Effet de la représentation des médicaments : effet placebo

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Le Courrier de l’Observance thérapeutique
Thérapeutique
Effet de la représentation des médicaments : effet placebo-nocebo
● O. Chassany*
L
’effet placebo d’un médicament désigne tous les effets non spécifiques,
qu’ils soient désirés ou non, liés au médica* Service de médecine Interne A (Pr C. Caulin),
hôpital Lariboisière, 75010 Paris.
ment ou au geste thérapeutique et à l’interaction entre le patient et le soignant. La
réponse à un médicament placebo est
remarquablement variable : par exemple, la
réponse antalgique chez des patients
atteints de neuropathie diabétique varie
entre 0 et 80 %. Mais les essais thérapeutiques comparatifs et incluant un groupe
placebo ont montré que ce dernier entraînait une bonne réponse chez au moins 30 %
des patients quelle que soit la pathologie,
comme dans la migraine, la colique néphrétique, les troubles fonctionnels intestinaux,
l’adénome de prostate, l’ulcère duodénal, la
maladie de Crohn ou la claudication intermittente, et même dans des pathologies
sévères telles que la dépression sévère, la
schizophrénie ou les douleurs de cancer (1).
Ainsi, un placebo donné pendant sept jours
a été considéré comme efficace par 51 % des
patients souffrant de douleur de métastases
osseuses (2).
Les facteurs influençant l’effet placebo sont
multiples : liés à la présentation du médicament et à sa renommée, liés à la relation
médecin-patient (réputation du médecin,
comportement du médecin envers le
patient), liés au patient (type de personnalité, attitude vis-à-vis du traitement, espérances). Dans l’effet mesuré interviennent également des facteurs non liés à l’effet placebo, tels que l’histoire naturelle de la maladie, la régression vers la moyenne, les médications et autres régimes associés. Enfin, dans
les essais thérapeutiques, l’effet placebo
est influencé par la manière de recueillir le
consentement éclairé, les procédures pour
maintenir l’aveugle et par l’effet Hawthorne
(volonté du patient de ne pas décevoir le
médecin). Pour mesurer le réel effet placebo
du groupe recevant le placebo, il faudrait,
dans un essai thérapeutique, constituer un
autre groupe de patients ne recevant rien,
mais cela pose évidemment des problèmes
éthiques (3).
L’effet placebo est également observé pour
des thérapeutiques non médicamenteuses
ou chirurgicales. Ainsi, dans les années
soixante, l’efficacité de la ligature de l’artère
mammaire interne dans l’amélioration de
l’angine de poitrine a été étudiée chez un
groupe de patients subissant réellement l’intervention en comparaison à un groupe de
patients endormis et n’ayant qu’une incision
de la peau, mais sans ligature de l’artère.
L’amélioration des symptômes et la réduction de l’utilisation de médicaments antiangineux est aussi bonne, sinon meilleure,
dans le groupe ayant eu une fausse intervention. Les modalités d’administration des
médicaments modifient l’ampleur de l’effet
placebo : les injections sont perçues par les
patients comme plus actives, de même que
pour les gélules par rapport aux comprimés.
L’efficacité des médicaments est également
perçue de façon différente selon leur couleur. Les patients dorment mieux et sont
moins anxieux si on leur donne un placebo
de couleur bleue par rapport à la couleur
orange (4). D’une façon générale, les couleurs bleue et verte sont perçues comme
tranquillisantes et les couleurs orange, rouge
et jaune comme stimulantes (5). Le fait d’informer le patient qui participe à un essai thérapeutique modifie son jugement. L’effet
placebo est moindre dans les essais comportant un groupe placebo, probablement du
fait que les patients savent qu’ils ont 50 %
de risque de recevoir le placebo (6). Ainsi,
dans un service de médecine interne, un placebo présenté comme un somnifère actif a
été donné à un groupe de patients qui se
plaignaient d’insomnie, et, à un autre groupe de patients apparié, il a été proposé de
participer à un (faux) essai thérapeutique
comparant un somnifère à un placebo (en
fait, seul du placebo a été donné). Les
patients ont significativement mieux dormi
dans le premier groupe (7). De même, les
effets indésirables sont moins fréquents dans
les essais comportant un groupe placebo que
dans ceux comparant deux traitements actifs
(6). La connaissance par le médecin du médicament reçu par les patients dans les essais
thérapeutiques modifie aussi la réponse au
traitement. La manière de communiquer du
médecin pendant la consultation revêt une
grande importance : un essai randomisé a
comparé l’évolution de patients consultant
pour une affection bénigne. Les patients
étaient randomisés en deux groupes. Le premier groupe recevait comme information :
“Vous serez mieux dans quelques jours”. Le
deuxième recevait l’information : “Je ne sais
pas ce que vous avez”. Le pourcentage d’amélioration après deux semaines était
respectivement de 64 % et 39 % (p = 0,001)
(8). L’effet placebo peut aussi être négatif :
c’est l’effet nocebo. Les mêmes facteurs
interviennent dans cet effet : l’information
délivrée par le médecin et la personnalité du
patient (9). Une douleur peut être induite
simplement par une information délivrée,
comme cela a été montré chez des étudiants
par un faux courant électrique au moyen
d’électrodes et ayant entraîné des céphalées
chez 70 % d’entre eux (10). L’incidence des
effets indésirables lors de l’administration du
placebo à des volontaires sains au cours d’essais comparatifs est de 20 % (11). Le nom des
médicaments doit également influencer
l’effet placebo ou nocebo, mais peu d’études
sont disponibles (12).
CONCLUSION
Le médicament et l’acte de prescription qui
l’entoure influencent grandement en positif
ou négatif l’efficacité et la tolérance du
médicament, et donc l’observance des
■
patients vis-à-vis des traitements.
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