INTRODUCTION Les phénomènes modernes tels que la mondialisation et la recherche de profit ont donné naissance à une concurrence accrue. Pour survivre face à cela, les industriels doivent redoubler d’effort et faire appel à des techniques marketing de plus en plus agressives. C’est dans un tel contexte qu’est naît la publicité comparative. Forme moderne de communication, moyen largement utilisé aux Etats-Unis, on l’a longtemps pensait interdite en France puisque, avant la nouvelle législation, le code civil qualifiait de « concurrence déloyale » les dénigrements de société concurrente. 2 3 Mal maîtrisée, la publicité comparative peu vite verser dans le dénigrement, d’où la nécessité de l’encadrer d’un cadre juridique comme garde-fou. En 1986 déjà, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait autorisé une comparaison en publicité mais sur les prix seulement. Ici, la chaîne de supermarché animalier suédois Willy a mis en scène cette publicité comparative canine pour montrer qu’elle pratique les petits prix contrairement au concurrent Hööga dont les prix sont plus imposants. Une vingtaine de braves toutous ont personnifié cette différence de prix en se balladant dans les rues et parcs de Stockholm. Il faudra attendre 1992 pour que la législation rende possible pour un annonceur la citation et la comparaison, même implicite, d’un concurrent dans la publicité. Nous nous attacherons tout d’abord à décrire l’origine de la naissance de la publicité comparative ainsi que son cadre juridique en France. En effet, sa pratique y est plus difficile car très encadrée, avec un droit fréquemment remanié.Nous verrons ensuite que l’annonceur, désireux de lancer une telle campagne publicitaire, doit suivre scrupuleusement nombres de conditions avant de voir son application au sein de l’Union Européenne. 4 1.1 Origine et définition La publicité comparative était purement et simplement interdite : - un des premiers fondements juridiques invoqués par les tribunaux était l’article 1382 du code civil sanctionnant la concurrence déloyale pour dénigrement de la société concurrente, - l’article 422, 2ème du code pénal était régulièrement invoqué pour sanctionner l’utilisation de la marque sans autorisation de son titulaire, - l’article 4 de la loi Royer (article L.121-1 du code de la consommation) condamnant la publicité trompeuse était appliqué lorsque la comparaison n’était pas réalisé à partir de critères exacts, - L’article 7 de la directive du 10 septembre 1984 (n°84/450/CE) permettait aux Etats membres de ne pas autoriser le recours à la publicité comparative. Pratique anglo-saxonne largement utilisée, la publicité comparative apparaît en France avec loi du 18 janvier 1992, modifiée en 1997 à la suite de directives européennes puis précisée par l’ordonnance du 23 août 2001. La publicité comparative fait désormais partie du code de la consommation et entre dans le cadre du droit français. La définition juridique de la publicité comparative est donnée par l'article L.121-8 du Code de la consommation. Elle est comparative lorsqu’elle met en comparaison des biens ou services en utilisant la citation ou la représentation d’une marque, la dénomination sociale, la raison sociale le nom commerciale ou l’enseigne d’un concurrent. Il est important de noter qu’il n’est pas nécessaire de nommer la marque du produit visé pour qu’une publicité soit comparative, il suffit que celle-ci soit facilement identifiable. 5 A gauche le Syndicat des Eaux d'Ile-De-France et sa campagne publicitaire mettant en avant la qualité de l'eau face à ses concurrentes en bouteilles. A droite, la contre attaque de Cristalline. L’élément de comparaison le plus utilisé est le prix. Il est en effet facilement vérifiable et très représentatif. On distingue deux formes de comparaison fondées sur le prix : • Le prix d’un produit (« mon produit moins cher que le produit X ») • Le niveau général de prix (un ensemble de produit : alimentaire, beauté…) Ces comparaisons doivent se faire sur des produits identiques et doivent répondre à un certain nombre de conditions. 