La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. IV - novembre-décembre 2001 295
DOSSIER THÉMATIQUE
est la disparition des anomalies cytologiques au niveau de l’épi-
thélium de surface, témoignant d’une maturation et d’une diffé-
renciation épithéliale conservées. La présence de phénomènes
inflammatoires importants doit conduire à exiger des anomalies
cytologiques et architecturales plus importantes pour affirmer la
dysplasie.
● Un autre problème difficile est celui de la distinction entre dys-
plasie de haut grade et carcinome in situ, certains auteurs utilisant
indifféremment les deux termes pour caractériser la même lésion.
Le terme de carcinome intramuqueux est, lui, différent puisqu’il
désigne une lésion dans laquelle les cellules tumorales ont fran-
chi la membrane basale pour infiltrer le chorion muqueux (ou
lamina propria). Le carcinome intramuqueux fait partie des can-
cers superficiels ; il comporte un risque de métastase ganglion-
naire, absent des lésions dysplasiques et du carcinome in situ.
● La dysplasie est une lésion de diagnostic difficile. Plusieurs
études ont montré que la reproductibilité diagnostique intra- et
surtout interobservateur était médiocre, en particulier pour le dia-
gnostic de lésion de bas grade (dysplasie indéfinie et dysplasie
de bas grade). Il s’agit à la fois d’études “classiques”, mais un
peu artificielles, enrôlant des pathologistes experts dans l’exa-
men de lames, souvent sélectionnées pour leur difficulté et exa-
minées sans renseignements cliniques, mais aussi de travaux plus
proches de la pratique quotidienne, c’est-à-dire de l’examen par
des pathologistes non spécialisées de lames de routine (5). Parmi
les études “classiques”, un travail récent a comparé les diagnos-
tics portés par douze pathologistes spécialisés en pathologie diges-
tive sur 125 biopsies (4) :lorsqu’une classification en quatre
grades était appliquée (non dysplasique/indéfini et bas grade/haut
grade/cancer), la concordance interobservateur était moyenne
(indice k 0,43) ; elle s’améliorait beaucoup (k 0,66) si une clas-
sification très simplifiée (non dysplasique, indéfini et bas
grade/haut grade et cancer) était employée. Dans un autre tra-
vail étudiant les diagnostics faits en routine par vingt patholo-
gistes non spécialisés, les diagnostics portés sur des cas de
muqueuse non dysplasique, en dysplasie de bas grade et en dys-
plasie de haut grade étaient très variables, amenant à remettre en
cause la validité des résultats obtenus dans les programmes de
surveillance (5).
● Ces différences sont à l’origine de la proposition d’une nou-
velle classification en cinq catégories, dite de Vienne, allant de
la muqueuse non dysplasique au cancer invasif (6). Il faut noter
dans cette classification la réapparition du carcinome in situ, placé
cependant dans la même grande catégorie que la dysplasie de haut
grade, et l’apparition, toujours dans cette catégorie, de l’aspect
“suspect de carcinome invasif”.
Une autre difficulté posée par la reconnaissance de la dysplasie
sur EBO est l’absence, dans la majorité des cas, d’anomalie endo-
scopique évocatrice, qui permettrait de suspecter le diagnostic et
de diriger les prélèvements. Dans quelques cas cependant, il existe
un aspect polypoïde en endoscopie, interprété comme un adé-
nome, ou plutôt, par analogie avec les lésions de dysplasie sur
colite, comme une “masse dysplasique” (ou DALM pour dys-
plasia associated lesion or mass). Mais le plus souvent, ce sont
les biopsies étagées systématiques qui permettent de faire le dia-
gnostic, l’efficacité des programmes de surveillance étant fonc-
tion de la qualité de l’échantillonnage biopsique.
Compte tenu de ces difficultés, il est admis que le diagnostic de
dysplasie sur EBO doit être confirmé (7),si possible à la fois par
une relecture des biopsies par un deuxième anatomopathologiste
et par l’examen de nouvelles biopsies. Celles-ci auront également
pour but de rechercher un éventuel carcinome associé, situation
particulièrement fréquente en cas de dysplasie de haut grade sur
EBO.
HISTOIRE NATURELLE
S’il est bien établi qu’à l’échelle d’une cohorte de patients por-
teurs d’un EBO, la présence d’une dysplasie indique un risque
plus élevé de développer un adénocarcinome, l’histoire naturelle
de cette lésion reste très mal connue à l’échelon individuel. Cela
est dû notamment au faible nombre de malades présentant une
dysplasie dans les différents protocoles de surveillance qui ont
été publiés. La présence d’une dysplasie avérée indique qu’un
processus néoplasique est enclenché, ce qui suggère une évolu-
tion irréversible vers l’aggravation. Plusieurs études prospectives
ont cependant montré, en particulier en cas de dysplasie de bas
grade, que les lésions pouvaient rester stables pendant de très
longues périodes, ou même, dans un pourcentage élevé de cas,
“régresser”, la muqueuse redevenant non dysplasique sur les biop-
sies de contrôle. Ces données doivent cependant être interprétées
avec prudence, car leur explication n’est sans doute pas univoque :
il peut s’agir, dans certains cas, d’un diagnostic initial inexact de
dysplasie, souvent dans un contexte inflammatoire ; dans d’autres
cas, d’un problème d’échantillonnage, ignorant les foyers de dys-
plasie lors de contrôles ; il est cependant probable que, parfois,
il s’agit bien d’une régression, voire d’une disparition, de la dys-
plasie, favorisée par la suppression thérapeutique du stimulus à
l’origine de l’accélération de la prolifération cellulaire observée
dans la muqueuse de Barrett, le reflux acide gastro-œsophagien.
Un travail récent à partir d’un recrutement anatomopathologique
multicentrique (8) a montré que parmi 22 cas “indéfinis pour la
dysplasie”, 4 présentaient une dysplasie de bas grade après un
suivi médian de 20 mois, et 4 un cancer après 19 à 62 mois de
surveillance. Parmi 26 cas présentant une dysplasie de bas grade,
4 développaient une dysplasie de haut grade après 2 à 7 mois, et
4 un adénocarcinome après 9 à 65 mois. Dans une autre étude
(7),7 malades parmi 25 (28 %) ayant une dysplasie de bas grade
présentaient une lésion plus sévère (5 dysplasies de haut grade et
2 cancers) après un suivi moyen de 26 mois. Il faut noter que,
dans cette même étude, ce risque était nettement plus élevé quand
le diagnostic de dysplasie de bas grade avait été confirmé par trois
HGE6/MAQ. 14/01/02 12:14 Page 295