L`entretien clinique - Cursus Rennes 2

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Université Rennes 2
MÉTHODOLOGIE CLINIQUE
L’entretien clinique – Les psychothérapies1
Plan
I. L’ENTRETIEN CLINIQUE
1. L’entretien psychologique
Des mots pour dire l’entretien
1.1. Un type particulier de conversation
1.2. Typologie de l’entretien
1.3. Modalités d’intervention
1.3.1. Niveaux d’analyse
1.3.2. Types de relance
1.3.3. Effets des relances
1.4. Analyse du contenu
2. Entretien clinique
2.1. Mécanismes en jeu
2.2. Caractérisation formelle
3. L’entretien clinique d’évaluation
3.1. Définition
3.2. L’analyse diagnostique en situation d’entretien
4. L’entretien d’aide
4.1. Le modèle rogérien
4.2. La reformulation en entretien d’aide
4.3. Autres apports
II. LES PSYCHOTHÉRAPIES
1. Difficultés et problèmes
1.1. Origines
1.2. Obstacles
1
- Licence 3 de Psychologie – T.D. « Méthodologie clinique » - enseignement de C. Bouchard, MCU
Psychologie clinique (Université Rennes 2) – mise à jour : février-mars 2014.
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
1
2. Quelques repères pour s’en sortir
Une théorie générale des modèles thérapeutiques
2.1. Le concept de modèle étiologico-thérapeutique
2.2. Typologie
2.3. Dispositif
3. Les grands modèles psychothérapeutiques contemporains
3.1. Les thérapies comportementales et cognitives
3.2. La psychanalyse et l’influence psychanalytique
3.3. Le psychodrame et les thérapies de groupe
3.4. Les thérapies familiales
3.5. Les thérapies de la psychologie humaniste
Bibliographie
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
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MÉTHODOLOGIE CLINIQUE
L’entretien clinique – Les psychothérapies
Paradoxalement, si l’entretien est l’un des aspects les mieux connus de la pratique
psychologique, il ne l’est généralement que de façon partielle. On tend en effet à ne retenir que
la notion d’entretien clinique, et de plus, à définir schématiquement celui-ci comme une écoute
assez libre, quasiment informelle de la personne rencontrée par le praticien, au contraire d’une
activité plus systématiquement exploratoire.
La réalité des pratiques est tout autre, plus complexe et plus diversifiée, et demande à
être plus finement décrite et théorisée.
Par ailleurs, et de façon parfois tout aussi caricaturale, la pratique du psychologue
clinicien est souvent identifiée à une activité psychothérapeutique, assimilée, de plus, à celle du
psychanalyste. Qu’en est-il en fait ? Comment définir et distinguer la pratique psychothérapeutique et celle de la psychanalyse, quand la question est souvent contaminée par des
représentations et des débats qui la compliquent et l’obscurcissent ?
I. L’ENTRETIEN CLINIQUE
L’entretien clinique en psychologie est un type particulier d’entretien psychologique.
En nous appuyant principalement, et dans un premier temps, sur des modèles issus de la
pragmatique de la communication, il convient donc de nous donner d’abord quelques repères
conceptuels afin de pouvoir distinguer les divers paramètres et opérations en jeu dans
l’entretien psychologique.
1. L’entretien psychologique
Des mots pour dire l’entretien
1.1. Un type particulier de conversation
L’entretien psychologique est d’abord une conversation, c’est-à-dire un échange entre
deux ou plusieurs interlocuteurs.
Mais d’ores et déjà il nous faut préciser deux points :
- cet échange n’est pas seulement verbal, il est aussi non verbal dans la mesure où il
inclut aussi d’autres modes de communication (mimique, regard, gestes, posture...) ;
- il ne s’agit pas d’une conversation courante, ordinaire, mais d’une conversation à visée
psychologique, c’est-à-dire ayant pour objectif de produire une connaissance psychologique sur
l’interlocuteur (ou les interlocuteurs) visé(s) par l’entretien.
Ce second aspect suppose donc que l’entretien psychologique mette en présence deux
types différents d’interlocuteurs, l’un (interviewer) veillant à obtenir des informations de l’autre
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(interviewé) et à traiter ces informations pour les transformer en des données psychologiques
(représentations, affects, situations vécues, opinions... ).
Cela suppose, autrement dit, qu’une telle conversation soit organisée, contrôlée, même
si elle peut parfois apparaître, vue de l’extérieur, comme très souple et plus ou moins
« spontanée ».
« L’entretien est une situation d’échange conversationnel dans laquelle un interlocuteur
A (enquêteur ou clinicien) extrait une information d’un interlocuteur B (enquêté ou
patient), information initialement inscrite dans la biographie de B. » - (Blanchet, 1990,
p. 171)
1.2. Typologie de l’entretien
Dans les pratiques psychologiques (et de manière plus générale dans les pratiques
sociales), on convient ordinairement de distinguer deux types d’entretien, selon qui le demande
et en bénéficie, et selon qui en structure le propos et les thèmes.
Dans le cas où l’entretien est sur la demande et au bénéfice de l’interviewer, on parle
d’enquête. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque la demande est le fait de la personne
« ciblée » par l’entretien (interviewé) et où celle-ci en est le principal bénéficiaire, on parle
plutôt de consultation.
Le critère de la thématisation du discours introduit une autre distinction :
- lorsque c’est l’interviewer qui détermine les thèmes du propos échangé, on dira que
l’entretien est directif et que le discours de l’interviewé est délinéarisé ;
- lorsque c’est l’interviewé qui élabore lui-même ces thèmes, l’entretien est dit non
directif ou semi-directif (selon le degré d’initiative qui lui est laissé), et le discours produit est
alors plus proche d’un discours linéaire.
Selon son objectif ou selon ses différents moments, tout entretien psychologique se
positionne et parfois oscille entre ces bornes extrêmes :
- de l’enquête et de la consultation (initiative et bénéfice de la demande) ;
- de la directivité et de la non-directivité (initiative du propos).
1.3. Modalités d’intervention
D’autre part, comme tout discours, un entretien est une séquence verbale au cours de
laquelle un sujet énonce des faits, ainsi que sa représentation et sa position à l’égard de ces faits.
1.3.1. Du point de vue de l’interviewer, ce discours peut être entendu et traité selon trois
types d’interrogations :
- que dit le sujet des faits en question ?
- que dit-il de ce qu’il en pense ?
- que dit-il de ce qu’il cherche à accomplir à l’égard de l’interviewer ?
Ces trois niveaux d’analyse correspondent respectivement à ce qu’on appelle :
- la dimension référentielle
- la dimension modale
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- la dimension illocutoire.
Exemple : Supposons qu’une personne nous dise, en situation d’entretien : « Je ne l’ai
jamais dit à personne, mais je suis persuadé que mes difficultés professionnelles ne sont
pas dues au hasard ».
Dans cet exemple :
 « mes difficultés professionnelles » représente le registre référentiel (énoncé et
qualification des faits) ;
 « mais je suis persuadé que (mes difficultés professionnelles) ne sont pas dues au
hasard » constitue le registre modal (ce que pense et croit le sujet à propos des faits) ;
 « je ne l’ai jamais dit à personne » appartient au registre illocutoire, puisqu’il s’agit
d’un acte du sujet par rapport à l’interlocuteur (en l’occurrence, l’interviewer apprend
qu’il serait le premier à qui ce discours est adressé).
1.3.2. De son côté, l’interviewer n’est pas sans répondre aux énoncés de l’interviewé.
Pour ce faire, il dispose de trois moyens :
- la contradiction, qui consiste à contraindre l’interviewé à soutenir son argumentation ;
- la consigne (ou question externe), qui est une intervention directrice introduisant un
thème nouveau dans l’énoncé (« J’aimerais que vous me parliez de... » ) ;
- la relance, davantage subordonnée à la thématique développée par l’interviewé, et qui
consiste en une « sorte de paraphrase plus ou moins déductive et plus ou moins fidèle »
(Blanchet & Gotman, 1992, p. 80).
Notons que, à la différence de la contradiction et de la consigne qui usent surtout de
questions directes (actes initiatifs), la relance procède plutôt par des actes réactifs dans la
mesure où elle s’inscrit dans le déroulement du propos de l’interviewé.
Type d’acte
Registre
Réitération
Déclaration
Interrogation
RÉFÉRENTIEL
Echo
Complémentation
Interrogation
référentielle
MODAL
Reflet
Interprétation
Interrogation
modale
Les types de relance par l’interviewer
(d’après Blanchet & Gotman, 1992)
Le schéma ci-dessus résume six types de relance possibles, selon l’instance discursive
visée (registre référentiel, registre modal) et selon l’acte de langage produit par l’interviewer,
soit :
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 réitération : reprise, par l’interviewer, d’un énoncé de l’interviewé ;
 déclaration : l’interviewer fait connaître à l’interviewé son point de vue sur le
discours de celui-ci ;
 interrogation : l’interviewer pose une question à l’interviewé.
Exemple : En reprenant le cas de l’énoncé précédemment cité, on pourrait ainsi
imaginer les six modes de relance suivants :
 ECHO : « vous avez des difficultés professionnelles » ;
 REFLET : « vous pensez que ce n’est pas un hasard » ou « vous croyez que ce n’est pas
un hasard » ;
 COMPLEMENTATION : il s’agit cette fois de compléter la référence posée, sous la forme
de déductions partielles, d’inférences logiques ou pragmatiques, ou d’anticipations « quelque chose détermine vos difficultés professionnelles » (inférence logique), « et vos
difficultés sociales » (anticipation), « vos difficultés professionnelles pourraient paraître
curieuses » (déduction partielle) ;
 INTERPRETATION : suggestion, par l’interviewé, d’une attitude non explicitée par
l’interviewé - « vous craignez d’exprimer vos soupçons », « vous pensez que vous avez
des ennemis dans votre milieu professionnel » ;
 INTERROGATION REFERENTIELLE, visant à obtenir une identification supplémentaire
de la référence - « de quelles difficultés professionnelles s’agit-il ? » ;
 INTERROGATION MODALE, qui vise à identifier l’attitude propositionnelle de
l’interviewé (désir, pensée, croyance) : « qu’est-ce qui vous fait croire que vos
difficultés professionnelles ne sont pas dues au hasard ? »
Nous verrons que les relances représentent le type d’interventions principalement
employées dans les entretiens cliniques.
« Les relances de l’interviewer ont cette particularité d’être des commentaires : elles
prennent comme support le discours de l’interviewé. Par ses relances, l’interviewer
paraît ne rien dire qui n’ait été déjà dit : il souligne, synthétise, reformule, demande
une précision, et semble laisser à l’interviewé la part essentielle de la construction
discursive.
« Pourtant chaque relance est différente et, à chacun de ses tours de parole,
l’interviewer dispose d’un éventail assez large de choix parmi plusieurs solutions
possibles. De ce fait, il est difficile de soutenir qu’une relance n’aurait qu’un simple
rôle de ponctuation ou de confirmation, qu’elle serait en quelque sorte “non directive”.
Chaque type de relance acquiert en effet pour l’interviewé une valeur informative à
laquelle son discours répondra nécessairement. Les relances guident le discours,
l’influencent dans son contenu et sont également susceptibles d’entraîner des
modifications de l’opinion des interviewés dans certaines conditions expérimentales. » (Blanchet & Gotman, 1992, p. 84)
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1.3.3. Effets des relances.
 Les interrogations sont sans doute le type de relances le plus directif, mais peut être
utile pour aider l’interviewé à parler ou pour le rassurer dans les moments difficiles de
l’entretien.
 Les réitérations (écho, reflet) relancent l’information. Le reflet implique davantage
l’interviewé que l’écho, dans la mesure où il insiste sur l’origine de l’énonciation (registre
modal). L’écho, en revanche, peut être une bonne manière d’indiquer simplement que l’on a
bien entendu et compris ce qui a été dit.
 Les déclarations, enfin, ont surtout l’intérêt de proposer une modification du discours.
L’interprétation, notamment, cible clairement le sens de ce qui est dit, tel qu’il s’est constitué
dans l’intention du locuteur.
Les relances de type déclaratif (et surtout à forme interprétative) seront particulièrement
importantes dans les entretiens à visée de changement (psychothérapeutiques).
Dans le cadre d’entretiens d’évaluation (ou diagnostiques), les déclarations seront
généralement plus modérées. Elles ont alors une visée plus expérimentale (interprétation
« test ») que modificatrice. Par contre, les relances de type « réitération » et « interrogation »
seront plus adaptées à la visée évaluative, assurant à la fois une fonction d’exploration et de
soutien.
1.4. Analyse du contenu
Enfin, dernier aspect constitutif de tout entretien psychologique, celui-ci produit des
informations, mais qui ne se donnent pas comme d’emblée significatives : elles sont à décoder,
à traduire pour pouvoir être comprises comme données psychologiques.
Il existe divers types d’analyse du discours pouvant donner sens aux informations
fournies par un entretien. Certaines seront dites endogènes dans la mesure où elles tenteront de
dégager une cohérence interne au discours (analyses sémantiques, analyses thématiques).
D’autres sont dites formalisées, car elles traitent le texte du discours selon les principes d’une
théorie pré-définie de la production du sens et un codage systématique du discours (analyse
propositionnelle du discours, analyse des relations par opposition... ) - (voir encadré L’analyse
interprétative en psychothérapie et en entretien diagnostique).
Le mode d’analyse choisi dépendra aussi du type d’entretien mené. Il est bien évident
que les analyses formalisées se prêtent mal à un entretien d’aide ou de conseil, dont l’exigence
est de comprendre et de répondre dans l’actualité de la rencontre. Le fait que l’entretien soit
unique ou répété influe également sur le mode d’analyse de l’information. Par exemple, dans le
cas d’entretiens répétés, l’analyse thématique déjà possible au niveau de chacun des entretiens
considérés isolément, peut se compléter et s’enrichir d’une analyse thématique inter-entretiens.
Toutes ces données formelles étant établies, comment se caractérise l’entretien clinique
en psychologie ?
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2. Entretien clinique
L’entretien clinique est une catégorie particulière de l’entretien psychologique,
caractérisée par le fait qu’elle obéit aux principes d’une méthode clinique. Nous ne reviendrons
pas sur ces principes, déjà exposés (voir document sur le Diagnostic psychologique, chap. I.4).
Nous en examinerons ici les conséquences sur la position du psychologue dans la relation
d’entretien, et nous en préciserons les caractéristiques formelles selon les critères précédemment
définis.
Clinique : une position épistémologique
« Le terrain de la querelle est mal délimité : certains considèrent les cliniciens comme les héritiers de la
vieille psychologie introspective ou comme des philosophes plus ou moins mystiques et inspirés
(Fraisse), et ils essaient de définir la méthode clinique en l’opposant à la psychologie expérimentale et
quantitative du comportement. [...] D’une façon plus précise, la différence épistémologique tient au fait
que dans l’une (appelons-la provisoirement : psychologie clinique) on tient dès le départ compte de
“l’expérimentateur comme faisant partie du dispositif expérimental”, alors que dans la psychologie
expérimentale et objective on vise à éliminer l’effet expérimentateur au profit de consignes précises et
standardisées, et cela est possible dans une certaine mesure et légitime si l’on définit l’objet de la
psychologie comme l’étude de l’activité, du comportement des êtres dans leurs rapports avec le milieu. La
conscience n’est pas niée mais ignorée. [...]
« En clinique, le psychologue ne peut pas se décider à ce renoncement ; la conscience du sujet, ses états
d’âme, comme ses velléités font partie du tableau ainsi que sa façon de raconter sa vie et sa façon de
vivre. Ce que l’individu en dit a un “sens” pour le psychologue qui doit l’analyser et le comprendre. Il
sait, de plus, qu’en recueillant ces données il n’est pas un appareil d’enregistrement objectif ; non
seulement il éprouve certaines émotions et utilise certains concepts et stéréotypes, mais il agit sur le
comportement du sujet au cours de l’examen. Il introduit ainsi des distorsions et toute l’histoire de la
clinique pourrait être envisagée du point de vue des efforts qu’elle a faits pour reconnaître et maîtriser ces
distorsions. [...]
« Les stratégies cliniques sont très diverses et peuvent même entrer en conflit ; mais ce qui les caractérise
toutes, c’est qu’elles tiennent compte des effets de l’interaction que le clinicien a avec son sujet. Le
psychologue utilise ces effets pour faire progresser l’interaction. Il essaie de ne pas oublier qu’il fait partie
du dispositif expérimental... Il y a donc clinique dès qu’il y a interaction, même si l’on est amené à
appliquer des tests objectifs, fidèles et valides. » - (Nahoum, 1973, p. 118-119, 121-122)
2.1. Mécanismes en jeu
Dans la mesure où un entretien est clinique parce qu’il vise à étudier la singularité d’une
situation psychologique, il suppose de la part du psychologue tout un travail particulier pour
approcher et comprendre la position subjective de son interlocuteur. Ce travail mobilise
principalement et conjointement deux mécanismes chez le psychologue : l’empathie et
l’identification.
 L’empathie est une notion qui a surtout été développée par Carl Rogers (voir infra
chap. 4). Elle désigne le fait de pouvoir discerner chez l’autre un état psychologique qui nous est
étranger et de le ressentir de telle façon que l’on puisse le restituer. « C’est donc ce qui nous
permet de concevoir une subjectivité étrangère à la nôtre, et est à ce titre fondamental puisque
constituant pour chacun d’entre nous la virtualité d’un monde objectif. » (Poussin, 1994, p. 29).
