Introduction La fréquence de l`infection à Helicobacter

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Introduction
La fréquence de l’infection à Helicobacter pylori (Hp) est élevée dans tous les
pays [96,162, 212, 246].
Une plus grande fréquence de l’infection à Hp a été observée dans les classes à
faible revenu et dans les régions à niveau de développement faible,
particulièrement en Afrique [96].
Au Sénégal, la prévalence hospitalière est estimée à 82% [146,147].
Aujourd'hui, l'éradication de Hp est clairement indiquée dans la maladie
ulcéreuse gastro-duodénale où elle modifie son histoire naturelle et, susceptible
de guérir le lymphome gastrique de type MALT. Elle ne semble pas réaliste
dans le but de prévenir l'adénocarcinome gastrique car le cancer de l’estomac est
multifactoriel. Par contre elle reste controversée dans la dyspepsie ulcéreuse.
Le traitement d’éradication de l’infection à Hp fait appel à une association
d’antibiotiques et son succès dépend de la sensibilité des souches [101].
Des études sur la sensibilité des souches de Hp effectuées en Europe, en Asie et
en Amérique ont montré l'apparition de résistances au fil du temps. Par contre
en Afrique, il existe peu de données concernant la sensibilité des souches de Hp
même si on estime que le taux de résistance doit y être élevé [81].
Au Sénégal, aucune souche de Hp n'avait été jusque là isolée par les laboratoires
de microbiologie.
Le but de notre étude est d’isoler et tester la sensibilité des souches de Hp vis-àvis des antibiotiques utilisés au Sénégal.
Pour ce faire nous nous proposons d'atteindre les objectifs suivants :
• Diagnostiquer l'infection à Hp au cours de la maladie ulcéreuse gastroduodénale ;
• Isoler et identifier Hp à partir des biopsies gastriques de malades
porteurs d'ulcère gastrique et duodénal ;
• Tester la sensibilité des souches isolées avec certains antibiotiques les
plus couramment utilisés dans les schémas d’éradication au Sénégal
( Imidazolés, Macrolides, Cyclines Amoxicilline) ;
• Evaluer le Clo-test® comme milieu de transport des biopsies pour la
culture.
I - Historique
La présence incidente de bactéries spiralées au niveau de l’estomac considéré
comme stérile du fait de son pH bas a été rapportée dans des observations
isolées très anciennes.
Ces bactéries ont d'abord été observées dans l’estomac des chiens puis des rats
et des chats à la fin du XIXe siècle.
Au début du XXe siècle, ces bactéries avaient été mises en évidence dans
l’estomac de patients atteints de cancer gastrique, puis chez des patients atteints
de pathologie ulcéreuse gastro-duodénale.
En 1954, les travaux de PALMER ED à partir de 1180 biopsies conclurent en
l’absence de spirochètes dans l’estomac [189], ceci avait mis un point final à la
théorie de l'infection chronique de l'estomac. Ainsi l’intérêt sur le sujet déclina
rapidement.
En 1975, STEER et COLIN JONES rapportaient la présence d’une bactérie à la
partie profonde de la couche de mucus chez des patients présentant un ulcère.
Mais la culture des biopsies aboutissait à l’identification de Pseudomonas
aeruginosa . Il s'agissait en fait d'une contamination des canaux à biopsie [221].
En 1979, Robert WARREN remarqua la présence de bactéries incurvées et
spiralées dans des biopsies d’estomac.
En 1982, il obtint avec Barry MARSHALL des colonies sur des cultures
oubliées pendant 5 jours dans l’incubateur. Les bactéries cultivées furent
dénommées successivement Campylobacter pyloridis en raison de leur
ressemblance avec Campylobacter jejuni, puis Campylobacter pylori ; et plus
tard le genre Helicobacter fut créé avec Helicobacter pylori ( Hp) comme chef
de file[155].
Ils posent alors l'hypothèse de son association à la gastrite et aux ulcères [250].
En 1984, ZANGENBERG et coll. montrèrent la production d'une grande
quantité d’uréase par Hp en culture.
En 1985, l'ingestion volontaire d'une suspension de 109 de Hp par MARSHALL
est suivie d’un syndrome dyspeptique aigu avec apparition d’une gastrite aiguë
sur les biopsies effectuées au dixième jour.
Ainsi la découverte du rôle pathogène de Hp pour la muqueuse gastro-duodénale
a bouleversé les conceptions sur la maladie ulcéreuse.
Et les multiples travaux effectués apportant un niveau de preuve scientifique
élevé ont entraîné une refonte complète de l'approche physiopathologique, des
implications diagnostiques et, du traitement de la MUGD .
La réduction des récidives ulcéreuses après éradication réussie renforce la
responsabilité de Hp dans la pathologie gastro-duodénale [143].
A partir de 1990, des conférences de consensus furent organisées ça et là pour
harmoniser les démarches des uns et des autres afin d'instaurer des schémas
diagnostiques et thérapeutiques consensuels.
II Caractères Bactériologiques
II-1 Taxonomie
Les classifications taxonomiques sont basées sur l’hybridation et le séquençage
de l’ARN ribosomal.
Hp fait partie d’un nouveau groupe taxonomique de bactéries caractérisées par
leur adaptation au mucus digestif de l’homme et des animaux..
Le genre Helicobacter appartient au Groupe VI des bactéries à Gram négatif qui
comprend 4 genres : Campylobacter - Arcobacter et Wolinella [124,155].
Le genre Helicobacter comprend une dizaine d'espèces chacune adaptée à la
muqueuse gastrique d'animaux différents(Tableau I ).
Tableau I : Caractères phénotypiques de 15 espèces d'Helicobacter [124].
Espèces
H.pylori
H.mustelœ
H.felis
H.muridarm
H.acinonyx
H.nemestrinœ
H.fennelliœ
H.cinaedi
H.hepaticus
H.bilis
H.pulorum
H.pametensis
H.canis
F. rappini
H.heilmanii
Hôte habituel
GC%
Nbre Fla
Ox
Cat
Ure NO3 Pase g Glut Nal Cft
Red
Trans
4
+
+
+
R
S
R
+
+
+
+
S
S
+
+
+
+
R
R
+
+
+
R
S
+
+
+
R
S
+
+
NF
R
S
+
S
Homme
Furet
Chat
Rongeurs
Guépard
Singe
Homme
(Intestin)
Homme
(Intestin)
Souris
Foie
Foie
Foie
Foie
Chien
Cosmopolite
Cosmopolite
35-37
36
42
10
30
24
35
4-8 pol
4-8 per
14-20 pol
14 pol
2-5 pol
4-8 pol
2 pol
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
37-38
1-2 pol
+
+
-
+
-
-
S
I
NF
2 pol
+
+
+
+
NF
NF
R
R
NF
34-35
38
48
34
NF
3-14 pol
1 pol
2 pol
2 pol
10-20 pol
x pol
+
+
+
+
+
NF
+
+
+
+
NF
+
+
NF
+
+
+
NF
NF
+
+
NF
NF
NF
-
R
S
S
S
R
NF
R
R
S
I
R
NF
GC % : pourcentage guanine - cytosine ; Fla : Flagelles ; NO3 Red : Nitrate réductase ;
Ox : Oxydase ; Cat : Catalase ; Ure : Uréase
g Glut Trans 4 : Gamma Glutamyl transpeptidase ; Nal : Acide nalidixique ;
Cef : Cefotaxime PAS :Phosphatase acide ; NF : Non fait
F rappini : Flexispira rappini
+
NF
II - 2 Caractères morphologiques
Hp se présente sous forme d’un bacille à Gram négatif spiralé ou incurvé de 2,5
à 5 micromètres de long sur 0,5 à 1 micromètre de large ou sous forme coccoïde
dans les vieilles cultures.
Ces bactéries sont capables de se déplacer rapidement par frétillement et par des
mouvements de rotation caractéristique [216] grâce à des flagelles polaires
engainés.
Cette gaine résiste à l’acide donc protège la protéine de la flagelle.
A l’extrémité distale de ses flagelles on observe un disque ou bulbe que l’on
retrouve dans aucune autre espèce d’Helicobacter [106].
Figure1.Morphologie de Hp au microscope électronique
II - 3 Caractères culturaux
La culture se fait sur milieu spécifique, avec association de gélose, de plasma de
cheval et d’antibiotiques pour éviter la prolifération de germes buccaux ayant pu
contaminer les biopsies.
La culture est lente 2 à 7 jours en atmosphère microaérophile à 37°C sur la
gélose au sang pour la primoculture ou en 2 à 4 jours pour un repiquage.
La concentration d’oxygène optimale est de l’ordre de 3 à 5% (5% d’O2, 7% de
CO2, 8% de H2, 70% de N2 et 10% autres gaz) [216].
II - 4 Caractères biochimiques
Hp possède des enzymes antioxydantes que sont la superoxyde dismutase et la
catalase qui protègent les bactéries des radicaux libres [180], la pyruvateflavodoxine oxydoréductase nécessaire pour le métabolisme de Hp [100].
Elle dispose aussi d’un cytochrome oxydase, des amidases, peptidases,
phosphatases alcalines, phosphatase acide, ADNase, gamma glutamyl
transpeptidase, leucine aminopeptidase et lipase estérase [107] et surtout une
uréase extracellulaire en quantité extrêmement importante [145].
Hp ne possède pas de nitrate réductase et n’hydrolyse pas l’hippurate [242].
EIle a un métabolisme respiratoire et trouve son énergie principalement dans la
phosphorylation oxydative.
Le caractère microaérophile des colonies dépendrait de l’inhibition d’enzymes
comme la lactate déshydrogénase plutôt que celle de la chaîne des cytochromes
[242].
En effet ces enzymes permettant l'oxydation de l'hydrogène moléculaire sont
inactivées par l'oxygène.
II - 5 Caractères génétiques
Le statut génomique de Hp est bien établi [84], et le génome de deux souches
différentes a été entièrement séquencé [2,233].
Hp a un génome circulaire d'environ 1.600.000 paires de base.
La valeur plus basse du coefficient de son ADN (G+C = 36 - 37%) se distingue
du genre Wolinella (G+C = 46-49%) et du groupe Vibrio (G+C = 38-51%).
Hp possède un grand polymorphisme génomique associé à un monomorphisme
phénotypique.
Les mécanismes de la diversité génétique sont :
Les substitutions nucléotidiques non synonymes ;
L'existence de gènes mosaïques ;
La régulation de l'expression des gènes ;
La diversité plasmidique.
De ce fait, l’établissement de la carte génomique et de la position relative de
gènes connus (codant pour l’uréase, flagelline, ferritine, adhésine, protéine Cag
A, cytotoxine, chaperonine) montre une organisation génétique différente d'une
souche à une autre, indiquant une possibilité de réarrangement des génomes.
Ainsi il a été mis en évidence une variabilité considérable dans la taille des
génomes de Hp entre les souches isolées en Occident (1,6 à 1,73 mégabases) et
celles isolées au Japon (1 à 1,8 mégabases) [113].
Il existerait même autant de souches que d’individus infectés .
Différents phénotypes [113,174] ont été décrits . Les variations portent sur :
• la cytotoxine vacuolisante ou Vac A codée par le gène vac A ;
• l’antigène Cag A (protéine associée à cette cytotoxine) codée par le
gène cag A ;
• l’aptitude à activer les neutrophiles ;
• l’aptitude à stimuler la synthèse d’Interleukine 8.
L’association très forte entre l’antigène Cag A et la maladie ulcéreuse semble
suggérer un lien étroit entre cet antigène précocement immunogéne et la maladie
ulcéreuse. Cag A permet de détecter les souches virulentes.
Ces différentes approches moléculaires des caractères génétiques de Hp
présentent un intérêt majeur du point de vue diagnostique et thérapeutique [174].
Au plan diagnostique :
♦ l'amplification génique permet la détection d'une dizaine de
bactéries. Elle est directement applicable sur le matériel biologique
( biopsies gastriques, liquide gastrique, plaque dentaire, selles ) ;
♦ le typage génotypique est indispensable dans les études
épidémiologiques, permet la détection des marqueurs de
pathogénicité et de virulence.
Au plan thérapeutique l'espoir réside :
♦ dans le clonage des gènes et leur expression chez E. coli permettant
la production en masse d’antigènes recombinants facilement
purifiables et utilisables lors des immunisations ;
♦
dans la construction de souches isogéniques
permettant de définir la nature des cibles antigéniques et celle des
antigènes vaccinaux à produire. Ainsi, une souche de Hp est
incapable de coloniser la muqueuse gastrique en l’absence d’activité
uréasique, ce qui fait de l’uréase une cible antigénique de choix dans
une approche vaccinale ;
♦ pour le suivi thérapeutique des malades, le typage moléculaire
permet de préciser si les rechutes d'infection à Hp sont dues à des
échecs de l'éradication ou à des réinfections;
♦ la détection de la résistance aux macrolides.
III - Pathogénie
Hp est reconnue actuellement comme l’agent pathogène principal des
pathologies gastro-duodénales [174].
Le pouvoir pathogène de Hp se traduit par sa capacité à coloniser la muqueuse
gastrique, à survivre dans l’estomac en échappant aux mécanismes de défense de
l’hôte ; et enfin par sa capacité à induire des lésions pouvant conduire à la
maladie.
L’induction de la maladie découle des facteurs pathogènes bactériens et de la
réponse de l’hôte.
III-1 Colonisation de la muqueuse gastrique par Hp
Les mécanismes impliqués dans la colonisation de l’estomac par Hp sont sa
mobilité et un mécanisme de résistance à l’acidité gastrique.
III-1-1 Mobilité
La morphologie spiralée de Hp ainsi que la présence de sept flagelles unipolaires
permettent à la bactérie de traverser la couche de mucus gastrique.
Ces flagelles sont protégés par une gaine protéique résistante à l’acidité, et
permettent à Hp de bouger même quand la viscosité est de 200 centipoises.
Chaque flagelle est constitué de 2 types de flagelline nécessaires pour la
mobilité ; une flagelline majeure Fla A et une flagelline mineure Fla B [223].
Une mutation dans le gène Fla A la rendrait immobile [114].
III-1-2 Uréase
Hp s'implante dans l'estomac grâce à la production d'uréase.
L'uréase de Hp est une métallo-enzyme multimérique à ions nickel, qui
hydrolyse l'urée avec libération de l'ammoniaque.
L'ammoniaque tamponne le milieu suffisamment longtemps pour permettre à la
bactérie d'atteindre les cellules muqueuses gastriques.
L’uréase, pour être catalytiquement active, requiert l'expression de 2 sous unités
structurales, Uré A et Uré B, assemblées en apo-enzyme, et de 4 protéines dites
auxiliaires Ure E, Ure F, Ure G et Ure H qui permettent l'activation de l'uréase
en enzyme fonctionnelle par incorporation des ions nickel au sein des sites actifs
[70].
