Dès son apparition sur la scène de l’histoire, nous le trouvons s’élevant contre
l’hypocrisie de cette fameuse civilisation dominante de l’époque, celle d'Our
Kasdim, et le fait d’être jeté par elle dans la fournaise ne réussira pas à le
dissuader. Sans hésitation, il abandonne cette culture babylonienne, broyant
tout et brouillant toute distinction, tel que le précise bien le verset : "Toute la
Terre s’unissait dans une seule façon de parler et de concevoir les choses"
(Béréchit 11, 1).
Dans le cadre d’un esprit éliminant toute distinction, il ne peut rester de
place pour des valeurs. Il affrontera son propre neveu Loth, qu’il avait élevé
comme orphelin, dès l’instant où celui-ci n’arriva plus à dominer ses serviteurs
qui bafouaient justice et droiture. Il n’hésitera pas non plus à mener une
discussion assez âpre avec D. en personne – comportement scandaleux à priori
– lorsque la décision de détruire Sodome lui semblera incompatible avec la
justice divine. Il s’imposera des exigences surhumaines durant toute sa vie,
entre autres la Brith Mila à un âge aussi avancé que le sien, et bien plus que
cela, en se soumettant à l’injonction divine lui demandant de sacrifier son fils
aimé Its'haq. Il ne cédera pas non plus en ce qui concerne le choix de la
personne adéquate à constituer la famille hébraïque, celle qui épousera son
fils. Même dans ses discussions avec sa propre épouse Sarah, concernant celui
de ses descendants aptes à lui succéder dans l’histoire, il ne cédera que par
l’intervention divine en faveur de la position de Sarah. Combats contre le mal,
la corruption, contre soi-même, même contre les décisions divines qui lui
semblent injustifiées, ceci exprime bien son identité. C’est de façon très
judicieuse que nos Sages nous précisent qu’il est appelé Hébreu parce qu’il est
capable de se positionner dans un camp, à l’envers et à l’encontre du monde
entier (le terme ‘Hébreu’ est dérivé de l’expression ‘à l’envers et à l’encontre’).
Cette capacité de se maintenir sur ses positions, envers et contre l’humanité,
au nom de la justice et de la droiture, ne relève évidement pas d’un trait de
caractère d’une personne recherchant la bataille serait-elle spirituelle, mais elle
est l’expression de ce qui constituait toute son essence : une foi inébranlable
en D. En effet, son élection relevait de sa capacité à garder la voie de D., de
réaliser générosité et justice, tel que l’affirme D. lui-même (Béréchit 18, 19).
Son ‘militantisme’ n’est que la contrepartie de sa générosité : l’hospitalité, le
secours apporté à Loth au péril de sa propre vie, ses efforts pour défendre
même les plus corrompus de Sodome, son souci de l’avenir de sa famille. Et
ceci rejaillit tant autour de lui lorsque son serviteur Eliezer décidera d’une
qualité qui sera le signe que Rivka correspond à Its'haq, il n’en trouvera qu’une
seule : la générosité. Sans l’éducation d’Avraham Avinou, il n’aurait jamais
élevé une telle valeur au niveau de critère d’adéquation.