La presse écrite française : chronique d`une mort annoncée ? La

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La presse écrite française : chronique d’une mort annoncée ?
La France fait traditionnellement figure d’exception en matière de presse : alors que les
Français sont de gros lecteurs de presse magazine, ils négligent la presse quotidienne
payante. cette tendance ne cesse de s’accentuer, et les prévisions pour l’avenir des quotidiens
payants sont de plus en plus pessimistes.
Entre 2000 à 2007, l’ensemble de la presse écrite payante française (presse quotidienne
d’informations générales, presse payante d’annonces, presse magazine grand public) a vu son
chiffre d’affaires global stagner à environ huit milliards d’euros. Sur la période, la diffusion
moyenne a diminué de 2 % par an, ce qui a pu être compensé par une augmentation régulière
du prix de vente au numéro (+ 2,3 % entre 2002 et 2007). Le soutien de l’État est aussi crucial
pour ce secteur : en 2008, les aides publiques ont atteint 285 millions d’euros, un record 1.
En 2007, les magazines ont représenté à eux seuls plus de 44 % des ventes de presse payante
grand public, contre 36 % pour la presse quotidienne régionale et départementale, et
seulement 12,6 % pour la presse quotidienne nationale.
Et, alors que les ventes de presse quotidienne ont légèrement baissé en 2007, la diffusion de la
presse gratuite a augmenté de 40 % entre 2006 et 2007, 80 % de ce type de presse étant
constituée de quotidiens 2.
Selon une étude du cabinet OC&C Strategy Consultants, le secteur de la presse écrite payante
pourrait connaître des pertes à partir de 2010-2011, qui pourraient atteindre 700 millions à
800 millions d’euros à l’horizon 2015. 3.
En cause notamment, la baisse des revenus générés par la publicité, les investisseurs se
tournant de plus en plus vers Internet. Selon l’étude, à l’horizon 2015, 20 % à 25 % de
l’ensemble des investissements publicitaires français pourraient se faire sur Internet, contre
2,3 % en 2007 4.
Prévisions de dépenses des annonceurs par médias en 2008 et 2009 (millions d’euros)
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Déclaration de la ministre de la Culture, Christine Albanel, www.agoraflux.com/article17268.html.
http://observatoire.ojd.com/rapport/visu/do/GP/.
http://afp.google.com/article/ALeqM5i_ww9M_vFTavFGxgrZ2cMFwU3Mfw.
www.francepub.fr/images/stories/File/PDF_Annonceurs_consommateurs_2008/Rapport%20Annonceurs%20Fra
ncePub%20Mars%202008.pdf
Cette baisse de la publicité est d’autant plus handicapante que la presse française fonctionne
avec des coûts fixes très importants (environ 60 % des coûts totaux) et pâtit des
« spécificités » du système français (au niveau tant des journalistes que de la fabrication ou du
transport), qui seraient responsables de surcoûts estimés à 300 millions d’euros par an pour le
secteur. Autrement dit, alors que la rentabilité de la presse est structurellement très faible, elle
risque de diminuer dans les années à venir à cause de la baisse du lectorat et des
investissements publicitaires, mais aussi probablement sous l’effet d’une hausse du coût du
transport. Au final, peu de journaux disposent de la marge nécessaire pour réaliser des
investissements leur permettant d’infléchir ces tendances.
Selon les enquêtes réalisées par le ministère de la Culture, la lecture de la presse quotidienne
augmente traditionnellement avec l’âge, ce qui pourrait laisser penser que le vieillissement de
la population française augmenterait le lectorat des journaux. Néanmoins, parallèlement, les
enquêtes révèlent aussi un phénomène générationnel négatif très marqué. Autrement dit,
chaque nouvelle génération lit un peu moins la presse quotidienne payante 5.
Dès lors, de quelles marges de manœuvre la presse française dispose-t-elle pour lutter contre
le déclin de son lectorat ? Le 16e congrès de la presse française, organisé en novembre à
Lyon, n’a pas encore rendu ses recommandations, mais l’une des pistes privilégiées pour
l’instant semblent être la baisse de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) pour les activités des
entreprises de presse sur Internet (qui sont pour l’instant taxées à 19,6 %), même si une telle
décision nécessiterait un accord au niveau européen.
Par ailleurs, le secteur de la presse française est relativement peu concentré par rapport aux
autres pays occidentaux. Or, selon la plupart des analystes, la constitution de grands groupes
permet de diminuer le poids des coûts fixes et d’augmenter les marges de manœuvre. Mais
très souvent, en France, les rachats de journaux sont compliqués par l’importance accordée à
la notion d’indépendance de la presse.
L’avenir de la presse écrite pourrait aussi passer par une meilleure adaptation aux nouvelles
habitudes des lecteurs et par une reconnaissance du potentiel journalistique d’Internet. Ainsi,
le Christian Science Monitor, diffusé aux États-Unis et au Canada, sera, à partir d’avril 2009,
diffusé uniquement sur Internet, l’impression papier étant entièrement supprimée, une
première pour un quotidien payant national.
À l’inverse, en octobre 2008, un journaliste a lancé l’hebdomadaire Vendredi, qui propose une
vingtaine d’articles tous issus de sites Internet et de blogs. Une preuve que l’avenir de la
presse écrite peut se construire avec Internet, au lieu de se présenter comme une victime ce
nouveau média ?
Cécile Désaunay
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http://www2.culture.gouv.fr/deps/pdf/prospective/culture_prospective_2007-3.pdf
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