La synthèse est cytoplasmique et sous la dépendance de sept gènes
chromosomiques dont l’inactivation de l’un d'entre eux fournit un mutant
uréase-négative incapable de coloniser l’estomac du porc [70].
Elle est sécrétée continuellement en grande abondance par la bactérie.
Figure2.Structure génomique de l’uréase
Cela suggère que le rôle de l’uréase ne soit pas limité à la colonisation mais
pourrait également intervenir dans la survie de la bactérie au niveau de
l’estomac, ainsi que comme facteur d’agression pour la muqueuse gastrique.
L’uréase crée un gradient de pH à travers la muqueuse gastrique favorable à la
mobilité de Hp.
Sans uréase la mobilité de la bactérie serait réduite de 40%, ce qui pourrait
limiter considérablement son établissement dans la muqueuse gastrique [106].
A côté de l’uréase, diverses enzymes sont sécrétées ; la sialidase qui dégrade le
mucus, les polysaccharides et la phospholipase A2 qui altèrent l’hydrophobicité
de la muqueuse gastrique.
III-1-3 Adhérence aux cellules cibles de la muqueuse gastrique.
Elle est la première étape de l’infection considérée comme un facteur
indispensable pour la colonisation gastrique.
Grâce à plusieurs systèmes d’adhésion, Hp se fixe spécifiquement sur des
récepteurs cellulaires de l’épithélium gastrique.
Ces adhésines sont des glycoprotéines qui se fixent sur des récepteurs cellulaires
qui sont soit des sialyl-carbohydrates soit des glycolipides.
2 types d'adhésines ont été caractérisés génétiquement et biochimiquement :
une adhésine Bab A2 impliquée dans l'interaction avec l'antigène du
groupe sanguin Lewis b exprimé à la surface des cellules gastriques
[104].
2 adhésines homologues Alpha A et Alpha B produites par tous les
isolats de Hp [187] et permettant à cette bactérie d'interagir avec les
tissus gastriques.
Trois (3) types de récepteurs ont été identifiés [66,113,174] :
• une structure fimbrillae capable de s’associer à un récepteur de type Nacétyl neuraminyl-lactose non spécifique de l’estomac.
• une «exoenzyme S» capable de s’associer au glycérolipide de type
phosphatidyl éthanolamine.
• un matériel superficiel capable d’adhérer aux lignées cellulaires de type
Hela.
Sur la muqueuse, les bactéries sont surtout localisées au niveau des jonctions
inter cellulaires qui apparaissent altérées [66].
III-2 Persistance au niveau de l’estomac
Hp dispose des mécanismes lui permettant de survivre
période dans l’environnement hostile de l’estomac à côté
résistance de la défense immunitaire de l’hôte. La réponse
et complète qui suit la colonisation de l’estomac par Hp
d’éradiquer la bactérie.
pendant de longue
des mécanismes de
immunitaire intense
se révèle incapable
III-2-1 Environnement acide
Hp a besoin d'un environnement acide pour survivre en présence d'urée, ceci a
été montré par l'utilisation de souches uréase positive et un mutant isogénique
uréase négative.
Il a été aussi montré que l'absence de survie de Hp en présence d'urée était due à
l'élévation du pH plutôt qu'à la toxicité propre de l'ammoniaque [174].De même
l'acidification peut stimuler la libération de l'uréase qui amplifierait les lésions
observées [168].
III-2-2 Facteurs métaboliques intrinsèques
• Les Phospholipides.
L’hydrophobicité et la composition lipidique de Hp sont des facteurs qui
peuvent contribuer à la survie de cette bactérie dans l’environnement acide de
l’estomac humain [175].
• Les ATPases bactériennes
Ils s’agiraient de :
- l’ATPase de type F typique non affectée par les dérivés du
benzimidazole [174], mais son rôle n'est pas encore entièrement bien
établi.
- l’ATPase de type P membranaire pourrait être vitale pour la bactérie
[174] et d’autant qu’elle serait une cible de l’oméprazole [142].
III-2-3 Résistance à la phagocytose
Hp échappe à la phagocytose par le fait de facteurs bactériens qui diminueraient
l’efficacité du processus phagocytaire :
par diminution du pouvoir des anticorps opsonisants ou leur
saturation par les antigènes produits par la bactérie ou
simplement leur destruction par des protéases bactériennes ;
de masquer ces antigènes de surface en se couvrant
d'immunoglobulines fixées par leur fragment Fc ;
d'une résistance à la bactéricidie en cas de phagocytose par des
enzymes comme la catalase, super oxyde dismutase [113] ;
l'uréase peut agir à ce niveau en diminuant l'activité bactéricide
du polynucléaire en alcalinisant le phagolysosome.
III-3 Induction de la maladie
C’est la résultante des facteurs de pathogénicité bactériens et la réponse de
l’hôte.
III-3-1 Facteurs d’agression de la muqueuse gastrique
Des facteurs sont impliqués dans la création de lésions muqueuses avec
altération du mucus.
III-3-1-1 Effet sur le Mucus
Chez les patients atteints de gastrite à Hp, la couche de mucus gastrique est plus
fine et son hydrophobicité est diminuée [66,120,174].
Hp semble exercer un effet mucolytique aux dépens des résidus peptidiques et
possède une activité lipolytique qui serait à l’origine d’une sécrétion accrue de
mucines de type sialique.
Malgré certains travaux in vitro démontrant la destruction du mucus par Hp, ce
phénomène n'a pas encore été confirmé in vivo.
III-3-1-2 Facteurs bactériens de pathogénicité
Bien qu’il n’ait jamais été vu en situation intracellulaire, Hp va agir sur les
cellules épithéliales par différents facteurs.
a) Uréase et Ammoniaque
L’uréase de Hp est un facteur de pathogénicité car l’ammoniaque produite a une
action toxique sur les cellules épithéliales [113].
Son action est de type lysosomotrope.
Il peut entraîner suivant la dose soit une vacuolisation des granules lysosomiaux
(signe de souffrance cellulaire) soit leur destruction.
L’activité de l’uréase dépend du pH et est plus élevée à pH 5-7 [124]].
b) La Cytotoxine
Protéine fortement antigénique, elle est rencontrée chez les souches associées
aux ulcères dans 60 % des cas [49].
Elle a une action du même type que l’ammoniaque sur les cellules par son effet
vacuolisant [113].
Cet effet est inhibé par l’acidification du milieu de même que pour l’effet
vacuolisant de l’ammoniaque.
La cytotoxine vacuolisante est sous la dépendance d’un gène nommé vac A
présent dans toutes les souches de Hp.
Cependant, seules certaines souches produisent la toxine.
La variabilité importante dans la séquence des nucléotides du gène vac A est à
l’origine de cette différence de phénotype.
Ainsi deux types de gènes appelés S1 et S2 ont été isolés.
Le type S1 est le plus souvent associé à l’antigène Cag A, qui est l’un des
antigènes immunodominants de Hp [8].
c) La Phospholipase
Toutes les souches synthétisent une phospholipase de type C dont l’activité peut
affecter l’intégrité des cellules épithéliales de la muqueuse gastrique et altérer la
perméabilité des membranes cellulaires [113].
d) Lipopolysaccharides (LPS)
Composant de la paroi bactérienne capable d’induire différentes réactions
biologiques.
Ces réactions ont pour but principal d’éliminer les bactéries de l’organisme.
Cependant, elles peuvent conduire à l’altération du tissu et contribuer à la
maladie ulcéreuse [145].
Ainsi par ces lipopolysaccharides, Hp participerait à la destruction de l'intégrité
du mucus gastrique.
III-3-2) Réponse de l’hôte
Cette réponse de l’hôte est à la fois locale et générale.
III-3-2-1) Réponse locale de la muqueuse gastrique
Elle comporte des phénomènes inflammatoires et des phénomènes immunitaires
à la fois cellulaires et humoraux.
a) Induction d’une réaction inflammatoire
La colonisation de la muqueuse gastrique par Hp provoque localement une
réaction inflammatoire importante caractérisée au niveau tissulaire par un
infiltrat de lymphocytes, de plasmocytes et de macrophages [49,67].
Hp reste extracellulaire et ne traverse pas l’assise épithéliale de la muqueuse
contrairement aux nombreuses substances antigéniques bactériennes qui sont
probablement les initiateurs de la réponse inflammatoire.
Le contact des substances antigéniques bactériennes avec les cellules
épithéliales stimule la sécrétion d’IL en particulier l’IL8 [49,67] qui provoque le
recrutement des polynucléaires, des macrophages, des mastocytes puis des
lymphocytes et des plasmocytes.
L'association entre la présence d'un type particulier du gène fla A et la
production d'IL8, cytokine impliquée dans le processus inflammatoire, suggère
que la flagelline joue un rôle important dans le développement des lésions
gastriques.
L'effet cytotoxique des radicaux libres et des formes activées de l'oxygène des
phagocytes activés, combiné à la protéolyse des enzymes secrétées par les
neutrophiles, sont capables de provoquer des lésions tissulaires et donc de
participer à la pathogénie des maladies gastro-duodénales associées à Hp
[49,67].
Le LPS de Hp peut induire le recrutement et l'activation des macrophages.
En effet le LPS est capable de stimuler la production de TNF alpha par les
macrophages, ainsi que d’activer la mitogénicité des lymphocytes et la libération
de leurs cytokines ( TNF, IL8, IL6, INF ) au niveau local [49]. La protéine Cag
A serait associée à la production de cytokines [49,174]. Certains antigènes
bactériens pourraient s’internaliser dans la cellule épithéliale, et se lier aux
molécules de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH II) et
favoriser la surexpression cellulaire de ces molécules.
L’expression de ces molécules du CMH II serait associée à un infiltrat
lymphocytaire de type T.
b) Réponse immunitaire locale
La muqueuse gastrique constitue l'une des barrières anti-microbiennes les plus
efficaces du tube digestif du fait de ces propriétés physico-chimiques.
La réponse immunitaire locale confère une protection efficace sans induire la
destruction de l’épithélium fragile ni provoquer des perturbations des fonctions
très spécialisées de la muqueuse digestive fragile [49].
La présence de Hp est associée à une augmentation significative des populations
plasmocytaires productrices d’IgA , d’IgM et d’IgG dans la lamina propria .
Les IgA sécrétrices, immunoglobulines principales des sécrétions muqueuses
sont sensibles à l’hydrolyse acide et au clivage protéolytique[16], du fait qu'elles
comportent habituellement pas de pièce sécrétoire [19], ce qui fait que le
pouvoir de protection de ces anticorps anti-Hp est diminué [18]. Elles sont
capables néanmoins d’induire un phénomène de cytotoxicité à médiation
cellulaire dépendante de l’anticorps [49].
Quant aux IgG produites par les plasmocytes locaux, elles rejoignent
passivement la lumière gastrique et sont détruites en partie par les protéases
gastriques [67].
La formation de complexes immuns à IgG activant le complément pourrait au
contraire provoquer des dommages à la muqueuse.
Une réponse locale spécifique à IgM a été mise en évidence en cas de gastrite
aiguë, cette réaction immunitaire locale est aussi cellulaire.
Une réponse lymphocytaire T spécifique de certains antigènes de Hp a été mise
en évidence aussi bien au niveau des lymphocytes circulants que des
lymphocytes muqueux. Dans la lamina propria, les lymphocytes T du type
suppresseur / cytotoxique (CD8) sont plus nombreux chez les sujets infectés par
Hp que chez ceux indemnes de l'infection alors que le nombre de lymphocytes T
auxiliaires (CD4+) est le même [49].
Ainsi en dépit de la réaction immunitaire locale spécifique l’infection à Hp
évolue sur un mode chronique.
III-3-2-2 Réponse immunitaire générale
L’infection par Hp s’accompagne d’une réponse anticorps systémique intense
qui se manifeste par la présence d’anticorps anti-Hp circulants spécifiques
d’IgG, IgA et IgM [49,67]. Ces anticorps sont retrouvés dans le sang, mais
également dans la salive et dans les urines. Ils sont notamment dirigés contre
certains antigènes de surface ( Hsp 54, protéines de 120-128 Kda, cytotoxine
vacuolisante, peptides de 15 à 40 Kda ). In vitro, ils ont une activité
antibactérienne complément et phagocytes dépendante [67].
En effet, son caractère extracellulaire en fait un pathogène dont l'élimination
devrait être assurée par les phagocytes éventuellement aidés du complément et
des anticorps.
En dépit d’une réponse immunitaire spécifique, l’infection par Hp est persistante
et éventuellement récidivante. Plusieurs hypothèses expliquent la chronicité de
l’inflammation muqueuse liée à la colonisation de l’estomac par Hp [49,67,174].
Il pourrait s’agir :
d’une réaction croisée entre les antigènes bactériens et des antigènes de
l’hôte. Ces antigènes pourraient être les protéines de stress (heat shock
protein : Hsp) très immunogènes et reconnus par les lymphocytes T.
Cette réaction pourrait jouer un rôle dans la persistance de
l’inflammation après éradication de Hp.
une inhibition par Hp de la réponse immunitaire locale. Cette action
immunosuppressive de Hp serait davantage en rapport avec des
modifications fonctionnelles des lymphocytes qu'avec une activation des
lymphocytes T suppresseurs.
une saturation des anticorps opsonisants par une abondante sécrétion par
Hp de motifs antigéniques.
La réponse anti-Hp est alors inopérante pour éradiquer la bactérie parce que les
effecteurs de cette réponse sont absents ou inefficaces au niveau de la muqueuse
gastrique.
Les bactéries recouvertes d’anticorps peuvent survivre et même se multiplier
puisque ces anticorps ne font le plus souvent que sensibiliser les bactéries à la
phagocytose (opsonisation) ou à l’action du complément. Les anticorps ainsi
produits sont de précieux stigmates de l’infection utilisables à des fins
diagnostiques.
Ainsi le pouvoir pathogène de Hp serait liée à sa mobilité lui permettant
de traverser la couche de mucus, l’uréase qui facilite la survie en milieu acide
par production d’ammoniaque et les adhésines bactériennes permettant
l’adhésion aux cellules épithéliales.
La cytotoxine vacuolisante (sous la dépendance du gène vac A) et l’antigène
Cag A (sous la dépendance du gène cag A), entraînent une sécrétion accrue de
cytokines responsables de l’inflammation gastrique.
L’existence d’une réaction immunitaire locale avec augmentation des
plasmocytes à IgA et IgM et une réaction générale à IgG et IgM surtout et
accessoirement à IgA n’ont pas suffit à vaincre la bactérie.
Figure3.Schéma récapitulatif des différentes étapes impliquant Hp dans les
maladies gastro-duodénales
IV-Ecologie et Épidémiologie
Malgré le nombre important de travaux effectués, des zones d’ombre demeurent
quant à son mode de transmission et l’existence éventuelle d’autres réservoirs et
surtout les risques de réinfection.
