4.1. CALCUL DES VARIATIONS 4.1 4.1.1 1 Calcul des variations Minimiser la longueur d’arc Un exemple typique de problème est celui qui concerne les arcs de courbe paramétrées joignant deux points A et B du plan. Quelle est l’arc de longueur minimum ? Réponse : le segment de droite ! Posons le problème. Si l’arc est donné par f : t 7→ (x(t), y(t)) t ∈ [a, b], et f (a) = A, f (b) = B, on sait que la longueur de l’arc est Z bp L= x0 (t)2 + y 0 (t)2 dt a Le problème posé revient donc a minimiser cette intégrale relativement à la ”collection” des arcs d’extrémités A et B. Proposition 4.1.1. Pour tout arc comme indiqué ci-dessus, on a Z bp x0 (t)2 + y 0 (t)2 dt ≥ kB − Ak a avec égalité ssi l’arc est le segment de droite. Démonstration : On peut choisir les coordonnées de sorte que A = (α, 0), B = (β, 0), α < β. Alors Z bp Z b Z b x0 (t)2 + y 0 (t)2 dt ≥ |x0 (t)| dt ≥ x0 (t) dt = x(B) − x(A) = β − α a a a L’égalité impose à avoir l’égalité dans les deux inégalités, soit y 0 (t) = 0 pour tout t et |x0 (t)| = x0 (t). Donc y(t) est constante et x(t) est croissante. Comme y(a) = y(b) = 0, on voit que y(t) = 0. Donc la courbe paramétrée qui réalise le minimum est t ∈ [a, b] 7→ (x(t), 0). C’est le segment de droite [A, B] avec une certaine paramétrisation. Remarque : Si on appelle énergie de l’arc paramétré γ(t) = (x(t), y(t)) sur [0, 1] la quantité (dépendant du paramétrage contrairement à la longueur) Z 1 E(γ) = (x0 (t)2 + y 0 (t)2 ) dt 0 une preuve similaire (la faire) montrerait que l’arc paramétrée d’énergie minimale entre A et B est le segment entre A et B parcouru à vitesse constante. 4.1.2 Courbe de moindre énergie dans une famille Soit la famille des courbes paramétrées γs dépendant du paramètre s suivante t 7→ (t, ys (t)) définie sur [0, 1] où ys (t) = 3st2 + t. On cherche dans cette famille la courbe (s’il y en a une) d’énergie minimale. Ceci revient à chercher le minimum de la fonction de s suivante : Z 1 ϕ(s) = E(γs ) = (1 + (1 + 6st)2 ) dt 0 Un calcul facile donne ϕ(s) = 12s + 6s + 2 qui a un minimum pour ϕ0 (s) = 24s + 6 = 0 c’est-à-dire pour s = −1/4. Donc la courbe de la famille qui a l’énergie minimale est γ−1/4 d’énergie ϕ(−1/4) = 5/4. Dans cet exemple, on aurait pu calculer ϕ0 (s) en dérivant l’intégrale E(γs ) dépendant du paramètre s sous le signe somme ce qui aurait donné aussi : Z 1 Z 1 d 2 (1 + (1 + 6st) ) dt = 12t(1 + 6st) dt = 24s + 6 0 0 ds 2 mais cette façon là de calculer ϕ0 (s) dépend du résultat général qui suit. 4.1.3 Dérivée d’une intégrale dépendant d’un paramètre Soit f (t, s) une fonction de deux variables qui sera supposée de classe C 2 et définie sur [a, b] × [α, β]. On considère la fonction de s (le paramètre) définie par Z b ϕ(s) = f (t, s) dt a 2 On dit que ϕ(s) est définie comme intégrale dépendant du paramètre s. La question qui se pose si l’on veut étudier les variations et les extrema