1.2 Conditions La publicité comparative est autorisée que si elle est loyale, véridique, permettant une comparaison objective et n’est pas de nature à induire le consommateur en erreur. « Elle ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables de biens ou services de même nature et disponibles sur le marché. Lorsque la comparaison porte sur les prix, elle doit concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont maintenus les prix mentionnés comme siens par l'annonceur. La publicité comparative ne peut pas s'appuyer sur des opinions ou des appréciations individuelles et collectives. » 6 Le Code de la consommation pose deux séries de conditions pour pratiquer la publicité comparative : - Conditions tenant au message. - elle ne doit pas induire le consommateur en erreur, - elle doit permettre une comparabilité des produits, c’est à dire qu’ils doivent être vendus dans les mêmes conditions (ex : GMS ne peuvent pas comparer leur prix aux petits commerçants) et doivent répondre aux mêmes besoins (ex : transport : avion/train) - elle doit porter sur des caractéristiques pertinentes (ex : pour une publicité d’automobile, ces caractéristiques peuvent être le confort, la sécurité, la consommation de carburant…). - Conditions tenant au comportement de l’annonceur : L’article L. 121-12 de loi de 1992 stipulait l’obligation pour l’annonceur de communiquer son intention auprès de son concurrent avant toute diffusion. Ce principe de révéler à l’avance sa stratégie à son concurrent n’incitait guère les entreprises à recourir à la publicité comparative, elle a donc été (obligation de communication préalable) supprimée par l’ordonnance du 23 Août 2001. Enfin, en matière de publicité comparative sur les prix, l’annonceur doit répondre à plusieurs conditions. La comparaison doit : - porter sur des produits de mêmes caractéristiques, - être diffuser sur une courte période (c’est à dire encadrer la durée pendant laquelle les relevés de prix vont être réalisés en mentionnant « les dates de disponibilités des biens ou services »), - porter sur un large panel de produit (c’est à dire sur un nombre représentatif de produits, et ce pour une question d’objectivité : ne pas communiquer sur les produits pour lesquels l’annonceur se sait compétitif), - être effectué selon un indice de comparaison de prix élaboré par un organisme indépendant de l’annonceur (présentant ainsi une « garantie scientifique »), 7 - donner au consommateur les éléments d’informations relatives à cette comparaison. 1.3 Au sein de l’UE Les idées en terme de publicité comparative ont actuellement évolué au sein des grandes nations industrialisées qui ont progressivement autorisé ou facilité le recours à la publicité comparative. L’Europe se situe donc dans un contexte mondial plutôt favorable à la publicité comparative. Toutefois, nous allons voir que si la directive 97/55/CE ouvre certaines perspectives, il est difficile pour l’instant de se prononcer sur un éventuel développement de cette forme de communication sur le vieux continent tant son usage y a toujours été très marginal. La publicité comparative est souvent permise avec plus ou moins de restrictions ou d’exigences (ainsi en Allemagne, au Danemark, en Espagne, en Grande-Bretagne); cependant, d’autres pays n’autorisent pas formellement cette forme de publicité, adoptant un système proche de celui de la France avant la loi du 18 janvier 1992 relative à la protection des consommateurs. - en Allemagne La publicité comparative est autorisée mais de façon extrêmement limitée. En effet, il est interdit de pratiquer la publicité comparative dans le cadre où l’entité qui réalise sa publicité comparative cherche à faire valoir sa marque, ses prestations ou produits soit en critiquant ou en abaissant ses concurrents et leurs produits, soit en bénéficiant de la bonne réputation de ses concurrents pour promouvoir sa propre marque ou produit. La Cour Suprême Fédérale a, par exemple, considéré comme illicite la publicité d’une entreprise de produits alimentaires à succursales multiples : sa marque propre de cognac a été présentée sur un pied d’égalité avec une autre 8 marque de cognac beaucoup plus chère, cette dernière étant présentée sans le dire expressément comme beaucoup trop chère. Une publicité comparative est exceptionnellement justifiée et licite si des raisons suffisantes la motivent. C’est le cas de la comparaison dite des systèmes, des progrès, des informations ou de défense. Dans ce cas, c’est l’intérêt général qui prime. Depuis l’introduction de la directive de 1997 dans le droit allemand, entraînant la libéralisation l’augmentation de de la publicité cette comparative, dernière, en l’Allemagne particulier dans a le pu constater domaine des télécommunications. - au Royaume-Uni La loi actuelle des marques déposées date d’octobre 1994. Antérieurement à cela, la réglementation des marques déposées était basée sur la loi de 1938. Cette loi contenait des dispositions qui étaient similaires dans ses effets à l’article 44(1)(b) de la loi sud-africaine de 1963 et ainsi empêchait l’usage de marques déposées dans la publicité comparative. L’article 10(6) de la loi anglaise de 1994 a, toutefois, changé essentiellement de position. Cet article ne considère plus l’usage d’une marque déposée par une tierce personne, dans le but d’identifier les biens et services du propriétaire de cette marque, comme une violation de la marque déposée. En effet, par conséquent, les dispositions n’interdisent plus l’usage de marques déposées dans la publicité comparative. Toutefois, l’article fixe les conditions applicables à la suppression de cette interdiction. Il dit que "un tel usage, autrement qu’en accord avec les pratiques honnêtes en matière industrielle ou commerciale, devra être considéré comme transgressant la marque déposée s’il retire un avantage injuste du caractère distinctif ou du renom de la marque déposée". 