IV-1 Réservoir bactérien
Seul l'estomac des primates est identifié comme réservoir bactérien.
⇒ Estomac
Le pouvoir pathogène de Hp s’exprime surtout dans l’antre, et les lésions de
gastrite y sont les plus importantes ; mais la colonisation est aussi fréquente et
de même intensité dans toutes les parties de l’estomac (106 à 107 bactéries par
gramme de muqueuse).
Les localisations ectopiques de la muqueuse gastrique peuvent également être
colonisées : zones de métaplasie gastrique de l’œsophage, du duodénum, du
diverticule de Mekel, voir du rectum [18,244].
⇒ Cavité buccale
Des recherches de Hp effectuées dans la bouche semblent indiquer que Hp
pouvait être présent dans la cavité buccale.
Ainsi dans la salive des traces d’ADN ont pu être détectées par amplification
génique (PCR), des corps bactériens ont pu être visualisés en
immunofluorescence à l’aide d’anticorps monoclonaux et la culture a été
positive [244].
Dans la plaque dentaire, la bactérie a aussi pu être isolée par culture chez un
sujet porteur de gastrite à Hp bien que de nombreux essais soient restés négatifs
[244].
Des traces génomiques de Hp y ont été observés par PCR [183].
⇒ Dans les selles
La présence de traces génomiques dans les selles est en faveur du passage de Hp
à travers l’intestin, sans toutefois présumer de leur éventuel pouvoir infectieux.
Les rares cas de culture positive à partir des selles sont isolés et difficiles à
confirmer [24].
⇒Animaux
Seules quelques espèces de primates (macaques, babouins) hébergent Hp dans
leur estomac.
Des études chinoises ont rapporté des chats infectés dont la culture était positive
et l’identification a été confirmée par amplification des gènes codant pour
l’ARN 16S [244]
La présence de Hp chez certains chats reste cependant controversée [244].
⇒ Réservoir environnemental
Malgré l’émission de Hp dans les selles, son existence dans l'environnement
reste très difficile à confirmer.
En effet, la multiplication de Hp est exclue dans un milieu aérobie et en plus elle
ne sporule pas.
L’amplification génique a permis d’évoquer la présence de la bactérie dans l'eau
sans possibilité de renseignement sur leur viabilité.
Donc jusqu'à présent aucun autre réservoir que l'estomac des primates n' a été
clairement identifié.
IV-2 Modes de transmission
Le mode de transmission de l'infection à Hp n'est pas définitivement connu.
Actuellement, on ne dispose que des arguments indirects pour établir les
mécanismes de cette transmission.
⇒ Tansmission féco-orale
Hp est trouvé dans le liquide gastrique et éliminé dans les selles du fait du
renouvellement de la muqueuse gastrique.
Cette présence de Hp dans les selles est recherchée soit par PCR [244] soit par
technique immunoenzymatique [236].
Toutefois, pour avoir une conséquence sur la transmission, faut-il encore que ces
bactéries soient viables.
Et la survie de la bactérie est possible comme cela a été montré chez des
nourrissons atteints de diarrhée [232] et chez des adultes chez qui la diarrhée
avait été induite [191].
Des études ont montré que l'eau d'adduction ou les légumes mangés crus
peuvent être des véhicules de l'infection [83].
Ainsi la transmission féco-orale est possible et serait le mode essentiel de
contamination dans les pays sous développés avec les conditions d'hygiène
défavorables.
⇒Transmission oro-orale
Présent dans le liquide gastrique, Hp peut en cas de régurgitation venir coloniser
la cavité buccale.
La culture positive de Hp à partir de la salive [244] par certaines équipes amène
à penser que la salive pourrait être un vecteur de la transmission et la cavité
buccale un réservoir transitoire.
De ce fait, la transmission oro-orale serait alors un évènement rare et
prédominante dans les pays développés.
⇒Transmission gastro-orale
Lors de vomissements de sujets infectés, Hp peut rester viable durant plusieurs
heures, ce qui en fait une source possible d'infection [10].
L'hypothèse a été renforcée en induisant des vomissements chez des volontaires
adultes [191], ce qui est compatible avec une transmission dans l'enfance. En
effet, les vomissements sont fréquents à cette période ; les enfants vivent
souvent en communauté et portent les objets à la bouche.
L'acquisition de l'infection par les endoscopies entre dans ce même cadre.
La transmission inter-humaine semble donc la plus prédominante [244].
IV-3 La Prévalence
IV-3-1 Distribution de Hp dans la population générale
L’infection à Hp est disséminée de façon hétérogène dans le monde entier.
L'infection est plus faible dans les pays occidentaux (30% de séropositivité) que
dans les pays en voie de développement où elle atteint 80% à 90% de la
population générale [96, 162, 212].
Au Sénégal, des études hospitalières effectuées ont rapporté un taux de
prévalence de 82% [142,146].
⇒ Selon le sexe
Il n'existe pas de différence selon le sexe. Le sex-ratio tourne autour de 1 selon
les auteurs [244].
⇒ Selon l'âge
La prévalence de l'infection à Hp augmente cependant avec l’âge [246].Cette
augmentation diffère selon que l’on se trouve dans un pays développé ou dans
un pays sous développé [ figure 4].
Figure 4 : Courbe de prévalence de l'infection à Helicobacter pylori en
fonction de l'âge et du pays d'origine
L'infection à Hp augmente avec l'âge selon un rythme régulier dans les pays
développés alors que dans les pays en développement, elle s'installe rapidement
chez l'enfant et concerne presque toute la population à l'âge adulte.
Dans les pays développés, la prévalence est rare dans l'enfance (3% à 5% chez
les enfants de moins de 10 ans) alors qu’à l'âge adulte elle est de l'ordre de 50%,
voire plus au-delà de 60 ans [217, 247].
Dans les pays sous développés, la prévalence reste élevée quelque soit l’âge
[247].
En Afrique, elle est de 58% avant un an et varie de 50 à 69% avant 10 ans, et à
l’âge adulte les séroprévalences atteignent 90% à 100 % [96, 212].
L'acquisition de l'infection à Hp se fait essentiellement dans l'enfance, à l’âge
adulte elle semble assez rare, aussi bien dans les pays développés que dans les
pays sous développés [45].
⇒Selon l’origine géographique et les conditions socio-économiques
Selon les pays observés, les travaux ont rapporté des taux de prévalence compris
entre 20 à 90 % des sujets infectés [148,245].
Globalement, la prévalence est plus élevée en Afrique, en Asie et en Amérique
du Sud ( 80 à 90% ) ; qu’en Europe et Amérique du Nord (20 à 70%) [142,247].
Des différences raciales sont observées dans certains pays.
En Angleterre, le taux d’infection était plus élevé chez les patients originaires
d’Asie que les anglais d’origine [180].
Selon la race, une différence de prévalence a été observée dans un même pays.
Ainsi ; en Afrique du Sud, une différence significative dans la prévalence de
l’infection à Hp est plus élevée chez les noirs (93%) et les indiens (83%) que
chez les blancs (42 %) [96,212].
Cependant, des taux faibles ont été notés dans des groupes particuliers et isolés
comme les aborigènes d’Australie avec une prévalence de 0,7% [61].
Des prévalences intermédiaires sont observées dans des pays émergeants comme
l’Israël [247] et la Corée [140], où les conditions des populations s'améliorent.
De nombreuses études ont montré que l'infection à Hp diminue avec l'élévation
du statut économique que les porteurs soient symptomatiques ou non [59,246].
Et les différences de prévalence observées suivant l'origine géographique
s'expliquent par le niveau de développement socio-économique de ces régions.
Les courbes de prévalence de l'infection à Hp en fonction de l'âge et du pays
d'origine montrent des aspects très différents suivant le niveau de
développement.
Cette contradiction apparente au niveau des prévalences est expliquée par l'effet
de génération ou effet «cohorte».
Les taux d'infection observés dans chaque génération découlent des conditions
socio-économiques quand chaque cohorte était dans l'enfance [217,247].
Ceci explique la différence significative de la prévalence qui tend à diminuer
progressivement avec l'amélioration des conditions socio-économiques chez les
jeunes générations [140,246].
Ainsi donc, les conditions socio-économiques dans l'enfance sont les plus
déterminantes dans la prévalence de l'infection à Hp.
⇒Autres facteurs
Il n'a pas été décrit de prédisposition génétique à l'infection de Hp ni de
différence dans la prévalence de l'infection dans la répartition des groupes
sanguins (Lewis-Rhesus MN) [235].
La fréquence de Hp n'est pas favorisée par l'éthylisme. Cependant le tabagisme
semble jouer un rôle favorisant dans la colonisation de la muqueuse par Hp [
244].
IV-3-2 Distribution dans les institutions
⇒ Famille
La fréquence d'IgG est plus élevée dans les familles de sujets infectés que celles
de sujets non infectés et dans l'entourage immédiat des sujets infectés [217].
La séroprévalence chez les enfants et adolescents était plus élevée lorsque les
parents étaient infectés ; et le risque d’infection augmente avec la promiscuité
(nombre de personnes par pièce), le nombre d’enfants dans la famille et en cas
de lit partagé dans l’enfance [149].
Cette élévation significative du titre d'anticorps par rapport au reste de la
population renforce la thèse de la transmission inter-humaine.
⇒ Institutions
Des prévalences plus élevées (entre 65 et 87%) sont observées dans les maisons
de retraités ou handicapés mentaux [217,244].
IV-3-3 Personnel soignant
La contamination du personnel soignant se fait, surtout à partir du matériel
d’endoscopie digestive .
Les taux d’infection chez les gastro-entérologues seraient supérieurs à des
témoins de même âge [244].
IV-4 Incidence
Chez l'adulte, la plupart des études ont montré que l'incidence est inférieure à
0,5% par an [237]. L'incidence ainsi observée correspond aux taux observés
chez l'adulte dans les pays développés et qui sont compris entre 0,15 et 0,50%
[244].
Chez l'enfant, plusieurs travaux ont confirmé les taux d'incidence élevés compris
entre 2,7% et 3,8 % [12].
Ainsi donc l'incidence maximum pendant l'enfance devient très faible chez
l'adulte.
Dans les pays sous développés, l'incidence de Hp n'est pas bien connue car les
données sont difficiles à obtenir.
Ce qui justifie la pratique d’éradication de la bactérie, car ces traitements
seraient de peu d’intérêt si l’incidence à l’âge adulte était forte, donc avec un
risque important de se recontaminer dans les années suivant l’éradication.
V- Méthodes diagnostiques
V-1 Les Méthodes diagnostiques invasives
Elles sont réalisées à partir de biopsies gastriques effectuées lors de la
gastroscopie.
Dans l’estomac , la répartition de la bactérie peut être hétérogène. C’est
pourquoi il est recommandé de multiplier les biopsies. En pratique deux biopsies
dans l’antre complétées par deux autres biopsies en muqueuse fundique sont
réalisées surtout chez les malades soumis récemment à un traitement
antibiotique et/ou anti-sécrétoire ou chez les sujets âgés [42,134].
V-1-1 Test à l’uréase
Test le plus aisé à réaliser puisqu’il suffit de déposer un ou deux biopsies dans
un milieu (solide, semi-solide, ou sur une membrane) contenant de l'urée.
Pour réaliser ce test, le versant antral de l'angulus semble être le meilleur site de
biopsie [255].
V-1-1-1 Principe
Ce test utilise la propriété exceptionnelle de Hp à posséder une très forte uréase.
L'uréase libérée par Hp hydrolyse l’urée du milieu en ammoniaque et gaz
carbonique.
Uréase
H2N-CO - NH2
2NH3 + CO2
L’ammoniaque libérée entraîne une augmentation du pH qui va provoquer le
changement de couleur d’un indicateur de pH (Rouge de phénol).
Il peut être fait dans l’unité d’endoscopie dès que le prélèvement a été réalisé
avec un résultat observable selon les tests utilisés en 1 mn à quelques heures, au
maximum en 24 heures [134].
V-1-1-2 Différents tests
Il peut s'agir de tests commerciaux ou artisanaux.
♦ Tests liquides
Parmi ces tests, il existe des tests dits «ultra rapides», constitués par une solution
concentrée d' urée ( 10% ) non tamponnée à laquelle est ajouté du rouge de
phénol (1%) qui permettent d' obtenir le résultat en 15 mn [53].
Un exemple de test commercial est le Cutest®.
♦ Tests sur gélose.
La gélose contient, en plus de l'urée, un agent bactériostatique et un indicateur
de pH.
L' indicateur de pH est le rouge de phénol qui vire du jaune au rouge quand Hp
est présent dans la biopsie [144].
Ces tests sont conservés à 4°C et laissés quelques minutes à la température
ambiante avant utilisation.
La sensibilité peut augmenter si plusieurs biopsies sont utilisées simultanément
[117,253].
Il existe sur le marché plusieurs kits : CLO-test® , HUTtest®, Hpfast®
Certains kits, comme le CLO-test duo® sont prévus pour tester plusieurs biopsies
de l'antre et /ou du fundus.
Il est conseillé d'incuber à 37°C les tests à l'uréase sur gélose jusqu'au moment
de la lecture du résultat.
♦ Tests sur membrane
Avec ces tests, les biopsies sont placées sur une membrane et le changement de
couleur de l'indicateur de pH a lieu dans un autre compartiment du test.
Ces le cas du Pyloritek®, pour lequel l'incubation à température ambiante est
suffisante [210 ]. Ce test sur membrane permet également de tester plusieurs
biopsies d'un même malade simultanément.
V-1-1-3 Valeur diagnostique et applications
La sensibilité et la spécificité dépendent du test utilisé, mais aussi pour un test
donné du moment de la lecture.
Pour le CLO-test® sa sensibilité varie selon l'heure de lecture. Ainsi la sensibilité
est de 75% quand la lecture s'est faite à 2O mn, 85 à 90% à 3 heures [144,231].
A 24 heures, la sensibilité est de 90% alors que la spécificité est de 100%
[46,231].
Pour le Pyloritek® , sa positivité est plus rapide. Une lecture à 2 heures, voire 1
heure, donne des résultats aussi précis que le test sur gélose lu à 24 heures [92]
sans perte de spécificité ; alors que la lecture à 15 minutes à une sensibilité de
83% [210].
La sensibilité de ce test peut être réduite si la densité bactérienne est faible suite
à un traitement par des médicaments actifs sur Hp [134], ce qui explique qu'il ne
peut être utilisé pour évaluer l'éradication ou après la prise récente d'un
traitement antibiotique ou par les sels de bismuth [87] ou les anti-H2 [37].
En effet, un nombre de bactéries de l'ordre de 105 est nécessaire pour obtenir un
résultat positif [156].
V-1-2 Examen anatomo-pathologique
Le prélèvement doit concerner les épithéliums superficiel et cryptique sur
lesquels siégent les bactéries.