de ϕ(s) est de savoir si ϕ(s) est dérivable. La réponse est positive dans le résultat suivant Proposition 4.1.2. (Dérivation sous signe somme ) Soit f (t, s) une fonction de classe C 2 , la fonction Z b f (t, s) dt est dérivable et sa dérivée est donnée par la formule de dérivation sous signe somme : ϕ(s) = a ϕ0 (s) = Z a b ∂f (t, s) dt ∂s Démonstration : Soit s0 ∈ [α, β]. La formule de Taylor nous dit que ϕ(s0 +h)−ϕ(s0 ) = ∂f ∂2f (t, s0 )h+ 2 (t, c(t))h2 ∂s ∂s ∂2f est bornée sur [a, b] × [α, β] ce qui permet de ∂s2 ϕ(s + h) − ϕ(s ) ∂f 0 0 vérifier en divisant par h que ϕ0 (s0 ) = lim = (t, s0 ). s→s0 h ∂s où c(t) ∈ [α, β]. Nous admettrons que la fonction continue 4.1.4 Equation d’Euler-Lagrange Soit pour simplifier un arc γ qui représente le graphe d’une fonction t 7→ y(t) définie sur [a, b]. Il joint les points A = (a, y(a)) et B = (b, y(b)). On forme si f = f (x, y, z) : U ⊂ R3 → R est une fonction avec des dérivées partielles continues à l’ordre deux, l’intégrale Z b I(γ) = f (t, y(t), y 0 (t))dt a On dit que f (x, y, z) est le Lagrangien du problème. On cherche à minimiser I, c’est à dire trouver la fonction y0 (t) qui minimise l’intégrale. On note I = I(y) l’intégrale, faisant valoir le fait que la ”variable” est la fonction y(t). On sait que dans le cas classique un extremum atteint en y0 doit s’accompagner de dI =0 dy le symbole d n’est pas une dérivation, car la variable y n’est pas un scalaire, mais une fonction. Pour avoir la réponse, on va perturber y0 et demander que I(y0 ) soit un minimum. On considère une fonction d’une variable η(t) de classe C 2 , définie sur [a, b], et qui satisfait à η(a) = η(b) = 0. Cette fonction étant fixée, on considère l’intégrale dépendant du paramètre s : Z b ϕ(s) = f (t, y0 (t) + sη(t), y00 (t) + sη 0 (t))dt a Si y0 est la fonction qui minimise I(y), ceci veut dire en particulier que ϕ(s) est minimale en s = 0. Mais l’intégrale ϕ(s) dépendant du paramètre s est dérivable et a pour dérivée Z b ∂ ϕ0 (s) = (f (t, y0 (t) + sη(t), y00 (t) + sη 0 (t)))dt ∂s a On a : ∂ ∂f ∂f (f (t, y0 (t)+sη(t), y00 (t)+sη 0 (t))) = η(t) (t, y0 (t)+sη(t), y00 (t)+sη 0 (t))+η 0 (t) (t, y0 (t)+sη(t), y00 (t)+sη 0 (t)) ∂s ∂y ∂z Donc ϕ0 (0) = Z b η(t) a ∂f (t, y0 (t), y00 (t)) dt + ∂y Z a b η 0 (t) ∂f (t, y0 (t), y00 (t)) dt ∂z Par intégration par parties, on a : Z b h ib Z b ∂f ∂f d ∂f η 0 (t) (t, y0 (t), y00 (t)) dt = η(t) (t, y0 (t), y00 (t)) − η(t) (t, y0 (t), y00 (t) dt ∂z ∂z dt ∂z a a a et donc 0 Z ϕ (0) = a b ∂f d ∂f η(t) (t, y0 (t), y00 (t)) − (t, y0 (t), y00 (t) dt ∂y dt ∂z 4.1. CALCUL DES VARIATIONS 3 Si donc la fonction y0 réalise le minimum de I(y) alors pour toute fonction η(t) de classe C 2 , définie sur [a, b] satisfaisant à η(a) = η(b) = 0, on a Z b ∂f d ∂f η(t) (t, y0 (t), y00 (t)) − (t, y0 (t), y00 (t) dt = 0 ∂y dt ∂z a Une telle propriété entraine que pour tout t ∈ [a, b] ψ(t) = ∂f