La Crise de la Dette en Europe
Elian Chouaib Alexandre Jeanneret
July 22, 2014
RESUMÉ
Cet article ore une analyse de la crise de la dette en Europe. Nous relevons d’abord les origines de
la crise en présentant les problèmes structurels de la zone euro et, plus particulièrement, des pays ayant
sollicité l’aide de l’Europe. Nous étudions ensuite les diérentes réformes qui ont été entreprises par l’Union
européenne et les gouvernements avant d’exposer les risques de contagion auxquels font face les autres
membres de la zone euro. Finalement, nous discutons certaines réformes qui peuvent aider à préserver la
zone euro et éviter ainsi une nouvelle crise.
Codes JEL: F31, F33, F34, F41, H63
Mots clés: Crise de dette, plans de sauvetage, Union européenne, euro
Auteur de contact: HEC Montréal, Département de Finance, 3000 Côte-Sainte-Catherine, Montréal, Canada H3T 2A7.
E-mail: [email protected]. Site web: www.alexandrejeanneret.com
1 Introduction
La deuxième moitié du vingtième siècle fut marquée par la construction de l’Union européenne (UE), qui
constitue l’union régionale la plus poussée à ce jour. Parmi les symboles de l’UE, rien n’ache mieux
l’union entre les peuples européens que la monnaie unique : l’euro. Pourtant, aujourd’hui, soit à peine
une décennie après l’adoption de la monnaie commune et face à sa première crise, l’euro est menacé,
remettant ainsi en cause l’intégralité de la construction européenne. En prolongement de la crise financière
de l’automne 2008, la crise de la dette dans la zone euro s’est amorcée à la fin de l’année 2009, par
l’annonce du nouveau gouvernement élu grec faisant état d’un déficit colossal, soit le double de ce qui
était annoncé préalablement. Le nouveau gouvernement déclara également que l’État grec avait maquillé
ses comptes depuis une décennie, dans le but de masquer ses véritables déficits auprès des instances
européennes à Bruxelles, afin de pouvoir assurer son adhésion à l’euro. Par la suite, la Grèce a nécessité le
soutien financier de ses partenaires européens pour ne pas se retrouver en défaut de paiement. La réticence
initiale de ses partenaires européens et de leur leader, l’Allemagne, s’est avérée lourde de prix. Ce refus
déclencha une panique générale auprès des investisseurs, pour qui un défaut d’un membre de la zone euro
n’était au préalable pas envisageable, en raison du Marché commun et de la monnaie unique qui laissait
sous-entendre un soutien mutuel en période de détresse. Ainsi, la crise s’est étendue en emportant deux
autres pays de l’Europe périphérique : l’Irlande, puis le Portugal, risquant d’atteindre des économies plus
larges qui auraient pu mettre en péril la survie de la zone euro.
La crise de la dette n’est que le témoin d’un problème profond au niveau structurel de la construction
européenne. Le but de cet article est donc de comprendre les origines, les impacts, les menaces, de même
que les mesures prises pour assurer le maintien de la zone euro. Suite à un bref historique de la construction
de l’euro, ainsi qu’une présentation de ses avantages et inconvénients, nous analyserons les origines de cette
crise de la dette en présentant les problèmes structurels de la zone euro et, plus particulièrement, des pays
ayant sollicité l’aide de l’Europe. Nous relèverons également les diérentes mesures et réformes qui ont
été entreprises, autant par l’UE qu’au niveau national, et exposerons les risques de contagion auxquels font
face les autres membres de la zone euro, tels que l’Espagne et l’Italie. Finalement, cet article analysera
quelques réformes qui pourraient être entreprises dans le but de préserver la zone euro et d’éviter une
nouvelle crise.