Les différentes colorations utilisées sont celles à l’hématoxyline éosine, de
Giemsa (modifié), au Crésyl violet, à l’Acridine Orange, de Gimenez, de Brown
Hopps et la coloration de Wharthin-Starry.
Cette coloration de Wharthin-Starry peut donner d’excellents résultats, les
bactéries apparaissent noirs sur fond jaunâtre mais elle est longue et délicate
[250] et peut induire de faux positifs, s’il existe des résidus argentiques [134].
La coloration de Giemsa est destinée à la recherche de la bactérie et celle
d'hématoxyline éosine permet en plus l’étude de la muqueuse [14].
En pratique, l’association Giemsa et Hématoxyline éosine permet d’obtenir
d’excellents résultats, qui sont cependant dépendants de l’opérateur.
Les résultats relèvent également de la qualité de la biopsie, de sa taille, de son
orientation et de la morphologie de Hp.
Le diagnostic des formes coccoïdes est difficile ; d'où l'intérêt de s’aider de
l’immunohistologie avec des anticorps anti-Hp polyclonaux ou monoclonaux
[157].
L’examen anatomo-pathologique permet d’étudier la gastrite constamment
associée à Hp et la recherche de complications telles que l’atrophie, la
métaplasie intestinale avec dysplasie, le lymphome ou le cancer.
V-1-3 Empreinte biopsique sur lame
L’examen direct d’un frottis biopsique après coloration représente un moyen de
diagnostic rapide et spécifique, dont la sensibilité est cependant en fonction de la
coloration utilisée et peut être prise en défaut par la répartition hétérogène de Hp
à la surface de la muqueuse gastrique.
La détection rapide de la bactérie est réalisée à partir d’empreintes biospsiques
ou d’étalements sur lame de broyats biospsiques. La biopsie appliquée sur une
lame est ensuite séchée puis colorée.
Diverses colorations peuvent être utilisées : Gram, Diff-3, Giemsa modifié,
Papanicolaou, Steiner-Wrigt, Acridine Orange [134].
Les colorations de Gram et Giemsa sont habituellement pratiquées du fait de
leur simplicité, rapidité et sensibilité [216]. Ces colorations permettent de
visualiser des bactéries spiralées ou incurvées et ont tendance à se trouver
nombreuses dans certaines zones du frottis. La lecture peut se faire en 2 mn.
La sensibilité des différentes colorations est proche de 90% [177].
V-1-4 La culture
La culture est la méthode diagnostique de référence. Elle est lourde et coûteuse .
[156, 157].
L’intérêt principal de la culture est la détermination de la sensibilité in vitro de
la bactérie aux antibiotiques et la recherche de marqueurs de virulence.
Hp est une bactérie microaérophile, sensible à la dessiccation et exigeante sur le
plan métabolique.
La sensibilité de cette technique est extrêmement dépendante des conditions de
transport et de culture [134].
Milieux de transport
Différents milieux de transport ont été proposés pour l’acheminement des
biopsies destinées à la culture avec en particulier le milieu Stuart, l’eau
physiologique et le milieu Portagerm Pylori (Bio Mérieux) [134].
Le milieu des tests à l'uréase pourrait permettre un transport adéquat des
biopsies. [206].
La biopsie doit être maintenue à -70°C si le délai est supérieur à 24 heures.
En effet, la survie de Hp est inversement proportionnelle à la température de
conservation mais varie également en fonction du milieu utilisé [134].
Le broyage de la biopsie permettant de libérer les bactéries est une étape
importante de la culture.
Milieux de culture
Les cultures sont effectuées dans deux milieux sélectif et non sélectif [77].
Les milieux sélectifs contiennent différents antibiotiques destinés à inhiber la
pousse d’éventuelles bactéries contaminantes d’origine oropharyngée ou
gastrique.
Divers milieux sélectifs sont utilisés :
- Milieux Glupczynski [177,228], de Dent [54], de Skirrow [215].
- Milieu Wilkins Chalgren (enrichi de 10% de sang contenant
comme agents sélectifs : Vancomycine - Cefsulodine Cyclohéxémide) [156].
- La gélose au jaune d’œuf émulsionné (contenant CefsulodineTriméthoprime-Vancomycine Amphotéricine B) [196]. (Tableau II)
Tableau II : Composition des milieux de culture pour Helicobacter pylori
[134].
Gélose
Good Queiroz Glupczyn Thayer- Westblom
-win
et al. s- ki et Martin
et al.
et
al.
al.
(202)
(251)
(85)
(177)
BCC BCC
BCC
Columbi Columbia
a
Oliveiri
et al .
Cellini
et al.
Mégrau Skirro
d
w
Dent
et al.
(33)
(54)
(215)
Columbi Columbi Wilkin Gélose Gélose
a
a
gsChal au sang au sang
gren
Supplément de croissance
- sang
-autres
7% de 10% de
cheval mouton
10% de
cheval
(lysé)
1% IV 40 mg
TTC
(sérum)
1% extrait
de levure
5%
(chauffé
à 80°C)
10%
humain
5%
cheval
7% cheval
(lysé)
(lysé)
1%IV
1%IV
1g
cyclodextrine
2% IV
0,2%
charbon
10% jaune
d’œuf
10 mg
hémine
40 mg
TTC
40 mg
TTC
20g urée
1,2 mg
rouge de
phénol
Antibiotiques (mg/L)
6
vancomycin
e
-polymyxine
triméthoprim
e
-acide
20
nalidixique
-cefsulodine
2
amphotéricin
e
-colistine
-nystatine
-teicoplanine
6
10
5
4
5
6
10
10
5
10
2500u
5
5
5
10
5
5
5
6
5
5
5
5
5
20
2
5
10
7,5
1250u
5
5
-actidione
100
BCC : Bouillon Cœur Cervelle IV : isovitalex ;TTC : chlorure de 1,3,5, triphényltétrazolium.
Des milieux sélectifs précoulés sont commercialisés (gélose Pylori, Biomérieux)
et sont prêts à l'emploi.
Quant aux milieux non sélectifs, on peut utiliser la gélose au sang cuit (gélose
chocolat) sans adjonction d'antibiotiques.
Incubation
Les milieux sont incubés à 37°C en atmosphère microaérophile (obtenue avec
jarre spéciale ou sachet générateur de microaérophilie).
Identification
Les colonies suspectes sont transparentes ou grisâtres de 1 mm de diamètre,
apparaissent 3 à 12 jours en fonction de la caractéristique de la souche.
L’identification est effectuée sur les caractères culturaux, morphologiques et
biochimiques.
Les colonies suspectes ont le plus souvent des formes différentes de celles
observées sur les frottis initiaux.
L’étude des caractères biochimiques repose essentiellement sur la recherche de
la cytochrome oxydase, de la catalase mais surtout de l’uréase qui sont
rapidement positives.
Valeur diagnostique
La sensibilité du test dépend des performances du laboratoire et des conditions
de transport.
La culture possède une excellente sensibilité de l’ordre de 90% et la spécificité
est de 100% [142].
V-1-5 Amplification génique
Des séquences d’ADN spécifiques à Hp peuvent être amplifiées en utilisant des
paires d’oligonucléotides spécifiques (amorces). Les amorces les plus utilisées
sont issues du gène de l’uréase ou de l’ARN ribosomal 16S [157].
L’analyse des produits d’amplification permet ensuite la détection de Hp.
Les bactéries n’ont pas besoin d’être viables, il n’y a pas de conditions
particulières de transport.
Le seuil de détection est de l’ordre de 50 à 100 bactéries pour une biopsie.
La biopsie doit être broyée et/ou lysée à l’aide d’un tampon spécifique afin de
rendre l’ADN des bactéries accessible.
Un mélange réactionnel est préparé contenant notamment une polymérase
thermostable de l’ADN (Taq polymérase), les nucléotides, les amorces et
l’échantillon supposé contenir de l’ADN de Hp.
Une série de 30 à 40 cycles d’amplification est ensuite pratiquée chacun
comprenant la dénaturation des brins d’ADN, la fixation des amorces sur les
séquences complémentaires et à la synthèse d’un brin complémentaire. Les
produits d’amplification sont ensuite analysés.
Après électrophorèse, une bande d’ADN spécifique des amorces utilisées peut
être identifiée par son poids moléculaire.
Il est possible de vérifier l’identité du produit amplifié par transfert sur
nitrocellulose et hybridation à l’aide d’une souche interne au produit amplifié.
Ce test permet le typage moléculaire des souches soit par séparation des
fragments de restriction obtenus, soit par séquençage [156].
La sensibilité est de plus de 90% alors que la spécificité est de 100 % [41].
Afin d'augmenter la sensibilité et la rapidité de la méthode, une réaction
d'hybridation colorimétrique a été développée pour la détection des produits
d'amplification [176].
Une méthode de quantification de l'ADN cible présent dans l'échantillon par
PCR a été développée en utilisant un contrôle interne, fondée sur une
monitorisation continue de la fluorescence émise par un fluorochrome durant
chaque cycle d'amplification [175]. C'est une technique très prometteur et la
quantification des séquences spécifiques peut être obtenue 5 à 20 minutes après
le début de la réaction d'amplification.
Le PCR permet la détection des marqueurs de pathogénicité de l'infection par
Hp, à savoir le gène cag A [102] ainsi que d'autres marqueurs de virulence
(mosaïcisme
vac A) [238] directement à partir de la biopsie gastrique ;
permettant une évaluation rapide du risque de développement d'un ulcère chez
un malade [116].
Actuellement, la PCR peut être appliquée à la détection de la résistance aux
macrolides [186].
En effet, cette résistance aux macrolides est due à une diminution de la liaison
de ces antibiotiques aux ribosomes, elle est associée à des mutations ponctuelles
du gène de l'ARN ribosomal 23S [243].
Il est possible de déterminer la mutation responsable de la résistance de Hp aux
macrolides, en associant PCR et séquençage bien que ce dernier soit la
technique de référence et d'application difficile en routine.
Récemment de nouvelles méthodes ont été développées pour la détection rapide
et facile de la résistance de Hp aux macrolides soit à partir des souches [197] ;
soit à partir des biopsies gastriques [141]. Il s'agit :
une méthode par restriction des produits d'amplification (PCR-RFLP :
Restriction Fragment Lenght Polymorphism) [226] fondée sur
l'amplification d'un fragment d'ADN connu suivie d'une digestion par
une enzyme de restriction [4] ;
une technique fondée sur une hybridation en phase liquide avec des
souches spécifiques de chaque mutation ponctuelle [176].
enfin une autre méthode de typage fondée sur l'étude du
polymorphisme d'amplification de motifs répartis sur le génome en
utilisant des séquences nucléotidiques arbitraires comme amorce à été
développée : le RAPD (Random Amplified Polymorphic DNA) [3].
Ainsi, la PCR est une technique qui permet le diagnostic de l’infection et la
détection de la résistance aux macrolides avec des conditions de prélèvement ou
de transport moins contraignantes que pour la culture.
V-2 Méthodes diagnostiques non invasives
Ces tests ne nécessitent pas la pratique d’une gastroscopie.
V-2-1 Le test respiratoire à l’urée marquée
Il s’agit d’un test globale évaluant la présence de la bactérie quelle que soit sa
situation dans la cavité gastrique.
Ce test repose sur l’activité uréasique de la bactérie. Il détecte la production de
CO2 marqué au carbone 13 ou carbone 14 à partir d’urée marquée au 13C ou 14C
ingérée par le sujet.
L’isotope carbone 13 n’est pas radioactif et peut être délivré sans précautions
particulières contrairement à l'isotope radioactif carbone 14 (émission de
rayonnements Bêta), à très longue demi-vie et rarement utilisé. Il nécessite un
agrément spécial du fait de sa contre indication chez les enfants et les femmes
enceintes ou susceptibles de l’être [133].
Ce test nécessite que les malades soient à jeûn pour ingérer 5 mn avant l’urée
marquée, soit un repas riche en graisse soit plus simplement une solution d’acide
citrique afin de retarder le vidange gastrique et de prolonger le temps de contact
entre l’urée marquée et la muqueuse gastrique partiellement infectée [58, 133,
134].
Le CO2 marqué est détecté dans l’air expiré juste avant 30 mn après l’ingestion
de l’urée (Figure 5).
Figure 5. Principe du test respiratoire à l'urée marquée au 13C.
La concentration de CO2 marqué dans l’air expiré est mesurée par
chromatographie en phase gazeuse et par spectromètre de masse. C’est un
appareillage coûteux et sophistiqué.
La spectrométrie à infra rouge plus simple d’emploi et moins coûteux ou
spectromètre laser sont proposés mais leurs performances semblent encore
inférieures à celles des spectromètres de masse [41].
La sensibilité et la spécificité du test respiratoire dépassent 90% s’il est pratiqué
au moins 15 jours après l’arrêt du traitement antibiotique ou anti-sécrétoire.
Les bonnes sensibilité et spécificité du test respiratoire permettent son utilisation
aussi bien pour le diagnostic de l'infection par Hp [231] que pour l'évaluation de
l'efficacité des traitements d'éradication 4 à 6 semaines après leur fin [220].
V-2-2 Détection des antigènes dans les selles
Un test ELISA appelé Premier Platinum HpSA (Meridian Diagnostics) a été
développé . Il utilise des anticorps polyclonaux anti-Hp adsorbés sur les cupules
d'une microplaque afin de capturer les antigènes de Hp présents dans un
échantillon de selles diluées.
Un anticorps polyclonal marqué à la péroxydase et un substrat sont ensuite
utilisés et la lecture du résultat est effectuée à 450 nm.
Avant traitement, une sensibilité de 94,1% et une spécificité de 91,8% ont été
trouvées alors que lors du suivi post-thérapeutique ; la sensibilité était de 90% et
la spécificité de 95,3% [236].
Ce test direct non invasif est facile à réaliser dans un laboratoire de routine et
dans un délai court (2 heures).
Le HpSA peut être utilisé pour des études épidémiologiques, notamment chez
les enfants.
V-2-3 PCR dans les selles
Il y a un obstacle pour la détection de l'ADN de Hp dans les selles du fait de la
présence d'inhibiteurs que sont les polysaccharides d'origine alimentaire [35].
Actuellement, il n'existe pas de méthode simple et fiable pour éliminer ces
inhibiteurs.
Cependant, des résultats fiables sont obtenus en utilisant une méthode
d'extraction d'ADN longue et complexe non réalisable en routine [138].
V-2-4 Les tests sérologiques rapides («Docteur test»)
Des tests utilisant le sérum ou le sang total ont été développés de façon à
permettre leur utilisation au cabinet médical.
La première génération de ces tests consistait en des tests d'agglutination de
particules de latex sensibilisées permettant la visualisation d'agrégats en 2 à 3
minutes.
Les nouveaux tests sont quant à eux enzymatiques.
Le sang ou le sérum est appliqué sur des bandes de chromatographie sur
lesquelles des antigènes spécifiques sont adsorbés au préalable.
