqueux Fe II Dans certains cas, la réaction de transfert d'e- peut se faire sans qu'il y ait de changement chimique net : appelé réaction d'auto-échange (peut être suivi seulement par des isotopes ou techniques de résonance magnétique spéciales). Deux mécanismes généraux sont reconnus pour les réactions de transfert d'e- : A- Mécanisme de transfert d'e- de la sphère externe seulement les molécules de solvant de la sphère externe des deux complexes métalliques sont déplacées. Aucune substitution de ligands de la sphère interne n'est effectuée, cependant la longueur des liens M-L change. Ce mécanisme est sûrement le bon lorsque les deux complexes de la réaction sont classés comme inertes pour une réaction de substitution (plus lente que réaction de transfert d'e-, k=105). Exemple : [FeII(CN)6]-4 + [IrIVCl6]-2 <----> [FeIII(CN)6]-3 + [IrIIICl6]-3 De toute évidence, le procédé de transfert d'e- n'attend pas que la réaction de substitution ait eu lieu sinon le transfert serait aussi lent. De même, ce mécanisme est le bon lorsque aucun ligand ne peut servir de pont entre les deux complexes. Ce mécanisme en deux étapes requiert la formation d'un complexe de sphères externes ou paire d'ion qui met les deux complexes à distance inter-nucléaire (requise pour le transfert d'e-). Ensuite, les longueurs des liens M-L changent puis le transfert d'e- a lieu de manière adiabatique (sans autre changement d'énergie). Voir Eq. 6-5.36 et 37 (p.206) Le complexe qui est "oxydé" doit diminuer la distance M-L dans ce "super-complexe" tandis que celui qui est réduit doit augmenter sa distance M-L (moins grande charge sur le métal). Auto - échange Voir Tableau 6-3 (p.206) Quelques réactions d'auto-échange que l'on croit effectuées par le mécanisme de la sphère externe sont données au Tableau 6-3. Un taux de réaction du second ordre est observé aussi bien pour un mécanisme que pour l'autre. 30 Il faut que le "super-complexe" soit symétrique et cela implique qu'un diagramme de l'énergie vs. la coordonnée de réaction est aussi symétrique (de plus, même énergie après qu'avant). Voir Fig. 6-13 (p.205) La grandeur des constantes de réaction est finalement fonction de la différence de longueur du lien M-L affecté par le mécanisme. Les plus rapides correspondent à un changement minime de ce lien et les plus lents à un plus grand changement de ce lien. Réactions croisées (Pour INFO générale) Voir Eq.6-5.39 (p.207) C'est une réaction de transfert d'e- entre complexes non-semblables. Les réactions croisées affichent une diminution nette de l'énergie du système et le profil est non-symétrique. Marcus et Hush ont avancé une équation (Eq. 6-5.38 ) permettant de "prédire" la constante de réaction pour une réaction croisée à partir des deux constantes de réactions d'auto-échange, d'une constante d'équilibre et d'un facteur stérique d'ajustement. - B- Mécanisme de transfert d'e de la sphère interne ou par ligand ponté En premier, un nouveau ligand fait une substitution dans la sphère interne d'un complexe; ce nouveau ligand sert de pont avec l'autre centre métallique. De ce fait, ce ligand est commun aux sphères internes des centres métalliques des deux complexes. Le plus connu et très élégant exemple reste celui donné par H. Taube et ses étudiants : 2 [Co(NH3)5X]+ + Cr+2 (aq) + 5H+ ---> [Cr(H2O)5X]+2 + Co+2 + 5 NH4+ Co(III) Cr(III) où X peut prendre plusieurs natures (voir p.208) Comme tous les complexes de Cr III sont inertes à la substitution l'obtention du produit doit nécessairement passer par un transfert d'e- Cr II ---> Co III et transfert de Cl- de Co à Cr de manière interdépendante, l'un n'étant pas possible sans l'autre. Les taux de réaction ne suivent pas nécessairement le changement de polarisabilité du ligand X (certaines oui, d'autres non) mais semblent plutôt être déterminés par la stabilité relative des états de transition en fonction de X. 31 Après tout cela, quelques cas ont montré que les deux mécanismes, sphère externe et interne, se produisent en même temps pour une même réaction. Flexibilité stéréochimique Aucune structure moléculaire n’est complètement rigide, il existe toujours des vibrations (même à 0K). Par cette flexibilité, un complexe peut facilement se racémiser et presque toujours exister sous forme d’un certain mélange d’isomères. Voir Fig. 6-14 et 6-15 (pp.210-211) Réponse de l'exemple page 19 : A= [Cr(H2O)6]Cl3 B= [Cr(H2O)5Cl]Cl2.H2O C= [Cr(H2O)4Cl2]Cl.2H2O