1
2 Union monétaire et l’euro
2.1 Création d’une Union européenne
Le projet initial d’une union économique et monétaire, daté de 1969 et appelé rapport Werner, prend fin
avec l’eondrement des accords de Bretton Woods en 1971. Les instabilités du marché des changes dans
les années suivantes, suite à la crise pétrolière de 1973, mettent ensuite un terme au dispositif du serpent
monétaire européen (1972-1978), qui visait à limiter les fluctuations de taux de changes entre les pays
membres de la Communauté économique européenne (CEE). Finalement, en 1979, à la suite de ces deux
échecs, l’ensemble des États membres de la CEE, à l’exception du Royaume-Uni, relancent leurs eorts en
vue de renforcer une intégration et une stabilité monétaire. Le système monétaire européen (SME) voit
ainsi le jour.
Le SME constitue un système dans lequel les taux de changes sont stables, tout en pouvant être ajustés
par rapport à l’écu (European currency unit), qui est une moyenne pondérée des monnaies participantes.1
Au cours de son existence, le SME a réussi à répondre à son principal objectif qui est d’instaurer une
stabilité des taux de change à long terme.
Le traité de Maastricht, constitutif de l’UE et ayant pour but de finaliser la mise en place de l’euro,
est ratifié en 1992. Les critères (de Maastricht) de convergences, qui définissent les conditions requises
pour qu’un pays puisse adhérer à la zone euro, sont les suivants: i) le taux d’inflation ne doit pas excéder
de 1,5% celui des trois pays membres ayant les plus faibles taux d’inflation; ii) le déficit budgétaire doit
être inférieur à 3% du produit intérieur brut (PIB); iii) la dette publique doit être inférieure à 60% du PIB
; iv) aucune dévaluation monétaire ne peut avoir lieu dans les deux années précédant l’intégration à l’union
monétaire; et v) les taux d’intérêt à long terme ne doivent pas excéder de plus de 2% la moyenne des trois
États membres achant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.
2.2 Introduction de l’euro
Le SME prend fin en 1998, lorsque l’euro apparait tout d’abord sur les marchés financiers en 1999, puis
sous forme fiduciaire en 2002. L’euro ore de nombreux avantages économiques mais engendre aussi
certains coûts.
1Une grille de taux bilatéraux est déterminée à partir des taux pivots exprimés en écus. Les fluctuations des monnaies
ne peuvent dépasser une marge de 2,25 % de part et d’autre de ces taux bilatéraux. En 1992-1993, suite à des turbulences
monétaires, les marges de fluctuations ont été élargies à 15 % (Barthe, 2011).
2
2.2.1 Les coûts de l’euro
L’instauration de l’euro n’a pas été un processus facile et s’est soldée par de nombreuses concessions et
coûts pour les pays de l’UE (Barthe, 2011). Tout d’abord, on peut noter une période d’instabilité lors
de la transition vers l’euro, au cours de laquelle les marchés européens ont été fortement secoués par des
vagues spéculatives (1992-1993). Ensuite, les pays européens ont dû faire concession de deux stabilisateurs
économiques : le taux de change et l’autonomie de la politique monétaire. La perte de ces deux outils
constitue le principal coût pour les États membres de la zone euro. L’abandon de l’instrument de taux de
change élimine la possibilité pour un gouvernement de pouvoir procéder à une dévaluation de sa monnaie
dans le but d’accroître la compétitivité du pays et donc ses exportations. En l’absence de cet outil, une
hausse de compétitivité ne peut se faire que par une dévaluation interne, qui consiste principalement en
un abaissement des coûts de la main-d’œuvre. Notons, toutefois, qu’un grand nombre de pays avaient
déjà abandonné la possibilité d’une dévaluation externe lors de leur adhésion à la SME. Quant à la cession
de l’autonomie monétaire, cela implique que, dorénavant, les pays européens ne peuvent plus ajuster leurs
politiques monétaires en fonction de leurs besoins conjoncturels. Néanmoins, la perte de la politique
monétaire au profit de la Banque centrale européenne (BCE) est relative car l’adhésion à la SME signifiait
déjà une perte de l’autonomie de la politique monétaire (à l’exception de l’Allemagne).