L’empathie est à distinguer de la sympathie comme de l’antipathie (les trois mots sont
dérivés du grec pathos, « ce qui affecte »). Dans l’antipathie, il y a impossibilité ou refus d’être
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affecté, touché par l’autre. Dans la sympathie, au contraire, il y a partage des affects au point de
s’associer à l’autre dans le ressenti de ces affects.
Un entretien clinique requiert de trouver une position moyenne entre ces deux extrêmes,
c’est-à-dire entre le point où nous ne voulons rien avoir en commun avec notre interlocuteur
(antipathie), et la participation affective fusionnelle avec lui (sympathie).
Autrement dit, la notion d’empathie pose la question de la « bonne » distance affective à
tenir dans la relation clinique en situation d’entretien. « Le démarquage avec la sympathie est
d’abord capital, il rappelle utilement que la possibilité de dire dans un entretien ne requiert ni
la complicité bienveillante, ni la participation tragique. En revanche, il paraît souhaitable que
le praticien soit en mesure de repérer les affects qui colore le discours. » (Jacobi, 1995, p. 87).
La distance optimale à l’autre que suppose l’empathie n’est cependant jamais trouvée
une fois pour toutes. Il faut la considérer comme un équilibre ; « c’est un mouvement perpétuel,
une oscillation entre la différence et la similitude. Cette oscillation donne une mesure
permanente de ce qui nous fait autre, tout en étant capable de nous identifier à notre
interlocuteur. » (Poussin, 1994, p. 29).
 « S’identifier » est en effet l’autre mécanisme fondamental de la relation clinique. On
pourrait dire que l’empathie renvoie à l’idée d’un accueil affectif et psychique de l’autre « à
bonne distance », et que l’identification renvoie au mécanisme par lequel cet accueil nous
permet de comprendre l’autre (du latin cum-prendere, « prendre avec soi »).
S’identifier n’est pas se rendre identique à l’autre, et ce n’est pas non plus l’imiter.
S’identifier, c’est introjecter (i.e. introduire psychiquement en soi) suffisamment d’aspects de
l’autre pour pouvoir travailler avec lui sur le même matériel psychologique. La bonne distance
de l’empathie permet à ces mouvements d’introjection de se produire et de se développer de
telle façon que le psychologue puisse participer à la situation psychologique de l’autre et
travailler sur celle-ci, sans pour autant entrer dans une illusion d’identité.
Le problème est que parfois la situation de certains sujets nous confronte à des
représentations, des affects ou des émotions qu’il est difficile de « prendre avec soi »
(comprendre), et que cela perturbe ou complique le maintien d’une relation empathique et/ou la
capacité de nous identifier à l’autre. D’où la nécessité d’être vigilant aux mouvements affectifs
et psychiques en jeu dans l’entretien.
 L’entretien clinique est une situation d’observation clinique, c’est-à-dire une situation
d’observation participative, où le psychologue reconnaît et intègre dans son travail d’analyse les
effets de l’observation sur son interlocuteur, mais aussi, à l’inverse, les effets de son
interlocuteur sur lui-même (c’est ce que l’ethno-psychanalyste G. Devereux a dénommé la
« contre-observation », c’est-à-dire l’observation de l’observateur par l’observé).
Autrement dit, il se joue entre le psychologue et son interlocuteur en situation
d’entretien, des attitudes et des contre-attitudes qui relèvent du mécanisme de la projection, ou
si l’on préfère, de processus d’attribution ; et ce, non seulement du fait du sujet envers le
psychologue, mais aussi du fait du psychologue envers le sujet (réactions personnelles,
défenses). Pour le psychologue, il importe de repérer ces mouvements de projection ou
d’attribution venant de lui, non pour chercher à les annuler (nous sommes dans une démarche
clinique, délibérément participative), mais pour en réguler l’impact sur la qualité de son travail
compréhensif (par ex. pour éviter de ressentir pour le sujet une sympathie qui l’amènerait à
s’assimiler à celui-ci, ou au contraire pour éviter que se développe une antipathie qui brouillerait
voire empêcherait toute identification à lui).
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Toutefois, l’intérêt de cette vigilance n’est pas seulement de permettre que le
psychologue puisse mener son travail dans les meilleures conditions. En veillant à ses propres
attitudes vis-à-vis de son interlocuteur, le psychologue se rend également sensible à ce qu’induit
l’autre en lui, et peut ainsi disposer d’une source précieuse d’informations psychologiques sur
cet autre. Par exemple, le sentiment d’être mis au défi de trouver une solution rapide et radicale
à son problème par tel sujet, peut être un indice significatif d’une attitude fondamentale de
celui-ci et d’un mode de relation qui lui est propre : activisme, ambivalence, relation de rivalité,
peur de l’échec...
Les psychologues cliniciens ont pris l’habitude de dénommer ces aspects de la relation
clinique « transfert » et « contre-transfert », par emprunt à la psychanalyse. Or, cet emprunt à la
psychanalyse n’est pas tout à fait justifié :
- il ne s’agit évidemment pas de nier que les phénomènes transférentiels existent et
qu’ils peuvent se produire en dehors du seul cadre analytique : ils sont inhérents, en fait, à toute
situation de relation ;
- mais en psychanalyse, la notion de transfert suppose que ce que le sujet projette sur le
clinicien est de l’ordre d’une répétition (d’après Freud le sujet « transfère », c’est-à-dire déplace,
sur le clinicien un mode de relation analogue à celui qu’il a établi avec ses figures parentales), et
qu’à ce titre le transfert relève d’une « résistance », c’est-à-dire d’un obstacle au travail de
remémoration attendu dans le travail analytique (l’action actuelle remplace et empêche
l’élaboration psychique réflexive) (Freud, 1913).
Or, la situation de relation clinique montre que les projections du sujet sur le
psychologue ne sont pas toujours une répétition de la relation à ses figures parentales (leur
source est bien plus variée). D’autre part, on ne peut considérer qu’elles ont une fonction de
résistance que si l’on se place dans l’optique d’un travail clinique basé sur l’interprétation des
enjeux psychiques du transfert - ce qui n’est pas l’objectif du psychologue clinicien, comme
nous l’avons dit.
En conséquence, et si l’on veut conserver leur sens spécifiquement psychanalytique aux
notions de « transfert » et de « contre-transfert », il nous paraît préférable de ne pas abuser de
ces termes pour parler de l’entretien clinique en dehors du cadre analytique. Cela ne nous
empêche cependant pas de considérer que des phénomènes de projection sont effectivement - et
toujours - à l’oeuvre dans un entretien clinique, et qu’il est indispensable pour le clinicien de les
prendre en compte et de tenter de les comprendre, dans le double objectif d’en réguler les effets
dans la relation clinique et d’en dégager des éléments de connaissance psychologique du sujet.
2.2. Caractérisation formelle
A présent que nous en avons précisé les mécanismes fonctionnels, demandons-nous
comment situer l’entretien clinique du point de vue de ses caractéristiques formelles.
 Remarquons d’abord que l’entretien clinique n’est pas forcément de type consultatif ;
on peut aussi l’adopter comme méthode d’enquête (voir exemple de la « méthode clinique »
dans l’oeuvre de Piaget, cité chap. I.4).
Nous distinguerons plus loin (voir infra point 3) les particularités de l’entretien clinique
d’évaluation (ou diagnostique) et celles de l’entretien clinique d’aide (point 4).
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 On peut se demander, par ailleurs, si l’entretien clinique doit exclure toute directivité,
c’est-à-dire toute orientation thématique du propos échangé, par l’interviewer. On assimile en
effet fréquemment méthode clinique et non-intervention : cette assimilation est-elle justifiée ?
Dans les faits, on s’aperçoit que bien souvent il faut toute une action particulière de la
part du clinicien pour que l’interviewé en vienne à aborder et à développer des « thèmes » qui
soient les siens. Généralement, ceux-ci sont d’ailleurs une résultante, un compromis entre
thèmes originaux et effets « transférentiels » : même (et surtout !) dans l’entretien le moins
directif, le propos n’y est jamais « pur » de tels effets (Bouchard, 1990).
D’autre part, et selon les objectifs et conditions de l’entretien, le psychologue ne peut
faire l’économie d’un repérage qui suppose de « prêter » à son interlocuteur des thèmes a priori
sensibles ou significatifs. C’est le cas, notamment, dans les entretiens d’évaluation où, tout en
s’efforçant de laisser le maximum de liberté discursive au sujet interviewé, le psychologue est
néanmoins obligé, de par les impératifs de l’évaluation menée, d’induire certains éléments dans
l’échange, par exemple sous forme de questions plus ou moins systématisées (interventions de
type « consigne » ou de type « interprétation-test »).
Dans les entretiens cliniques de recherche, de la même manière, des thèmes proposés
par le psychologue interviewer ou des remaniements par celui-ci des thèmes apportés par
l’interviewé, constitueront une modalité nécessaire de travail expérimental (i.e. de mise à
l’épreuve et à contre-épreuve de la signification supposée du thème ou des thèmes ciblés).
Ainsi, il paraît plus juste de dire que l’entretien clinique n’est pas incompatible avec une
certaine directivité, de toute façon nécessaire, mais que celle-ci n’est jamais forte ni constante.
L’entretien clinique, autrement dit, ne peut être que de type semi-directif, conciliant à la fois
activité nécessaire du clinicien et facilitation d’une expression optimale de l’interviewé.
 Du point de vue des niveaux d’analyse, l’attention du psychologue en situation
d’entretien clinique sera particulièrement sensible au registre modal et au registre illocutoire du
discours de l’interviewé, dans la mesure où le premier de ces deux registres l’informera sur les
prises de position subjective de l’interviewé par rapport au problème amené, et le second sur les
représentations et intentions, conscientes et inconscientes, du sujet par rapport à la situation
actuelle de l’entretien. Les interventions au niveau illocutoire, en particulier, permettent « de
rétablir le patient dans sa position de sujet du discours et de souligner l’acte qu’il réalise en
parlant à quelqu’un. Il reste que les interventions maladroites dans ce registre peuvent
favoriser des réactions de rejet, de sentiment de persécution, voire d’une forme de forçage du
transfert en voulant ramener ce que le sujet dit des événements au seul ici-et-maintenant. » (Pedinielli, 1994, p. 46).
 Du point de vue des types d’intervention, on privilégiera en général les relances. Il est
assez évident que, si les interrogations sont nécessaires et utiles (y compris pour aider le sujet à
s’exprimer), elles sont aussi les plus difficiles à manier en situation clinique, dans la mesure où
elles peuvent facilement contrecarrer le discours du sujet et sa cohérence propre. Ce risque est
d’autant plus grand que les questions seront externes (i.e. éloignées du propos de l’interviewé).
Les relances de type réitération et déclaration sont les plus adaptées à l’entretien
clinique - non sans présenter elles aussi quelques risques ou difficultés particulières. Les
réitérations (écho, reflet), par exemple, peuvent entraîner des réactions de soumission de la part
du sujet, ou lui donner l’impression que l’on met en doute ses propos.
Les interprétations (ou déclarations interprétatives) sont particulièrement importantes
dans l’entretien clinique, mais pas au même titre selon qu’il s’agit d’investigation diagnostique,
de psychothérapie, ou de recherche.
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Dans les entretiens cliniques de type évaluatif ou de recherche, l’interprétation a
essentiellement pour but de « faire test », au bénéfice de l’information recherchée. Elle participe
d’un mode d’expérimentation, de validation d’une hypothèse diagnostique (évaluation) ou
explicative (recherche).
Dans les entretiens d’aide ou dans les entretiens psychothérapeutiques, l’interprétation
s’inscrit dans un processus systématisé d’influence interpersonnelle et de transformation. Il
s’agit bien, dans ce cas, de donner sens au propos du sujet et de permettre à celui-ci de
s’approprier du sens. Nous dirons plus loin par quelles logiques particulières d’interprétation
peut s’effectuer un tel travail.
En résumé :
L’entretien clinique en psychologie est une modalité d’entretien caractérisée par
l’objectif d’amener l’interviewé à expliciter au mieux sa propre position subjective. L’entretien
clinique peut aussi bien s’adapter aux situations d’évaluation (diagnostic), d’intervention (aide,
conseil, thérapie), ou de recherche (expérimentation, explication). Sa vocation plutôt non
directive appelle paradoxalement une forme de directivité qui, chez le clinicien, s’effectuera de
façon optimale par des reformulations et des déclarations (notamment interprétatives), et qui
usera plus modérément de questions (interrogations). Quant à l’analyse du discours ainsi
produit, l’approche clinique de l’entretien préférera généralement des analyses endogènes, plus
adaptées à la réalisation de son travail de dégagement du sens intrinsèque d’un discours
appréhendé à la fois comme expression et comme échange.
3. L’entretien clinique d’évaluation
En nous centrant à présent sur l’entretien clinique de type diagnostique, c’est-à-dire à
visée d’analyse évaluative, on peut chercher à le spécifier : d’une part, par rapport aux autres
types d’entretiens ; d’autre part, par rapport aux divers objectifs et enjeux de l’évaluation
clinique. La question qui se pose ainsi peut être comprise comme un problème de classification
des différents types ou niveaux d’entretiens psychologiques.
3.1. Définition
De fait, il existe de telles classifications. Nous en citerons deux, à titre d’exemples.
On peut d’abord échelonner des types d’entretiens en fonction des deux objectifs, ici
posés comme antagonistes, du « faire » (action, contenu de savoir à élaborer) et de « l’état
d’être » (lorsque l’objectif est davantage centré sur les personnes elles-mêmes).
C’est ce modèle classificatoire que propose par exemple Philippe Kaeppelin dans un
ouvrage récent consacré à l’écoute (voir schéma ci-après) - (Kaeppelin, 1993). On y repère que
l’entretien de type diagnostique se situe dans une zone intermédiaire entre les deux pôles de la
décision-action et du travail sur de la personne (dite « Aide » et « Thérapeutique » dans le
schéma de Kaeppelin).
Dans une tout autre schématisation, inspirée du psychologue allemand Walter Schraml
(1973), on peut différencier les types d’entretiens évaluatifs pratiqués en clinique psychologique
(voir schéma ci-après). En fait, les différentes formes que distingue et hiérarchise ce schéma, ne
constituent pas à proprement parler des types différents d’entretiens. Elles représentent plutôt
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
12
les variations ou les niveaux caractérisant un entretien clinique d’investigation selon les
objectifs visés, et les stratégies optimales requises du psychologue pour atteindre ces divers
objectifs.
Registres
Registre du faire
ACTION
CONTENU DE SAVOIR
A ELABORER
Registre de l’être
SUJET
VECU PERSONNEL
Objet de l’entretien
Décision
Accord ou désaccord
Types d’entretien
NEGOCIATION
Information
Bilan
Disposition personnelle
Situation de crise
Conseil
Evolution personnelle
Connaissance de soi
ENQUETE
DIAGNOSTIC
ou Evaluation
AIDE
THERAPEUTIQUE
Typologie des enjeux relationnels de l’entretien
(d’après Kaeppelin, 1993)
Types d’entretien
Anamnèse biographique
Objectif
de l’entretien
Données biographiques
ou développementales
Exploration centrée
sur un événement
ou un problème donné
Données conscientes
concernant
un événement vécu
Entretien clinique centré
sur la personne
(ex. entretien rogérien)
Mode d’existence,
représentations,
valeurs, motivations,
relations sociales
Aptitude à l’analyse
(introspection, travail
sur le transfert)
Entretien psychanalytique
Activité attendue
du sujet
réponses
et initiative personnelle
variable
Activité du clinicien
(degré de directivité)
directif à semi-directif
protocole plus ou moins
standardisé
semi-directif
avec éventuellement
protocole standardisé
importante
semi-directif
(directivité faible)
importante
(accent mis
sur l’interaction
actuelle)
semi-directif
à non directif
(amplification des effets
transférentiels)
Interventions
dominantes
consignes
peu de relances
interventions variables
relances plutôt
réitératives ou
interrogatives
interventions variables
mais relances
importantes
relances dominantes
plutôt déclaratives
(interprétation)
Typologie des diverses formes d’entretiens cliniques d’évaluation
(d’après Schraml, 1973)
Que pouvons-nous retirer de ces deux classifications ?
 Simplement l’idée que l’entretien clinique d’investigation est bien un entretien
d’exploration diagnostique, en ce sens qu’il a pour but d’évaluer une situation afin d’agir et
d’intervenir sur cette situation (même si éventuellement la décision à prendre n’est pas le fait du
clinicien lui-même).
 C’est bien, d’autre part, un entretien clinique si cette investigation ne s’attache pas
seulement ni principalement à recueillir des « informations » (somatiques, sociales,
événementielles...) - mais aussi et surtout à prendre en compte (plus ou moins) la signification
subjective de ces informations du point de vue de la personne qu’elles concernent, et ce tant au
niveau de la teneur de ces informations (contenu) que de leur expression (forme) - (Ledoux,
1985).
