philosophes », tel René Descartes, qui commencent par douter méthodiquement, non par principe, mais 
en recherchant une cause possible d’erreur. On commence par avoir l’idée ou l’intuition que tout n’est pas 
également assuré, ce qui conduit à faire preuve de clairvoyance, à la différence des esprits faibles qui 
s’éloignent toujours davantage eux-mêmes de la « lumière » de la vérité ou de la raison en étant aveuglés 
avant tout par leurs passions.
[Conclusion partielle]
On ne peut raisonnablement douter de tout, ni de n’importe quelle manière.
[2ème partie : explication du 2nd moment] Le doute cartésien.
1) Descartes, doutant avec subtilité d’esprit du bien fondé de ses anciennes opinions, apparaît bien, 
comme le disait Alain, « le plus hardi douteur que l’on ait vu »  (Libres Propos). Loin d’être un esprit 
fantaisiste, il se mit à douter par résolution de douter, ce qui le distingue de la figure même du douteur : 
alors que le douteur doute parce qu’il hésite constamment, ignore quel parti prendre, et finalement n’ose 
rien entreprendre, Descartes fut le fondateur de l’entreprise de questionnement la plus radicale qui ait 
jamais été, avec le souci constant de parvenir à des certitudes indubitables. Chez lui, le doute n’était 
aucunement une fin en soi, mais le moyen de parvenir à des vérités suffisamment certaines par elles-
mêmes.
2) Aux ignorants qui n’auraient pas pris la peine de lire attentivement Descartes, il semblerait qu’il ne  
s’agisse que de montrer combien l’esprit humain serait sujet à l’erreur, qu’il serait porté à toujours se  
tromper, ou que rien ne peut être connu avec une certitude suffisante. C’est manifestement confondre le 
doute méthodique cartésien avec le doute sceptique. Et s’il paraît au premier abord si facile de se défaire  
de ses préjugés, encore s’agirait-il de commencer par les reconnaître comme tels, ce qui n’est pas toujours 
évident. Comme l’explique Malebranche, nous sommes spontanément portés à nous fier aux témoignages 
de nos sens. La solution de facilité, celle des sceptiques, serait, pour éviter l’erreur, de tous les rejeter : 
nos sens nous tromperaient toujours. Celle de Descartes est plus subtile, comme on peut le constater par 
exemple dans le cinquième paragraphe de la première Méditation : nos sens, en se trouvant dans les deux 
cas impliqués, ne nous rendent que probable, et non pas certaine, la distinction que nous faisons entre 
l’état de veille et le rêve lié au sommeil. Il se trouve ici une cause possible d’erreur. Par conséquent cela 
suffit pour douter de  la certitude que nous avons spontanément d’être éveillés au moment où nous 
croyons l’être.
3) Les deux dernières phrases de l’extrait généralisent la portée de la démarche cartésienne : « faire sentir 
ses   faiblesses »   à   l’homme,   « lui   découvrir   en   quoi   consistent   ses   erreurs ».   C’est   ici,   plus 
vraisemblablement que le rationaliste cartésien, le prêtre chrétien qui parle. L’homme devrait savoir faire 
preuve   d’humilité   pour   s’abaisser   constamment   devant   son   Dieu,   en   reconnaissant   que   toutes   les 
certitudes qu’il croit posséder en matière de connaissances ne sont rien en comparaison de l’omniscience 
divine, propre, dit-on, à convaincre de folie toute la prétendue sagesse du monde3, que toutes les erreurs 
des hommes naîtraient en premier lieu de leur orgueil, le plus grand péché que les créatures humaines 
puissent commettre en prétendant s’égaler à leur Créateur. On peut à bon droit ne pas partager de telles 
analyses.
[Conclusion partielle]
La démarche de pensée inaugurée par Descartes est exemplaire. Encore faudrait-il se garder de mal 
l’interpréter.
[3ème partie : approfondissement réflexif et critique] La valeur du doute cartésien.
1) La fortune de Descartes est considérable. Après le scepticisme des anciens Grecs, partiellement repris 
dans une perspective chrétienne par Montaigne4, l’importance du doute fut soulignée par Fichte, par 
Hegel,   comme  par   Kierkegaard.   Le   « chemin   du  doute »  (Zweifel)  est   le  « chemin   du  désespoir » 
(Verzweifel ou Verzweiflung) qu’il est cependant nécessaire de suivre pour parvenir à des vérités5. Sans 
3 1 Corinthiens 1:20 : « Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde ? ». C’est ici Saül de Tarse, l’exalté 
que les chrétiens appellent Saint Paul, qui parle.
4 « La participation que nous avons à la connaissance de la vérité, quelle qu’elle soit, ce n’est pas par nos propres  
forces que nous l’avons acquises… notre foy, ce n’est pas notre acquest » (Essais, II, XII, « Apologie de Raimond 
Sebond »). Malebranche, rejetant, tout  comme Descartes avant  lui,  le scepticisme, était logiquement  tout à  fait 
critique à l’égard de Montaigne : « Ceux qui ont lu Montaigne savent assez que cet auteur affectait de passer pour  
pyrrhonien et qu’il faisait gloire de douter de tout. (…) il était nécessaire de son temps, pour passer pour habile et  
pour galant homme, de douter de tout ; et la qualité d’esprit fort dont il se piquait, l’engageait encore dans ces 
opinions. » (Recherche de la vérité, Livre II, IIIe partie, Chapitre V, « Du livre de Montaigne »)