9 - au Danemark La publicité comparative n’est pas interdite au Danemark. Elle est autorisée par le Comité des Normes Publicitaires depuis le 14 juin 1974. Cependant, selon un principe de base du droit du commerce, il est interdit d’utiliser les noms commerciaux, les marques ou autres signes distinctifs des concurrents lors de la commercialisation d’un produit. Il existe un conseil consultatif du forum publicitaire, qui aborde des plaintes et donne des évaluations préalables des publicités comparatives sur demande. - au Luxembourg Un jugement du tribunal d’arrondissement de Diekirch du 23 novembre 1990 précise la jurisprudence concernant l’interdiction de la publicité comparative (et de la publicité mensongère) sur la base de la loi du 27 novembre 1986 réglementant certaines pratiques commerciales et sanctionnant la concurrence déloyale. Le jugement se fonde sur l’article 17, alinéa g, de la loi qui énonce : "commet un acte de concurrence déloyale celui qui fait une publicité comportant des comparaisons avec d’autres concurrents, ou avec ses produits ou ses services". Le jugement considère qu’il y a publicité comparative même si la publicité ne livre aucun nom de produit concurrent comme élément de comparaison, puisqu’il s’agit d’un marché duopole (il s’agit en l’occurrence du marché luxembourgeois des eaux de table) et que par conséquent la victime de la comparaison litigieuse est aisément identifiable même par un public non averti. L’absence de caractère dénigrant ou même l’exactitude du slogan ne peuvent être pris en considération par le juge étant donné que l’article 17-g de la loi de 1986 interdit purement et simplement la publicité comparative. 10 - en Grèce La publicité comparative est strictement contrôlée mais reste autorisée sous condition qu’elle ne doit pas induire en erreur ou créer de confusion aux consommateurs concernant les produits différents circulant dans le marché, diminuer les concurrents ou avoir comme but de profiter de la réputation de la marque déposée d’un produit de la concurrence. - en Belgique En dépit des nombreux débats qu’elle a suscités entre tenants et adversaires de la publicité comparative, la position du législateur est demeurée inchangée dans la loi du 14 juillet 1991. Concrètement dès lors, en l’état actuel du droit belge, on peut affirmer que la comparaison est licite en principe mais interdite dans trois hypothèses à ce point larges qu’en pratique, elle semble toujours interdite...! Ce résultat provient de l’interdiction figurant à la fin de la disposition légale : celle d’impliquer sans nécessité la possibilité d’identifier un ou plusieurs autres commerçants. Une telle interdiction revient évidemment à supprimer les publicités comparatives classiques. - en Italie La jurisprudence, qui autrefois avait tendance à considérer la publicité comparative comme un acte de dénigrement (donc interdit), a peu à peu rectifié son attitude. L’orientation actuelle est vers l’acceptation de la publicité comparative quand elle est objective, véridique et, naturellement, quand elle ne contient aucune opinion offensive. Les autoproclamations comparaisons sont de généralement supériorité non permises. Le accompagnées "Codice di par des Autodisciplina Pubblicitaria" est bien plus rigoureux sur cet argument : il interdit formellement la 11 comparaison "directe" (c’est-à-dire envers le concurrent nommé ou pouvant être reconnu) et n’autorise la comparaison "indirecte" que si elle est véridique et si elle n’a pour objectif que l’illustration des caractéristiques réelles du produit. La jurisprudence du jury considère les autoproclamations de supériorité comme de réelles comparaisons et leur véracité doit être rigoureusement documentée. - au Portugal Selon le Code de la Publicité, est interdite la publicité qui utilise des comparaisons qui ne sont pas appuyées dans les caractéristiques essentielles et objectivement démontrables des biens ou services ou qui les comparent avec d’autres produits ou services similaires. La directive européenne apporte effectivement une plus grande souplesse dans certains états et élargit le champ d’action possible des campagnes publicitaires. Il est certain que cette directive facilitera la tâche des annonceurs qui souhaiteraient y recourir, même si la marge de manœuvre reste bien inférieure de celle octroyée par le droit américain. 12