« ... l’entretien clinique est le meilleur moyen dont nous disposons pour recueillir des
informations sur la souffrance ou les difficultés du sujet. Ce discours apporte des
informations sur les faits auxquels il a été réellement ou imaginairement confronté mais
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
13
aussi sur sa position à l’égard de ces faits ainsi que sur ce qu’il attend du psychologue
et sur la place à laquelle il le met. Il apporte aussi des informations sur l’économie
psychique, sur l’organisation de ses mécanismes de défense que l’on voit à l’oeuvre
dans le mot-à-mot de son discours (exemple : les dénégations) ou dans les scènes qu’il
rapporte (exemple : les identifications) ou encore dans la manière dont il s’adresse au
psychologue (les projections). Le discours est enfin le terrain sur lequel viennent se
reconnaître les signes pathologiques, soit dans la plainte clairement énoncée
(symptôme névrotique par exemple), soit au travers de ce qui est rapporté (idées
délirantes par exemple), soit au travers de la construction, la forme ou la syntaxe du
discours (trouble du cours de la pensée, aphasie... ), soit encore au travers de ce qui
véhicule le discours (voix) ou ce qui l’accompagne (troubles de la prosodie des patients
opératoires ou atteints de certaines lésions cérébrales, ralentissement dépressif... ). » (Pedinielli, 1994, p. 41)
Cette citation nous invite à préciser quel type d’analyse est à l’oeuvre dans l’entretien
clinique d’évaluation. Ou, si l’on préfère : comment le clinicien traite-t-il l’information produite
par l’entretien pour les transformer en données à caractère diagnostique ?
3.2. L’analyse diagnostique en situation d’entretien
L’analyse interprétative à laquelle procède le clinicien en situation d’entretien
diagnostique est un processus complexe, où interviennent tour à tour ou simultanément
différents critères et opérations.
 Le psychologue dispose, d’abord, de connaissances psychologiques générales,
empruntées à divers domaines : psychopathologie, psychologie du développement (si le sujet est
un enfant ou un adolescent, ou pour apprécier des aspects biographiques remontant à l’enfance),
psychologie sociale (processus identitaires, relations sociales, groupe familial... ). Il peut aussi
se référer à un ou plusieurs modèle(s) à l’intérieur même de ces divers domaines, ou
transversaux à ceux-ci : modèles psychanalytiques, théorie de la pensée opératoire (Piaget),
systémique, phénoménologie, théories de la communication, etc.
 Le clinicien peut recourir, par ailleurs, à un autre type de références, que l’on pourrait
qualifier d’expérientielles. Il s’agit de données d’analyse issues de la comparaison de la
situation actuellement explorée avec d’autres situations plus ou moins similaires, antérieurement
rencontrées et analysées par le clinicien.
Même si celui-ci doit se méfier des effets de généralisation ou d’assimilation hâtive
auxquels peut conduire ce type de comparaisons, il est bien difficile de nier qu’elles contribuent
aussi à l’analyse diagnostique, au titre de ce que l’on appelle familièrement « l’expérience du
clinicien ». L’important est que celui-ci en soit conscient et veille à en réguler les conséquences.
Les connaissances psychologiques « théoriques » comme les connaissances
expérientielles ne sont, bien entendu, que des repères généraux, qui guident l’analyse du
clinicien au fil de l’investigation, et en particulier au cours de l’entretien. Mais elles ne peuvent
s’imposer au détriment d’une compréhension de la singularité de la situation évaluée - option
clinique oblige !
 L’aspect spécifiquement clinique de l’entretien évaluatif se jouera, en fait, dans
l’étude du contenu du discours du sujet, de l’énonciation de ce discours, de ses particularités
conversationnelles et relationnelles (phénomènes « transférentiels », effets du contexte).
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
14
Nous avons déjà mentionné l’intérêt du clinicien pour une approche plutôt sémantique
(analyse thématique, analogies propositionnelles... ), et pour des interventions qui vont
notamment privilégier les registres modal et illocutoire.
Il faut y ajouter la prise en compte des mécanismes de défense à l’oeuvre dans le propos
comme dans sa communication : identification, projection, clivage, défense par la perception
(ou par la réalité), (dé)négation, scotomisation, etc. (Ionescu, Jacquet, Lhote, 1997).
L’intervention interprétative
en psychothérapie et en entretien diagnostique
« ... dans les psychothérapies, la question de l’intervention et des formes d’interprétation (tentative de
donner un sens ou de poser la question du sens) se pose très directement. Blanchet cite et analyse les
interventions fréquentes en entretien que sont les analogies propositionnelles, les interprétations et les
propositions thérapeutiques. Les analogies propositionnelles reposent sur l’opération suivante : p a la
propriété F comme q a la propriété F ; p et q représentant des propriétés (par exemple : lorsqu’elle est
enceinte, Malika est triste et pleure très souvent comme sa mère lorsqu’elle a perdu son premier bébé).
Les interventions peuvent proposer un lien entre deux énoncés ou inverser le lien établi, des
reconstructions (remplacement de l’ordre d’origine par un ordre cohérent possédant un sens dans
l’histoire du sujet). Les interprétations procèdent selon la démarche : le sujet formule une proposition,
l’auditeur en déduit une autre proposition. Elles revêtent de multiples formes comme les stratégies
herméneutiques (réorganisation des repères biographiques du patient qui modifie l’espace psychique), les
rapprochements entre deux faits ou deux paroles du sujet. Par ailleurs, les interventions peuvent prendre
des modalités incitatives (“Faites donc ce que vous désirez”), confrontatives (“Pourquoi ne pas faire ce
que vous désirez ?”) ou mimétiques (“A votre place je ferais ce que je désire”). Plus encore que les autres
formes d’intervention, les interprétations font apparaître la place de locuteur du psychologue, qu’il
s’agisse de stratégies assertives (qui engagent la responsabilité du psychologue : “je crois que...” ),
directives (faire faire quelque chose par le sujet), expressives (expression d’un état psychologique),
déclaratives (affirmation ou nomination d’un état), contractuelles (établissement d’un engagement : “je
vous propose”).
« Dans le cadre d’un entretien à visée diagnostique ou évaluative, il n’y a pas lieu d’intervenir sous forme
d’interprétation visant à produire un changement du sujet, c’est-à-dire sous forme de processus
d’influence interpersonnels. Sans doute peut-on se réjouir qu’un entretien évaluatif ait permis au sujet de
se sentir soulagé, d’avoir perçu la nature de certains de ses problèmes, mais il ne saurait être question de
procéder comme si l’on était dans un cadre thérapeutique, qui suppose une demande du patient et un
contrat entre lui et le psychologue. Tout au plus certains cliniciens - et seulement dans le cadre d’une
demande de thérapie - formuleront une interprétation-“test”. Il n’empêche que, même dans un entretien à
vocation strictement diagnostique ou informative, il existe aussi des interventions qui peuvent se
rapprocher des interprétations au sens non psychanalytique du terme. Les interventions consistant à
proposer à un sujet une relation entre deux phénomènes rapportés comme séparés (inducteurs de liens) ou
à inverser les rapports formulés par le patient (opérateurs d’inversion) sont fréquentes, de même que les
stratégies herméneutiques. On retrouve aussi dans les analyses d’entretiens les modalités confrontatives
ou incitatives, rarement mimétiques. » - (Pedinielli, 1994, p. 46-48)
La situation d’entretien est une situation anxiogène, en particulier lorsqu’il s’agit
d’évaluation (c’est alors, à proprement parler, une épreuve). La reconnaissance des processus
défensifs par lesquels le sujet répond à cette angoisse permettra au clinicien non seulement de
réguler au mieux un seuil tolérable d’angoisse pour le sujet (maintien d’une empathie optimale
chez le clinicien et d’une « fonction contenante » de la situation d’entretien pour le sujet) - mais
encore d’en retirer des informations diagnostiques pertinentes (inférences psychodynamiques à
partir de l’identification des types de défenses en jeu) - (Marbeau-Cleirens, 1985).
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
15
4. L’entretien d’aide
L’aide psychologique recouvre un ensemble de pratiques et de méthodes, qui se
distinguent de l’évaluation par le fait qu’elles sont de l’ordre de l’intervention psychologique à
visée de changement, mais sans toutefois se confondre avec la psychothérapie proprement dite.
Tandis que la psychothérapie vise à produire des réaménagements psychiques et
comportementaux, l’aide psychologique reste de l’ordre d’une clarification de situation, d’une
décision ou d’un engagement à prendre, d’un choix à faire, ou d’un simple mieux-être dans un
moment ou une situation difficile. Le changement recherché est donc limité et ciblé. C’est dans
cette seule mesure que l’on peut, à la rigueur, considérer qu’une aide psychologique est
« thérapeutique » ou « éducative ».
L’aide psychologique peut être ponctuelle ou continue, mais même dans le cas d’une
aide prolongée sous la forme d’interventions répétées, elle diffère, par ses objectifs comme par
ses moyens, des pratiques strictement psychothérapeutiques.
Dans le cas d’une aide psychologique ponctuelle, on parlera généralement d’entretien
d’aide, ou de conseil. Si l’aide suppose une série de rencontres, on parlera alors
d’accompagnement, de guidance, ou plus familièrement : de « suivi » (voir document sur le
« Suivi psychologique »).
Dans ce chapitre, nous tâcherons de mieux comprendre ces notions, et d’en établir la
spécificité dans la pratique du psychologue clinicien.
4.1. Le modèle rogérien
Les premiers praticiens et théoriciens de l’entretien d’aide n’ont pas été les
psychologues, mais les travailleurs sociaux, en particulier aux Etats-Unis et dès les années
1910-20 - (Du Ranquet, 1991). Dans le vaste champ du casework nord-américain d’où viennent
ces pratiques, c’est l’oeuvre de Carl Rogers (né en 1902) qui en a proposé la formulation la plus
élaborée et qui a le plus influé sur les pratiques des psychologues, en particulier en France.
(Rappelons que Daniel Lagache connaissait bien les méthodes américaines de casework
et qu’il les cite comme un exemple à suivre dans ses premiers écrits sur le diagnostic
psychologique, au début des années 40.)
Carl Rogers a en fait plus globalement défini la relation d’aide, sous la forme de
principes méthodologiques et techniques particuliers, eux-mêmes déterminés par un objectif
bien précis. Renonçant aux approches de l’individu en difficulté qui utilisent « l’ordre et
l’interdiction, la suggestion et l’influence personnelle », et qui reposent sur l’idée que c’est
l’intervenant qui en sait le plus par rapport à la personne aidée (1970, p. 41), Rogers propose
une perspective totalement inverse :
« ... la relation d’aide est une relation permissive, structurée de manière précise, qui
permet au client d’acquérir une compréhension de lui-même à un degré qui le rende
capable de progresser à la lumière de sa nouvelle orientation. Cette hypothèse a un
corollaire naturel : toutes les techniques utilisées doivent avoir pour but de développer
cette relation libre et permissive, cette compréhension de soi dans l’entretien d’aide, et
cette orientation vers la libre initiative de l’action. » - (Rogers, 1942, trad. fr., p. 33)
Carl Rogers préconise ainsi un type d’aide psychologique qu’il dira ensuite « non
directive », puis « centrée sur le client », où les psychologues cliniciens pourront reconnaître
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
16
toutes les exigences d’une approche rigoureusement clinique (au sens épistémologique et
méthodologique : voir Chap. I.4).
Remarquons la terminologie choisie : Rogers préfère parler de client, afin d’éviter les
appellations trop spécifiquement médicales ou pédagogiques : sujet, patient, malade, élève,
consultant... De même, il désigne l’intervenant par le mot conseiller (traduction française du
terme américain counselor), plutôt que thérapeute, aidant, assistant, éducateur, etc. Mais la
notion de conseil, du même coup, prend un sens tout à fait différent de l’acception courante (en
français) d’ « avis donné à quelqu’un ». Le conseil psychologique, tel que le conçoit Rogers, est
bien une forme d’aide visant à permettre au client de pouvoir lui-même clarifier sa situation, et
non de lui donner un avis ou une opinion sur celle-ci.
Partant de là, l’entretien d’aide peut se caractériser selon trois grands principes :
 Non-directivité : L’entretien d’aide suppose, de la part de l’intervenant, un effort
d’intérêt ouvert et de non-jugement, afin de faciliter l’expression de la personne. Il suppose
surtout de laisser autant que possible le sujet libre de sa présentation du problème envisagé et de
ses commentaires – ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il s’agisse de non-intervention
comme on le croit souvent à tort. Dans l’entretien d’aide, l’interviewer est au contraire très actif.
 Empathie : Dans l’entretien d’aide, l’intervenant s’efforce de comprendre l’autre dans
son propre système de significations. Etre empathique, c’est s’efforcer de percevoir le cadre de
référence interne d’une autre personne, avec ses composantes émotionnelles et ses significations
propres, comme si l’on était cette personne, mais sans jamais perdre cette condition (ce
conditionnel) du « comme si ».
Empathie, sympathie et flair diagnostique
« Ces trois notions s’emploient trop souvent, et fort erronément, de façon interchangeable.
« La différence entre l’empathie et la sympathie est importante mais malaisée à décrire. Ces sentiments
sont apparentés en ce qu’ils représentent tous deux une résonance aux sentiments d’autrui. Cependant, du
fait que la sympathie a trait essentiellement aux émotions, son champ est plus réduit que celui de
l’empathie qui, elle, se réfère à l’appréhension des aspects tant cognitifs qu’émotionnels de l’expérience
d’autrui. En outre, dans le cas de la sympathie la participation du sujet aux émotions d’autrui se fait en
termes de l’expérience du sujet lui-même. Par exemple, une personne peut partager la peine d’une autre
personne parce que les manifestations de cette peine évoquent quelque événement triste de sa propre vie.
Dans le cas de l’empathie, l’individu s’efforce de participer à l’expérience d’autrui, sans se limiter aux
aspects simplement émotionnels. De plus, il s’efforce d’appréhender cette expérience à partir de l’angle
de la personne qui les éprouve - non à partir de l’angle subjectif.
« Il serait incorrect de dire que l’empathie est objective tandis que la sympathie est subjective. Toutes
deux représentent des formes subjectives de connaissance. Mais dans le cas de l’empathie, c’est de la
subjectivité d’autrui – in casu, du client – qu’il s’agit. Le thérapeute participe donc d’une façon aussi
intime que possible à l’expérience du client - tout en demeurant émotionnellement indépendant.
« Quant à l’empathie et au flair diagnostique, ils sont pratiquement à l’opposé l’un de l’autre. Le flair
diagnostique correspond à une capacité de déceler, d’analyser et de reformuler les tendances et les
besoins d’autrui. Ce n’est pas une participation à l’expérience consciente d’autrui, mais une observation
et une interprétation des manifestations de cette expérience. Tandis que l’empathie vise à éviter toute
évaluation, la fonction diagnostique vise directement à une évaluation de la personne observée. Enfin, la
capacité diagnostique est une fonction essentiellement intellectuelle qui s’acquiert par une formation
professionnelle spécialisée, telle celle du psychologue clinicien, tandis que l’empathie s’enracine plutôt
dans la personnalité de celui qui la pratique. » (Kinget, 1976, p. 107-108)
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
17
En ce sens, l’empathie ne peut donc se confondre ni avec la sympathie (qui suppose une
identification trop étroite avec autrui), ni avec la neutralité bienveillante (qui correspond à la
fois à une non-directivité et à une stratégie de distance relationnelle visant à favoriser les
phénomènes de projection transférentielle).
Concrètement, l’empathie implique une écoute centrée davantage sur la personne que
sur le problème, mais dans l’idée que le problème n’en sera que mieux compréhensible et que sa
résolution n’en sera que mieux le fait du client lui-même.
 Structuration : De manière apparemment contradictoire avec le principe de la nondirectivité, l’intervenant veille à structurer la relation d’aide et à contrôler ce qui s’y passe.
L’entretien d’aide, en effet, n’est possible qu’à éviter les effets insidieux de dépendance du
client et de pouvoir chez l’intervenant. Pour ce faire, l’intervenant aura à « définir le cadre de la
relation, à lui donner un certain aspect contractuel », et à en définir les limites : conditions
pratiques d’exercice, responsabilité de l’intervenant, limitation des actes affectifs et agressifs de
la part du client (Blanchet & al., 1985, p. 44-45). (Nous approchons ici la notion de dispositif
présentée plus loin au Chap. II.)
On voit, avec ces trois grands principes, que se définissent aussi, comme en creux, les
contre-indications d’une relation d’aide. On peut en retenir principalement trois :
- les cas où le problème à traiter ne relève pas d’une aide, mais d’une information, d’un
avis ou d’une connaissance à transmettre ;
- les cas où le client ne dispose pas de capacités suffisantes de réflexion et de
disponibilité à lui-même, soit par immaturité (enfants jeunes), soit par insuffisance intellectuelle
ou détérioration (déficiences mentales, démences) ;
- les cas où le client ne veut pas participer à un entretien de ce genre.
Les deux derniers types de situations impliquent a contrario la condition impérative que
la personne soit accessible à un travail psychologique et qu’elle y consente activement. On voit
par là l’exigence réaliste et très stricte de la conception rogérienne de l’aide qui, en refusant
l’autorité directive et en faisant reposer l’issue du problème sur le consultant lui-même, exclut
de la relation d’aide bon nombre de situations relevant soit de la contrainte, soit de la pathologie
grave. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’aucune aide ne sera alors possible - mais
seulement qu’elle sera d’une autre nature : plus directive, ou plus proche d’un soutien ou d’une
suppléance.
4.2. La reformulation en entretien d’aide
Nous avons précédemment évoqué les interventions dites de réitération en entretien et
situé leur spécificité dans le travail psychodiagnostique parmi les autres modes possibles de
relance. La notion de reformulation inclut les relances réitératives : écho, reflet. Elle intègre
cependant d’autres types d’intervention, qui peuvent se rapprocher des relances dites de
déclaration (complémentation, interprétation), mais qui s’en démarquent par leur souci de
rester « au plus près » du sens exprimé par la personne.