Une réaction colorée se développe après quelques minutes en cas de résultat
positif [176].
Ces tests devraient être évalués au cabinet du médecin dans les conditions pour
lesquelles ils sont conçus.
V-2-5 Détection des anticorps spécifiques
Bien que Hp ne soit pas une bactérie invasive, elle stimule le système
immunitaire de son hôte par relargage de lipopolysaccharides et de protéines
immunogènes [157].
V-2-5-1 Détection des anticorps dans le sang
Le test immunoenzymatique ELISA est la méthode la plus couramment utilisée
pour détecter les anticorps anti-Hp dans le sérum.
Les antigènes purifiés (uréase, protéines de haut poids moléculaire, protéines de
membrane externe) sont plus utilisés que les antigènes globaux initialement
utilisés (sonicat, extrait glycine-acide) [205].
Le test ELISA permet de détecter les anticorps anti-Hp des différentes classes
d'immunoglobulines (Ig) et d'obtenir des résultats quantitatifs.
Les kits disponibles détectent les IgG et les IgA.
Actuellement, les meilleurs tests disponibles pour détecter les anticorps de la
classe IgG possèdent une sensibilité et une spécificité supérieures à 90%, voire
95% [68].
Du fait de la découverte de l'importance de l'îlot de pathogénicité Cag stimulant
l'intérêt de la détection spécifique de la protéine Cag A, un fragment
recombinant de cag A est utilisé dans le test ELISA.
V-2-5-2 Détection d'anticorps dans la salive
C'est une méthode utilisable au cabinet du médecin.
La détection des anticorps IgG anti-Hp dans la salive a l'intérêt d'être moins
invasive qu'un prélèvement sanguin. Elle nécessite un matériel de prélèvement
spécial.
Il existe une bonne corrélation entre les IgG spécifiques sériques et salivaires
[195].
Une sensibilité de 89% et une spécificité de 98% ont été trouvées en comparant
le même test ELISA réalisé sur le sérum et sur mélange salive transsudat
gingival avec le dispositif Orasure H [161].
De même, une sensibilité de 93% et une spécificité de 82% ont été trouvées en
comparaison avec l'examen histologique et le test à l'uréase sur les biopsies
gastriques pour la détection de l'infection par Hp chez l'enfant [135].
V-2-5-3 Détection d'anticorps dans les urines
La corrélation est excellente entre les IgG spécifiques urinaires et les anticorps
sériques [1].
Une technique ELISA dans les urines (URINELISA) a été développée avec une
sensibilité, une spécificité et une précision respectives de 86,3% ; 91,5% ;
88,60% [171].
V-2-5-4 Immunoblot
C'est une excellente méthode pour l'étude de la réponse immunitaire contre les
différents antigènes de Hp [248].
En général, les antigènes dénaturés de la bactérie sont séparés par életrophorèse,
transférés sur une membrane de nitrocellulose et ensuite placés en contact avec
le sérum à tester.
Elle met en évidence des anticorps dirigés contre des protéines antigéniques
particulières (Cag A, Vac A, uréase A et B et hsp B) [248].
Pour confirmer les résultats sérologiques douteux, cette technique peut être la
méthode de choix.
Nilson et al [182] ont montré que cette méthode était plus sensible et plus
spécifique que les tests ELISA ; alors que pour Anderson et al, l'immunoblot
était aussi performant que le test respiratoire [5].
V-3 Utilité des tests
V-3-1 Diagnostic
V-3-1-1 Les méthodes indirectes
Elles peuvent être utilisées pour le diagnostic de l'infection mais elles ne
permettent pas d' explorer le tube digestif et de ne pas connaître la pathologie
associée à la présence de Hp.
Ainsi, il peut être utilisé soit un «docteur test», soit un test sérologique de
laboratoire.
Ces tests peuvent être complétés par un test de détection d'anticorps particuliers
comme l'anti-Cag A, marqueur de pathogénicité ou recourir à l'immunoblot.
Le test de détection des antigènes de Hp dans les selles sera sans doute très utile
dans l'avenir surtout chez l'enfant.
V-3-1-2 Les méthodes directes
Elles sont basées sur l’étude des biopsies gastriques et sont les plus utilisées.
Elles n’explorent que quelques millimètres carrés de surface épithéliale alors
que la répartition de l’infection dans l’estomac est hétérogène dans environ 10%
des cas [156].
Le test à l'uréase permet un diagnostic rapide après endoscopie mais sa
sensibilité est moindre par rapport aux autres tests.
La culture est la méthode de référence mais elle est actuellement difficilement
utilisée en pratique courante du fait de son coût et de sa durée mais demeure
indispensable pour tester la sensibilité de la bactérie vis-à-vis des antibiotiques
[41].
L’examen anatomo-pathologique est le test le plus indiqué du fait de sa
simplicité et de sa sensibilité.
V-3-2 Contrôle de l’éradication
Seuls les tests permettant de contrôler une infection active ont un intérêt.
En cas de pratique d'une gastroscopie, l'examen anatomo-pathologique est le test
le plus sensible (95%) [41], il doit être privilégié.
La culture peut être effectuée mais sa sensibilité est diminuée en cas de contrôle
précoce de l'éradication. Sa réalisation est délicate mais elle permet de détecter
la résistance de la bactérie aux antibiotiques en cas d'échec thérapeutique.
Ces tests doivent être réalisés 4 à 6 semaines après la fin d'un traitement
antisécrétoire ou antibiotique pour obtenir une sensibilité maximale.
Pour éviter les endoscopies itératives, le test respiratoire demeure à ce jour le
meilleur test pour confirmer l'éradication de Hp.
Dans l'avenir ; la recherche des antigénes dans les selles, les tests salivaire et
urinaire, ou la PCR pour la détection de la résistance ou des propriétés
pathogéniques doivent trouver leur place dans le contrôle de l'éradication.
V-3-3 Etudes épidémiologiques
La sérologie et le test respiratoire à l’urée marquée ont une place de choix dans
les études épidémiologiques.
Le test sérologique ELISA est l’outil idéal avec l’utilisation d'antigènes purifiés.
Elle est une méthode attractive pour le dépistage de l'infection par Hp, bien
acceptée par le malade.
Le résultat est disponible rapidement, elle est réalisable en routine pour la
plupart des laboratoires.
Le coût et les conditions de réalisation du test respiratoire à l’urée marquée le
rendent peu pratique.
Ces deux tests ne permettent cependant pas de déterminer la maladie sousjacente [41].
Le choix des méthodes diagnostiques dépend du type d'étude et des
moyens disponibles (matériel, personnel compétent).
Ainsi pour le diagnostic de l'infection, l'examen anatomo-pathologique semble
être la méthode de choix alors que pour une étude épidémiologique, les tests
sérologiques sont les plus préférés ; enfin pour le contrôle de l'éradication, le test
respiratoire est le mieux indiqué.
VI Pathologies gastro-duodénales
Rarement retrouvé dans l’estomac histologiquement normal [217] et du fait de
sa présence à la surface de la muqueuse gastrique des patients porteurs d’une
gastrite chronique, Hp est considérée actuellement comme l’un des principaux
agents responsables des maladies gastro-duodénales [30,90].
L’ingestion de Hp conduit au développement d’une gastrite aiguë persistante
très rarement symptomatique [69].
Chez la plupart des patients, une gastrite chronique va s’installer en quelques
semaines, bien que des guérisons spontanées soient probables.
Cette infection chronique peut évoluer vers la gastrite atrophique [110] ou la
gastrite folliculaire [50] .
Les souches Cag A positives de Hp favorisent le développement de la gastrite
atrophique comparer avec les souches Cag A négatives [136].
VI-1 Maladie Ulcéreuse Gastro-duodénale (MUGD)
VI-1-1 Définition
Cruveilhier a défini l'ulcère gastro-duodénal comme une perte de substance
circonscrite interrompant la muqueuse, la musculaire muqueuse et la musculaire
de
la paroi gastrique ou duodénale.
Il s'agit d'une maladie générale caractérisée par une perte de substance
muqueuse, atteignant essentiellement l'estomac (l’ulcère gastrique) ou le
duodénum (ulcère duodénal), évoluant par poussées douloureuses séparées par
des intervalles de guérison apparente pouvant durer des semaines ou des mois.
VI-1-2 Epidémiologie
La MUGD est une affection fréquente dans les pays occidentaux avec des
prévalences variant entre 5 et 12 % de la population générale avec 2 à 3 UD
pour 1 UG [20,21].
En Afrique par contre, il n'y a pas de statistique globale.
Les travaux sur l'évolution de l'incidence de la maladie ulcéreuse, ont donné des
résultats contradictoires témoignant d'une diminution ou d'une stabilité de
l'incidence [164].
L'incidence de l'UGD est différente selon le sexe : le sex-ratio est proche de 1
pour l'UG [20,38] alors qu'il varie de 2/1 à 3/1 pour l'UD [21,38].
Une distribution des UGD différente selon l'origine ethnique a été décrite [79]
mais reste à confirmer.
La MUGD est la plus fréquente des pathologies liées à l’infection à Hp.
V - I-1-3 Physiopathologie
⇒ Maladie ulcéreuse primitive
Apparemment, les lumières apportées par l'ère de Hp n'ont pas changé les acquis
classiques concernant la maladie ulcéreuse gastro-duodénale :
- elle découle d'une perte d'équilibre entre facteurs d'agression et
facteurs de défense au niveau des muqueuses gastrique et duodénale ;
- la maladie ulcéreuse demeure multifactorielle avec au moins trois
composantes physiopathologiques : l'agression, la défense et la
réparation;
- l'acide et des modifications histologiques préexistantes de la muqueuse
gastro-bulbaire sont généralement nécessaires pour aboutir à un ulcère.
Les avancées fournies par les études récentes, montrent que l'ulcère peut être
considéré d'une part comme non infectieuse et d’autre part non liée aux AINS
[199].
Il semble aussi que les facteurs nerveux et Hp seraient au même niveau de
causalité concernant la MUGD dans la mesure où une thérapie dirigée
spécifiquement contre l'un ou l'autre de ces facteurs guérit la maladie dans la
plupart des cas [199].
Néanmoins, les problèmes posés par la maladie ulcéreuse demeurent et restent
inexpliqués :
- les états d'hypersécrétion acide tels que le syndrome de ZollingerEllison ne s'accompagnent pas toujours d'ulcère ;
- un tiers (1/3) seulement des UD sont hypersécréteurs ;
- prés de 50% de la population des pays développés sont contaminée par
Hp, pourtant les prévalences respectives de l'UD et l'UG sont de moins
de 10% et 5%.
- l'infection par Hp est permanente, tandis que l'ulcère à une évolution
cyclique et peut cicatriser, voire guérir en dépit de la persistance de Hp
;
- les rechutes après l'éradication réussie de Hp existent ;
- il y a des UD-Hp négatifs en dehors de toute consommation d'AINS
[120] ;
- on constate les mêmes caractéristiques physiopathologiques,
hyperacidité, hyperpepsinogénémie, hypergastrinémie post prandiale
aussi bien chez l'UD Hp positif que l'UD Hp négatif ;
- un pourcentage faible de consommateurs d'AINS développe un ulcère
Le plus souvent, la survenue d'une ulcère implique la conjonction de ces facteurs
et surtout une susceptibilité de la muqueuse et/ou de l'hôte plutôt que de Hp.
Métaplasie gastrique bulbaire - UD
L'ulcère duodénal se développe sur des lésions de duodénite qui apparaissent
préférentiellement dans une zone du duodénum qui contient la métaplasie
gastrique (MG) [13].
La MG est une condition obligatoire à l'apparition d'un ulcère bulbaire d'où
l'adage «Pas de métaplasie, pas d'ulcère» [198].
Elle serait la première étape et serait induite par l'excès de la charge acide
intrabulbaire, présente chez tous les patients porteurs d'un UD actif (Hp+ ou Hp) accompagnée dans la majorité des cas d'une duodénite active.
Elle est la seule lésion histologique qui s'améliore avec la guérison de l' UD par
Cimétidine [100] ; également après éradication de Hp, thérapie qui permet
d'effacer aussi l'inflammation antrale.
Hp présente dans l'antre gastrique de 90% des UD coloniserait la MGB ; ce qui
induit une inflammation qui déborde l'épithélium de type gastrique ; ce qui se
traduit par une duodénite active, condition favorisante pour le développement de
l'UD.
Autres facteurs de risques.
Les antécédents familiaux d'ulcère sont plus fréquents chez les patients ulcéreux
que chez les autres.
En Norvège, il a été montré chez les sujets avec des antécédents familiaux
d'ulcère que le risque d'avoir un UG ou un UD était multiplié respectivement par
2 et par 1,25 chez la femme, et par 1,63 et 1,42 chez l'homme [188].
∗ L'augmentation du taux sérique de pepsinogéne I est la particularité la plus
souvent rencontrée dans les familles comptant de nombreux UD, caractère
apparemment transmis selon un mode autosomique dominant [199].
∗ D'autres caractères familiaux plus rares ont été rapportés comme
l'hypergastrinémie et l'évacuation accélérée de l'estomac.
☛ Il a été noté une absence de relation entre la prise chronique d'alcool et la
maladie ulcéreuse[150] ;
☛ Une forte association entre la prise d'AINS et la survenue d'un UG alors que
cette relation n'apparaît pas pour l'UD [150].
Le risque relatif d'UG est significativement augmenté chez les malades prenant
d'AINS par un facteur proche de 5, et la prévalence de l'UG est de 14 à 18% [73]
après 3 mois de traitement par AINS.
La prise d'AINS est associée à un risque accru d'hémorragie digestive mais ce
risque est peu élevé [27] alors que la relation entre la prise d'AINS et la
survenue d'une perforation est plus discutée.
Le pouvoir ulcérogéne des corticostéroïdes est plus discuté même si l'incidence
de l'ulcère ou de ses complications apparaît très faible, on ne peut exclure une
association entre corticothérapie et ulcère.
☛ La consommation du tabac semble augmenter le risque de survenue d'une
maladie ulcéreuse, diminuer la vitesse de cicatrisation de l'ulcère évolutif et
d'augmenter le risque de récidive ulcéreuse ainsi que la mortalité [17].
☛ L'alimentation riche en son de blé (fibres alimentaires) semble jouer un rôle
protecteur dans la survenue de la maladie ulcéreuse [63]. Leur mécanisme
d'action n'est pas connu.
☛ Le rôle du stress physique et psychique a été bien établi chez les UD [199] au
fil des années. Il joue un rôle dans l'évolutivité de la maladie et non dans la
survenue de l'ulcère [208].
Ulcère gastrique ( UG) - Lésion localisée
Il est avéré que l'UG se développe toujours dans une zone de gastrite et le plus
fréquemment dans la zone de transition entre la muqueuse antrale et la
muqueuse oxyntique.