2.2.2 Avantages de l’euro
En revanche, l’euro est source de nombreux avantages car l’incertitude des variations de taux de change
nominaux a pris fin suite à son adoption. Cela favorise les entreprises européennes, dont les flux moné-
taires sont désormais plus prévisibles, ce qui facilite leurs prises de décisions. De même, les compagnies
européennes ne doivent plus payer des primes de couverture de taux de change et des coûts de transac-
tion lors d’opérations de change. De plus, l’euro a joué le rôle de catalyseur dans le commerce européen
en renforçant l’intégration du marché des biens et des services. Les atouts précédents ont également
bénéficié aux consommateurs européens, qui ont profité d’une transparence accrue des prix, ainsi que de
l’accroissement de concurrence entre les entreprises européennes.2En ce qui concerne les États européens,
le principal bienfait de l’euro consiste en la chute des taux d’intérêt de leurs obligations (voir Figure 1).
L’euro a également permis d’augmenter le volume de transactions financières et donc la liquidité du marché
européen, ce qui a rendu la zone euro plus attractive auprès des investisseurs internationaux. Enfin, l’euro
est devenu une devise internationale et une grande partie des exportations de la zone euro sont ainsi libellées
dans cette devise.
2Toutefois, l’euro semble aussi avoir généré une hausse de prix des biens de consommation dans la plupart les pays.
3
Figure 1 [ici]
Suite à cette présentation de la construction de l’euro et des avantages/coûts rattachés à son adoption,
nous abordons les origines de la crise de dette en Europe.
3 Les causes de la crise de la dette
Au lendemain de la crise financière aux États-Unis (2007-2008), la quasi-totalité des États européens
doivent renflouer leur système bancaire et investir pour relancer leur économie. Un grand nombre de ces
pays se retrouvent surendettés avec une faible croissance économique, provocant ainsi une crainte chez les
investisseurs quant à la capacité de remboursement de ces gouvernements. Suite à cela, trois États ont
du demander un soutien financier à l’UE/FMI, soit la Grèce à deux reprises, l’Irlande et le Portugal.3
Toutefois, les causes fondamentales qui ont mené à la crise de la dette en Europe ne sont que peu
directement liées à la crise américaine, qui semble plutôt avoir joué un rôle déclencheur. Les véritables
origines de la crise européenne se trouvent au sein de l’Europe et varient d’un pays à l’autre. Néanmoins, on
peut rallier ces causes autour de certains aspects collectifs : soit un manque de contrôle et une mauvaise
gestion de la part de l’État au niveau de plusieurs aspects de l’économie (réglementation des banques,
contrôle des finances publiques, statistiques erronées, corruption, développement spéculatifs de certains
secteurs économiques tels que l’immobilier). De plus, on peut noter que cette crise provient de l’ensemble
du processus de la construction européenne qui n’a pas su mettre en place les institutions adéquates et
alléger une lourde bureaucratie existante. Nous reviendrons sur ce point à la section 6. Pour le moment,
analysons un point fondamental de cette crise qui est le surendettement des États européens périphériques.
3.1 Le rôle de l’endettement
Afin de comprendre le niveau d’endettement des pays périphériques, il est critique d’analyser la situation
économique dans laquelle se trouvaient ces pays avant la crise.
3.1.1 Perte de compétitivité
L’adoption d’une monnaie unique a fait en sorte que l’évolution disproportionnelle des coûts de la main-
d’œuvre d’un pays par rapport à un autre, ne pouvant plus être corrigée par le taux de change, s’est traduite
par un changement relatif de compétitivité (Barthe, 2011). Entre l’entrée en vigueur de l’euro (1999) et
le déclenchement de la crise de la zone euro (2009), la croissance annuelle des coûts de la main-d’œuvre
3Chypre eu également besoin d’un plan sauvetage mais il fut marginal comparativement à celui de la Grèce, l’Irlande ou du
Portugal. L’Espagne demanda un soutien financier pour son système bancaire, mais pas pour le gouvernement central.
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