Elle peut admettre, d’autre part, de se faire parfois interrogative, mais alors seulement
quant à l’aspect référentiel du propos et à fin d’explicitation d’un aspect vague ou fugace de
celui-ci. Même dans ce cas, la question posée restera centrée sur la personne et consistera à
demander « ce que signifie pour elle » le mot ou la remarque à expliciter.
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
18
La reformulation se caractérise, ainsi, par sa préférence pour une stratégie générale
d’intervention de type réitératif, jusques et y compris lorsqu’elle tend à adopter des relances de
forme déclarative ou de forme interrogative.
« On appelle “reformulation” une intervention de l’interviewer qui consiste à redire en
d’autres termes et d’une manière plus concise ou plus explicite, ce que le client vient
d’exprimer, et cela de telle sorte que l’interviewer obtienne l’accord du sujet.
« De cette façon, on obtient immédiatement trois premiers résultats très importants :
- l’interviewer est certain de ne rien introduire de différent, d’interprétatif, etc... dans la
communication qu’il vient d’écouter ;
- l’interviewé est certain, s’il se reconnaît dans la reformulation, d’être en bonne voie
de se faire comprendre, et il est ainsi conduit à s’exprimer davantage ;
- l’interviewer a fait la preuve qu’il a écouté et compris ce qui lui était offert. » (Mucchielli, 1977, p. 44)
On remarquera la cohérence forte liant la notion de reformulation et l’idée typiquement
rogérienne selon laquelle le client détient lui-même la solution de son problème mais pour ainsi
dire « sans le savoir » : par la reformulation, l’intervenant a pour tâche principale d’amener le
client à se re-connaître et à s’auto-comprendre.
Classiquement, on définit quatre grands types de reformulations en entretien d’aide :
 La reformulation-reflet (ou écho) correspond à ce que nous avons précédemment
défini comme relance par réitération. Elle consiste à répéter ce que le client vient de dire, soit en
conservant ses propres mots et formules, soit en en restituant une formulation synonymique.
 La reformulation-synthèse consiste à résumer une partie du propos du client et/ou à
rattacher cette partie à ce qui a été dit antérieurement. La synthèse n’a d’intérêt que si elle
s’organise autour de l’essentiel-pour-le-sujet.
 La reformulation par inversion du rapport figure-fond : Ce type de reformulation
n’apporte ni n’enlève rien au propos repris, mais le restitue de telle façon que l’ensemble
apparaît sous un autre angle de vue.
 La reformulation-clarification consiste à restituer en une formule claire, simple ce qui
était effectivement ressenti et exprimé par le client, mais de façon plus confuse.
Exemple 1 : « Je ne supporte pas ma soeur, je ne l’ai jamais aimée. Pourtant elle ne
m’a jamais fait de mal et je n’ai aucune raison de lui en vouloir. Je me demande ce qui
peut faire que je la déteste à ce point. »
 REFORMULATION-REFLET : « Vous vous inquiétez de détester votre soeur sans raison
aucune. »
 REFORMULATION-SYNTHESE : « Vous ressentez une contradiction entre vos sentiments
à l’égard de votre soeur et le fait qu’elle ne vous ait jamais fait de mal, et cela vous
intrigue. »
Exemple 2 : « Je n’ai jamais pu avoir confiance en mes collègues de travail, je préfère
me débrouiller seul. Ce sont de bons camarades, mais ils ne me paraissent pas
suffisamment compétents. »
 REFORMULATION-REFLET : « Vous estimez que vos collègues sont incompétents. »
 REFORMULATION PAR INVERSION DU RAPPORT FIGURE-FOND : « Dans certains
domaines comme le travail, vous ne vous fiez qu’à vous-même et vous êtes seul. »
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Exemple 3 : « Mon patron est bien peu entreprenant. On dirait qu’il craint d’assumer
ses responsabilités. Le résultat, c’est que je suis obligé de prendre des décisions à sa
place, alors que ce n’est pas dans mes fonctions. »
 REFORMULATION-REFLET : « Vous pensez que votre patron refuse d’exercer ses
responsabilités et que cela vous oblige à sortir de vos fonctions. »
 REFORMULATION-CLARIFICATION : « Le problème n’est pas tant que votre patron soit
peu entreprenant, mais le fait que son attitude vous amène à le remplacer sans y être
habilité. »
Bien entendu, le travail de reformulation en entretien rogérien n’est pas qu’une simple
question de technique et l’intervenant n’est pas qu’une « machine à reformuler ». Ce mode
d’interlocution obéit aux objectifs de la relation d’aide et se régule selon les moments de celleci, en accord avec la progression du client dans l’entretien ; en ce sens, il se conforme à une
démarche strictement clinique. Les reformulations par inversion figure-fond, en particulier,
exigent de pouvoir en contrôler les effets éventuels de choc. Quant aux reformulationsclarifications, elles demandent une grande sûreté d’analyse pour pouvoir éviter d’être
interprétatives au-delà du strict sens-pour-le-sujet.
4.3. Autres apports
Dans le domaine de l’entretien d’aide, le modèle rogérien n’est pas le seul existant. Il a,
de plus, été contesté par certains travaux qui ont montré que l’attitude non-directive pouvait en
fait constituer un puissant moyen d’influence, en particulier lorsque le client perçoit les
réitérations de l’intervenant « comme une mise en question de la vérité de son propos » (Blanchet, Bromberg, Urdapilleta, 1990).
D’autres auteurs, contemporains ou moins récents, se sont efforcés de formaliser et de
théoriser les pratiques d’entretien d’aide. Pour n’en citer que trois exemples, représentatifs de
préoccupations et de tendances en fait très différentes :
La fonction apostolique
Bien que les réflexions de Michael Balint se soient principalement centrées sur la consultation médicale,
elles peuvent également être étendues à d’autres pratiques professionnelles impliquant aide ou conseil.
Ainsi, par exemple, pour ce que Balint a appelé - non sans humour - la « fonction apostolique » :
« La mission ou fonction apostolique signifie d’abord que chaque médecin a une idée vague mais presque
inébranlable du comportement que doit adopter un patient lorsqu’il est malade. Bien que cette idée soit
rien moins qu’explicite et concrète, elle possède une immense puissance et, comme nous l’avons
découvert, elle influence pratiquement chaque détail du travail du médecin avec ses patients. Tout se
passe comme si tout médecin possédait la connaissance révélée de ce que les patients sont en droit ou
non d’espérer : de ce qu’ils doivent pouvoir supporter et, en outre, comme s’il avait le devoir sacré de
convertir à sa foi tous les ignorants et tous les incroyants parmi ses patients. C’est ce qui nous a suggéré
le nom de “fonction apostolique”. [...]
« L’évitement de l’auto-examen et la ferveur apostolique sont, en règle générale, intriqués et se
renforcent l’un l’autre. Je veux souligner une fois encore que le zèle apostolique, de même que le
réconfort, n’est pas mauvais en soi ; c’est au contraire un remède très puissant aux possibilités
immenses. Comme pour le réconfort, le danger du zèle apostolique, c’est qu’il est appliqué la plupart du
temps massivement, sans aucune tentative de diagnostic différentiel. L’un des moyens essentiels
d’améliorer la compétence psychothérapeutique du médecin est de le rendre conscient de la contrainte
qu’exerce sur lui sa fonction apostolique et de lui permettre ainsi de ne pas la “pratiquer”
automatiquement, dans tous les cas. » - (Balint, 1957, trad. fr., p. 228 et 237)
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
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 Dans les années 1950-60, le psychanalyste britannique Michael Balint a développé
une réflexion et une didactique originales sur la relation d’aide dans la pratique médicale
courante et, par extension, dans toute pratique de consultation.
D’une façon apparemment assez proche de celle de Rogers, Balint a particulièrement
insisté sur le « climat thérapeutique » de la consultation, principalement constitué par un effort
de compréhension à la fois intellectuelle et émotionnelle de la part du professionnel à l’égard du
consultant. Le climat thérapeutique, d’autre part, implique le contexte limité et limitatif d’une
« relation professionnelle », dont la stricte observance facilite l’avènement et le développement
d’une relation d’aide plus objective que dans un contexte de relations privées. Dans ces
conditions, la relation d’aide a essentiellement pour but, selon Balint, de « rendre quelqu’un
capable de se comprendre lui-même » (Balint, Balint, 1961).
Mais très différemment de Carl Rogers, Balint invite l’intervenant à considérer que les
propos et demandes du client sont également des « offres » conscientes et inconscientes à son
adresse, et à les comprendre aussi comme telles avant toute réponse. Très différemment encore
de Rogers, il préconise que l’intervenant connaisse ses propres attitudes et motivations à
« aider », et leur rôle dans les réponses qu’il sera amené à donner (Balint, 1961).
 Quelques auteurs ont tenté de spécifier un type particulier d’aide psychologique sous
le nom d’intervention de crise. La différence avec le conseil psychologique ordinaire réside
dans le fait que l’intensité, l’urgence, et parfois la complexité du problème envisagé, impliquent
d’autres modes d’action.
Les moments critiques en question peuvent être liés à un problème de santé, à un
problème social, ou à des événements de vie particulièrement éprouvants. L’action de
l’intervenant aura pour but de rendre supportable la souffrance à la personne en crise, et surtout
de prévenir les conséquences négatives. Ce qui suppose que le psychologue évalue rapidement
le problème actuel, et qu’il établisse une solide relation avec la personne en crise afin de l’aider
à affronter celle-ci. Dans ce type d’intervention, il est souvent nécessaire d’user d’une certaine
directivité et de mobiliser le soutien et la tolérance de l’entourage de la personne - (Sifneos,
1972 ; Aguilera, 1990 ; Hüber, 1993).
Bien entendu, et comme cela peut être aussi le cas en entretien d’aide ordinaire,
l’intervention de crise peut se compléter et se prolonger, si nécessaire, par un travail
psychologique de type psychothérapeutique, éventuellement effectué par un autre intervenant.
 Parmi les travaux contemporains, on assiste depuis quelques années à diverses
tentatives expérimentales (surtout nord-américaines) pour élucider le fonctionnement de la
relation d’aide comme processus d’influence interpersonnelle et comme travail d’inférence de la
part de l’intervenant. Ces études s’appuient sur des modèles issus du champ de la cognition
sociale, et envisagent la relation d’aide avant tout comme une situation de jugement et de
décision - (Lecomte, Alain, 1990).
Ces recherches ont ainsi la particularité d’envisager la relation d’aide non plus à partir
de réflexions sur les pratiques institutionnelles ou de conceptions personnalistes comme dans la
tradition issue du travail social et de la psychiatrie, mais selon les schèmes cognitivistes d’une
pragmatique de la communication et de la décision.
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En résumé :
Dans le champ des pratiques cliniques, le mot aide désigne en fait une activité de
conseil centrée sur la personne et qui s’exerce le plus souvent sous la forme d’un entretien
compréhensif, peu directif.
Historiquement, le modèle rogérien a compté davantage par ses apports méthodologiques et techniques, que par ses conceptions personnologiques, plus humanistes que
psychologiques. On peut y reconnaître l’exemple d’une méthode clinique structurée et
rigoureuse en matière d’aide et de conseil psychologiques.
L’intervention de crise
« L’évaluation de l’intensité d’une crise émotionnelle implique que l’on tienne compte des facteurs
suivants : 1) notion de situations imprévues ayant entraîné l’anxiété ; 2) événement précipitant ayant
conduit à une intensification de l’anxiété qui donne naissance à la crise émotionnelle ; 3) tentative de
maîtrise de cette anxiété particulière par des réactions adaptées ou non.
« L’utilisation de ces termes, cependant, implique, dans l’esprit du thérapeute, une sorte de jugement de
valeur : il est possible que ce que l’on pouvait considérer comme une réaction inadaptée se révèle
avantageux pour le patient. Il faut évidemment prendre en considération le résultat de ces réactions et
envisager plusieurs possibilités. Les réactions peuvent permettre au patient de surmonter, voire d’éliminer
son anxiété. Elles peuvent créer un nouvel équilibre - parfois plus harmonieux - ou aider à recouvrer l’état
émotionnel antérieur à la crise. Elles peuvent entraîner l’émergence de symptômes psychiatriques
passagers, déboucher sur une névrose caractérisée, ou conduire enfin à une décompensation psychotique.
« Il faudra donc garder à l’esprit que les termes “adapté”, “non adapté”, sont ici employés pour décrire
l’évaluation que fait le thérapeute des solutions adoptées par le patient. [...]
« ... L’intervention de crise a pour but spécifique d’aider un sujet à dépasser sa crise émotionnelle, de
manière à éviter le développement ultérieur de problèmes névrotiques. L’accent est fondamentalement
placé sur la prévention. La distinction entre évaluation et thérapie n’est pas clairement délimitée : un seul
entretien peut toujours se révéler d’un grand profit sur le plan psychothérapique. Il est donc important de
sélectionner les individus susceptibles de bénéficier d’une intervention de crise ; soulignons tout
particulièrement la nécessité de procéder aussi vite que possible à une sélection.
« Les critères de sélection pour l’intervention de crise sont essentiellement superposables à ceux que l’on
utilise pour la psychothérapie à court terme avec provocation d’anxiété [...]. Qu’il nous suffise ici de dire
que les patients doivent se trouver en pleine crise émotionnelle, être intelligents, évoquer une relation
interpersonnelle au moins qui paraît significative, parvenir enfin à exprimer des affects au cours de
l’entretien d’évaluation. Ils doivent en outre se montrer motivés à surmonter leur crise émotionnelle ; non
de façon magique, en comptant sur l’aide des autres, mais grâce à des efforts d’exploration et de
compréhension. Ils ont à faire preuve qu’ils ont, pour maîtriser leur crise, pris des mesures actives : on
apportera le plus grand soin à évaluer ces mesures, qui révéleront la réaction authentique du patient.
« En général, la flexibilité est un facteur important : elle dénote la capacité du patient à user de
mécanismes de défense variés, pour apprécier quel agencement de réactions est le mieux approprié à la
situation émotionnelle considérée. Mais il faut se rappeler que le patient se trouve dans une situation
essentiellement mouvante : le thérapeute ne devra donc pas s’inquiéter plus que de raison s’il a affaire à
un sujet qui utilise des mécanismes de défense pathologiques (projection, introjection, négation), tant que
ces réactions ne sont pas utilisées de manière rigide, excessive ou répétée. Pour venir à bout du danger, le
patient doit compter sur toutes ses ressources. Il est évident que plus il utilise de techniques, plus il
parvient à expérimenter de solutions variées, mieux cela vaut. » - (Sifneos, 1977, p. 89-90)
L’influence de la psychanalyse, y compris à travers l’oeuvre de Balint par exemple, a
sensibilisé le psychologue clinicien aux multiples déterminations de la relation d’aide, à ses
ambiguïtés voire ses ambivalences, et à la nécessité de prendre tous ces aspects en compte tant
du côté de la personne à aider que du professionnel qui aide.
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Les préférences théoriques du psychologue clinicien en faveur de modèles psychodynamiques du psychisme, et son attention à ne pas perdre de vue la dimension institutionnelle
de ses interventions, font, enfin, que le psychologue clinicien peut moins se reconnaître dans
certaines théorisations de la relation d’aide (ex. : les références écologiques du modèle des soins
infirmiers de Virginia Henderson), ou dans les pratiques qui, en systématisant à outrance
l’intervention d’aide, tendent à en faire un programme stratégique plus ou moins standardisé
(ex. : les pratiques de conseil centrées sur des problèmes-types).
II. LES PSYCHOTHÉRAPIES
Le champ des psychothérapies est si vaste et si varié qu’il n’est guère facile de
clairement l’appréhender. C’est pourquoi nous prendrons soin, pour commencer ce nouveau
chapitre, de nous donner d’abord des points de repère nous permettant d’analyser ce champ et
de nous y orienter sans trop de confusion ni d’a priori. Il n’en sera que plus facile ensuite de
présenter un (bref) panorama des principaux courants et modèles contemporains.
1. Difficultés et problèmes
1.1. Origines
Du côté de l’histoire, nous remarquons que le terme de psychothérapie est apparu vers
1890, à une époque où précisément le monde psychiatrique se passionnait pour les questions de
l’hypnose et de la suggestion (Janet, 1919 ; Gauchet & Swain, 1986). On peut repérer alors trois
courants, ou trois influences, qui vont contribuer au regain ou à l’avènement de l’idée d’un
traitement des maladies mentales « par l’esprit » :
a) un courant médico-psychologique d’origine nord-américaine (dans les années 187080), de caractère spiritualiste, et qui repose sur l’idée d’une domination de l’esprit par le corps :
d’où l’idée que l’esprit est l’agent le plus efficace de la pratique médicale et que le médecin doit
savoir y recourir ;
b) un courant héritier du « traitement moral » des aliénistes du XIXe siècle (on appelle
traitement moral tout traitement médical non physique), et qui réhabilite l’enfermement entendu
comme isolement, séparation par rapport au milieu de vie, pour traiter certaines « maladies
nerveuses non qualifiées comme aliénations mentales » (Charcot), ainsi que l’hystérie et la
neurasthénie. Là encore on retrouve, à la base, l’idée d’une équivalence maladie psychique
(socio-pathogénique) / traitement psychique.
c) un courant, enfin, lié au débat sur l’hypnose, dont Bernheim en France va dégager le
caractère de suggestion et faire le centre d’un traitement psychologique où la parole du
thérapeute est considérée comme l’essentiel de l’effet hypnotique recherché.