Chez les UG, la gastrite à Hp pourrait progresser vers la zone fundique,
provoquant l'atrophie des glandes oxyntiques [227].
Cette extension expliquerait la raison pour laquelle l'UG se développe plutôt
dans des conditions d'hypoacidité.
⇒ Ulcère lié aux AINS.
La baisse des prostaglandines est considérée comme responsable de la genèse
des lésions, alors que l'excès relatif des leucotriénes pourrait intervenir dans
leur apparition ou leur persistance.
D'autres facteurs semblent nécessaires pour aboutir à un véritable ulcère, ce qui
explique que 10 à 20% seulement des consommateurs d'AINS font un ulcère
[199].
⇒ Formes rares d'ulcère non lié à Hp ni aux AINS
Syndrome de Zollinger - Ellison
Le syndrome de Zollinger - Ellison se caractérise par une hypersécrétion de
gastrine d'origine tumorale.
Mastocytose systématique
C'est une prolifération anormale de mastocytes qui infiltrent tous les tissus.
Des lésions érosives, et principalement des UD surviennent chez ces malades
dans une proportion de 30 à 50 % des cas.
Syndromes myéloprolifératifs avec hyperbasophilie
L'hyperhistaminémie induite par les basophiles en excès est responsable d'une
hypersécrétion gastrique acide.
Ulcères induits par la chimiothérapie
Les patients recevant une perfusion de 5FU dans l'artère hépatique peuvent
développer un UD, UG ou pylorique.
VI-1- 4 Histoire naturelle
La MUGD est une affection chronique évoluant par poussées au cours
desquelles peuvent survenir des complications potentiellement graves.
Le caractère périodique de la maladie ulcéreuse a été mis en évidence [209], et
sa rythmicité semble avoir des caractéristiques bien définies avec un pic de
fréquence pendant les mois froids et une moindre incidence pendant les mois
chauds.
La lésion ulcéreuse apparaît ou récidive avec une plus forte incidence pendant
l'automne et l'hiver avec un risque plus élevé de complication [209].
Ulcère duodénal
∗ Les poussées d'UD sont responsables de douleur. La majorité des maladies
(80%) ayant un UD asymptomatique non traité développent une
symptomatologie douloureuse dans l'année qui suit le diagnostic alors que les
restants (20%) cicatrisent spontanément [254].
∗ Une complication et notamment une hémorragie digestive, peut constituer une
manifestation inaugurale de la maladie ulcéreuse. L'incidence des hémorragies
digestives peut être évaluée à 2% par an [126].
Le risque de perforation paraît plus faible (0,5% par an) [254].
La prévalence des sténoses n'est pas connue avec précision mais semble faible,
et leur apparition ne survient qu'après plusieurs poussées symptomatiques, ou
plus rarement asymptomatiques, de la maladie. L'incidence annuelle globale des
complications est voisine de 2,5%. Elle passe à 5% en cas d'antécédent de
complication [194].
∗ L'UD est une affection de longue durée pouvant persister plusieurs décades,
voire toute la vie. Néanmoins ; l'évolutivité de la maladie ulcéreuse est
maximale entre 5 et 10 ans et diminue par la suite [89].
∗ L'espérance de vie de l'UD est identique à celle de la population générale
[125] même s'il est responsable du décès chez 4 à 12% des ulcéreux duodénaux
[76].
Ulcère gastrique
∗ Les poussées douloureuses sont plus rares. Le risque d'hémorragie digestive
est notable (25 à 35%) et semble augmenter en cas de prise d'AINS.
∗ Le risque de survenue d’une perforation est faible [24].
∗ Le risque de cancérisation serait voisine de 10%, la mortalité des malades
ayant un UG est plus élevée que celle de la population générale dans certains
pays [76].
VI-1- 5 Diagnostic
VI-1-5-1Clinique
Forme typique
Le syndrome ulcéreux typique est constitué par des épigastralgies sans
irradiation à type de crampes, rythmées par les repas, réveillant le malade la
nuit et n'irradiant pas. Les douleurs sont périodiques.
Les caractères les plus fréquents de la douleur sont la périodicité, l'horaire fixe
par rapport aux repas et le soulagement par l'alimentation et les antiacides [62].
Cette forme caractéristique correspondrait à une maladie ulcéreuse avec une très
haute spécificité (96%) et une sensibilité (23%).
L'examen clinique est le plus souvent normal. En effet la sensibilité épigastrique
à la palpation douce ou profonde n'est pas suffisamment sensible ni spécifique
pour un intérêt dans le diagnostic.
Formes atypiques
Il existe de nombreux formes atypiques :
- la douleur peut être localisée à la partie droite de l'épigastre, à l'hypochondre
droit où la région ombilicale ;
- il peut s'agir d'une simple gêne, ou brûlure survenant en dehors du repas ;
- une irradiation dorsale de la douleur est assez fréquente, en dehors de toute
perforation ;
- et l'aggravation des douleurs par l'alimentation fait évoquer la possibilité d'une
complication à type de sténose pylorique.
Au cours de l'ulcère évolutif, il est difficile de chiffrer la prévalence des
symptômes typiques et atypiques.
La fréquence des formes atypiques et des formes symptomatiques justifie les
indications larges de l'endoscopie oeso-gastro-duodénale.
Ce qui permet d'assurer une prévention efficace des complications parfois
inaugurales et souvent chirurgicales de la maladie ulcéreuse.
Des études sur les récidives ulcéreuses dans lesquelles les malades ont subi des
endoscopies systématiques, la prévalence des formes asymptomatiques d'ulcères
évolutifs avoisine environ 20% des cas.
Les récidives ulcéreuses survenant au cours du traitement d'entretien sont assez
souvent asymptomatiques [169].
Syndrome de Zollinger-Ellison
L'hypersécrétion gastrique acide souvent est considérable, responsable de
lésions muqueuses oeso-gastro-duodénales et d'une diarrhée de mécanisme
complexe.
Au cours du syndrome de Zollinger-Ellison, la maladie ulcéreuse à parfois des
caractéristiques évocatrices : survenue chez un sujet jeune, de sexe féminin,
évolution sévère chronique, siége inhabituel des ulcères, association fréquente à
des vomissements et à une œsophagite.
Mais parfois la maladie ulcéreuse est banale et la diarrhée modérée,
intermittente ou absente . ll doit être évoqué en présence de l'association
évocatrice maladie ulcéreuse et diarrhée.
Le diagnostic repose sur l'élévation de la gastrinémie sérique, sur les données de
la sécrétion gastrique acide qui objective une hypersécrétion importante et une
réponse paradoxale avec augmentation de la sécrétion gastrique acide après
stimulation par la sécrétine et sur la mise en évidence du processus tumoral.
Comme le syndrome de Zollinger-Ellison s'intègre environ une fois sur quatre
dans le cadre d'une néoplasie endocrinienne multiple de type I, la recherche
d'une hyperparathyroïdie primitive et d'anomalies hypophysaires doit être
systématique.
Complications
Elles peuvent survenir à tout moment.
a ) Hémorragies
- aiguës : elles s'extériorisent par une hématémèse est en général
facilement reconnue, témoigne toujours d'un saignement sérieux.
Pour le melæna par contre, on doit se rapporter aux dires du malade ou de son
entourage. Quant il est abondant, le malade ressent une envie impérieuse d'aller
à la selle et en même temps ou après la défection, souvent, tombe en syncope.
Toute hémorragie, hématémèse chez le malade est suivie de selles noires,
d'odeur fétide, en raison de la putréfaction du sang dans l'intestin.
Les hémorragies digestives peuvent, comme toutes les pertes importantes de
sang être l'occasion d'accidents vasculaires, cardiaques ou cérébraux.
- chroniques ; responsables d'une anémie hyprochrome hyposidérémique
avec un taux de réticulocytes bas ; la fibroscopie est systématique dans
ces cas.
b) Perforations
Elles sont soit en péritoine libre ( responsable d'une douleur aiguë avec une
contracture abdominale et d'une pneumopéritoine à l'ASP) soit de type perforé.
Elles sont inaugurales de la maladie ulcéreuse.
c) Sténoses
Elles sont le plus souvent pyloro-duodénales.
Elles sont soit fonctionnelles (dues au spasme et à l'œdème, régressent avec le
traitement) soit organiques (dues à une fibrose cicatricielle sont irréversibles).
Se traduisent par des douleurs épigastriques et des vomissements alimentaires
postprandiaux tardifs.
L'examen clinique montre un clapotage à jeûn.
Le TOGD met en évidence une sténose avec floculation de la baryte et un retard
à l'évacuation.
VI-1-5-2 Paraclinique
a ) Endoscopie oeso-gastro-duodénale [200,211].
Technique la plus sensible et la spécifique pour le diagnostic et la surveillance
de la maladie ulcéreuse, elle permet en outre de rechercher les lésions associées
et de réaliser des prélèvements biopsiques pour examen anatomo-pathologique
et à la recherche de Hp respectivement en cas d'UG et d'UD.
Elle précise les caractéristiques morphologiques de l'UD. La plupart des UD
siégent sur la face antérieure du bulbe duodénal (70%), plus rarement, sur la
face postérieure (30%).
Ils siégent au centre du bulbe duodénal dans environ 85% des cas et plus
rarement au sommet (15%).
L'UD est généralement unique (80%), et rarement deux UD sont simultanément
présents (15%), voire trois ou plus.
La morphologie permet de distinguer quatre formes d'ulcère : rond, irrégulier,
linéaire ou salami dont les fréquences respectives sont d'environ 70,19, 8 et 4%.
La plupart des UD ronds ont un diamètre compris entre 5 à 10 mm. L'ulcère
irrégulier ne semble pas présenter de caractéristique évolutive notable s'observe
dans 5 à 21% des cas.
L'ulcère salami est défini comme une plaque de muqueuse congestionnée,
recouverte d'un exsudat fibreux ; le plus souvent considéré comme une phase
évolutive des ulcères ronds ou irréguliers ; s'observe dans 2,5 à 18% des cas.
L'ulcère linéaire se présente comme une fissure localisée, et souvent associé à
des remaniements cicatriciels et à des duodénites ; leur fréquence semble voisine
de 5%.
L'endoscopie permet également de contrôler l'évolution de la lésion ulcéreuse.
Trois phases évolutives se succèdent la phase active, la phase de réparation
incomplète (cicatrice rouge) et la phase de réparation complète (cicatrice
blanche).
Le plus souvent la cicatrice est en étoile plus rarement elle est vallonnée ou
linéaire après ulcère irrégulier ou linéaire.
Ces modifications ne sont pas toujours aussi clairement distinctes.
Un duodénite chronique est souvent associée à l'ulcère et que son influence sur
la réponse au traitement est controversée.
Au cours de l'évolution, l'attitude suivante a été adoptée :
- recommander l'endoscopie de contrôle après traitement d'une poussée lorsque
le malade a présenté une complication ;
- l'endoscopie de contrôle est inutile chez le sujet asymptomatique après
traitement d'une poussée non
compliquée, sauf en cas de persistance des
symptômes.
Dans l'UG le rôle de l'endoscopie est :
- d'affirmer le diagnostic d'UG et de préciser son siége et ses caractéristiques
morphologiques ;
- d'éliminer le diagnostic de cancer gastrique ulcériforme ;
- de contrôler la disparition complète de l'UG après traitement médical.
b)TOGD
Actuellement, il n'a pas d'indication au cours de la maladie ulcéreuse non
compliquée.
En revanche, il conserve un intérêt dans le diagnostic de certains complications
de la maladie ulcéreuse, en particulier au cours des sténoses antro-pyloriques.
c) Etude de la sécrétion gastrique acide (SGA) [40].
Elle n'a pas d'intérêt dans le diagnostic de la maladie ulcéreuse non compliquée.
La seule indication indiscutable est la recherche d'un syndrome de ZollingerEllison soit d'emblée, soit au décours d'une récidive après traitement chirurgical
électif d'un UD.
Une étude sécrétoire gastrique systématique a été proposée avant traitement
chirurgical électif, son but est d'authentifier un statut hypersécréteur, condition
qui exposerait un fort taux de récidive après vagotomie fundique.
Toutefois l'intérêt d'une étude systématique de la sécrétion gastrique acide avant
traitement chirurgical de l'UD ne fait pas l'unanimité.
VI-1-6 Hp et Maladie ulcéreuse gastro-duodénale
VI-1- 6-1 Ulcère duodénal
Il existe une relation très forte entre l'infection gastrique pour Hp et la maladie
ulcéreuse duodénale.
La présence quasi systématique de Hp est associée à une gastrite antrale de type
B chez les patients présentant un ulcère duodénal (90% à 100% des cas)
[143,234].
Figure6.Répartition de la gastrite dans l’ulcère duodénal
L'infection antrale par Hp est capable d'induire une métaplasie gastrique de la
muqueuse duodénale par l'exposition à une charge acide excessive du
duodénum.
Hp coloniserait la métaplasie et engendrerait une duodénite active précédant la
formation de l'ulcère [249].
Ainsi l'effet de son éradication sur les récidives ulcéreuses et sa présence chez
les patients présentant un UD permettent d'impliquer de façon certaine Hp dans
la pathologie ulcéreuse duodénale.
Néanmoins ; la présence de la métaplasie gastrique dans l'ulcère l'UD n'est pas
synonyme d'infection à Hp, de même que sa colonisation par Hp n'est pas une
constante [204].
En cas d'absence de Hp dans des cas UD (10%) [143], il est recommandé de
rechercher une étiologie spécifique : prise d'AINS, maladie de Crohn, syndrome
de Zollinger-Ellison.
Et le taux de récidive ulcéreuse duodénale est élevé chez les patients Hp positifs
non éradiqués que chez les patients Hp négatifs [93].
Chez les patients infectés par Hp, la consommation du tabac peut être à l'origine
du risque de développer un UD [34].
VI-1- 6-2 Ulcère gastrique
L'association ulcère gastrique et Hp n'est pas très forte puisque la prévalence de
Hp dans la muqueuse gastrique est d'environ 60 à 80% des patients d'UG [59].
Néanmoins des arguments en faveur d'une intervention de Hp dans l'UG sont
retrouvés. Il s'agit d'essais thérapeutiques dont les résultats semblent accorder à
Hp un rôle dans l'UG [217].
L'UG est constamment associé à une gastrite chronique qui précéde l'apparition
de l'ulcère, le rôle de Hp y est déterminant.
Figure7.Répartition de la gastrite dans l’ulcère gastrique
Elle pourrait engendrer une atrophie fundique en cas de colonisation du fundus
par la bactérie.
La gastrite liée à Hp à 2 types d'évolution :
- soit elle reste antrale et peut alors être associée à l'UD ;
- soit elle progresse vers le fundus et évolue vers l'atrophie.
Habituellement, l'UG siége à la jonction entre la zone où la muqueuse est
atrophiée et celle où elle ne l'est pas.
