Complications de l`immobilité et du décubitus.

ITEM 50
Item 50
Complications de l’immobilité et du décubitus.
Prévention et prise en charge prévention et conduite à
tenir
Objectifs pédagogiques
• Expliquer les principales complications de l’immobilité et du décubitus.
• Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
Plan
Aller à :
> Complications cutanées
> Complications cardio-circulatoires
> Complications respiratoires
> Complications locomotrices
> Complications neurologiques
> Complications digestives
> Complications urinaires
> Complications infectieuses
I. INTRODUCTION
• Le décubitus prolongé peut avoir des répercussions sur de multiples appareils. En dehors de situations
physiologiques exceptionnelles (microgravité), l’homme subit des situations prolongées de décubitus en cas
de maladie ou de traumatisme. Les perturbations induites dans ces conditions comportent des modifications
en rapport avec :
– la perte de l’orthostatisme ;
– la pathologie causale à l’origine du décubitus ;
– le stress lié à l’affection elle-même et aux contraintes de la perte de mobilité.
• Du fait du décubitus :
– les structures musculaires concernées par la gravité n’ont plus à assurer la stabilité du corps debout
ou au cours de la déambulation ;
– les organes sensoriels ne reçoivent plus les informations impliquées pour l’équilibre ;
– les modifications du système cardiovasculaire entraînent une désadaptation à l’orthostatisme.
• La stratégie d’approche des conséquences et des complications du décubitus et de l’immobilisation réside
dans :
– l’analyse des modifications physiologiques induites par ce nouvel état ;
– l’appréciation des circonstances cliniques particulières liées à l’état pathologique initial ;
– la recherche des complications propres à la situation de décubitus et d’immobilité.
• Les complications de décubitus se décrivent suivant leur rapidité d’installation et leur siège (> voir
tableau I). Elles seront présentées selon leur chronologie d’apparition précoce ou tardive et selon leur siège.
II. COMPLICATIONS CUTANEES
• Les complications cutanées sont dominées par les escarres.
• Il est important d’en connaître les facteurs favorisants et d’individualiser les patients à risque car la mise en
place de mesures préventives efficaces permet d’en prévenir la survenue même chez des malades gravement
atteints.
A. Mécanismes et facteurs favorisants
1.Mécanismes
• L’escarre est une nécrose ischémique des tissus cutané et sous-cutané liée une pression prolongée des
parties molles, supérieure à la pression de perfusion capillaire, en regard d’un relief osseux.
Chez un sujet sain, une pression continue sur les masses molles de 200 mmHg peut entraîner une
escarre en 2 heures.
En position assise, la pression peut varier entre 100 et 200 mmHg selon la nature du siège. Une
escarre peut apparaître dans un délai de 3 heures.
En position couchée, les pressions sont mieux réparties variant autour de 100 mmHg. Une escarre
peut se constituer en 4 • heures. Ces délais sont raccourcis chez des patients présentant des facteurs
de risque.
• La survenue d’escarre est une des complications les plus invalidantes du décubitus et de l’immobilisation.
Sa fréquence augmente en cas de pathologie neurologique (paraplégie, tétraplégie, coma), chez la personne
âgée et en milieu de réanimation. Il s’agit d’une complication potentiellement grave et lourde car les soins
sont longs et coûteux, induisant à elle seule une prolongation de l’hospitalisation.
2. Facteurs généraux favorisants
a. Hypoxie systémique
• Elle aggrave l’hypoxie tissulaire induite par la compression
• Les causes d’hypoxie systémiques et/ou régionale sont : fièvre, athérosclérose, diabète,
hypotension, vascularites, anémie, pathologie respiratoire.
b. Dénutrition, déshydratation
• Chez l’adulte la mesure la plus simple pour apprécier l’état nutritionnel est l’indice de masse
corporelle (IMC) :
IMC = poids [en kg] divisé par la taille [en mètre] au carré
• Une dénutrition est définie par un IMC inférieur à 18,5 entre 18 et 65 ans.
Une perte de poids rapide > 5 % en 1 mois, > 10 % en 6 mois témoigne d’une dénutrition récente.
Les critères biologiques de dénutrition sont plus fiables que la clinique chez le sujet âgé et le sujet
paralysé. Le dosage de l’albumine et de la préalbumine, interprété en fonction de la CRP est un bon
reflet de l’état nutritionnel. La préalbuminémie a une demi-vie de deux jours, ce qui permet une
appréciation plus précoce des modifications nutritionnelles. La dénutrition est affirmée par un dosage
d’albumine < 35 g, un dosage de pré-albumine < 200 mg.
c. Risques spécifiques à certaines situations
– Maladies neurologiques induisant : trouble de vigilance, troubles sensitifs et/ou moteurs qu’ils
soient d’origine centrale ou périphérique entraînant une immobilisation avec impossibilité de se
mouvoir (coma, paraplégie, hémiplégie…).