Ainsi, de l’idée de guérison « de » l’esprit, on passe plus franchement à celle de
guérison « par » l’esprit. Dans le même temps, les ambitions des « médications psychologiques » (Janet) passent, au moins chez certains auteurs (Déjerine, par exemple), de pouvoir
traiter les symptômes à pouvoir traiter leur origine, c’est-à-dire leur étiologie.
Pour conclure sur ce bref aperçu historique, deux noms encore vont venir parfaire cette
base moderne des psychothérapies :
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- Pierre Janet, qui associe à la méthode hypnotique en tant que suggestion, un usage
exploratoire des états hypnotiques ou para-hypnotiques, afin de retrouver avec le patient
l’origine traumatique du trouble et mobiliser ainsi une recherche de la connaissance de soi chez
le patient ;
- Sigmund Freud, qui dresse le constat des limites de la suggestion (résistance totale ou
partielle du patient, résultats précaires, effets de dépendance au médecin) et ouvre une autre
voie, entre suggestion et persuasion, en mettant davantage l’accent sur ce qui se joue dans la
relation médecin-malade (transfert).
L’idée de psychothérapie naît donc de conceptions de la maladie mentale selon
lesquelles celle-ci, ou au moins une partie des maladies mentales, relèvent de facteurs
psychopathogéniques (et pas seulement ou pas du tout biologiques), et que les traitements en
conséquence doivent eux aussi adopter la voie d’une influence psychologique : sur et/ou par le
psychique.
Depuis, le terme de psychothérapie comme les pratiques psychothérapeutiques ellesmêmes se sont couramment répandus et étendus, notamment dans la double mouvance :
- d’une médicalisation psychiatrique des questions sociales, qui a favorisé une
vulgarisation des idées de la psychologie et de la psychanalyse ;
- d’un développement des professions psychologiques à la faveur même de cette
médicalisation, et conduisant à l’appropriation par celles-ci d’une partie des pratiques d’abord
territoires des seuls médecins, en particulier : l’aide ou le soin psychologique.
1.2. Obstacles
Lorsqu’on tente d’examiner les pratiques et méthodes psychothérapeutiques
contemporaines, ce ne sont pas tant leur multiplicité et leur variété qui contribuent le plus à la
confusion. Les obstacles, bien plus, proviennent de trois autres sortes de faits :
1.2.1. Argumentation partielle et hétérogène
Le premier est que bon nombre de psychothérapies se présentent (voire se représentent)
elles-mêmes de façon incomplète ou partielle : soit par manque de formalisation, soit par souci
de mettre en avant ses aspects les plus avantageux ou les plus caractéristiques (ou jugés tels),
mais toujours au détriment d’une vue d’ensemble plus complète.
Ainsi, certaines psychothérapies se spécifient d’un objet médiateur ou d’un support
d’expression particulier, auquel sont attribuées des vertus thérapeutiques plus ou moins
spontanées : thérapies « par » le jeu, le dessin, la musique, le cheval, la danse... thérapies
« corporelles »...
D’autres se signaleront de préférence par une technique ou une méthode, dont on
soulignera éventuellement la précision, la rigueur, la systématisation : thérapies non directives,
hypnose, psychothérapies institutionnelles, dynamique des groupes...
Certaines psychothérapies se déclareront plutôt en fonction d’un cible psycho-sociale
particulière : thérapies familiales, thérapies de couple, thérapies sexuelles, psychothérapies
d’enfants...
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Quelques-unes, enfin, se réclameront d’une référence théorique, philosophique ou
disciplinaire : thérapies psychanalytiques et non psychanalytiques, comportementales,
cognitives, existentielles, systémiques, transactionnelles...
Outre leur hétérogénéité, ces critères généralement ne donnent qu’une vue restreinte des
systèmes qu’ils désignent, et n’en facilitent guère la réelle compréhension.
1.2.2. Hiérarchisation
Une autre source de confusion est que l’on est facilement tenté de hiérarchiser les
différentes psychothérapies, en fonction d’une valorisation consciente ou inconsciente, implicite
ou explicite, favorisant tel modèle au détriment des autres.
Le cas le plus fréquent consiste à apprécier les diverses psychothérapies par
comparaison à la psychanalyse posée comme idéal et étalon de « la » psychothérapie. A partir
de là, on ne pourra que sous-estimer, voire dévaloriser ou disqualifier, tout ce qui - totalement
ou partiellement - ne se reconnaît pas conforme à ce standard : thérapies « brèves », thérapies
non verbales, thérapies sans analyse de la relation transférentielle, etc... seront alors plus ou
moins suspectées d’être des psychothérapies de moindre valeur parce que jugées comme n’ayant
pas tous les attributs de la psychanalyse posée comme modèle complet voire parfait.
De la même manière, et en fonction de la priorité accordée à tel ou tel type de critère
(cohérence théorique, définition technique, clarté de la cible...), on s ’autorisera parfois à
qualifier et hiérarchiser les diverses psychothérapies, par exemple selon qu’elles disposent d’un
« fondement systématisé » ou non (Palmade, 1984), ou selon qu’elles peuvent s’identifier à des
procédures typiques ou pas. De tels classements supposent évidemment une idée de ce qu’est
une « bonne » méthode de psychothérapie.
1.2.3. Emprunts idéologiques
Le troisième facteur, enfin, n’est que l’effet inverse du second. On peut en effet
observer qu’un grand nombre de psychothérapies se présentent spontanément selon la référence
théorique ou technique d’une autre méthode faisant exemplairement modèle. On pourra même
assister à des allégeances à tel ou tel modèle idéal, et finalement dominant, occasionnant des
scissions ou des variations au sein d’un même domaine psychothérapeutique.
Là encore l’exemple est flagrant de l’emprise psychanalytique, dont le corpus
métapsychologique et/ou le vocabulaire technique sont abondamment repris, au titre de
méthodes qui souvent n’ont que peu à voir ou rien à voir avec la psychanalyse. On a ainsi vu le
psychodrame devenir « psychanalytique » - puis à leur tour : la relaxation, le rêve-éveillé-dirigé
(RED), les thérapies familiales... sans qu’il soit toujours aisé de déterminer s’il s’agit de
variations de la psychanalyse, ou d’une « adaptation » psychanalytique de thérapies qui n’en
garderaient pas moins leur cohérence propre.
Autre exemple : les nombreuses méthodes de psychothérapie qui se réclament d’une
doctrine cathartique (expression « créative » ou communicationnelle).
Ou encore : l’emprunt multiforme des méthodes psychodramatiques (devenues de
simples techniques), importées dans des pratiques différentes et parfois très éloignées du
psychodrame.
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Argumentation parcellaire et hétérogène, hiérarchisation, transferts idéologiques rendent
ainsi particulièrement difficile de considérer clairement et sereinement la question des
psychothérapies. Pour y parvenir, il nous faut établir un schéma épistémologique d’analyse.
2. Quelques repères pour s’en sortir
Une théorie générale des modèles thérapeutiques
Pour tenter de se dégager de ces obstacles et confusions, posons quelques concepts et
principes.
2.1. Le concept de modèle étiologico-thérapeutique
 Le premier consiste à dire qu’il n’y a ni « bonnes » ni « mauvaises » psychothérapies.
Entendons bien qu’il ne s’agit pas de mettre toutes les méthodes existantes sur le même
plan - mais simplement de reconnaître qu’aucune méthode n’est universelle : chacune a ses
limites et son intérêt propres, ses indications et ses contre-indications - ou mieux encore :
chacun a son objet spécifique, compris comme résultante d’une cohérence opératoire.
Ceci étant dit, il n’en reste pas moins que tout praticien a des choix à faire pour telle
méthode ou telle méthode, car il n’existe pas non plus de thérapeute universel.
Ces choix sont à la fois :
- méthodologiques (ou stratégiques) : quelle méthode est la plus pertinente pour ce que
je souhaite traiter ? (ou à l’inverse : que permet de traiter la méthode choisie ? cela convient-il
aux objectifs donnés ?) ;
- éthiques et déontologiques : quelle conception de l’homme et de l’action
psychologique la méthode choisie véhicule-t-elle ? dans quelle mesure puis-je adhérer à ces
conceptions ?
 Le second principe est que toute méthode thérapeutique est analysable comme modèle
étiologico-thérapeutique selon la proposition suivante :
Tout système psychothérapeutique est porteur d’une conception de ce qui est à
traiter (modèle étiologique) et de la façon de le traiter (modèle thérapeutique), et s’ordonne
en dispositif afin de pouvoir mettre en travail le « problème-type » et sa résolution.
Autrement dit :
L’objet que se propose de travailler un système thérapeutique n’est que la résultante
d’une certaine problématisation étiologico-thérapeutique et de sa construction méthodologique.
Nous empruntons notre terminologie à l’anthropologue français contemporain François
Laplantine, qui a défini un schéma théorique permettant d’établir une typologie des modèles
étiologiques, des modèles thérapeutiques, et d’étudier leur combinaison en rapports typiques
(dits « étiologico-thérapeutiques »).
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« ... un modèle étiologique (ou un modèle thérapeutique, ou encore un modèle
étiologico-thérapeutique) est une matrice qui consiste dans une certaine combinaison
de rapports de sens et qui commande, le plus souvent à l’insu des acteurs sociaux, des
solutions originales, distinctes et irréductibles, pour répondre au problème de la
maladie. » - (Laplantine, 1986, p. 44)
Bien que le concept de modèle étiologico-thérapeutique ait été élaboré pour parler
surtout des maladies et des pratiques de médecine, il peut être aussi retenu pour penser les
logiques psycho-thérapeutiques.
2.2. Typologie
Le schéma de Laplantine pose qu’il existe quatre grands types de modèles étiologiques
(il s’agit à chaque fois de couples d’opposés) :
 exogène-endogène : l’origine du mal est supposée extérieure au malade (exogène) ou
interne (endogène) ;
 ontologique-fonctionnel (ou relationnel) : la maladie est considérée comme une entité
en soi, différente du malade lui-même (ontologique), ou elle est considérée comme étant l’effet
d’un désordre dans la relation du malade au monde environnant ou à lui-même (fonctionnel ou
relationnel) ;
 soustractif-additif : la maladie est identifiée à un manque, une faiblesse ou un
affaiblissement (soustractif), ou au contraire à l’effet d’un excès, d’un « en plus » ou d’un « en
trop » (additif) ;
 maléfique-bénéfique : la maladie est un mal ou un malheur dont le malade est victime
(maléfique), ou une épreuve positive et une chance dont il peut tirer un enseignement ou un
avantage (bénéfique).
Illustrons chacun de ces quatre modèles par quelques-unes des conceptions utilisées
dans le champ des thérapies psychologiques.
Exemples :
exogène : les théories environnementales du stress et du traumatisme, les modèles du
conditionnement pathogène, la théorie de la communication paradoxale et de ses effets
de distorsion de la communication, l’influence de « mauvais » parents, la notion de
« trouble réactionnel »...
endogène : les concepts d’inconscient, de refoulement, de « psychose endogène », de
prédisposition, de constitution (physique, psychique, générale), de répétition
transgénérationnelle, de « faux self », les théories psychanalytiques du traumatisme...
ontologique : la notion de lésion (« lésés cérébraux »)
fonctionnel : le concept psychanalytique de conflit intra-psychique, le modèle
phénoménologique des « flexions de l’être-au-monde », les modèles cognitivistes...
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soustractif : tous les modèles impliquant l’idée d’une carence, d’une frustration, d’une
déficience, ou d’une inhibition (« blocage ») - qu’elle soit affective, relationnelle,
instrumentale, intellectuelle, socioculturelle...
additif : les modèles supposant une intoxication physique et/ou psychique (addiction,
dépendance, surprotection, surdon, excitation précoce... ), la notion de « psychose
passionnelle »...
maléfique : la théorie systémique du « patient désigné », les notions d’anormalité, de
handicap, de déviance...
bénéfique : les notions psychanalytiques de bénéfice secondaire et de résistance
(attachement au symptôme), l’assimilation des expressions du « Ça » à une expression
de « la Vie » (Groddeck)...
Du côté des « formes élémentaires de la guérison » (Laplantine), on peut, de même,
distinguer quatre couples d’opposés constituant autant de modèles thérapeutiques :
 allopathique-homéopathique : le traitement consiste à contrer ou à contrarier la
maladie et/ou ses symptômes (allopathique ou allo-thérapique), ou bien à traiter le mal par luimême, en activant ses symptômes (homéopathique ou homéo-thérapique) ;
 additif-soustractif : le traitement consiste soit à donner ou à restituer quelque chose au
malade (additif), soit à lui retirer ou à le soulager de quelque chose (soustractif) ;
 exorcistique-adorcistique : la guérison nécessite un combat du thérapeute contre le
mal ou la maladie (exorcisme), ou bien suppose que le thérapeute partage le mal avec le malade
et conduise celui-ci vers la guérison (adorcisme) ;
 excitatif-sédatif : le traitement consiste à tonifier le malade (excitatif), ou au contraire
à calmer les effets de la maladie (sédatif).
Exemples :
allopathique : les thérapies par conditionnement et par apprentissage...
homéopathique : la prescription du symptôme en thérapie stratégique, la névrose de
transfert en psychanalyse, les techniques d’immersion...
additif : la notion de « greffe thérapeutique » (Pankow), les notions de réparation, de
restauration, de réhabilitation, les traitements par compensation (aides, assistances,
allocations, droits, avantages), la notion de « soutien »...
soustractif : les pratiques cathartiques, la lobotomie, la « castration chimique », les
séparations thérapeutiques...
exorcistique : l’intervention « de crise », les thérapies visant à « libérer » (le moi, la
personnalité, le corps) de quelque chose d’étranger et/ou de mauvais (influence,
souvenir, peur, habitude), la notion de catharsis...
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adorcistique : l’accompagnement participatif, les pratiques chamaniques, les
communautés thérapeutiques (psychothérapie institutionnelle, sociothérapie),
l’empathie rogérienne, le rêve-éveillé-dirigé...
excitatif : les thérapies de désinhibition (« cri primal », bioénergie), l’activation
psychothérapique (Benoit), les thérapies « de choc », les techniques assertives, la
conviction suggestive (hypnose)...
sédatif : les relaxations, les techniques de pensée positive, de pensée alternative...
À partir de là pourront se dégager des compatibilités et des incompatibilités logiques
entre ces représentations (conscientes et inconscientes) que nous nous faisons des origines du
« mal » et celles que nous nous faisons de sa résolution.
Exemples :
- l’idée d’une pathologie conçue comme une effraction (exogène) appelle logiquement
une thérapeutique qui en traitera de façon tout aussi « extérieure » au malade, par exemple par
une extraction ou par une jugulation allopathique ;
- une pathologie conçue comme désordre fonctionnel, liée au malade et à son mode de
vie, ne pourra s’accorder avec l’idée d’un traitement soustractif ou exorcistique, mais trouvera
au contraire quelque affinité avec un renforcement ou une atténuation du déséquilibre, selon que
celui-ci sera considéré comme salutaire (adorcisme, homéopathie) ou comme devant être
atténué (sédation) ou compensé (addition).
Soulignons que le concept de modèle étiologico-thérapeutique à surtout l’intérêt de
nous inviter à nous détacher des fausses évidences, des convictions et des a priori, et à
concevoir que « la » maladie et « la » guérison n’existent en fait qu’en fonction de la
construction théorique (explicite ou implicite) par laquelle nous leur donnons existence.
2.3. Dispositif
Le terme de dispositif (ou cadre ou contexte) désigne le fait que nos moyens d’action
clinique ne sont pas de l’ordre du simple outillage plus ou moins aléatoire, mais qu’ils sont
organisés en ensembles différenciables de contraintes opératoires. C’est donc un autre repère
indispensable pour définir le travail psychothérapeutique et distinguer entre elles les diverses
sortes de psychothérapies.
Remarquons tout de suite que cette notion, venue du champ psychanalytique (Decobert,
1986), s’est aujourd’hui étendue à toutes les formes de psychothérapies. On l’emploie aussi
pour désigner les autres formes d’action psychologique. Ainsi on pourra parler de cadre ou de
dispositif à propos de l’examen (ou du bilan) psychologique, ou à propos de travail de conseil
psychologique.
2.3.1. Le cadre en psychanalyse
En psychanalyse, le mot français « cadre » est l’équivalent du terme anglais setting,
utilisé par les auteurs anglo-saxons. Le setting est « la somme de tous les détails de
l’aménagement du dispositif », écrivait par exemple Winnicott en 1956.
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José Bleger (1966) a proposé de distinguer cadre et processus. selon cet auteur, la
situation psychanalytique « comprend des phénomènes qui constituent un processus, lequel est
l’objet d’étude, d’analyse et d’interprétation ; mais elle comprend également un cadre, c’est-àdire un “non-processus”, en ce sens qu’il est fait de constantes, à l’intérieur duquel le
processus lui-même a lieu. On peut ainsi étudier la situation analytique du point de vue de la
méthodologie qu’elle représente ; son cadre correspondra alors aux constantes d’un
phénomène, d’une méthode ou d’une technique, et le processus à l’ensemble des variables...
[Soulignons] le fait qu’il est impossible d’explorer un processus sans maintenir les mêmes
constantes (c’est-à-dire le cadre). Aussi incluons-nous à l’intérieur du cadre psychanalytique le
rôle de l’analyste, l’ensemble des facteurs affectant l’espace (ambiance) et le temps, et la part
de la technique (y compris les problèmes afférents aux horaires, la ponctualité, le paiement, les
interruptions, etc.). Le cadre, en fait, se réfère à une stratégie plutôt qu’à une technique. »
(Bleger, 1966, trad. fr., p. 255-256).