Prés de 100% des patients porteurs d'UG en l'absence de prise d'AINS ont des
signes d'infection par Hp [69], et son éradication chez des patients infectés
diminue notablement les taux de récidives [88].
Selon Sung et al [224] la vitesse de cicatrisation de l'UG serait accélérée par
l'éradication de Hp.
VI -2 Autres pathologies
VI-2-1 Dyspepsie non ulcéreuse
Il n’y a pas une conclusion évidente de l’effet de l'éradication de Hp sur la
régression des symptômes de la DNU, du fait de résultats contradictoires [207].
De même, il n’y a pas un profil particulier d’un symptôme compatible avec
l’infection à Hp [240] bien que des études aient montré une prévalence élevée
chez certains groupes de DNU.
VI-2-2 Cancer gastrique
Une haute prévalence des souches Cag A positives est corrélée à la haute
mortalité du cancer gastrique, ceci suggére le rôle pathogène des souches Cag A
positives dans la carcinogenèse gastrique [256].
Deux types de cancer ont été étudiés.
VI-2-2-1 Adénocarcinome gastrique
L’association Hp et adénocarcinome semble désormais admise.
Il est démontré que le risque relatif de survenue d’un adénocarcinome est plus
élevé chez les sujets Hp positifs.
Les arguments en faveur de ce lien sont indirects et essentiellement d’ordre
épidémiologique [190].
La gastrite chronique à Hp est un facteur majeur pour le développement d’un
cancer gastrique [110].
Dans 60 à 100 % des cas [119], Hp est présente dans l’estomac des patients
atteints d’adénocarcinome gastrique.
Le risque de cancer est plus élevé chez les patients infectés par Hp que chez les
patients non infectés
Cependant, toutes les souches de Hp n’ont pas le même rôle dans la
carcinogenèse gastrique.
En effet, les souches cytotoxiques étaient plus fréquemment associées à la
survenue d’un cancer gastrique [11] même si d’autres études n’ont pas mis en
évidence cette relation [98].
VI-2-2-2 Lymphome gastrique
Localisation digestive la plus fréquente, le lymphome gastrique représente 20 %
des lymphomes extra ganglionnaires [ 72]. Il est cependant globalement rare,
représentant seulement 1% à 5% des tumeurs malignes de l’estomac ; et la
presque totalité des lymphomes gastriques primitifs sont des lymphomes B de
type « MALT».
Les antigènes de Hp sont capables de déclencher la prolifération des cellules B
tumorales, de lymphome gastrique du MALT de bas grade, en présence de
cellules lymphoïdes T spécifiques de Hp [72]. Quel que soit leur grade de
malignité [163], Hp est présente dans l’estomac de la presque totalité des
patients atteints de lymphomes de MALT.
D’autres facteurs sont certainement impliqués.
VI-2- 3 Reflux gastro-oesophagien (RGO)
Les études épidémiologiques n'ont pas montré de lien formel entre l'infection à
Hp et le RGO et ses complications [38,152].
Mais, une tendance se dégage en faveur d'une association négative, suggérant un
rôle éventuellement protecteur de Hp du fait que l’éradication pourrait favoriser
le développement d’un RGO [97].
Les conséquences de l'infection à Hp sur la sécrétion acide gastrique varient
selon le siège de la gastrite, la gastrite antrale non atrophique est responsable
d'une hypersécrétion acide, tandis que la gastrite atrophique diffuse ou antrofundique est à l'origine d'une hypochloridie et donc aurait un rôle protecteur
dans la survenue du RGO.
VI-2- 4 Les manifestations extra digestives
Des études récentes ont suggéré un lien éventuel entre l'infection à Hp et des
maladies extra digestives, notamment cardiovasculaires et immunologiques.
a ) Maladies vasculaires
Des études épidémiologiques ont montré qu'il existait une association entre
coronaropathies et infections à Hp [75,193].
En effet, il semble exister des biais méthodologiques liés à des facteurs,
notamment un bas niveau socio-économique qui est associé à la fois à
l’infection à Hp et aux coronaropathies [75].
L’association de ces deux maladies peut étayer l’hypothèse selon laquelle
l’athérosclérose serait liée à un agent infectieux.
b ) Maladies dysimmunitaires
De nombreuses observations ont suggéré le rôle de Hp dans certains maladies
auto-immunes (purpura rhumatoïde, syndrome de Sjögren) et affections
résolutives après son éradication [75].
Cependant ces associations nécessitent d'être confirmées.
c) Affections cutanées
Il en est de même entre l'infection à Hp et certaines dermatoses telles que
l'urticaire chronique idiopathique, l'acné rosacée et certaines formes d'alopécies
[75].
Dans l'urticaire chronique idiopathique, l'éradication de Hp a permis une
diminution significative du prurit et de l'érythème [55].
d) Maladie du Foie
Il a été observé une prévalence accrue de l'infection à Hp au cours de la cirrhose,
néanmoins des études sont nécessaires afin d'établir cette relation [214].
e) Carence en fer
Il a été montré que le taux de ferritine sérique était plus bas chez les patients
ayant une sérologie Hp positive [170].
Et l'éradication de Hp permettait une correction de l'anémie chez la majorité des
patients ayant une anémie ferriprive inexpliquée associée à une gastrite
asymptomatique à Hp [6].
VII Traitement
VII-1 But
Le but du traitement est une éradication et non une clairance de la bactérie.
Deux notions importantes sont à préciser :
- La clairance de la bactérie : il s'agit de la disparition de la bactérie à la
fin de la période thérapeutique.
- L'éradication de la bactérie : c'est la disparition de la bactérie à la fin du
traitement et un mois après son arrêt.
VII-2 Principe
L’éradication de l’infection à Hp est rendue difficile par certains facteurs :
- les antibiotiques utilisés doivent parvenir dans le mucus gastrique et y
atteindre une concentration bactéricide pour exercer leur action
malgré le milieu acide qui diminue leur activité.
- Hp a une capacité élevée de variation génomique, responsable de
l’émergence fréquente de résistances sous la pression de sélection des
antibiotiques.
Ces contraintes expliquent que les traitements d'éradication doivent associer
deux antibiotiques et un antisécrétoire à forte dose pour élever le pH gastrique.
De ce fait les principes ci-dessous sont dégagés :
- La sensibilité de Hp aux antibiotiques in vitro ne prédit pas la
performance de ces médicaments in vivo en ce qui concerne
l'éradication ; la monothérapie est inefficace. Actuellement le triple ou
possiblement le quadruple traitement procure les meilleurs taux
d'éradication[36,47,129] ;
- L'observance du traitement est importante pour l'obtention de taux
d'éradication élevés ;
- La résistance de Hp aux antibiotiques diminue l'efficacité des
traitements d'éradication [47] ;
- L'inhibition de l'acidité, en particulier au moyen des inhibiteurs de la
Pompe à Protons, améliore l'efficacité des antibiotiques [9].
Le traitement d’éradication nécessite la preuve préalable de l’infection.
VII- 3 Moyens curatifs
VII-3-1 Différents médicaments utilisés
a) Les sels de bismuth
Ils sont largement utilisés sous forme de citrate de bismuth colloïdal (CBS) ou
de subsalicylate de bismuth (SSB) en raison de leurs propriétés antibactériennes
[29,120,217].
Outre ses effets antibiotiques, le bismuth jouit des propriétés cytoprotectrices
[29] (augmentation de la synthèse de prostaglandines, capacité d’augmenter les
sécrétions alcalines, gastro-duodénales), des propriétés bactéricides vis-à-vis de
Hp [29].
En raison du risque d’encéphalopathie toxique, le sel de bismuth est retiré du
commerce dans certains pays à cause de cet accident ou utilisé actuellement à
des doses plus faibles.
b) Les antibiotiques actuellement recommandés
⇒ L’Amoxicilline
Antibiotique de base doué d’une activité in vitro, sa CMI est voisine de
0,12mg/l.
La résistance de la bactérie à l’amoxicilline est exceptionnelle.
La posologie recommandée est de 2g/j en 2 prises, et la clairance est de 75 à 90
% pour l’administration d’une durée minimale de 8 à 10 jours [120,217].
⇒ La Clarithromycine
Elle est très active in vitro avec une CMI égale à 0,09mg/l, douée d’une
excellente activité in vitro vis-à-vis de Hp et une bonne diffusion au site de
l'infection.
Son efficacité est diminuée à pH acide et la posologie est de 1g/j en deux prises.
Sa résistance est estimée à 3% dans l'étude internationale MACH2 [128].
⇒ Le Métronidazole
Le métronidazole est un médicament clé dans le traitement de l’infection à Hp
malgré son activité in vitro relativement modeste (valeurs extrêmes de CMI :
0,5-0,256mg/l) [79]. Il est secrété activement dans la muqueuse gastrique vers le
mucus où il atteint des concentrations élevées et plus uniformes que les autres
agents microbiens (ampicilline, érythromycine ) [241].
Son activité antimicrobienne sur Hp est peu influencée par une variation de pH
entre 5,5 et 8. La posologie est de 1g/j en deux prises.
Pour être actif, le métronidazole doit pénétrer dans la bactérie. La fonction nitrée
du métronidazole doit être réduite pour former un dérivé hydroxylamine (forme
toxique). Cette réduction va entraîner des dommages sur l’ADN bactérien ce qui
par la suite va causer la mort de la cellule [160].
Actuellement, les mécanismes responsables de la résistance de Hp au
métronidazole sont complexes et partiellement élucidés. Cette résistance semble
due à l’incapacité de Hp à réduire la fonction nitrée nécessaire à la toxicité du
composé [159].
Cederbrant et al [32] abordent dans le même sens, pour eux la résistance
résulterait d’une diminution de la capacité des souches de Hp à atteindre dans
les conditions microaérophiles au potentiel rédox suffisamment bas pour
permettre la réduction nécessaire du métronidazole dans sa forme active. Pour
d’autres par contre, il s’agit d’une diminution de la paroi bactérienne chez des
souches résistantes comparativement à celle mesurée chez des souches sensibles
[115,218].
Enfin, il semblerait que la voie métabolique d’oxydation du pyruvate (nécessaire
à la réduction du métronidazole dans sa forme active) soit altérée en
microaérobiose chez les souches résistantes au métronidazole [95].
En cas de souches de Hp sensibles aux Imidazolés, le succès thérapeutique est
plus important (89%) qu’en cas de résistance (61%) [213].
La prévalence des souches résistantes est variable selon les conditions socioéconomiques des populations et plus fréquente chez les patients antérieurement
traités par des dérives Imidazolés.
⇒Autres antibiotiques
La plupart de Fluoroquinolones ont une activité in vitro modérée ou bonne sur
Hp.
La Ciprofloxacine et la Sparfloxacine sont les plus actives [79].
La Ciprofloxacine a une activité in vitro bonne sur Hp. Elle s’accumule dans le
mucus et dans la muqueuse gastrique où les concentrations locales excédent
largement la valeur de la CMI90 [153]. Son activité est influencée par le pH du
milieu, elle diminue de façon significative lorsque le pH diminue de 7,5 à 5,5
[139].
La résistance à l'une des Quinolones étant toujours croisée avec les autres
composés du groupe et présentait un caractère stable tant in vitro qu'in vivo.
Cependant les fluoroquinolones n'ont actuellement aucune place dans le
traitement des infections à Hp [79].
Et la résistance de Hp vis-à-vis de ce groupe d'antibiotiques n'a que très peu de
conséquences cliniques en pratique.
Pour les Tétracyclines aucune résistance n'a été jusque là rapportée [79],
néanmoins peu d'études ont testé ces antibiotiques dans leur protocole
[22,27,184,230].
Ce qui aurait limité en pratique leur utilisation large dans les schémas
d'éradication actuels contrairement aux autres molécules testées.
c) Les antisécrétoires
Les antisécrétoires anti-H2 sont inactifs in vitro et in vivo sur la bactérie, mais
renforcent l’activité des antibiotiques en modifiant le pH gastrique.
Les antisécrétoires inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont les plus utilisés
dans les protocoles d’éradication. Ces IPP ont une activité bactériostatique
certaine in vitro sur Hp avec des CMI respectives de 32 mg/l pour l’Oméprazole
et 6,25mg/l pour Lansoprazole.
La posologie recommandée est le double de la posologie habituelle, répartie en 2
prises quotidiennes (Oméprazole 40 mg/j, Lansoprazole 60Mg/j,
Pantoprazole 80 mg/j).
VII-3-2 Protocoles thérapeutiques
La monothérapie, du fait de la preuve de sa relative inefficacité, a été
abandonnée .
Après les conférences de consensus tenues en 1995 (Sans Diego et Paris), les
bithérapies ont été abandonnées au profit des trithérapies [30,51].
La trithérapie d’une durée de 7 jours associant un IPP à double dose et deux
antibiotiques a été proposée.
Les associations suivantes ont été proposées :
VII-3-2-1 Sels
Tétracycline
Bismuth-Imidazolés
et
Amoxicilline
ou
Cette association proposée comme traitement de référence à Sydney en 1990,
nécessitait une prise pluriquotidienne (4 à 5 fois) car la demi-vie du bismuth
dans la muqueuse gastrique est très courte.
L’avènement de l’utilisation d’un antisécrétoire en deux (2) prises dans les
trithérapies et le risque d'encéphalopathie qu'elle peut induire ont été à l’origine
de son remplacement dans les schémas thérapeutiques même si elle permet
d’obtenir des taux d’éradication autour de 90% [15,30,112].
VII-3-2-2 IPP-Amoxicilline-Clarithromycine
Cette association proposée par Lamouliatte et al en 1993 a montré une efficacité
surtout vis-à-vis des souches présentant une résistance aux Imidazolés.
Seules les études internationales multicentriques MACH1 et 2 ont trouvé un
taux supérieur à 90%[128,129].
Les taux d’éradication observés pendant 7 jours en Europe du Nord et aux EtatsUnis sont respectivement 82% et 88% [41].
VII-2-2-3 IPP-Métronidazole-Clarythromycine
Les taux d’éradication avec ce schéma sont de 61 % à 70% dans les études
internationales[41,128,129].
En cas d’intolérance ou de forte prévalence de résistance à la clarithromycine, le
schéma IPP-Amoxicilline-Métronidazole a été proposé en alternative.
VII-2-2-4-IPP-Amoxicilline-Métronidazole
Les résultats obtenus sont inférieurs aux autres associations [41].
Il semble que les traitements supérieurs à une semaine obtiennent des meilleurs
taux d’éradication que les schémas courts d’une semaine (86% contre 79%).
Au Sénégal, Mbaye et coll. ont trouvé un taux d'éradication de 84,8 % chez des
malades atteints d’ulcère duodénal [147].
L’augmentation de la dose quotidienne de l’antisécrétoire permet l’amélioration
des résultats notamment sur les souches résistantes aux Imidazolés [41].