– Médicaments : corticoïdes, ergotamine, alphabloquants…
– Facteurs mécaniques :
• hyperpression, favorisée par une mauvaise installation et/ou une attitude vicieuse,
positionnement sur un plan dur ;
• cisaillement provoqué par des pressions exercées obliquement (au cours des transferts par
glissement par exemple) ;
• frottements et macération qui rendent la peau plus sensible ;
• soins locaux : massages traumatiques, agression thermique : de vessie de glace…
B. Description clinique et signes de gravité
1. Stades évolutifs
• Une escarre évolue selon différents stades successifs (>voir fig. 1 : schéma des lésions et > fig. 2 : aspects
cliniques) :
stade 1 : rougeur (hyperhémie) qui ne disparaît pas à la pression ou érythème avec œdème
périphérique persistant à la levée de l’appui. L’épiderme est intact ;
Stade 2 : perte cutanée superficielle épidermique pouvant s’étendre au derme, se manifestant par
une abrasion ou par une phlyctène. En cas d’aggravation, la collection séreuse devient
sérohématique. Il existe alors une réaction inflammatoire. Cette collection pourra évoluer en
l’absence de traitement vers une plaque de désépidermisation avec réaction inflammatoire plus
intense et surinfection bactérienne possible. Ces deux stades sont encore réversibles avec les
techniques de soins et de prévention ;
Stade 3 : perte cutanée profonde incluant l’épiderme, le derme et l’hypoderme, formant une
plaque de nécrose sans atteinte osseuse, ni tendineuse ni articulaire associée. Une réaction
inflammatoire et une surinfection sont associées ; la lésion n’est pas spontanément douloureuse mais
l’appui et les soins sont douloureux en cas de sensibilité préservée ;
Stade 4 : perte cutanée profonde touchant les trois couches de la peau et s’étendant à l’os, aux
tendons et aux articulations sous-jacentes.
• L’aspect apparent de l’escarre ne reflète pas toujours sa gravité car le derme résiste mieux à l’ischémie et
la nécrose en superficie est en règle générale moins étendue que la nécrose sous-jacente qui peut affecter en
profondeur le derme, l’hypoderme et le tissu musculaire.
2. Localisations préférentielles des escarres
• Elles correspondent aux zones d’appui selon la position du patient :
décubitus dorsal : occiput, épines des scapula, coudes, rachis dorsal, région sacro-fessière
(sacrum, ischion, fesses) et talons ;
décubitus latéral : trochanter, faces internes des genoux si un membre repose sur l’autre, tête de
la fibula, malléole latérale, bord externe du pied et du talon, tête humérale, coude et l’oreille ;
position assise : ischions, sacrum, trochanters, talons, occiput et épines du scapulum.
3. Complications
L’extension en profondeur de l’escarre est à l’origine des principales
complications :
complications infectieuses : survenue d’abcès profonds (à Staphylococcus aureus, Pseudomonas
ou à germes anaérobies) ;
fistules responsables de décollements sous-cutanés, ostéites et ostéo-arthrites, septicémies ;
complications locales : extension de l’escarre si la suppression de l’appui n’est pas réalisée,
retard ou absence de cicatrisation, bourgeonnement exubérant, transformation cancéreuse tardive.
complications à moyen terme liées à la durée de l’hospitalisation : infection nosocomiale,
majoration de la perte d’autonomie, trouble psychique dépression…
C. Prévention
La prévention des escarres doit être systématique chez un sujet à risque en décubitus ou immobilisé.
1. Évaluation du risque d’escarres
Une évaluation du risque est indispensable ; elle peut être facilitée par l’utilisation d’échelles d’évaluation.
- L’échelle de Norton, qui comporte 5 critères d’évaluation est plus particulièrement adaptée aux
sujets âgés (65 ans et plus) (> voir tableau II).
- L’échelle de Waterlow est plus précise . Le score calculé permet
d’identifier un risque faible, modéré, élevé ou très élevé d’escarre,
ce qui guidera le choix du support (> Voir tableau III)
2.Mesures de prévention
a. Réduction des durées d’appui
Changer le malade de position
reste la meilleure prévention. Il importe de changer le malade de
position toutes les 4 heures (au minimum) en demandant au personnel soignant ainsi qu’au patient et
à son entourage de surveiller systématiquement tous les points d’appui.
- Chez un malade paralysé ou ne pouvant être déplacé (fracture non stabilisée), des coussins
de décharge en mousse peuvent être confectionnés pour éviter un appui prolongé au niveau
des talons ou des coudes.
La mobilisation et la verticalisation précoces et régulières obéissent aux mêmes objectifs.
Prévenir toute macération : il est nécessaire de prévenir toute macération, en particulier en cas
d’incontinence urinaire ou anale surtout chez le patient obèse.