Plus récemment, Edmond Gilliéron (1992) a donné une définition du cadre
psychanalytique comme étant le contexte qui va déterminer et spécifier le travail
psychanalytique (i.e. le travail du psychanalyste). Plus précisément, ce contexte définit la
relation patient-thérapeute, elle-même définie comme une interaction particulière. Partant de là,
on peut en énoncer plusieurs caractéristiques (voir schéma) :
- le contexte influence aussi bien le patient que le thérapeute ;
- il y a deux canaux principaux de communication dans la relation : verbal et non verbal
(perception visuelle) ;
- le canal perceptif est plus court, plus immédiat que celui de la verbalisation ;
- la relation thérapeutique est circulaire (les actions de chacun des deux membres de la
relation est déterminée par les actions de l’autre dans des interactions perpétuelles) ;
- les associations (patient) sont le produit de deux sources : l’influence du thérapeute et
la problématique interne du patient ;
- les interprétations (thérapeute) ont deux sources principales : l’influence des
associations du patient et un ensemble de facteurs personnels (contre-transfert, technique, etc.).
« Le cadre, c’est donc ce qui va définir la psychothérapie et délimiter ses frontières.
[...] Ce cadre va donc comprendre deux ordres de facteurs :
« 1) ceux qui tiennent à la technique utilisée, aux règles de comportement tant du
thérapeute que du patient ;
« 2) les données fixes de la cure : fréquence des séances, temporalité, disposition des
lieux, etc. C’est ce que l’on appelle communément le dispositif.
« Quant à la relation elle-même, elle est définie par ce qui se passe “entre” le patient et
le thérapeute, mais à l’intérieur d’un réseau de règles bien définies. Elle n’est ni le
patient, ni le thérapeute, mais se traduit par un ensemble de phénomènes liant l’un à
l’autre. » (Gilliéron, 1992, p. 125)
2.3.2. Définition élargie
Au-delà du seul champ psychanalytique, on peut généraliser la notion de cadre ou de
dispositif, en lui donnant la définition suivante (d’après R. Kaës, 1980, p. 54) :
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
30
Le cadre (ou dispositif) est l’ensemble des aménagements prédéterminés définissant les
conditions d’une expérience thérapeutique donnée, soit :
- l’aménagement du temps et de l’espace ;
- la structure des modalités relationnelles et expressives prescrites par une règle ;
- éventuellement, pour la pratique en groupe, la détermination du nombre et du statut
(âge, sexe, statut professionnel) des participants.
Le dispositif est donc conduit par un projet, dont les effets sont à considérer tant du
point de vue du but (terme opératoire) que des processus engendrés par sa mise en oeuvre
(situation).
La situation est l’ensemble des significations produites et échangées dans le cadre du
dispositif et à son propos par les différents acteurs qui y sont impliqués.
En intégrant à cette définition la notion de « modèle étiologico-thérapeutique », on
pourrait encore dire que le cadre est l’ensemble des conditions par lesquelles va
s’opérationnaliser concrètement et méthodiquement la référence théorique par laquelle le
thérapeute conçoit le problème à traiter et la résolution de celui-ci.
Le dispositif est l’opérationnalisation du modèle étiologico-thérapeutique choisi. Il en
constitue, en quelque sorte, la mise en scène et en permet la mise en oeuvre dans un but d’issue
thérapeutique (« guérison »).
2.3.3. Remarques complémentaires
 Le plus souvent, on ne retient du cadre que ses caractéristiques spatio-temporelles.
Insistons pour dire que les divers aspects par lesquels se définit un dispositif donné, ne se
limitent pas à des aménagements du temps et de l’espace. En fait, plusieurs types de facteurs
entrent en jeu :
 des consignes (explicites ou implicites) :
- verbales : énoncé d’un objectif, d’une tâche, d’une modalité d’échange...
- posturales : aménagement spatio-temporel de la rencontre, régulation des attitudes et
mimiques...
- instrumentales : support concret d’action ou de réalisation de la part de l’usager (tâche)
- (ex. : un matériel de jeu, ou une production plastique : dessin, modelage) ;
 des facteurs de conjoncture (morale et/ou légale) liée aux commanditaires ou aux
partenaires du thérapeute : missions, habilitations, fonctions, impératifs de restitution...
Le dispositif est, en somme, l’ensemble des conditions (y compris conjoncturelles,
institutionnelles) par lesquelles se définit, s’effectue et se régule une action thérapeutique
donnée (et plus largement une action clinique donnée).
 Chacun des éléments conditionnels, constitutifs d’un dispositif donné n’a de sens
qu’en fonction de tous les autres, selon l’ensemble défini qu’ils composent. Ces éléments
s’articulent, autrement dit, en un système (ou une structure), où ils sont en relation
d’interdépendance.
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31
Exemples :
a) Le divan du psychanalyste, élément mobilier dont le sens est relatif :
- d’une part, aux reliquats historiques de l’hypnose dans le protocole de la cure
analytique ;
- d’autre part, à un ensemble de règles organisant et contraignant une certaine forme
d’échange, en vue de l’émergence de l’organisation sous-jacente au discours du patient
(inconscient).
A l’immobilisation corporelle prescrite au patient correspond l’interdit du toucher que
s’auto-prescrit le thérapeute (règle d’abstinence) ; de même, à la détente et à la
libération volontaire du discours (libres associations) demandées au patient, correspond
pour le thérapeute le principe technique de l’écoute « flottante ».
b) L’empathie dans la méthode de l’entretien rogérien (Carl Rogers) n’a rien à voir avec
la qualité personnelle sur laquelle elle peut éventuellement s’étayer (« empathie » au
sens courant du terme). C’est d’une position requise chez l’opérateur qu’il s’agit, et qui
se trouve étroitement corrélative au souci de s’adresser à ce que le client pense de ce
qu’il dit plutôt qu’à ce qu’il dit.
D’où : le choix du face-à-face et la technique de la reformulation, du côté de
l’intervenant, et la règle posée, pour le client, de parler systématiquement dans l’actuel,
dans l’ici-et-maintenant.
Le corollaire de cette définition est qu’une activité thérapeutique ne peut se concevoir
que dans la relativité de ses choix opératoires - c’est-à-dire qu’en fonction de la systématisation
conditionnelle qu’elle s’est à elle-même définie comme pertinence d’action.
En conséquence, on peut encore dire que l’on ne peut étendre sans quelque abus
« l’objet » produit et traité par un dispositif particulier, à un autre dispositif. Tout « objet »
d’intervention, en effet, est relatif au cadre qui le détermine.
Exemples :
a) L’inconscient n’est jamais que le produit de l’association libre comprise comme
modalité particulière d’observation psychologique et d’intervention psychothérapeutique.
b) La spontanéité chez Jacob Moreno est l’effet du dispositif psychodramatique, qui
implique une capacité créatrice de « rejeu ».
Parmi les dispositifs d’évaluation (tests psychologiques) :
c) L’intelligence selon Alfred Binet (inventeur de la première « méthode métrique de
l’intelligence » en psychologie) : « ... c’est ce que mesure mon test ». De fait,
« l’intelligence » que produit et mesure l’Echelle Métrique n’est pas celle que travaillent
par exemple l’Echelle de Wechsler ou le K-ABC, puisque tous ces tests n’utilisent pas
les mêmes épreuves ni les mêmes conceptions de l’intelligence.
d) La personnalité pour les diverses méthodes psychologiques qui s’en réclament, par
exemple les « méthodes projectives » :
« La procédure projective (= en méthodologie projective) met en jeu et en scène une
cohérence, une intelligibilité qui se réalisent à travers un certain nombre de
présupposés ; ce qu’on appelle “personnalité”, c’est la résultante et la production d’un
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
32
ensemble de conditions d’observation. Chacun [= chaque sujet testé] a autant de
“personnalité” qu’il y a de systèmes d’interprétation. » (L.M. Villerbu, 1988)
La fonction contenante
« On parle de cette fonction depuis les travaux de W.R. Bion et leur diffusion dans les théories
psychanalytiques groupales, notamment en psychanalyse de la famille. W.R. Bion était lui-même un
spécialiste du groupe restreint.
« La fonction contenante correspond à la fonction alpha maternelle que décrit W.R. Bion. On sait que
cette activité maternelle, proche de la rêverie, supplée à l’absence d’appareil à penser du bébé. Les
éléments bêta, c’est-à-dire les sensations brutes, restent sans cela des “choses en soi”, et non des pensées
de la chose, et sont éjectés par identification projective. la psyché maternelle contenante, sa capacité de
rêverie, est de l’ordre de l’Inconscient et soumise de ce fait aux processus primaires.
« Le parallèle avec l’activité du psychologue en entretien clinique est donc pour le moins “osé”. Mais si
l’on garde quelque distance avec ce modèle, on peut en effet observer qu’une tâche importante consiste à
contenir les éprouvés pénibles, innommables parfois, que ressent le patient. Cela signifie que l’on doit
permettre au sujet de passer de ce qui est de l’ordre de la perception, d’où le terme d’ “éprouvés”, à celui
de la représentation et donc du contrôle, d’où la notion de contenance.
« Il faut pouvoir accepter, pour jouer réellement ce rôle, d’abandonner quelques temps ses modes de
pensée trop logiques et secondarisés. Il faut aussi pouvoir écouter la partie la plus archaïque du patient et
savoir jusqu’où il est possible d’aller.
« A la question qui m’a été posée : “La fonction contenante est-elle de même nature pour un psychotique
et pour un névrosé ?”, je pense qu’il faut répondre “oui”, puisque c’est de toute façon à la part la plus
régressive du sujet que l’on s’adresse. Mais il est certain que le psychotique est plus tourmenté par ce que
Bion appelle les “proto-pensées” (éléments bêta expulsés non contenus) que ne l’est le névrosé, et qu’il
appellera davantage le psychologue à ce difficile travail. » - (Poussin, 1994, p. 41-42)
 Enfin, remarquons que la notion de cadre n’est pas seulement nécessitée par une
exigence opératoire de cohérence technique et d’efficacité pratique. Elle renvoie aussi à une
exigence éthique et déontologique, dans la mesure où le cadre est ce qui va définir et garantir les
limites de l’action et du pouvoir du thérapeute. Le cadre a donc une fonction régulatrice de
l’influence du thérapeute sur le client, et inversement de l’influence du client sur le thérapeute.
« Pour se prémunir des distorsions de l’homothétie [i.e. similitude] comme de celles de
la dissemblance et préserver la relation clinique, le clinicien ne peut pas se dérober à
sa propre mise en cause dans sa pratique ou sa recherche. Pour se défendre contre luimême, puisqu’il est l’instrument mais aussi l’obstacle à la relation clinique, il doit avoir
recours à ce que nous appellerons d’un terme large, le dispositif. Ce terme renvoie
d’abord à une référence théorique : exigence conceptuelle qui fasse loi dans la relation
et enlève au clinicien la maîtrise narcissique. C’est la référence par laquelle le clinicien
s’oblige et se contraint à sortir des complaisances, à se dépasser dans la symbolisation.
Si l’on peut parler de rigueur clinique, c’est par là aussi qu’elle se maintient. Le
dispositif peut être considéré comme le déploiement concret et méthodologique de la
référence théorique - à l’intérieur duquel le clinicien s’oblige - qui sert de limite et de
repère à la démarche, autorise l’avènement du sens en laissant l’espace ouvert aux
événements de la relation. Le dispositif garantit les partenaires de la relation, le client,
en assignant le clinicien. » - (Barus-Michel, 1987, p. 36)
À la limite, le thérapeute sera parfois tenté d’utiliser le cadre comme une « défense »
contre l’influence du client, par exemple en « fétichisant » la forme ou les règles du cadre
(rigidification, ritualisation du cadre), ou en attribuant principalement au cadre les effets de
l’action menée (positivation ou réification du cadre).
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
33
« Mettre en place un cadre ne suffit pas à l’émergence du processus, c’est-à-dire à
l’émergence de mouvements psychiques symbolisables. Une fois le cadre disposé, tout
reste encore à accomplir, il n’y a pas de relation d’automaticité entre la pose du cadre
et le jeu de la parole, à l’immuabilité du cadre doit être associée la qualité de la
présence du praticien. Mettre en place un cadre revient en partie à se donner les signes
extérieurs du statut de praticien, il constitue la partie la plus visible de la fonction
exercée. Le cadre pourrait donner l’illusion d’occuper une place sans avoir à exercer
les activités cliniques favorables à l’émergence de la parole. Une fois la place définie
par le cadre, il reste à occuper une position, c’est-à-dire l’essentiel : être présent dans
une relation intersubjective. » - (Jacobi, 1995, p. 37)

En résumé
Le schéma d’analyse que nous venons d’établir montre qu’il est assez vain de vouloir
formuler une définition générale de « la » psychothérapie et de comment cela « fonctionne »,
bien que de nombreux auteurs l’aient tenté - (voir encadré page suivante). On n’apprend pas
grand chose, en effet, à savoir que la psychothérapie (ou les psychothérapies) sont un ensemble
de (procédés, moyens, méthodes, techniques) traitant des (difficultés, troubles, maladies), par
des moyens psychologiques (relation, communication, influence), dans un (cadre, contexte,
conditions) défini, et que le thérapeute s’appuie pour cela sur des connaissances psychologiques
(théorie de la personnalité, du développement, du comportement... normal et pathologique).
On peut, de plus, aisément reconnaître dans ces divers essais de définition une
préférence plus ou moins précise et plus ou moins implicite pour une certaine conception
étiologico-thérapeutique ou pour une autre.
Il nous a paru plus intéressant de renoncer à une définition générale, vainement
fédérative, des psychothérapies, et d’envisager un modèle d’analyse permettant d’en admettre
au contraire l’hétérogénéité, d’en étudier la cohérence théorico-pratique, et de les différencier
entre elles.
La définition d’une psychothérapie (entendue alors comme telle ou telle méthode de
psychothérapie en particulier) revient ainsi à répondre, dans tous les cas, aux questions
suivantes :
 quelle conception générale du psychisme la méthode en question implique-t-elle ?
 quelle conception du (ou des) problème(s) qu’elle se donne à traiter ?
 quelle conception de l’issue à ce(s) problème(s) ?
 quelles dispositions ou aptitudes suppose-t-elle chez la (ou les) personne(s) pouvant
bénéficier de cette psychothérapie ? (critères de contre-indication, procédure d’évaluation
préalable)
 quel type d’échange ou de communication cette méthode va-t-elle privilégier et
favoriser : attitude prescrite et attendue du « patient », attitude auto-prescrite du thérapeute,
définition de la relation thérapeute-patient ?
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
34
 quels moyens et quels types d’intervention le thérapeute se donne-t-il ? (ou a
contrario : quels moyens et types d’intervention va-t-il s’interdire comme stratégiquement
incompatibles avec son objectif ?)
 quels moyens se donne-t-il pour évaluer les effets de ces interventions ?
 quelles limites éthiques et déontologiques de cet exercice se donne-t-il ? (relations
intervention / contexte socio-institutionnel)
En répondant à toutes ces questions aussi complètement et exactement que possible, on
pourra, de plus, évaluer la congruence de la méthode étudiée entre son discours explicite et son
exercice effectif.
Qu’est-ce que la psychothérapie ?
Quelques essais de définition
« La psychothérapie est un ensemble de procédés thérapeutiques de toutes espèces, aussi bien physiques
que morales, procédés déterminés par la considération de faits psychologiques observés antérieurement et
surtout par la considération des lois qui règlent le développement de ces faits psychologiques et leur
association soit entre eux, soit avec des faits physiologiques. En un mot, la psychothérapie est une
application de la science psychologique au traitement des maladies. » - (Janet, 1919, III, p. 464)
« Le noyau commun des troubles psychiques et somatiques accessibles aux psychothérapies consiste dans
des perturbations de la communication de la personnalité avec les autres et avec elle-même ; il est certain
que pour une très large part, ces perturbations ont leurs origines dans les communications de l’enfant
avec les personnes de son entourage. On peut dire que le but de la psychothérapie est d’établir des
communications intra- et inter-personnelles meilleures, en utilisant la communication du malade et du
psychothérapeute. » - (Lagache, 1955, p. 217)
« Au sens large, toute méthode de traitement des désordres psychiques ou corporels utilisant des moyens
psychologiques et, d’une manière plus précise, la relation du thérapeute et du malade : l’hypnose, la
suggestion, la rééducation psychologique, la persuasion, etc. » - (Laplanche & Pontalis, 1976, p. 359)
« La psychothérapie est un processus interactionnel conscient et planifié visant à influencer des troubles
du comportement et des états de souffrance qui, dans un consensus (entre patient, thérapeute et groupe de
référence), sont considérés comme nécessitant un traitement, par des moyens psychologiques (par la
communication) le plus souvent verbaux, mais aussi non verbaux, dans le sens d’un but défini, si possible
élaboré en commun (minimalisation des symptômes et/ou changement structurel de la personnalité),
moyennant des techniques pouvant être enseignées sur la base d’une théorie du comportement normal et
pathologique. En général, cela nécessite une relation émotionnelle solide. » - (Strotzka, 1978, cité in :
Hüber, 1993, p. 231-232)
« Une psychothérapie est d’abord et avant tout une thérapie qui s’adresse à une personne, en difficulté,
dans un contexte. Cette thérapie n’agit pas sur le corps (intérieur), comme le font la chimiothérapie, la
physiothérapie ou la psychochirurgie par exemple, et elle nécessite pour son déroulement des conditions
spécifiques (un acteur défini, une technique précise, un lieu circonscrit, un contrat). Elle implique
obligatoirement une idée préalable du développement de la personne, comme de la pathogénie résultant
des avatars du développement. » - (Sinelnikoff, 1993, p. 9)
« Le terme (psychothérapie) regroupe l’ensemble des méthodes codifiées soutenues par une théorie
scientifique, une validation des résultats, qui visent, par des moyens psychologiques, à permettre à un
sujet de modifier certains de ses comportements ou de ses pensées dans un sens bénéfique pour lui. » (Pedinielli, 1994, p. 92)
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
35
Nous ne donnerons pas ici d’exemples d’une telle étude, mais nous conserverons ces
questions à l’esprit dans notre présentation des principaux courants contemporains en
psychothérapie.
