De même que nous avons divisé la philosophie naturelle en recherche des causes et
production des effets, de même nous subdiviserons cette partie qui traite de la recherche des
causes suivant la division traditionnelle et bien fondée des causes : d’une part, la physique, qui
recherche et travaille ce qui a trait aux causes matérielles et efficientes ; d’autre part, la
métaphysique, qui traite des causes formelles et finales.
La physique se situe à une distance égale de l’histoire naturelle et de la métaphysique.
Car l’histoire naturelle a pour tâche de décrire les choses dans leur variété ; la physique celle
de décrire les causes, en tant qu’elles changent et sont particulières ; et la métaphysique celle
de décrire les causes immuables et permanentes. Il n’est pas possible ni pertinent de chercher
l’ensemble des formes de ces sons qui font les mots, lesquels, par composition et transposition
des lettres, sont en nombre infini. Mais d’un autre côté on comprend aisément qu’on recherche
la forme de ces sons ou de ces voix qui font les lettres simples, ce qui, une fois acquis, permet
d’induire et de rendre manifeste les formes de tous les mots, lesquels sont constitués et
composés de sons.
De même, s’occuper de rechercher la forme d’un lion, d’un chêne, de l’or est une vaine
entreprise, alors que rechercher les formes de la sensibilité, du mouvement volontaire, du
mouvement végétatif, des couleurs, de la gravité et de la légèreté, de la densité et de toutes les
autres qualités et natures qui, comme les lettres de l’alphabet, sont en nombre limité et
desquelles sont faites les essences (dont la matière est le substrat) de toutes créatures ;
rechercher les vraies formes de ces éléments est l’objet de cette partie de la métaphysique que
nous définissons à présent.
L’utilité de cette partie de la métaphysique est excellente à deux égards. Premièrement,
c’est le devoir de toute connaissance, et sa vertu fondamentale, que de condenser l’étendue
infinie de l’expérience des choses individuelles aussi loin que le permettra l’appréhension du
vrai et d’apporter ainsi un remède à la doléance exprimée par la formule : « la vie est courte et
l’art est long ». Ce devoir est accompli en unifiant les notions et les concepts des sciences. Car
les savoirs sont comme des pyramides, dont l’histoire constitue la base. Ainsi l’histoire naturelle
est la base de la philosophie naturelle. Le plan juste au-dessus de cette base est la physique, et
le plan juste au-dessous du sommet est la Métaphysique. Quant au point du sommet, et la loi
condensée de la nature, nous ne savons pas si la recherche humaine peut y atteindre.
Qui en vient à connaître une forme connaît la plus grande possibilité de sur-imprimer
cette nature sur n’importe quelle variété de matière, et se trouve ainsi moins entravé dans son
opération, tant en ce qui concerne la matière, qui est la base, qu’en ce qui concerne l’efficient,
qui est la condition.
Francis BACON, Du progrès et de la promotion des savoirs divin et humain, Paris, Gallimard, Tel, 1991
(1605), p.86-117.
Document 5 : Giambattista Vico, La science nouvelle, 1744.
Nous voyons dans le Timée de Platon que, grâce à la méthode de la synthèse, l'école italique
de Pythagore avait, porté fort loin la science des mathématiques. Un temps de Socrate et de
Platon, Athènes resplendissait de tous les arts qui ornent l’esprit humain : elle excellait dans la
poésie, dans l’éloquence, dans l’histoire, dans la musique, dans la métallurgie, la peinture, la
sculpture et l’architecture. Ce fut ensuit le tour d’Aristote à inventer le syllogisme, méthode qui
explique l'universel par le particulier, plutôt qu'elle ne rassemble les particularités pour en
former des généralités ; ce fut le tour de Zénon, auteur du sorite, de cette méthode qui
correspond à celle de nos philosophes modernes, et qui tend à augmenter la subtilité de l'esprit