d ∂f (t, y0 (t), y00 (t)) − (t, y0 (t), y00 (t)) = 0 ∂y dt ∂z Ceci est facile à voir si f et y0 sont de classe C 3 car dans ce cas, on peut faire le choix η(t) = (t − a)2 (t − b)2 ψ(t) Z b et alors on a (t − a)2 (t − b)2 ψ 2 (t) dt = 0 ⇐⇒ ψ(t) = 0 ∀t ∈ [a, b] car ψ(t) est continue. a Donc une fonction y0 (t) qui minimise I(y) vérifie nécessairement l’équation différentielle du second ordre, dite de Euler-Lagrange : (EL) d ∂f ∂f (t, y, y 0 ) − (t, y, y 0 ) = 0 ∂y dt ∂z d ∂f ∂2f ∂2f ∂2f (t, y, y 0 ) = (t, y, y 0 ) + y 0 (t, y, y 0 ) + y 00 2 (t, y, y 0 ) dt ∂z ∂x∂z ∂y∂z ∂z Cette équation est simplement une condition nécessaire. Dans beaucoup de cas heureusement, f ne dépend pas de t, c’est-à-dire f = f (y, z). Alors par un calculsimple de dérivée, onnote que l’équation de dessus, jointe d ∂f ∂f = 0, équivaut à l’équation bien plus simple à y 0 (y, y 0 ) − f (y, y 0 ) = 0. Donc si f ne dépend pas de t : ∂t dt ∂z Dans cette équation, on peut écrire aussi (EL0 ) y 0 ∂f (y, y 0 ) − f (y, y 0 ) = Cte. ∂z qui reste une équation du premier ordre qui peut être encore assez compliquée ... √ Exemples 4.1.3. 1) f = 1 + z 2 . L’équation d’Euler-Lagrange devient p y0 1 p − 1 + y 02 = − p = cte 02 1+y 1 + y 02 c’est à dire y 0 = Cte, donc y(x) = cx + d. C’est le résultat de la section 1. s 1 + z2 2) La brachistochrone ou revoilà la cycloı̈de f = . On obtient dans ce cas l’équation différentielle y 0 y = r 2c − y . y pour une constante c. Pour avoirsla solution, on fait un changement de fonction y = c(1 − cos θ) L’équation r cos2 ( θ2 ) cos θ2 1 + cos θ θ θ 1 0 0 devient cθ sin θ = = soit 2cθ sin cos = , finalement θ0 (t) = qu’on peut 2 θ θ 1 − cos θ 2 2 sin ( 2 ) sin 2 2 sin2 θ2 interpréter comme dt θ = 2c sin2 dθ 2 La solution est t(θ) = c(θ − sin θ). Cela joint à y = c(1 − cos θ), montre que la solution est un arc de cycloı̈de. p 3) La caténoı̈de f = y 1 + z 2 . On cherche dans R3 muni du repère Oxyt la surface de révolution autour de l’axe Ot d’aire minimale parmi toutes les surfaces reliant les deux cercles de rayon R dans les plans t = −h et t = h. Si on pose y(t) la fonction qui décrit la trace d’une telle surface dans le plan Oyt, il est facile de voir que l’aire de cette surface est donnée p Rh par la formule A(y) = −h 2πy 1 + y 02 dt. L’équation d’Euler-Lagrange devient yy 02 p 1+ y 02 −y dont les solutions non constantes sont y(t) = p y 1 + y 02 = − p = Cte 1 + y 02 ch at . La constante a est déterminée par aR = ch ah. a 4 Figure 4.1 – Rampe de skate Figure 4.2 – Caténoı̈de 4.1.5 Principe de moindre action Au temps t, la quantité L(q, q̇) = où 1 2 mq̇ − V (q, q̇) 2 1 2 mq̇ est l’énergie cinétique et V (q, q̇) l’énergie potentielle est appelée le lagrangien du système. 2 L’action de la trajectoire entre t1 et t2 est la somme Z t2 S= L(q, q̇)dt t1 Il y a moindre action si Euler-Lagrange : q̇ ∂L(q, q̇) − L(q, q̇) = Cte ∂ q̇