3. Les grands modèles psychothérapeutiques contemporains
Sans prétendre être complet ni détaillé, nous situerons ici, dans leurs principales
différences et les unes par rapport aux autres, les grandes « familles » de psychothérapies. (On
trouvera, à la fin du document, quelques références bibliographiques de base.)
3.1. Les thérapies comportementales et cognitives
Elles ont en commun de considérer que l’individu est façonné par son milieu
(environnementalisme), et se proposent d’agir sur les relations individu-milieu supposées avoir
déclenché ou entretenu les perturbations dont souffre le patient.
3.1.1. Les thérapies comportementales se réfèrent aux modèles issus des théories de
l’apprentissage développées par le comportementalisme (behaviorisme). Elles s’appuient sur les
principes et les lois dégagées par les études sur les mécanismes de l’apprentissage animal et
humain :
 le conditionnement répondant, qui établit une relation entre un stimulus neutre
(devenu conditionnel par apprentissage) et une réaction inconditionnelle (i.e. une réaction
constante, fixée, associée à ce stimulus neutre) ;
 le conditionnement opérant (ou instrumental), où la réponse est émise par le sujet et
renforcée par le milieu ;
 l’apprentissage vicariant (ou apprentissage social), par observation et imitation d’un
modèle (modeling).
Les conceptions étiologiques de ces thérapies reposent sur l’idée d’habitudes apprises et
qui déterminent des « séquences comportementales » finalisées, c’est-à-dire des conduites. En
thérapie comportementale, on ne considère pas ces séquences comme des signes ou des
symptômes, mais comme un trouble à part entière, qu’il va s’agir de modifier.
Les modalités de la cure et ses objectifs sont établis par un contrat avec le patient, après
avoir procédé avec celui-ci à une étude détaillée des comportements cibles et de leurs conditions
de survenue internes et externes. Le contrat (ou protocole) inclut une évaluation méthodique du
changement obtenu pendant et après la cure.
En fait, la thérapie ne consiste pas à supprimer le trouble, mais à apprendre au sujet une
autre séquence, non pathologique et incompatible avec le trouble présenté, donc pouvant le
remplacer ou l’annuler. Diverses techniques pourront être employées. Les plus classiques sont :
 la désensibilisation systématique, qui consiste en l’apprentissage progressif, par
étapes, d’une réponse incompatible avec un comportement inadapté ou non désiré, selon le
principe de l’inhibition réciproque (par ex. : apprendre peu à peu à « apprivoiser » les divers
aspects d’une situation phobogène, en commençant par les aspects les plus immédiatement
abordables) ;
 l’immersion, qui consiste à exposer le sujet indirectement (exposition symbolique) ou
de façon directe et prolongée (immersion proprement dite ou flooding) au stimulus anxiogène,
afin de permettre le développement d’une séquence d’évitement allant jusqu’à sa propre
extinction (rôle renforçateur de l’évitement) ;
 les méthodes assertives (ou techniques d’affirmation de soi), qui visent à développer
les possibilités de communication et d’efficiences sociales (ou habiletés sociales) du sujet.
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
36
Ces différentes techniques peuvent être associées. Par exemple, les méthodes assertives,
généralement pratiquées en groupe, intègrent la désensibilisation et le modeling.
3.1.2. Les thérapies cognitives se réfèrent, quant à elles, aux modèles fondés sur l’étude
du traitement interne de l’information, eux-mêmes issus de l’informatique et de l’intelligence
artificielle. Conformément à cet enracinement dans la psychologie cognitive, elles se focalisent
sur ce qui se passe entre le stimulus environnemental et la réponse comportementale du sujet,
c’est-à-dire sur les « schémas cognitifs » générateurs (implicites) des croyances du sujet, de ses
attitudes, de sa personnalité.
« Les schémas [cognitifs] sont la partie la plus profonde des variables cognitives : ils
représentent l’ensemble des croyances et des convictions intimes qu’un sujet entretient
sur lui-même et sur le monde. Par exemple : “Pour être aimé et apprécié par les autres,
je ne dois jamais m’opposer à eux”, “Pour que je sois vraiment satisfait de mon travail,
celui-ci doit être parfait”, etc. Les schémas expriment en fait toute une série de règles
de vie, dont le point de départ est le plus souvent légitime (besoin d’être aimé, désir de
perfection...), mais dont l’application rigide et systématique entraîne bien des
problèmes. [...] Ils correspondent à l’intériorisation précoce de règles familiales ou
sociales, ou à l’impact d’événements de vie marquants. » - (C. André, 1995, p. 20-21)
Ces schémas cognitifs ont pour base des processus cognitifs élémentaires, comme par
exemple :
 l’inférence arbitraire, qui consiste à tirer des conclusions formelles d’une situation ou
d’une sensation, en l’absence de preuves manifestes ou avant même de les rechercher (ex. : « Il
me critique, donc il m’en veut personnellement », « Mon coeur bat fort, donc je vais avoir un
infarctus ») ;
 la généralisation, qui consiste à tirer des conclusions globalisantes d’une situation ou
d’un élément de situation très spécifique (ex. : un sujet qui tombe malade à la veille d’un weekend et qui dit « C’est toujours comme ça, je n’ai jamais de chance ») ;
 l’abstraction sélective : le sujet privilégie, dans sa lecture des événements, ceux qui
confirment ses a priori (ex. : un conducteur pressé va avoir l’impression que tous les feux sont
au rouge en négligeant de voir ceux qui sont au vert - une personne « susceptible » qui ne retient
d’une conversation que les mots ou les phrases qui comportent des remarques critiques, sans
remarquer les messages de soutien ou d’encouragement dans la même conversation) ;
 la personnalisation, ou surévaluation par le sujet du lien entre certains événements et
lui-même (ex. : « Mes enfants travaillent mal en classe, tout est de ma faute », « Ça n’arrive
qu’à moi, ces choses-là ») ;
 la maximalisation du négatif et la minimisation du positif, qui consiste à appliquer une
double évaluation à tout événement, à la fois positive et négative, et en amplifiant dans les deux
sens (ex. : « J’ai réussi à obtenir mon diplôme d’anglais, mais je n’ai aucun mérite puisque j’ai
vécu en Angleterre ; par contre, j’ai eu beaucoup de mal à comprendre les questions posées à
l’examen ») ;
 le raisonnement (ou la pensée) dichotomique, ou perception des choses selon des
critères sans nuances, en tout ou rien, en tout noir ou tout blanc, en totalement bon ou
entièrement mauvais (ex. : « J’ai raté cet examen, ma vie professionnelle est fichue », « Ce n’est
pas la peine de voir des problèmes là où il n’y en a jamais eu »).
Ces schémas cognitifs ne sont pas forcément inadaptés, mais ils le deviennent s’ils se
systématisent en « pseudo-certitudes » fréquentes et nombreuses, sans recul critique quant à
leurs conclusions. Le trouble à traiter est donc conçu comme une distorsion fixée des processus
cognitifs, à l’origine d’ « erreurs cognitives » particulières. Tout le travail thérapeutique va
consister à identifier ces cognitions, à amener le sujet à en prendre conscience, et à lui apprendre
à les modifier par des cognitions alternatives ou par un assouplissement des schémas acquis.
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
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Comme les thérapies comportementales, les thérapies cognitives sont des thérapies
généralement à court terme, qui procèdent par un contrat avec le sujet quant aux objectifs ciblés,
aux moyens choisis, et à l’évaluation des résultats obtenus.
3.1.3. Aujourd’hui associées sous le nom de « thérapies comportementales et
cognitives » (Cottraux, 1990), ces psychothérapies trouvent leurs principales indications dans le
traitement des troubles anxieux névrotiques (phobies, obsessions, compulsions) et des troubles
dépressifs (non mélancoliques) ; elles sont également utilisées pour le traitement de troubles
sexuels (éjaculation précoce, anorgasmie, vaginisme, troubles du désir sexuel... ) et de troubles
tels que l’alcoolisme, le tabagisme, la boulimie.
3.2. La psychanalyse et l’influence psychanalytique
3.2.1. Nous considérerons ici la psychanalyse en tant que psychothérapie, bien qu’elle
soit parfois opposée aux autres psychothérapies, notamment en raison de son choix majeur pour
l’interprétation, de sa conception très particulière de la relation thérapeutique (importance
accordée au transfert), et de la suspension stratégique de tout désir de guérir qu’elle impose au
thérapeute (neutralité, règle d’abstinence).
La psychanalyse se réfère, bien entendu, aux conceptions du psychisme établie par la
« métapsychologie » (théorie psychanalytique du psychisme). Dans son modèle technique de
départ, élaboré d’abord pour traiter les troubles névrotiques, elle considère que le trouble est lié
à un conflit inconscient entre des pensées et désirs incompatibles, et se propose d’actualiser les
racines infantiles de ce conflit, et de permettre une réorientation de l’énergie pulsionnelle ainsi
dégagée.
La méthode psychanalytique utilise un protocole précis (sujet allongé, thérapeute hors
de sa vue, séances fréquentes, régularité du rythme et de la durée des séances), destiné à
favoriser la régression, c’est-à-dire le relâchement du contrôle conscient du patient sur sa vie
mentale et l’expression de représentations et d’émotions « archaïques ». En fait, le travail
analytique s’effectue plus largement sur l’ensemble du « matériel » apporté par le patient dans
le cadre de la situation analytique (libres associations de pensées, mais aussi : souvenirs,
fantaisies, rêves). Il va surtout porter sur les résistances suscitées par la règle de la libre
association d’idées et sur le transfert (actualisation et répétition de désirs inconscients et
d’attitudes émotionnelles passées dans la relation avec l’analyste). La position de « neutralité
bienveillante » de l’analyste favorise l’expression du matériel clinique recherché et contribue au
développement des phénomènes transférentiels.
L’intervention du thérapeute est essentiellement interprétative, visant à faire apparaître
au sujet le sens latent de son discours, au fur et à mesure du processus analytique, c’est-à-dire
en fonction de ce que le sujet est prêt à en admettre et à en comprendre et au moment où il est
prêt à assimiler (perlaboration) l’interprétation proposée. Notons que le travail interprétatif de
l’analyste s’appuie sur l’écoute de son propre transfert (contre-transfert), favorisée par la
technique de « l’attention flottante ».
L’indication principale de la cure analytique classique (« cure-type ») est représentée
par les névroses, mais elle dépend surtout, et plus globalement, de la capacité du sujet à accéder
au processus analytique et à bénéficier des changements que celui-ci peut lui apporter.
Licence 3 Méthodologie clinique : l’entretien clinique – les psychothérapies
38
3.2.2. Plus difficile est de définir le groupe des nombreuses psychothérapies qui se
réclament de la psychanalyse sans réaliser toutes les conditions techniques de la « cure-type ».
On peut y reconnaître trois cas de figure :
- soit des psychothérapies qui conservent de la psychanalyse ses conceptions
métapsychologiques et ses grands principes techniques (prise en compte du transfert, des
résistances, interprétation), mais avec un objectif thérapeutique moins large et dans un cadre
« allégé » ;
- soit des psychothérapies qui se réfèrent à des conceptions issues de l’approche
freudienne mais modifiées, et qui ont développé leur propre technique thérapeutique en
conséquence, mais au point de s’éloigner plus ou moins de leur modèle de départ ;
- soit, enfin, des psychothérapies qui se réfèrent aux modèles psychanalytiques du
psychisme, mais au service d’une pratique psychothérapique qui diffère totalement de la cure
analytique proprement dite.
 Dans le premier cas, il s’agit des psychothérapies brèves d’inspiration analytique (ou
P.I.P.) ou psychothérapies analytiques, parfois appelées les psychothérapies brèves ou encore
les psychothérapies focales.
La « cure-type » définie par la psychanalyse classique a fait l’objet de nombreuses
discussions et contestations, et a connu de nombreux remaniements plus ou moins importants.
En réalité, il n’existe pas d’accord unanime dans la pratique psychanalytique : chaque école,
chaque courant a sa propre façon de concevoir cette pratique, d’une façon plus ou moins
éloignée du modèle freudien de départ.
Dans le cas des « psychothérapies psychanalytiques », leurs préoccupations de départ
est de réduire le temps de la cure analytique et d’assouplir le cadre de la psychanalyse pour
l’adapter aux cas d’autres sortes de sujets que ceux de la cure-type. Partant de là, plusieurs
formes de psychothérapies se sont développées, qui conservent les principes théoriques et
techniques de la psychanalyse, mais en les aménageant de façon à obtenir un changement plus
défini et dans une durée de temps plus courte.
Par exemple, dans la pratique de la psychothérapie analytique développée par la
Menninger Clinic aux États-Unis (Luborsky, 1984), on conserve de la psychanalyse les
principes de l’importance primordiale accordée aux phénomènes transférentiels, de favoriser
l’expression du patient, et de la neutralité du thérapeute. Mais on associera aux techniques
expressives des techniques de soutien (qui visent à favoriser, chez le patient, un maintien de son
effort thérapeutique et une tolérance aux techniques expressives). On pratiquera en relation de
face-à-face, ce qui facilitera une relation thérapeutique où les interventions du thérapeute se
dérouleront sous la forme d’un dialogue avec le patient. On pourra définir un temps limité à la
cure (mais pas toujours : la cure peut être aussi de durée ouverte ou « illimitée »). Le premier
objectif que se donne le travail thérapeutique est d’intervenir sur les « symptômes-cibles » (i.e.
les motifs de la consultation) et sur le « thème relationnel » (i.e. le contexte dans lequel les
symptômes se manifestent habituellement), et secondairement de modifier les « problèmes
relationnels » qui leur sont sous-jacents (objectif de la thérapie de durée illimitée ou
« ouverte »).
Dans les « thérapies brèves d’inspiration psychanalytique » pratiquées par E. Gilliéron
(1990), le travail thérapeutique est focalisé (ciblage du problème traité), stratégique (par ex. le
thérapeute va se donner des objectifs précis à développer sur quatre séances), et contractualisé
(contrat thérapeute-patient). Les interventions du thérapeute sont cependant conditionnées par
une phase préliminaire d’investigation, qui détermine quel est le problème central (focus) sur
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39
lequel on va travailler, et ceci à partir d’une hypothèse psychodynamique élaborée sur la base de
l’étude de la dynamique de la relation patient-thérapeute.
 Dans le second cas de figure, nous trouvons des formes de psychanalyse qui
s’originent dans la psychanalyse freudienne, mais qui s’en sont plus ou moins démarquées par
leurs positions théoriques et/ou par leurs conceptions techniques. L’histoire de la psychanalyse a
ainsi retenu des développements de la psychanalyse, qui ont été jugés comme des dérives ou
comme des « régressions » par « l’orthodoxie » freudienne.
Par exemple, la « technique active » développée par Sándor Ferenczi, qui vise à susciter
une actualisation (c’est-à-dire une répétition et non une remémoration) du souvenir traumatique
réprimé, afin de permettre de « liquider » les affects qui lui sont associés, - ce qui va
évidemment à l’encontre de la conception freudienne selon laquelle la répétition est une forme
de résistance à la remémoration et à la perlaboration. La pratique psychanalytique de Ferenczi
s’appuie sur une conception du trauma primitif différente de celle de Freud, notamment parce
qu’elle évacue l’idée que ce trauma puisse comporter des éléments fantasmatiques.
Autre exemple : la psychothérapie développée par Alfred Adler, qui partant d’idées
proches de la psychanalyse (notamment par la prise en compte des conflits psychiques internes
dans le développement des névroses), est devenue une psychothérapie centrée sur l’analyse du
style de vie du patient (i.e. la structure de sa personnalité, ses lignes psychodynamiques
particulières, ses schèmes actionnels et réactionnels) et visant à la réorientation de ses modes de
pensée dévalorisants. L’hypothèse étiologique de base est le sentiment d’infériorité (le fameux
« complexe d’infériorité »), et l’agressivité compensatoire qui s’ensuit pouvant mener à un
échec de l’adaptation sociale. Cette psychothérapie procède par le « dialogue psychothérapique », l’objectif étant de « dévoiler » au patient le symptôme névrotique et son style de
vie névrotique. Le transfert n’est pas pris en compte. On voit combien cette méthode de
psychothérapie est, en définitive, assez étrangère à la psychanalyse dont elle s’est en partie
inspirée.
