5
psychologie scientifique et, plus généralement, des sciences cognitives
qui consiste à établir ces lois. Le risque épistémologique est donc grand si
l’on en croit Fodor, mais fait-il réellement frémir le psychologue ? A
partir d’une série de remarques-questions relatives à l’article de Pierre
Jacob, je m’attacherai à montrer que non. Ce sera une autre façon, plus
directe et moins structurée, de répondre négativement à la question « un
réaliste intentionnel est-il condamné à l’atomisme sémantique ? ».
(1) Le cœur de l’argumentation de Fodor, telle qu’elle est restituée par
Jacob, est que si la propriété sémantique de la croyance d’un individu
dépend de ses relations causales et/ou inférentielles avec les autres
attitudes propositionnelles de l’individu (holisme sémantique), et si deux
individus ne partagent pas toutes leurs attitudes propositionnelles, alors le
risque est qu’aucune loi psychologique intentionnelle ne soit jamais
instanciée par une paire d’individus. Le psychologue « cognitiviste » qui,
comme c’est mon cas, étudie expérimentalement le développement et le
fonctionnement des opérations logico-mathématiques (les capacités
numériques, la catégorisation, le raisonnement, etc.), situées au niveau des
« systèmes centraux » de Fodor, est frappé par la proximité entre cette
argumentation et l’antipsychologisme de Frege et de Husserl. Ces derniers
affirmaient, il y a fort longtemps, qu’en raison de leur objectivité et de leur
caractère public, les lois logiques ne peuvent dériver de représentations
subjectives et privées, et qu’en raison de leur nécessité, elles ne peuvent
dériver de représentations variables d’un individu à l’autre. Or, il est
reconnu, tant en psychologie cognitive (Houdé, 1993) qu’en philosophie
de l’esprit (Engel, 1989), que ce type d’argumentation n’est plus de mise
aujourd’hui. Fodor est-il un « antipsychologiste attardé » ? La question
est brutale, mais il semble bien que ce soit celle qui se pose si l’on en juge
aux efforts déployés par Jacob pour montrer que le holisme sémantique
(l’étude des relations entre symboles ou pensées, dont les opérations
logico-mathématiques sont l’expression parfaite) est compatible avec la
recherche de lois psychologiques intentionnelles.
(2) Conjointement à ce sentiment d’anachronisme épistémologique, la
question qui traverse constamment l’esprit, à la lecture du texte de Jacob,
est de savoir à quel niveau de processus cognitifs se situe exactement le
débat ? S’il s’agit des processus dits « intelligents », « supérieurs » ou
« centraux » (tels les opérations logico-mathématiques évoquées dans le
point précédent : capacités numériques, catégorisation, raisonnement,
etc.), la position de Fodor, dans « The Modularity of Mind », est claire :
c’est à ce niveau qu’il situe la fixation des croyances et celle-ci est de type
« isotrope et quinienne », c’est-à-dire compatible avec un holisme cognitif
(position proche, à quelques nuances près, de celle défendue par Jacob).
Or on connaît la « première loi de Fodor sur l’inexistence des sciences