Pour combler ces limites naturelles de l’individu et assurer à l’organisation une
certaine qualité des choix qu’effectuent ses membres dans leur action, une structure
organisationnelle est déterminée (Simon, 1984). Ainsi, les règles, les normes et les
procédures dispensent l’individu de rechercher comment exécuter une tâche, quand
entreprendre telle action, quel degré de performance rechercher et permettent d’encadrer
et de contrôler le comportement décisionnel des membres de l’organisation. De ce fait,
selon cette approche, l’apprentissage dans la prise de décision est largement influencé par
la structure organisationnelle. Par exemple, les systèmes de contrôle de gestion2
permettent aux individus d'apprendre à manager et donc à décider. Ces systèmes de
planification et de suivi des réalisations encadrent la décision et l’apprentissage
individuel (Lebas et Fiol, 1992) :
L’individu est incité à prévoir, à se projeter dans le futur, ce qui conduit à des
apprentissages par expérimentation. Il est amené à suivre les résultats, à constater les
effets et à rechercher les causes dans une optique de capitalisation de l'expérience et de
résolution de problèmes pour prendre des décisions correctrices.
le manager réalise des apprentissages relationnels puisqu’il apprend, grâce à ces
systèmes, à décider dans un espace déterminé. Il est ainsi amené à gérer la relation avec
ses collaborateurs en développant un comportement directif ou à l'opposé participatif,
avec ses collègues en enrichissant le comportement qui consiste à différencier le plus
clairement possible ses propres champs d'action et espaces de décision de ceux des pairs,
et enfin avec son supérieur en développant un comportement qui consiste à accepter les
orientations stratégiques, structurelles et culturelles déterminées par l'autorité.
Malgré l’intérêt d’une telle approche, l’articulation de l’apprentissage individuel
avec l’apprentissage organisationnel reste floue. Ces deux niveaux semblent, au contraire,
soit déconnectés soit confondus. Tel est le cas des apprentissages relationnels qui se
caractérisent par une structuration des pratiques grâce à la création d’un réseau
d’individus. Certaines contributions sur l’apprentissage décisionnel vont plus loin dans
une telle démarche en confondant le niveau individuel et le niveau organisationnel.
1.2.2. L’apprentissage décisionnel organisationnel
En effet, dans une perspective quasi-anthropomorphique, certains travaux mettent
en valeur que la structure organisationnelle permet à l’entreprise d'acquérir des
informations, de les interpréter, de les mémoriser et de les distribuer, c’est-à-dire de
réaliser des apprentissages (Levitt et March, 1988, Huber, 1991) à l’instar du cerveau
humain. Les systèmes d’information, qui sont au cœur des processus décisionnels,
contribuent à un tel accroissement de la connaissance collective puisqu’ils sont
considérés comme « un ensemble organisé de ressources (matérielles, logicielles, en
personnel, données, procédures) permettant d’acquérir, traiter, stocker, communiquer
des informations » (Reix, 1995, 75). Ces systèmes d’information permettent ainsi un
retour d'expérience organisationnel (Lorino, 1997) qui consiste à tirer des leçons des
événements. Le retour d'expérience permet en effet de savoir ce qui a été fait, en
exploitant le flux d'information engendré par la réalisation d'une activité, pour le réutiliser
si l'action est positive, ou la corriger dans le cas contraire, et de savoir ce qui n'a pas été
fait et pour quelles raisons (Girod, 1995, p. 164). Les décisions prises à partir de ce retour
d’expérience ne conduisent à l’accroissement du savoir collectif que lorsqu’elles sont
appliquées. En effet, les auteurs de l’apprentissage organisationnel considèrent
unanimement que, pour qu'il y ait véritablement apprentissage, la connaissance nouvelle
2 Pour une conceptualisation des systèmes de contrôle de gestion, nous renvoyons le lecteur vers
l’ouvrage de M. Bollecker (2003).