 Quant au dernier cas de figure, il correspond à une tendance très répandue et
diversement représentée. Il s’agit alors de dispositifs thérapeutiques qui ne retiennent des
conceptions psychanalytiques du psychisme qu’un ancrage psychodynamique (le plus souvent
par la référence aux notions d’inconscient, de conflit intrapsychique), et dont l’organisation, les
objectifs et les procédés obéissent cependant à une logique spécifique, différente de celle de la
psychanalyse. A la limite, l’explicitation de cette spécificité est parfois empêchée ou masquée
(effet idéologique) par cette référence plus ou moins prégnante à la théorie psychanalytique du
psychisme.
C’est le cas de nombreuses pratiques d’aide psychologique ou de pratiques psychoéducatives ou thérapeutiques d’expression (généralement au moyen d’un support artistique et/ou
corporel), qui ne sont en fait « psychanalytiques » que par leur adhésion aux idées de la
psychanalyse, sans que cela suffise pour autant à rendre compte de leur objet spécifique (modèle
étiologique), de leurs objectifs (modèle thérapeutique), ni du processus par lequel elles opèrent
(définition du dispositif et de la situation psychothérapeutique qu’il produit).
3.3. Le psychodrame et les thérapies de groupe
3.3.1. Le psychodrame est un autre grand prototype des psychothérapies
contemporaines. C’est une thérapie qui se déroule sous la forme de jeux de rôles en groupe,
sous la direction d’un ou plusieurs thérapeutes. Dans le projet de son inventeur (Jacob L.
Moreno), le psychodrame est à la fois individuel et relationnel (inter-individuel). Il se donne à
traiter des difficultés conçues comme troubles de la créativité (capacité à se créer du rôle, c’est-
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à-dire de la conduite relationnelle et sociale) et de la spontanéité (capacité pour un sujet de
modifier ses réponses habituelles – ou « rôles » - face à une situation nouvelle ou de trouver des
réponses nouvelles face à une situation connue).
La « créativité » est réactivée et intégrée par l’effet supposé cathartique du jeu théâtral,
et la « spontanéité » développée et renforcée par le moyen de divers procédés de jeu théâtral,
parmi lesquels :
 l’inversion de rôle : le sujet est invité à se mettre à la place d’un autre, donc à sortir de
son rôle propre et à expérimenter des potentialités qu’il ne soupçonnait pas en lui) ;
 le doublage (ou rôle du double), où l’un des co-thérapeutes joue le double du patient,
intervenant pendant le jeu théâtral pour l’aider à mieux percevoir certains aspects de ses
comportements, de ses émotions ou de ses conflits ;
 le jeu du miroir, qui est une variante du doublage, par imitation du patient « en
miroir ».
Toutes ces techniques ont pour but de favoriser chez le sujet une prise de conscience et
un décentrage par rapport à ses « rôles ». Remarquons l’importance du corps dans cette
approche thérapeutique.
3.3.2. Le psychodrame psychanalytique représente une modification sensible de la
thérapie morénienne. Les phénomènes groupaux et le rapport individu-groupe sont désormais
envisagés selon les modèles psychanalytiques du rêve, du fantasme, de l’identification. Dans sa
pratique, le psychodrame psychanalytique recourt moins aux méthodes actives préconisées par
Moreno, et davantage à l’interprétation des jeux dramatiques et des relations transférentielles.
« La technique du psychodrame psychanalytique individuel est conçue pour conduire le
patient de l’expression des attitudes globales extériorisées dans le jeu à la prise de
conscience de l’existence de son monde interne, lieu d’émergence de ses désirs, à la fois
point d’origine de ses comportements et attitudes et en même temps distinct d’eux.
Toutes les règles techniques sont là pour faciliter cette reconnaissance du primat de la
réalité psychique. [...] Travail d’élaboration, assouplissement des inhibitions et des
contraintes psychiques, facilitation des processus de liaisons et de déplacement, c’est là
la tâche que la théorie psychanalytique attribue au préconscient. Ces objectifs n’ont
rien de spécifique : ce sont ceux de la démarche psychanalytique. Ce qui confère au
psychodrame sa particularité, ce sont les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Ces
moyens sont codifiés par les règles techniques du psychodrame qui, tout en ayant les
mêmes finalités que la psychanalyse, le singularisent par rapport à celle-ci. » (Kestemberg, Jeammet, 1987, p. 21-22)
Le déplacement est ainsi très net d’un modèle centré sur les « rôles » et les relations
sociales (Moreno), à un autre (celui du psychodrame psychanalytique) centré sur les processus
d’identification-projection, de sensations-affects, de symbolisation - mais toujours par la
mobilisation du corps et par le recours à la représentation dramatique (jeux de rôles). Notons
que le psychodrame psychanalytique se pratique soit en groupe, soit individuellement.
3.3.3. Le psychodrame fait partie des psychothérapies de groupe, dont le domaine est en
fait fort vaste et assez hétérogène. Déjà l’appellation « psychothérapie de groupe » est ellemême ambiguë, puisqu’elle peut aussi bien désigner une intervention sur un groupe (groupe en
crise ou en dysfonctionnement), dans un groupe (traitement individuel en situation groupale),
ou par le groupe (traitement individuel utilisant la présence et les relations d’un groupe).
Le psychodrame morénien et la dynamique des groupes sont historiquement les deux
premières sources méthodologiques en ce domaine. D’autres thérapies groupales sont à situer
dans le courant des psychologies humanistes (voir infra : point 3.5).
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3.4. Les thérapies familiales
Prévenons tout de suite une confusion fréquente entre « thérapies familiales » et
« thérapies systémiques », et l’assimilation des unes aux autres.
Il est réducteur de limiter les théories systémiques au seul domaine de l’étude et du
traitement des fonctionnements familiaux. Si elles ont trouvé leur application la plus connue en
ce domaine et dans des pratiques de thérapies familiales, la systémique (ou pensée systémique)
n’est pas née de telles questions, et à l’inverse, la réflexion des psychologues et des
psychothérapeutes sur les dynamiques familiales en jeu dans les troubles mentaux et les troubles
du comportement n’a pas attendu la pensée systémique pour s’y intéresser.
En réalité, il faut distinguer plusieurs sources dans les thérapies familiales, telle qu’elles
se sont aujourd’hui développées en psychologie clinique.
3.4.1. L’approche systémique proprement dite repose sur la notion centrale de système,
ainsi définie : « C’est un ensemble d’éléments interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par
des relations telles que, si l’un est modifié, les autres le sont aussi et que, par conséquent, tout
l’ensemble est transformé » (Von Bertalanffy, Théorie générale des systèmes, trad. fr., 1973).
La notion de système peut valoir pour rendre compte du fonctionnement de tous les
systèmes, qu’ils soient vivants (systèmes biologiques, groupaux, sociaux) ou non vivants
(comme par exemple les systèmes mécaniques ou informatiques).
Les systèmes vivants sont généralement des systèmes ouverts (c’est-à-dire en relation
d’échanges avec un environnement), ce qui n’est pas toujours le cas des systèmes non vivants,
qui sont parfois des systèmes clos ou fermés.
Un système peut être décomposé en sous-systèmes et appartenir lui-même à un sursystème.
La théorie générale des systèmes a énoncé les diverses propriétés des systèmes ouverts.
Nous ne retiendrons ici que la transposition de ces propriétés aux fonctionnements familiaux :
 la famille est un système dans la mesure où elle est un ensemble qui est autre chose
que la somme de ses membres et où ceux-ci sont en interrelations constantes ;
 ces interrelations sont circulaires : elles ne correspondent pas à des liens de cause à
effet, mais à un processus complexe de rétroaction (ou feedback) ;
 les interrelations sont orientées vers le maintien de l’équilibre du système familial
(homéostasie) ;
 elles sont propres à chaque famille et sont liées à son histoire, à ses mythes, à sa
culture ;
 les informations qui sollicitent chacun des membres sont sous-tendus par des affects,
des désirs, des jeux de pouvoir, qui organisent des relations plus ou moins souples entre les
membres et entre le système et son environnement (sur-système) ; ces relations sont donc
relatives à la perméabilité des frontières du système (y compris les frontières internes entre
membres) et à leur flexibilité.
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3.4.2. Les théories de la communication, et notamment celle de l’école de Palo Alto, a
permis de théoriser plus spécialement les interactions familiales. Citons ici quelques-uns des
principes dégagés par Watzlawick et Bateson (représentants de l’école de Palo Alto) :
 on ne peut pas ne pas communiquer : même le refus de communiquer est une
communication, car tout comportement est une communication ;
 chaque comportement a un double aspect : l’aspect indice renvoie au contenu du
message, alors que l’aspect ordre définit la façon dont il est interprété (l’ordre précise la relation
entre les locuteurs et relève donc d’une métacommunication) ;
 dans les communications, nous utilisons à la fois le mode digital et le mode
analogique : le premier correspond au langage verbal composé d’unités référables à un code, et
l’aspect indice l’emporte sur l’aspect ordre ; le second évoque la chose ou l’affect par une
mimique ou une gestuelle signifiante, et est particulièrement adapté à la relation (aspect ordre) ;
 « tout échange est symétrique ou complémentaire selon qu’il se fonde sur l’égalité ou
sur la différence » (Bateson) : dans une communication symétrique, les locuteurs adoptent une
position identique et éventuellement cherche à surenchérir dans chaque échange, alors que dans
la communication complémentaire le comportement d’un des partenaires vise à satisfaire
l’attente de l’autre.
Quelques concepts classiques
issus des approches systémiques et communicationnelles
Mythe familial : terme proposé par A.J. Ferreira (1963) pour rendre compte « des attitudes de pensées
défensives du groupe familial, qui assurent une cohésion interne et une protection externe ; le mythe
familial est donc un organisateur qui remplit une fonction homéostatique d’autant plus sollicitée que le
groupe considéré est en souffrance, en difficulté, en crise, et qu’il menace de se transformer, de se
disloquer, voire de disparaître. Un mythe familial se rapporte à une série de croyances créées et
partagées par tous les membres d’un groupe familial ; il est constitué en relation avec l’ethos et les
rituels de la famille ; le mythe familial est ainsi le sens que le foyer cherche à donner aux actions, aux
pensées et aux émotions de chacun. » (Miermont, 1987, p. 370).
Parentification : terme proposé par I. Boszormenyi-Nagy (1973) pour désigner un renversement,
temporaire ou continu, des rôles parents-enfants. Il s’ensuit une distorsion de la relation entre les
partenaires (enfant-parent ou conjoints), l’un mettant l’autre dans une position de parent.
Double lien (double bind) : théorie élaborée en 1956 par G. Bateson pour désigner une situation dans
laquelle un individu ou un groupe est soumis à deux exigences contradictoires, de telle sorte que
l’obéissance à l’une entraîne une violation de la seconde (la structure logique du double lien est celle des
paradoxes).
Triangle pervers : dysfonctionnement familial spécifique décrit par J. Haley (1967) pour qualifier des
relations triangulaires où la hiérarchie et la répartition du pouvoir sont confuses, entraînant des inversions
de position par rapport aux frontières intergénérationnelles.
À chacun de ces principes, correspondent des perturbations possibles de la communication. Par exemple, la disqualification systématique de la communication peut conduire à une
communication dysfonctionnelle et pathogène, dans la mesure où elle nie quelque chose qui a
cependant bien lieu et qui ne peut être évité.
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L’école de Palo Alto a surtout étudié les paradoxes dans les relations humaines (c’est-àdire la simultanéité de deux propositions exclusives l’une de l’autre dans une même
communication) et les effets pathogènes de la communication paradoxale, notamment dans les
familles « à transaction schizophrénique ».
3.4.3. Sur la base des apports des théories systémiques et communicationnelles,
plusieurs orientations thérapeutiques se sont développées.
Les théories de l’école de Palo Alto (Gregory Bateson, Paul Watzlawick) ont surtout
inspiré des pratiques d’intervention brève qui insistent sur les interactions caractérisant le
système familial, et qui s’efforcent de modifier celles-ci de façon active au moyen de diverses
techniques : directives paradoxales, recadrage du problème, prescription de tâches complexes.
Les théories de la communication paradoxale ont également inspiré les recherches et les
pratiques de l’école de Milan (Mara Selvini Palazzoli).
L’approche structurale (Salvador Minuchin) vise à « remodeler » la structure (ou mode
de fonctionnement) du système familial, en considérant que le symptôme est le signe d’un
dysfonctionnement global du système. L’approche structurale met en valeur dans ses
conceptions comme dans sa pratique : les règles et métarègles familiales, les rapports entre
sous-systèmes, les frontières, les distances interpersonnelles.
L’approche stratégique (Jay Haley), assez voisine de l’approche structurale, se focalise
davantage sur le symptôme, considéré comme le signe d’une crise dans les « transitions » du
cycle de vie de la famille. L’intervention thérapeutique se présente comme une aide à la
résolution du problème que la famille ne parvient pas à dépasser et dont dépend son évolution,
mais en situant ce problème dans l’ensemble du fonctionnement familial.
La thérapie contextuelle (Ivan Boszormenyi-Nagy) préfère situer le problème traité en
fonction de son « contexte relationnel », et pas seulement en fonction d’un système d’interaction
ou d’un système familial. Elle met l’accent sur le rôle dialectique de l’autre dans la définition de
soi, et sur « l’éthique relationnelle », c’est-à-dire sur l’équité et la réciprocité qui fondent les
relations interpersonnelles. C’est à l’approche contextuelle que nous devons les concepts de
loyauté et de parentification.
3.4.4. Les apports psychanalytiques ont consisté à décrire le fonctionnement des
groupes familiaux sur le modèle de l’appareil psychique individuel. Certains auteurs ont ainsi
conçus la famille en attribuant aux différents membres des fonctions analogues à celles du ça,
du moi et du surmoi. En France, André Ruffiot a développé la notion d’appareil psychique
familial à partir de la théorie de l’appareil psychique groupal de René Kaës : le fonctionnement
familial serait sous l’influence d’ « organisateurs » psychiques, en l’occurrence l’illusion
groupale (qui domine les fantasmatiques individuelles), l’imago familial inconscient et les
fantasmes originaires (Ruffiot & al., 1990). Alberto Eiguer, de son côté, compare le
fonctionnement familial au fonctionnement mental archaïque : la famille formerait une totalité,
unie par le partage de fantasmes archaïques inconscients.
«... l’approche psychanalyste groupaliste est inspirée, dans sa théorie et dans sa
technique, par une représentation fantasmatique et groupale de l’individu au sein de sa
famille. Elle est une écoute, au-delà des échanges verbaux et comportementaux, du
fonctionnement de la fantasmatique familiale dans l’appareil psychique groupal de la
famille, cet inconscient à plusieurs voix se révélant dans l’association libre des
membres de la famille réunis en séance. Au-delà des échanges interactionnels,
l’analyste est à l’écoute de la communication inconsciente sous-jacente à toute
communication manifeste par interaction, à ce niveau de fonctionnement archaïque où
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les individus diluent leurs psychés individuelles dans une psyché groupale. Le levier
thérapeutique de l’analyse groupaliste est essentiellement le transfert du groupe
familial et son élucidation à travers les productions fantasmatiques de la psyché
familiale. » - (A. Ruffiot, 1990, p. VII)
Moins actives que les thérapies systémiques, les thérapies familiales psychanalytiques
favorisent dans leur pratique l’expression symbolique plus que l’expression comportementale.
Elles partent de l’hypothèse que le trouble est à situer au niveau d’influences inconscientes à
l’intérieur du groupe familial, qu’il s’agit d’analyser pour amener à une guérison. De façon plus
générale, l’objectif sera de permettre à la famille de trouver ou de retrouver une meilleure
« circulation fantasmatique intra-groupale et intra-individuelle ».
3.4.5. Notons, enfin, que depuis quelques années se développent des thérapies
familiales comportementales, qui consistent en une transposition à la thérapie familiale des
techniques de renforcement et d’apprentissage mises au point par les thérapies comportementales et cognitives.
3.5. Les thérapies de la psychologie humaniste
Sous ce nom ou sous celui de « Mouvement du potentiel humain », on regroupe
diverses méthodes de psychothérapie, d’origine généralement nord-américaine, et qui se sont
développées en dehors des milieux « savants ». On y trouve principalement : la thérapie primale
ou « cri primal » (Janov), la bioénergie (Lowen), la Gestalt-thérapie (Perls), l’analyse
transactionnelle (Berne).
Les sources et influences sont également assez variées : la psychanalyse, la théorie du
développement des instincts de Maslow, les pratiques de training-groups, les groupes de
rencontre (Rogers), des techniques telles que l’expression dramatique, les techniques de
relaxation, les techniques de méditation.
Du point de vue de leurs conceptions étiologico-thérapeutiques, les thérapies
« humanistes » ont en commun plusieurs points :
 une conception intégrative de la vie psychique, s’opposant à une approche
intellectualiste, et qui fait largement appel aux expériences corporelles, sensorielles,
émotionnelles, relationnelles... ;
 une approche optimiste de l’être humain, supposé disposer en lui de possibilités
latentes qu’il va s’agir de révéler, d’affirmer et d’utiliser ;
 pour plusieurs d’entre elles, une importance accordée au groupe en tant que support
d’une expérience de rencontre et de vie communautaire.
Bien que ces pratiques affichent généralement une certaine indifférence à l’égard des
questions habituelles de la psychopathologie (d’où la méfiance et la réprobation des milieux
psychologiques et médicaux académiques), elles n’en constituent pas moins des systèmes
thérapeutiques à part entière. Elles intègrent une conception définie de l’homme et de ses
difficultés psychiques et comportementales éventuelles, et une conception tout aussi précise de
son mieux-être et des moyens pour y parvenir.
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