Assurer des apports nutritionnels suffisants : il importe d’assurer des apports nutritionnels et
hydriques suffisants, en particulier en cas de dénutrition ou de carence.
Favoriser l’éducation du patient et de son entourage
aux techniques de prévention d’escarre,
et à la surveillance cutanée.
b. Aides à la prévention
L’utilisation de supports adaptés diminuant les pressions a montré son efficacité dans la
prévention des escarres et permet une guérison plus rapide. Il est nécessaire de tenir compte du
temps moyen passé en décubitus pour prescrire un support de lit. Lorsque le temps passé au lit est
important (plus de 15 heures) des supports correspondant au risque supérieur peuvent être utilisés
(> voir tableau IV).
Les principes de choix des supports de fauteuil (coussin de siège) doivent prendre en
compte :
– la position assise qui doit être équilibrée ;
– l’inconfort ;
– l’existence d’une éventuelle spasticité ou de douleurs qu’il faut traiter ;
– la nécessité de récupérer la mobilité et les gestes de la vie quotidienne.
D. Soins locaux en fonction de l’évolution
• Toute apparition d’escarre malgré la prévention doit faire reconsidérer les facteurs de risques locaux et
généraux. • Le principe de la cicatrisation en milieu humide (qui améliore les processus de cicatrisation) est
acquis à tous les stades.
• Les principes des soins locaux varient en fonction de l’évolution (> voir tableau V objectifs et traitement et
tableau VI : pansements).
1. Phase de nécrose : principe de détersion
• L’objectif thérapeutique est de favoriser le décollement de la zone
nécrotique par ramollissement puis l’excision afin de permettre une
détersion complète.
Cette élimination des zones nécrotiques peut être effectuée à la
curette ou au bistouri. C’est le traitement essentiel.
• Certains traitements complémentaires peuvent être utilisés :
– des enzymes protéolytiques qui permettent une détersion des
tissus nécrosés par liquéfaction.
– de vie courte impliquant la réalisation de pansements faits de
façon quotidienne ou biquotidienne ;
– des hydrogels sous forme liquide ou en plaque dont le fort pouvoir
d’humidification permet de ramollir les zones nécrotiques sèches.
• Il est utile de renouveler les pansements de façon quotidienne ou
biquotidienne.
2. Phase exsudative
• La plaie est recouverte de débris fibrineux ; une colonisation bactérienne sans signification pathologique est
fréquente. Un traitement antibiotique systématique n’est pas justifié en l’absence de signes cliniques
d’inflammation tissulaire, de complications infectieuses loco-régionales, de signes infectieux généraux.
• L’objectif du traitement est de favoriser la détersion de la plaie, préalable nécessaire avant le stade de
bourgeonnement. • La plaie pourra être nettoyée à l’eau non stérile ou au sérum physiologique et traitée
avec des pansements absorbants qui permettent une absorption de l’exsudat séreux et fibrineux : alginates
de calcium, hydrocellulaires, pansements au charbon ou hydrocolloïdes.
3. Phase de bourgeonnement : principe de la cicatrisation en milieu humide
• Le bourgeonnement témoigne de la régénération des tissus épidermiques et sous-épidermiques. Il ne peut
survenir que lorsqu’il n’y a plus de nécrose ni de débris fibrineux.
• L’objectif du traitement est à ce stade de respecter les processus de cicatrisation en utilisant des
pansements protecteurs et humides :
- hydrocolloïdes en cas de plaie encore exsudative ou des
- pansements gras en cas de plaie bourgeonnante plus sèche et superficielle.
• Les changements de ces pansements en particulier colloïdes sont effectués en fonction de l’état du
pansement et, en tout cas, le moins souvent possible (tous les 2 à 4 jours).
4. Phase d’épidermisation
• Le recouvrement de l’escarre par régénération de la couche épidermique se caractérise par une peau
fragile, érythrosique, associée à une atrophie de la couche sous-épidermique et à des adhérences au plan
profond.
Celles-ci peuvent entraîner, lors de mise en tension,une rupture cutanée à l’occasion par exemple
d’une mobilisation articulaire.
• L’objectif du traitement est de protéger la peau soit par des hydrocolloïdes ou des pansements gras. En cas
d’épidermisation excessive (cicatrice chéloïde, bourgeons charnus), on peut utiliser ponctuellement des
pansements corticoïdes ou du nitrate d’argent en application (bâtonnet).
E. Indications chirurgicales
• Un traitement chirurgical est indiqué :
– en cas de nécrose tissulaire étendue ;
– en cas de perte de substance étendue associée ou non à un décollement pour raccourcir le délai de
cicatrisation ;
– dans certaines localisations exposant à la récidive par exemple les ischions.
> Consulter : Site spécifiquement consacré aux escarres
III. COMPLICATIONS CARDIOVASCULAIRES
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Complications de l`immobilité et du décubitus.

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