VII-3-3 Observance- Tolérance Effets secondaires
⇒ Observance du traitement
Elle doit être vérifiée car c’est le paramètre essentiel du succès thérapeutique.
Il a été démontré que le taux d’éradication diminue fortement si les malades
prennent moins de 60% de la posologie totale prescrite [41].
Au moment de la prescription le médecin doit informer le malade de l’intérêt du
traitement et de l’éventualité des effets secondaires.
⇒Tolérance
Les traitements d'associations sont généralement bien tolérés par les patients
surtout
avec
les
associations
OMC
(Oméprazole-MétronidazoleClarithromycine) et OAC (Oméprazole-Amoxicilline-Clarithromycine) [129].
⇒Effets secondaires
Les effets les plus fréquents sont la diarrhée, la nausée, les vomissements et
l’éruption cutanée pour l'amoxicilline ; et en plus d'un goût métallique pour la
clarithromycine.
Le métronidazole peut être responsable d'un goût métallique, de diarrhée, de
nausée et d'étourdissement et d'engourdissement. Ces effets disparaissent
habituellement une fois que les médicaments cessent d'être administrés.
Les associations OAC et OMC entraînent moins d'effets secondaires (20 à 30 %
des patients) [129].
La prise simultanée de clarithromycine et de métronidazole n'entraîne pas la
survenue d'un goût métallique.
- la résistance naturelle ou intrinsèque, correspond à la résistance de
toutes les souches d’une même espèce à un antibiotique et elle fait
partie du patrimoine génétique habituel de l’espèce. Le support de
cette résistance est habituellement d’origine chromosomique. Chez Hp
cette résistance naturelle ne concerne que quelques antibiotiques
(vancomycine, sulfamides, triméthoprime, polymyxine, acide
nalidixique, cefsulodine).
- la résistance acquise correspond à l’acquisition d’une résistance à un
antibiotique par une souche normalement sensible. Cette résistance est
évolutive, elle varie au cours du temps, de la localisation, de
l’utilisation des antibiotiques. Elle peut être liée à l’acquisition de
gènes (sous forme d’ADN plasmidique ou de transposons) ou à une
mutation chromosomique. Elle a été décrite pour 4 groupes
d’antibiotiques : nitro-imidazolés, macrolides, fluoroquinolones et les
rifamycines. Actuellement, il n’existe pas un argument en faveur
d’une résistance à médiation plasmidique ou par acquisition de gènes.
Il semble plutôt que la résistance soit liée à des mutations
chromosomiques.
- la résistance pharmacologique, elle rend compte de la résistance
observée in vivo vis-à-vis d’antibiotiques actifs in vitro. Cette
résistance in vivo résulte principalement de l’incapacité à obtenir des
concentrations suffisantes de l’antibiotique au site de l’infection.
La résistance primaire de la clarithromycine entraîne une réduction des taux
d'éradication de plus de 40%, d'où une éradication dans seulement 50% des cas
avec le schéma IPP-Amoxicilline-Clarithromycine. La prévalence des souches
résistantes à la clarithromycine et de 4,4% en Espagne [131] et 9,1% au Japon
[172].
Quant au métronidazole la prévalence des souches résistantes est de 20% en
Amérique du Nord et Australie, 30 % en Europe et pouvant atteindre jusqu’à 70
à 80% en Afrique centrale et Amérique du Sud [252].
La résistance primaire aux Imidazolés semble être associée à l’Administration
préalable de nitro-imidazolés pour le traitement d’autres infections.
Cependant d'autres facteurs sont incriminés à savoir l'observance du traitement,
la durée du traitement et la posologie des antibiotiques utilisés.
En pratique, il s'avère difficile d'améliorer les résultats du traitement par une
simple amélioration de l'observance [92].
L'augmentation de la posologie pour le métronidazole en cas de souche
résistante améliorerait les résultats alors que pour la clarithromycine, la dose
optimale de 250 mgx2/j semble être plus efficace que celle de 500mgx2/j [41].
Une augmentation de la durée du traitement de 10 à 14 jours pourrait être
bénéfique comme le montre des études Nord-américaines avec des taux
d'éradication supérieurs à ceux du traitement de 7 jours [41].
VII-4) Conduite du traitement dans la MUGD
VII- 4-1 MUGD en poussée
a ) L'ulcère duodénal
L'éradication de Hp est le traitement de première intention de la maladie
ulcéreuse gastro-duodénale.
Le seul traitement d'éradication suffit à cicatriser plus de 90% des ulcères
duodénaux à condition que l'éradication ait été un succès [74,91,132].
En effet l'éradication de Hp est suivie d'une réduction importante du risque de
récidive ulcéreuse.
La poursuite systématique du traitement antisécrétoire n'est pas nécessaire, le
traitement de cicatrisation de l'ulcère associé à Hp peut être limité à la seule
trithérapie d'éradication [60].
b ) L'ulcère gastrique
Un traitement d'éradication par trithérapie doit être systématiquement prescrit en
cas d'infection par Hp, à l'issue duquel un traitement antisécrétoire d'une durée
de 3 à 4 semaines est recommandé [41].
En effet, l'éradication de Hp pourrait accélérer la vitesse de cicatrisation de
l'ulcère gastrique [224].
Une gastroscopie de contrôle est nécessaire , elle permet d'une part de vérifier la
cicatrisation de l'ulcère et d'autre part de pratiquer des biopsies dans l'antre et le
fundus pour contrôler l'éradication.
Dans ces deux cas, si l'infection persiste un second traitement d'éradication basé
sur l'antibiogramme est proposé.
En l'absence de culture et d'antibiogramme, un traitement probabiliste est
proposé ; il consiste à remplacer le métronidazole par la clarithromycine ou vice
versa dans le schéma thérapeutique proposé.
En cas d'échec d'une seconde séquence thérapeutique, une quadrithérapie
comportant le bismuth semble avoir la meilleure efficacité [41]. A défaut de
disponibilité du bismuth, un traitement chirurgical doit être proposé ou bien un
traitement antisécrétoire au long cours doit être administré en attendant de
nouveaux antibiotiques actifs sur la bactérie.
VII-4-2 MUGD en rémission
Chez les malades recevant un traitement d'entretien en raison d'un antécédent
d'ulcère gastro-duodénal, la recherche de Hp et de son éradication sont
recommandées.
Du fait du risque de rechutes ou de complications en raison même de l'indication
du traitement d'entretien, le contrôle de l'éradication s'impose dans cette
population [28].
Et en absence d’éradication le traitement d’entretien doit être par contre
poursuivi chez les malades non éradiqués.
VII 3-3 MUGD compliquée
Le traitement d'éradication doit être administré selon les mêmes modalités que
celles de l'ulcère non compliqué.
Le traitement antisécrétoire doit être poursuivi 3 à 5 semaines après la fin du
traitement.
En cas d'absence d'éradication après au moins deux séquences de trithérapie
effectuées selon les recommandations, un traitement chirurgical devrait être
préféré sinon un traitement antisécrétoire d'entretien doit être poursuivi [41].
- UGD perforé
Après traitement chirurgical suivi d'un traitement d'éradication, le risque de
récidive ulcéreuse est significativement plus faible qu'en l'absence du traitement
d'éradication chez les malades ayant eu un UD perforé traité chirurgicalement
[28].
Cependant aucune étude n'a montré que la présence de Hp devrait modifier la
stratégie thérapeutique ou chirurgicale de la perforation de l'ulcère.
- UGD hémorragique
Les résultats des études de cohorte de malades ayant un UGD hémorragique
comparant le risque de récidive hémorragique en cas d'échec et de succès de
l'éradication, confirment qu'en cas de succès de l'éradication le risque de
récidive ulcéreuse et d'hémorragie est nul ou très faible [137].
La prise en charge consiste en un traitement antisécrétoire associé si nécessaire à
l'hémostase locale par sclérose endoscopique ou coagulation thermique.
En cas d'échec du traitement médical et endoscopique, une intervention
chirurgicale d'hémostase est indiquée [41].
VII- 5- Résultats du traitement d’éradication
La majorité des études confirme avec un recul de plus de 2 ans pour les UD et
d’un an pour les UG, que le succès de l’éradication réduit considérablement le
risque de récidive ulcéreuse à long terme par rapport à l’absence ou l’échec
d’éradication [27].
En effet la revue de la littérature de janvier 1982 à février 1995 a montré que
l’éradication réduit les risques de récidives à long terme des UD de 67% à 6%
(14 études) et des UG de 59% à 6% (5 études) [98].
L’instauration du traitement d’éradication dés la première poussée induit moins
de coûts à long terme que le traitement antisécrétoire de cicatrisation, suivi, en
cas de récidive, par un traitement d’éradication ou un traitement antisécrétoire
[185].
Toutefois un nombre non négligeable de malades restent symptomatiques
malgré l’éradication de Hp, les symptômes ne sont pas liés à une récidive
ulcéreuse.
L’éradication de Hp pour l’UGD augmente l’incidence des symptômes de RGO
et de l’œsophagite [48].
Chez les malades ayant eu un UD perforé traité chirurgicalement, le risque de
récidive ulcéreuse à un an est significativement plus faible après traitement
d’éradication qu’en l’absence de traitement.
Chez les malades ayant un UGD hémorragique (exception ceux prenant AINS
ou aspirine), le taux de récidive était nul et le risque de récidive ulcéreuse faible
en cas de succès d’éradication contrairement aux malades n’ayant reçu ni
traitement d’éradication ni traitement d’entretien [46].
Des études de cohorte de malades ayant un UGD hémorragique comparant le
risque de récidive hémorragique en cas d’échec et de succès de l’éradication
confirment le risque de récidive ulcéreuse et d’hémorragie nul ou très faible
[225].
Dans toutes ces études, la plupart des récidives ulcéreuses et hémorragiques
étaient liées soit à un échec de l’éradication, soit à une réinfection soit à la prise
d’AINS.
VII- 6- Perspectives de Vaccination
De nombreuses études animales ont démontré la faisabilité d’une approche
vaccinale prophylactique et même thérapeutique contre les infections à Hp, avec
des taux de protection/éradication variant entre 60 et 80% [42,57].
La possibilité de l’élaboration du vaccin est renforcée par :
♦ la possibilité d’une protection naturelle par les IgA spécifiques anti-Hp
du lait maternel, contre une colonisation du jeune enfant par Hp ;
♦ le taux de réinfection extrêmement faible après réelle éradication de la
bactérie ;
♦ mais surtout par la capacité d’Helicobacter felis à coloniser le
muqueuse gastrique de la souris, qui peut être utilisée comme modèle
d'étude.
L’immunisation de la souris par voie orale d’extraits protéiques bactériens
totaux, en présence d’adjuvants des muqueuses (toxine cholérique) induit une
réponse spécifique anti-H.felis protégeant les souris contre une infection à cette
bactérie.
Des travaux sur l’uréase en particulier avec ses sous unités Uré A et Uré B ont
montré que l'uréase peut être retenue comme antigène protecteur [26], et son
administration orale était sure et bien tolérée [109]. L’immunisation fondée sur
l’utilisation de l’uréase de Hp était sûre, immunogène et pouvait amener à une
diminution du nombre de bactéries dans la muqueuse gastrique [165].
La coadministration d’un adjuvant est nécessaire à la protection, ce qui confirme
la présence de mécanismes immuns complexes. En effet l’ingestion d’uréase de
Hp associée à la toxine LT d’E.coli est bien tolérée et immunogène chez les
individus infectés par Hp [166].
Outre l’uréase d’autres antigènes sont identifiés, principalement les protéines de
stress Hsp A et Hsp B [71] , la cytotoxine Vac A et la protéine Cag A [229] et
la catalase Kat A [203].
Des centaines de protéines ont été criblées pour leur pouvoir protecteur, et il est
probable que le vaccin humain sera constitué d’une combinaison d’antigènes, ce
qui augmentera son efficacité [42].
Ainsi Chez les souris, une immunisation fondée sur une combinaison de Hsp A
ou Vac A avec de l’uréase B s’est avérée plus efficace que celle fondée sur un
seul antigène [71,77]. De même, l’utilisation de cellules bactériennes inactivées,
de lysats bactériens ou des antigènes purifiés induit une protection contre
l’infection chez les animaux [43].
Les mécanismes effecteurs de la protection ne semblent pas être des mécanismes
dits classiques dépendants des anticorps. Il est possible qu’ils soient de type non
spécifiques, comme la phagocytose ou encore résultant de l’effet des mastocytes
[167].
Le transfert passif de sérums contenant des IgG dirigées spécifiquement contre
l’uréase ne permet pas de protéger des souris naïves contre Hp [64], confirmant
le fait que les anticorps circulants ne sont pas suffisants pour assurer la
protection.
Par contre, l’implication de la réponse immunitaire cellulaire dans la protection
ne fait plus de doute.
Aujourd’hui, il apparaît que pour qu’une réponse protectrice puisse être
exprimée, l’hôte doit passer d’une réponse de type purement Th1 à une réponse
équilibrée de type Th2/Th1 [64].
Aujourd’hui une alternative prometteuse pour délivrer les antigènes de Hp est
d’utiliser des vecteurs vivants atténués.
Cette approche comporte plusieurs avantages théoriques [42] :
• suppression de la nécessité de purifier les antigènes ou d’ajouter des
adjuvants potentiellement toxiques ;
• possibilité d’expression simultanée de plusieurs antigènes ;
• et finalement de simulation des deux voies muqueuse et systémique
avec induction des réponses mixtes Th1 et Th2.
Ces models d’animaux ont leur limite, raison pour laquelle des essais cliniques
bien conçus sont maintenant requis pour répondre si les résultats prometteurs
obtenus chez les animaux s’appliquent aux humains.
Aujourd’hui, les efforts actuels s’orientent vers 3 axes principaux [42] :
• une définition des marqueurs de l’immunité liés à la protection,
l’uréase et la protéine de stress (heat schock protein) Hsp A sont les
antigènes les plus prometteurs pour le développement d’un vaccin
humain [71] ;
• la caractérisation de nouveaux antigènes protecteurs ;
• et la recherche de la meilleure voie d’immunisation, il semble que la
voie muqueuse semble donner de meilleurs résultats de protection que
la voie parentérale [64].
CONCLUSION
Depuis sa découverte, Hp a changé profondément la physiopathologie de la
maladie ulcéreuse gastro-duodénale.
Son diagnostic repose sur des tests invasifs ou non invasifs et leur choix est
fonction de l’objectif visé.
Dans la plupart de ces pathologies, l’instauration d’une trithérapie est
maintenant recommandée, après la mise en évidence de l’infection.
Cependant, l’évolution favorable des lésions n’est pas entièrement acquise pour
toutes les entités pathologiques concernées par l’infection, quant à l’instauration
d’un traitement d’éradication
L’espoir de la mise au point d’un vaccin est permis, vu l’engouement de la
communauté scientifique et particulièrement sur l’utilisation de l’uréase comme
antigène protecteur.
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